Wal Fadjri : La rentrée scolaire est fixée au 1er octobre 2009 pour le personnel enseignant. Mais des voix s’élèvent pour dénoncer la date choisie. A quoi riment ces contestations ?
Mamadou Diop Castro : Mais les dates n’ont pas été fixées de manière unilatérale parce qu’il y a une commission de consultation sur le découpage de l’année scolaire. Et c’est à cette occasion que de telles mesures sont prises. (…) Pour les dates retenues pour le démarrage de l’année scolaire, elles ont été retenues suite à une consultation à l’occasion d’une commission sur le découpage de l’année scolaire.
Wal Fadjri : Mais ces enseignants qui n’auraient pas perçu leur salaire, pourraient-ils être à leur poste à la date indiquée ?
Mamadou Diop Castro : C’est à ce niveau qu’il faut se poser des questions sur l’effectivité de la rentrée aux dates indiquées. Cela veut dire que tout le monde ne sera pas en place à l’heure indiquée. C’est soit lié aux jours qui sont retenus comme le 1er et le 5 octobre. Ce sera aussi valable pour les élèves. Parce que beaucoup de parents ne seront pas prêts le 5 octobre, surtout pour les élèves qui vont devoir effectuer des déplacements pour rejoindre leur établissement. D’autant plus qu’il y a également les frais d’inscription qui vont peser sur les bourses des parents puisque la rentrée, c’est une semaine après la Korité. N’oubliez pas que le mois de ramadan est éprouvant pour les musulmans. Il y aura beaucoup de facteurs qui vont peser sur la rentrée.
Cependant, il faut reconnaître que démarrer tôt, avec les fluctuations, permet de commencer les cours dans la deuxième quinzaine du mois d’octobre. Si on avait renvoyé l’ouverture à la deuxième quinzaine, c’est sûr que les travaux ne démarreront dans certains établissements qu’au mois de novembre. Il y a ces précautions à prendre. Mais dans tous les cas, le mal est fait. Et il faut limiter les dégâts. Limiter les dégâts, c’est anticiper sur la rentrée pour que le personnel soit en place et que les cours puissent démarrer, dans le meilleur des cas, une semaine après la date indiquée. Seulement, ce ne sera pas le cas au niveau des écoles privées où les gens prennent des dispositions et démarrent même aux dates indiquées. Mais dans les écoles publiques, c’est difficile d’arriver à de telles performances. Il y a également les inondations qui vont peser…
Wal Fadjri : Le fait que certaines écoles soient inondées ou occupées par des sinistrés, ne risque-t-il pas d’entraîner une rentrée scolaire à deux vitesses ?
Mamadou Diop Castro : Ce sera une rentrée effectivement à deux vitesses. Soit dit en passant, il y a lieu de regretter que certains chefs d’établissement refusent de mettre leur école à la disposition des populations sinistrées. C’est dommage du point de vue de la solidarité et de l’assistance à des personnes en situation difficile. Mais le constat est que ces écoles sont à l’abri d’une occupation qui crée des difficultés à l’ouverture des classes. Il y en aura moins cette année parce qu’à Dakar, des écoles ont pu être utilisées pour abriter des sinistrés. A Kaolack, j’en ai vu. Mais si les autorités ne prennent pas des dispositions, les écoles ne seront pas libérées à temps et les cours ne pourront pas démarrer dans ces établissements. Il relève maintenant des autorités municipales et gouvernementales de trouver des mesures pour reloger les sinistrés dans des sites aménagés. C’est le retard dans l’aménagement de ces sites qui fait que, souvent, les écoles sont encore occupées à la rentrée des classes. Pourtant, cette occupation devait être provisoire, le temps d’aménager ailleurs. Malheureusement, dans notre pays, on n’en aménage pas et les écoles sont utilisées. Et au final, les populations sont même ‘chassées’ des écoles par les parents d’élèves et les enseignants qui veulent disposer des locaux. Ce sont des désagréments qui ne sont pas souhaitables. L’un dans l’autre, cela crée une situation difficile où la solidarité doit s’exprimer ou également l’éducation doit pouvoir se réaliser.
Dans tous les cas, ce sont les pouvoirs publics qui sont responsables de telles situations et doivent prendre des mesures soit préventives soit curatives et articuler les intérêts des populations qui offrent leurs services aux besoins des populations sinistrés qui doivent être assistées.
Wal Fadjri : Comment se présente la rentrée de cette année sur le plan syndical ? Y a-t-il risque de perturbation ?
