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Mamadou Dia, ancien premier ministre du président sénégalais, Léopold Sédar Senghor

Avec Mamadou Dia, mort le 25 janvier à Dakar à l'âge de 98 ans, s'est éteint un personnage emblématique de l'histoire du Sénégal, dont l'itinéraire a une étonnante résonance actuelle. L'ascension puis la chute brutale de cet "humaniste marxiste", instituteur de formation, illustrent les chemins cahoteux de la démocratie et de l'émancipation économique dans l'Afrique francophone depuis les indépendances.


Rédigé par leral.net le Jeudi 29 Janvier 2009 à 01:13 | | 0 commentaire(s)|

Ancien premier ministre du président sénégalais Léopold Sédar, Mamadou Dia - ici, le 25 mars 2000 à Dakar - est mort le 25 janvier 2009 à Dakar.
Ancien premier ministre du président sénégalais Léopold Sédar, Mamadou Dia - ici, le 25 mars 2000 à Dakar - est mort le 25 janvier 2009 à Dakar.
La vie politique de celui qui, dès 1956, fut le premier chef d'un exécutif sénégalais, bascule le 17 décembre 1962. Ce jour-là, Mamadou Dia, président du conseil des ministres, fait face à la fronde des députés qui, ralliés au président Léopold Sédar Senghor, veulent le renverser en adoptant une motion de censure. M. Dia fait investir l'Assemblée par l'armée pour empêcher ce vote. Les soldats rallieront le président Senghor, qui fera arrêter son rival.

Agé de deux ans seulement, le régime parlementaire sénégalais n'aura pas survécu à la rivalité entre deux hommes pourtant complémentaires et longtemps compagnons. A Senghor, catholique, homme de discours, avaient échu les affaires internationales ; à Dia, musulman, homme de dossiers, la politique économique. Après la chute de Mamadou Dia, la démocratie marquera un recul : M. Senghor concentrera pour longtemps les pouvoirs de chef de l'Etat et de chef du gouvernement.

Traduit devant la Haute Cour de justice pour "tentative de coup d'Etat", Mamadou Dia et plusieurs de ses ministres, pourtant efficacement défendus par Robert Badinter et par Abdoulaye Wade, l'actuel président du Sénégal, seront lourdement condamnés.

En mai 1963, une peine de "déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée" mettra un terme au pouvoir de l'éphémère numéro deux du Sénégal indépendant. Mamadou Dia ne recouvrera la liberté qu'en 1974 avant d'être gracié deux ans plus tard. Son adversaire est alors au faîte du pouvoir.

L'éviction de l'ancien président du conseil sénégalais ne se résume pourtant pas à l'épilogue d'une rivalité. Elle témoigne de la difficulté du parlementarisme dans un régime de parti unique mais aussi d'une sourde lutte d'influence pour le contrôle des richesses.


"IMMENSE TRISTESSE"


Adoubé par le parti, Mamadou Dia estimait qu'il ne pouvait être destitué que par lui. Economiste se réclamant du socialisme, il préparait la sortie planifiée de l'économie arachidière bâtie par le colonisateur français et défendait le développement d'une agriculture vivrière. Un clivage que la récente crise alimentaire a fait resurgir au Sénégal.

En 1962 déjà, la remise en cause de la domination de l'arachide froissait les intérêts français et ceux de certains députés sénégalais. Ancien fondateur avec Senghor du Bloc populaire sénégalais (1948), sénateur français puis député à l'Assemblée nationale française (1949-1956), Mamadou Dia plaidait pour une rupture plus nette avec Paris. Dans un ouvrage publié en 1961, il analysait la difficulté des civilisations africaines à admettre "le fétichisme de l'argent qui est la grande tyrannie des civilisations dites évoluées".

Après son incarcération, il tenta en vain un retour en politique sous la bannière du "socialisme autogestionnaire", accusant le régime de défendre "la bourgeoisie au détriment des masses".

Magnanime, il avait manifesté une "immense tristesse" lors de la mort du président Senghor en 2001. Patriarche controversé, il dénonçait ces dernières années d'une plume virulente le libéralisme économique revendiqué par l'actuel président, Abdoulaye Wade.


Philippe Bernard Le Monde

Dates clés18 juillet 1910
Naissance à Khombole (Sénégal).

1962
Chute de son gouvernement.

1963
Condamné à la "déportation perpétuelle".

1976
Gracié.

25 janvier 2009
Mort à Dakar.


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