Pour la procureure Fatou Bensouda, Ahmed al-Faqi al-Mahdi était un maillon clef de l'administration parallèle mise en place par Ansar Dine et Aqmi à Tombouctou en avril 2012 afin d'« exercer leur emprise sur la population de Tombouctou ». Ce dispositif comprenait notamment un tribunal islamique, une police islamique et une brigade des mœurs, une hesbah, en arabe, chargée de faire appliquer la charia.
C'est à la tête de cette brigade qu’Ahmed al-Faqi al-Mahdi a opéré jusqu'en septembre 2012. Il aurait également été très actif, explique l'accusation, au sein du tribunal islamique, car il faisait figure de spécialiste en religion. C'est d'ailleurs en vertu de cette réputation que cet ancien fonctionnaire de l'Education nationale a été recruté dès 2011 par Ansar Dine, car cela lui donnait un certain ascendant sur la population.
« Abou Tourab », comme on le surnommait, était alors en contact régulier avec les chefs d'Ansar Dine et Aqmi. Il aurait donc mis en œuvre le plan commun de destruction des mausolées. C'est lui qui aurait identifié et surveillé les cimetières les plus visités, défini l'ordre d'attaque des édifices et même écrit en personne le sermon sur la destruction de ces mausolées qui a été lu lors des prêches à Tombouctou le vendredi précédant le déclenchement de l'opération.
Entre satisfaction et déception
La tenue de l'audience ce lundi est une source de satisfaction beaucoup d'habitants de Tombouctou. « C’est une très bonne nouvelle, se réjouit un homme. Les mausolées comptent pour nous, ici, au Mali. Je me souviens de leur destruction, ça m’avait beaucoup touché, comme tous les Maliens d'ailleurs. Il faut les juger, il faut les punir. Quand on a constaté qu’on détruisait la mosquée et les mausolées, ça nous a fait très mal, il est important que la justice se prononce pour celui qui est en ce moment à la CPI et pour d’autres aussi qui ont réussi à fuir. »
Pour d'autres, c'est la déception car c'est uniquement pour la destructions des mausolées qu’Ahmed al-Faqi al-Mahdi a comparu devant la Cour pénale internationale. Pourtant, ce cadre du groupe jihadiste Ansar Dine est soupçonné d'avoir participé à d'autres crimes pendant la période d'occupation du Nord. « Ce n’est pas suffisant, juge un habitant de Tombouctou. Ces gens sont venus comme une vague qui a détruit le Nord-Mali. Ils ont commis des crimes plus graves, ils ont violé, fait des amputations et déstabilisé le pays. Il aurait donc fallu pour l’exemplarité qu’ils soient jugés pour tout cela. Ils ne sont pas seulement des iconoclastes, ce sont des assassins, des criminels qui ont commis des actions impunies jusque-là. Il faut aller au-delà de la démolition des mausolées. »
Rfi