Mamadou Diop Castro : Ce n’est pas exagéré de le dire, la rentrée est lourde de dangers. Parce que les dispositifs qui avaient été mis en place pour rentabiliser les vacances et créer les conditions d’une bonne année scolaire 2009-2010, ne sont pas réunis. A 72 heures de la signature du protocole d’accord entre les cadres unitaires des syndicats de l’enseignement et le gouvernement, un remaniement est intervenu au niveau de la Fonction publique. Nous devions nous retrouver le 14 septembre dernier pour parapher les documents et mettre en place la commission des suivis et faire en sorte que les accords soient appliqués dans les conditions souhaitées avec une planification et une bonne gestion du climat social. Ce schéma est perturbé par la volonté des pouvoirs publics de faire de l’instabilité un mode de gestion des affaires publiques. Avec des conséquences sur la carrière des agents de l’Etat. Ainsi, les documents qui avaient été introduits au temps d’Innocence Ntap Ndiaye qui ont été repris pour qu’Habib Sy puisse les signer, vont devoir reprendre le circuit pour que le nouveau ministre puisse les signer. Qu’est-ce que cela va coûter aux agents de l’Etat du point de vue des avancements, des arrêtés de reclassement et même des actes de radiation pour ceux qui vont à la retraite et vont avoir des retards de paiement de leur pension parce que ça travaille mal au niveau du ministère de la Fonction publique ? Les relations professionnelles sont hypothéquées par cette manière cavalière de gérer le dialogue social.
Pour que le dialogue puisse être fructueux, il faut que les mécanismes soient huilés, que le partenariat soit mis en œuvre dans les conditions souhaitées et que chaque partie respecte les règes du jeu. Mais les pouvoirs publics mettent toujours les partenaires devant le fait accompli. C’est pourquoi, le cadre unitaire n’a pas manqué de sortir une déclaration, lors de sa dernière plénière, pour fustiger un tel état de fait et attirer l’attention des populations et de l’opinion sur les menaces qui pèsent sur l’année scolaire. L’Uden, dans son communiqué du 16 septembre, est allée dans la même direction.
C’est dire donc que si l’on n’y prend garde, nous nous acheminons vers une année difficile parce que le gouvernement n’aura pas pris les dispositions pour pouvoir mettre en place le cadre de concertation, de consultation et le suivi des accords. D’autant plus que le Comité national pour le dialogue social nous a réunis encore une fois à Saly pour un climat apaisé dans le système éducatif. Les recommandations ont été faites et si le gouvernement commence à se comporter de cette manière, il faut désespérer de ceux-là qui nous gouvernent.
Wal Fadjri : La stabilité du département de la Fonction publique ne devrait-elle pas être une revendication de l’intersyndicale eu égard à son importance dans le règlement des conflits sociaux ?
Mamadou Diop Castro : C’est une revendication. D’ailleurs, nous avons toujours dénoncé les remaniements intempestifs, surtout à la tête de certains ministères qui gèrent des questions stratégiques. La paix sociale est fondamentale pour le développement économique et social d’un pays. Et notre pays qui a opté pour le dialogue social, a mis en place des mécanismes comme le Comité national pour le dialogue social, la Charte sociale entre les employeurs, l’Etat et les organisations syndicales. Malheureusement, le dispositif ne fonctionne pas parce que le gouvernement ne prend pas les dispositions qu’il faut pour y arriver. C’est d’abord l’instabilité au niveau des gens qui sont chargés de mettre en œuvre ces mécanismes. Le ministère de la Fonction publique, c’est important. Le ministère de l’Education, c’est important, mais la difficulté que nous avons au niveau de ce ministère, c’est l’éclatement des centres de décision. Il y a une tentative de restructuration avec le retour de l’Alphabétisation au ministère de l’Education, mais il y a la petite enfance qui est logée à la présidence de la République, ce qui crée un déséquilibre au sein de la petite enfance. Il y a la coordination entre les différents ministères. Entre le ministère de l’Education et celui de l’Enseignement supérieur, vous savez qu’il n’y a pas une bonne collaboration. D’autant que le ministre de l’Enseignement supérieur nargue les organisations syndicales et même les enseignants. Il n’y a pas eu de rencontre avec l’Uden depuis octobre-septembre 2007, malgré les demandes d’audience et les demandes de rencontres. Le ministre de l’Enseignement supérieur a préféré faire la sourde oreille et refuse de rencontrer les organisations syndicale qui se battent.
Wal Fadjri : Pourquoi ?
Mamadou Diop Castro : A cause de l’instauration du clientélisme, du népotisme et de la corruption. Parce que le ministre de l’Enseignement supérieur, Moustapha Sourang, choisit les syndicats avec qui il travaille, en foulant au pied les principes de la gestion démocratique et même les principes de la convention sur les droits à la négociation collective. Nous avons fustigé cette attitude. Nous avons également toutes les difficultés à rencontrer le ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle qui n’associe même pas les syndicats dans les Crd préparatoires de la rentrée. La difficulté dans ce pays, c’est la faiblesse institutionnelle, c’est le manque d’expérience et de culture démocratique des gouvernants, c’est l’insuffisance de la pression que l’opinion doit exercer sur les pouvoirs publics pour les amener à la définition et à la mise en œuvre d’une bonne politique éducative. C’est aussi la faiblesse des organisations syndicales dont l’éparpillement a créé un affaiblissement dans l’occupation du terrain et dans la capacité de mobilisation. C’est tout cela à la fois qui fonde cette démarche des pouvoirs publics qui ne tiennent pas compte des intérêts des populations, ni des mécanismes qui sont mis en place et qui évoluent en fonction de leurs intérêts du moment.
Wal Fadjri : C’est dire qu’il risque d’y avoir des perturbations cette année encore ?
Mamadou Diop Castro : Nous ne le souhaitons pas parce que les populations s’interrogent et s’inquiètent. Les apprenants s’interrogent et s’inquiètent sur les perturbations durables dans le secteur éducatif. L’opinion s’interroge sur le devenir de l’éducation dans notre pays. Les enseignants eux-mêmes commencent à s’inquiéter sur leur force de mission et par rapport à des gouvernants peu soucieux de l’intérêt national. Qu’est-ce qu’il faut faire ? C’est pour cette raison que, lors de la signature du protocole du 26 mai, les organisations syndicales avaient émis des réserves quand le gouvernement sollicitait une trêve. La trêve doit découler de l’attitude du gouvernement à respecter ses engagements et à promouvoir un dialogue social de qualité. L’agitation n’est que la conséquence de la rupture du dialogue ou de l’insuffisance des propositions ou du non-respect des accords. Nous avions commencé à y réfléchir, mais nous avons commencé à nous désillusionner parce que le partenaire ne joue pas le jeu. Et ce jusqu’à la désignation des organisations syndicales devant siéger au Conseil économique et social. Sur quelle base l’ont-ils fait ? Les organisations syndicales ont été mises devant le fait accompli. Les représentants des organisations syndicales ont été désignés n’importe comment. Les leaders syndicaux ont été cooptés sans l’avis de leur organisation syndicale, et dans le secteur de l’enseignement, des leaders syndicaux ont été choisis à partir de critères fantaisistes. Et c’est le ministère de l’Education qui dit être à la base de cela. Ce sont là des difficultés dans la gestion des relations professionnelles.
Wal Fadjri : Ne faut-il pas en imputer la faute aux responsables syndicaux qui ont accepté de siéger au Ces sans l’avis de leur organisation ?
Mamadou Diop Castro : Chacun va en tirer les conséquences au niveau des organisations. La démocratie syndicale devrait exiger des leaders syndicaux des comportements plus en adéquation avec le principe de fonctionnement de leur organisation. On ne doit pas répondre à un décret signé par le chef de l’Etat sans s’en référer à l’organisation. C’est une première erreur que l’on peut noter au niveau des leaders syndicaux. Concernant l’avis des organisations, il doit être sollicité avant l’installation du Conseil économique et social, que cela soit favorable ou défavorable. L’essentiel est que chaque organisation le règle à sa manière. Les gens peuvent souverainement prendre la décision d’accepter que leur responsable de syndicat siège mais, dans tous les cas, l’avis devrait être sollicité avant la réponse au décret et il ne revient pas au chef de l’Etat de choisir à la place des organisations. Seulement, il y a beaucoup de failles dans la gestion des organisations syndicales et beaucoup de fantaisies compte tenu de la nature de ces organisations, mais la démocratie doit pouvoir jouer. Et nous devons rester vigilants face aux manœuvres de destabilisation du pouvoir. Quatre organisations syndicales de l’enseignement choisies. Pourquoi seulement ces organisations et pourquoi seulement de l’enseignement ? Parce qu’il y a d’autres segments de la société dont la présence au Conseil économique et social pouvait être bénéfique. Mais pourquoi tout simplement des organisations de base de l’enseignement et non pas des autres ? (A suivre)
Mamadou Diop Castro : Mais les dates n’ont pas été fixées de manière unilatérale parce qu’il y a une commission de consultation sur le découpage de l’année scolaire. Et c’est à cette occasion que de telles mesures sont prises. (…) Pour les dates retenues pour le démarrage de l’année scolaire, elles ont été retenues suite à une consultation à l’occasion d’une commission sur le découpage de l’année scolaire.
Wal Fadjri : Mais ces enseignants qui n’auraient pas perçu leur salaire, pourraient-ils être à leur poste à la date indiquée ?
Mamadou Diop Castro : C’est à ce niveau qu’il faut se poser des questions sur l’effectivité de la rentrée aux dates indiquées. Cela veut dire que tout le monde ne sera pas en place à l’heure indiquée. C’est soit lié aux jours qui sont retenus comme le 1er et le 5 octobre. Ce sera aussi valable pour les élèves. Parce que beaucoup de parents ne seront pas prêts le 5 octobre, surtout pour les élèves qui vont devoir effectuer des déplacements pour rejoindre leur établissement. D’autant plus qu’il y a également les frais d’inscription qui vont peser sur les bourses des parents puisque la rentrée, c’est une semaine après la Korité. N’oubliez pas que le mois de ramadan est éprouvant pour les musulmans. Il y aura beaucoup de facteurs qui vont peser sur la rentrée.
Cependant, il faut reconnaître que démarrer tôt, avec les fluctuations, permet de commencer les cours dans la deuxième quinzaine du mois d’octobre. Si on avait renvoyé l’ouverture à la deuxième quinzaine, c’est sûr que les travaux ne démarreront dans certains établissements qu’au mois de novembre. Il y a ces précautions à prendre. Mais dans tous les cas, le mal est fait. Et il faut limiter les dégâts. Limiter les dégâts, c’est anticiper sur la rentrée pour que le personnel soit en place et que les cours puissent démarrer, dans le meilleur des cas, une semaine après la date indiquée. Seulement, ce ne sera pas le cas au niveau des écoles privées où les gens prennent des dispositions et démarrent même aux dates indiquées. Mais dans les écoles publiques, c’est difficile d’arriver à de telles performances. Il y a également les inondations qui vont peser…
Wal Fadjri : Le fait que certaines écoles soient inondées ou occupées par des sinistrés, ne risque-t-il pas d’entraîner une rentrée scolaire à deux vitesses ?
Mamadou Diop Castro : Ce sera une rentrée effectivement à deux vitesses. Soit dit en passant, il y a lieu de regretter que certains chefs d’établissement refusent de mettre leur école à la disposition des populations sinistrées. C’est dommage du point de vue de la solidarité et de l’assistance à des personnes en situation difficile. Mais le constat est que ces écoles sont à l’abri d’une occupation qui crée des difficultés à l’ouverture des classes. Il y en aura moins cette année parce qu’à Dakar, des écoles ont pu être utilisées pour abriter des sinistrés. A Kaolack, j’en ai vu. Mais si les autorités ne prennent pas des dispositions, les écoles ne seront pas libérées à temps et les cours ne pourront pas démarrer dans ces établissements. Il relève maintenant des autorités municipales et gouvernementales de trouver des mesures pour reloger les sinistrés dans des sites aménagés. C’est le retard dans l’aménagement de ces sites qui fait que, souvent, les écoles sont encore occupées à la rentrée des classes. Pourtant, cette occupation devait être provisoire, le temps d’aménager ailleurs. Malheureusement, dans notre pays, on n’en aménage pas et les écoles sont utilisées. Et au final, les populations sont même ‘chassées’ des écoles par les parents d’élèves et les enseignants qui veulent disposer des locaux. Ce sont des désagréments qui ne sont pas souhaitables. L’un dans l’autre, cela crée une situation difficile où la solidarité doit s’exprimer ou également l’éducation doit pouvoir se réaliser.
Dans tous les cas, ce sont les pouvoirs publics qui sont responsables de telles situations et doivent prendre des mesures soit préventives soit curatives et articuler les intérêts des populations qui offrent leurs services aux besoins des populations sinistrés qui doivent être assistées.
Wal Fadjri : Comment se présente la rentrée de cette année sur le plan syndical ? Y a-t-il risque de perturbation ?
Mamadou Diop Castro : Ce n’est pas exagéré de le dire, la rentrée est lourde de dangers. Parce que les dispositifs qui avaient été mis en place pour rentabiliser les vacances et créer les conditions d’une bonne année scolaire 2009-2010, ne sont pas réunis. A 72 heures de la signature du protocole d’accord entre les cadres unitaires des syndicats de l’enseignement et le gouvernement, un remaniement est intervenu au niveau de la Fonction publique. Nous devions nous retrouver le 14 septembre dernier pour parapher les documents et mettre en place la commission des suivis et faire en sorte que les accords soient appliqués dans les conditions souhaitées avec une planification et une bonne gestion du climat social. Ce schéma est perturbé par la volonté des pouvoirs publics de faire de l’instabilité un mode de gestion des affaires publiques. Avec des conséquences sur la carrière des agents de l’Etat. Ainsi, les documents qui avaient été introduits au temps d’Innocence Ntap Ndiaye qui ont été repris pour qu’Habib Sy puisse les signer, vont devoir reprendre le circuit pour que le nouveau ministre puisse les signer. Qu’est-ce que cela va coûter aux agents de l’Etat du point de vue des avancements, des arrêtés de reclassement et même des actes de radiation pour ceux qui vont à la retraite et vont avoir des retards de paiement de leur pension parce que ça travaille mal au niveau du ministère de la Fonction publique ? Les relations professionnelles sont hypothéquées par cette manière cavalière de gérer le dialogue social.
Pour que le dialogue puisse être fructueux, il faut que les mécanismes soient huilés, que le partenariat soit mis en œuvre dans les conditions souhaitées et que chaque partie respecte les règes du jeu. Mais les pouvoirs publics mettent toujours les partenaires devant le fait accompli. C’est pourquoi, le cadre unitaire n’a pas manqué de sortir une déclaration, lors de sa dernière plénière, pour fustiger un tel état de fait et attirer l’attention des populations et de l’opinion sur les menaces qui pèsent sur l’année scolaire. L’Uden, dans son communiqué du 16 septembre, est allée dans la même direction.
C’est dire donc que si l’on n’y prend garde, nous nous acheminons vers une année difficile parce que le gouvernement n’aura pas pris les dispositions pour pouvoir mettre en place le cadre de concertation, de consultation et le suivi des accords. D’autant plus que le Comité national pour le dialogue social nous a réunis encore une fois à Saly pour un climat apaisé dans le système éducatif. Les recommandations ont été faites et si le gouvernement commence à se comporter de cette manière, il faut désespérer de ceux-là qui nous gouvernent.
Wal Fadjri : La stabilité du département de la Fonction publique ne devrait-elle pas être une revendication de l’intersyndicale eu égard à son importance dans le règlement des conflits sociaux ?
Mamadou Diop Castro : C’est une revendication. D’ailleurs, nous avons toujours dénoncé les remaniements intempestifs, surtout à la tête de certains ministères qui gèrent des questions stratégiques. La paix sociale est fondamentale pour le développement économique et social d’un pays. Et notre pays qui a opté pour le dialogue social, a mis en place des mécanismes comme le Comité national pour le dialogue social, la Charte sociale entre les employeurs, l’Etat et les organisations syndicales. Malheureusement, le dispositif ne fonctionne pas parce que le gouvernement ne prend pas les dispositions qu’il faut pour y arriver. C’est d’abord l’instabilité au niveau des gens qui sont chargés de mettre en œuvre ces mécanismes. Le ministère de la Fonction publique, c’est important. Le ministère de l’Education, c’est important, mais la difficulté que nous avons au niveau de ce ministère, c’est l’éclatement des centres de décision. Il y a une tentative de restructuration avec le retour de l’Alphabétisation au ministère de l’Education, mais il y a la petite enfance qui est logée à la présidence de la République, ce qui crée un déséquilibre au sein de la petite enfance. Il y a la coordination entre les différents ministères. Entre le ministère de l’Education et celui de l’Enseignement supérieur, vous savez qu’il n’y a pas une bonne collaboration. D’autant que le ministre de l’Enseignement supérieur nargue les organisations syndicales et même les enseignants. Il n’y a pas eu de rencontre avec l’Uden depuis octobre-septembre 2007, malgré les demandes d’audience et les demandes de rencontres. Le ministre de l’Enseignement supérieur a préféré faire la sourde oreille et refuse de rencontrer les organisations syndicale qui se battent.
Wal Fadjri : Pourquoi ?
Mamadou Diop Castro : A cause de l’instauration du clientélisme, du népotisme et de la corruption. Parce que le ministre de l’Enseignement supérieur, Moustapha Sourang, choisit les syndicats avec qui il travaille, en foulant au pied les principes de la gestion démocratique et même les principes de la convention sur les droits à la négociation collective. Nous avons fustigé cette attitude. Nous avons également toutes les difficultés à rencontrer le ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle qui n’associe même pas les syndicats dans les Crd préparatoires de la rentrée. La difficulté dans ce pays, c’est la faiblesse institutionnelle, c’est le manque d’expérience et de culture démocratique des gouvernants, c’est l’insuffisance de la pression que l’opinion doit exercer sur les pouvoirs publics pour les amener à la définition et à la mise en œuvre d’une bonne politique éducative. C’est aussi la faiblesse des organisations syndicales dont l’éparpillement a créé un affaiblissement dans l’occupation du terrain et dans la capacité de mobilisation. C’est tout cela à la fois qui fonde cette démarche des pouvoirs publics qui ne tiennent pas compte des intérêts des populations, ni des mécanismes qui sont mis en place et qui évoluent en fonction de leurs intérêts du moment.
Wal Fadjri : C’est dire qu’il risque d’y avoir des perturbations cette année encore ?
Mamadou Diop Castro : Nous ne le souhaitons pas parce que les populations s’interrogent et s’inquiètent. Les apprenants s’interrogent et s’inquiètent sur les perturbations durables dans le secteur éducatif. L’opinion s’interroge sur le devenir de l’éducation dans notre pays. Les enseignants eux-mêmes commencent à s’inquiéter sur leur force de mission et par rapport à des gouvernants peu soucieux de l’intérêt national. Qu’est-ce qu’il faut faire ? C’est pour cette raison que, lors de la signature du protocole du 26 mai, les organisations syndicales avaient émis des réserves quand le gouvernement sollicitait une trêve. La trêve doit découler de l’attitude du gouvernement à respecter ses engagements et à promouvoir un dialogue social de qualité. L’agitation n’est que la conséquence de la rupture du dialogue ou de l’insuffisance des propositions ou du non-respect des accords. Nous avions commencé à y réfléchir, mais nous avons commencé à nous désillusionner parce que le partenaire ne joue pas le jeu. Et ce jusqu’à la désignation des organisations syndicales devant siéger au Conseil économique et social. Sur quelle base l’ont-ils fait ? Les organisations syndicales ont été mises devant le fait accompli. Les représentants des organisations syndicales ont été désignés n’importe comment. Les leaders syndicaux ont été cooptés sans l’avis de leur organisation syndicale, et dans le secteur de l’enseignement, des leaders syndicaux ont été choisis à partir de critères fantaisistes. Et c’est le ministère de l’Education qui dit être à la base de cela. Ce sont là des difficultés dans la gestion des relations professionnelles.
Wal Fadjri : Ne faut-il pas en imputer la faute aux responsables syndicaux qui ont accepté de siéger au Ces sans l’avis de leur organisation ?
Mamadou Diop Castro : Chacun va en tirer les conséquences au niveau des organisations. La démocratie syndicale devrait exiger des leaders syndicaux des comportements plus en adéquation avec le principe de fonctionnement de leur organisation. On ne doit pas répondre à un décret signé par le chef de l’Etat sans s’en référer à l’organisation. C’est une première erreur que l’on peut noter au niveau des leaders syndicaux. Concernant l’avis des organisations, il doit être sollicité avant l’installation du Conseil économique et social, que cela soit favorable ou défavorable. L’essentiel est que chaque organisation le règle à sa manière. Les gens peuvent souverainement prendre la décision d’accepter que leur responsable de syndicat siège mais, dans tous les cas, l’avis devrait être sollicité avant la réponse au décret et il ne revient pas au chef de l’Etat de choisir à la place des organisations. Seulement, il y a beaucoup de failles dans la gestion des organisations syndicales et beaucoup de fantaisies compte tenu de la nature de ces organisations, mais la démocratie doit pouvoir jouer. Et nous devons rester vigilants face aux manœuvres de destabilisation du pouvoir. Quatre organisations syndicales de l’enseignement choisies. Pourquoi seulement ces organisations et pourquoi seulement de l’enseignement ? Parce qu’il y a d’autres segments de la société dont la présence au Conseil économique et social pouvait être bénéfique. Mais pourquoi tout simplement des organisations de base de l’enseignement et non pas des autres ? (A suivre)