Le mariage est une institution. Au-delà du bonheur qu’il procure, il s’agit d’une union scellée au vu et su de tout le monde, plus particulièrement des familles concernées.
Cependant, tout semble changer avec la nouvelle tendance du «Tak Souf». Profanes et religieux, chacun y va de son avis.
Déception, drame… Cela arrive souvent dans les relations homme-femme. Surtout lorsqu’il s’agit d’un mariage «caché». Beaucoup d’hommes se marient en seconde ou troisième noces sans que leur famille ne soit au courant.
Fatou Kiné Seck, 64 ans a vécu l’expérience. «J’ai perdu mon mari, il y a quelques années. Après le deuil, je me suis lancée dans le commerce. Au cours de mes voyages, j’ai rencontré un homme qui travaillait dans la Fonction publique. Quelques mois plus tard, on s’est marié à la Médina. Il ne m’avait pas caché qu’il avait deux autres épouses dont une qui vivait à Kaolack, dans la maison familiale. Sauf que mes co-épouses ainsi que ma belle-famille, ignoraient tout de mon existence.»
Elle poursuit : «Je connaissais son frère cadet, qui venait chez moi de temps à autre.» Puis, ce fut le début du cauchemar pour Fatou Kiné Seck. « Une fois affecté en Casamance, les choses commencent à changer. Il ne m’appellait presque plus et ne venait que tous les trois mois pour faire moins d’une semaine. C’est ainsi que j’ai décidé d’aller le rejoindre dans la région du sud avec l’aide de son frère. Il se trouve que mon mari qui me disait être occupé par son travail pour justifier son silence, sortait avec une autre femme et s’apprêtait même à l’épouser», narre-t-elle. Elle se résigne, tout en espérant que le mari va peut-être changer. Fatou Kiné Seck a pris cette dernière option. Mais, c’était loin d’être un long fleuve tranquille.
«Au fil du temps, sa relation avec sa maîtresse s’est cassée. Etant malade, je suis revenue à Dakar. Et quelques jours après, je l’ai appelé pour lui annoncer ma grossesse après cinq ans de mariage. Il demande comment cela a pu m’arriver et me signifie qu’il ne peut pas accueillir un futur nouveau-né», raconte Fatou Kiné Seck. Avant d’ajouter : «J’étais choquée mais je n’ai rien dit à ma famille. Mon mari ne voulait rien savoir de ma grossesse. Il m’envoyait juste des messages pour s’enquérir de mon état de santé et celui de mon père malade. Je prenais de l’argent qu’il m’envoyait pour mes besoins, pour pouvoir supporter ma grossesse. Je passais des moments difficiles».
Le supplice continue: «Après la naissance de ma fille, j’ai acheté un bélier avec mon propre argent pour le baptême. Quelques mois après, mon père a tout su. Il a appelé mon mari pour en finir avec notre union. Il a pleuré avant de demander pardon ».
«A la mort de sa mère, il est venu me le dire en pleurant. J’ai eu pitié de lui. Et le 8ème jour de deuil, je suis allée à leur village pour présenter mes condoléances. Il ne m’avait pas accueillie dans la maison familiale, mais plutôt chez son grand-frère. C’est ainsi que j’ai compris que presque personne n’était au courant de notre union.» Fatou Kiné Seck ajoute : «Quant à sa première femme, elle ne voulait pas me rencontrer ce jour-là. Par contre, moi, j’étais prête à la rencontrer.» Aujourd’hui, la fille issue de cette union cachée travaille dans une très grande entreprise du Sénégal.
Cette souffrance de Fatou Kiné Seck, d’autres femmes la vivent au quotidien, mais tentent malgré tout de sauver leurs ménages pour ne pas perturber leur progéniture.
Le regard de la société
Amadou Aly Diallo est étudiant en deuxième année en communication. Il estime que le mariage caché peut être considéré comme une faiblesse chez les personnes qui le pratiquent. «Toute union entre deux personnes doit être célébrée pour que les autres prétendants de la fille puissent savoir qu’elle est maintenant liée à une autre personne. D’autre part, je pense qu’un homme responsable doit avoir le courage de dire la vérité à sa famille, surtout à sa femme», tranche Amadou Aly Diallo. Aminata Bodian est âgée de 28 ans. Elle n’est pas loin d’accabler ses sœurs. Parce que, selon elle, à force de vouloir les retenir, leurs maris finissent par se marier en cachette. «Il est difficile de canaliser les hommes surtout quand ils ont leur propre véhicule. Ils peuvent se marier, passer des demi-journées avec leur nouvelle femme à votre insu, ou pire organiser un voyage pour passer des nuits de noces avec leur épouse cachée», justifie-t-elle.
TROIS QUESTIONS A…
BABACAR NGOM, IMAM A THIAROYE AZUR
Toute personne est libre de se remarier
WalfQuotidien : Le mariage caché commence à prendre de l’ampleur au Sénégal. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ?
Imam Babacar NGOM : Il est difficile d’y répondre. Parce qu'au Sénégal, chacun interprète la religion comme il le sent. Mais, il y a des préalables à respecter vis-à-vis des femmes, car elles doivent être traitées de la même façon. Si Dieu permet à l’homme qui en a les moyens de marier jusqu’à quatre épouses, pourquoi faire les choses secrètement ? Pour moi, c’est un signe de faiblesse, un manque de foi car ce que tu ne caches pas à Dieu, tu ne dois pas le cacher aux humains. C’est quand on délaisse les paroles de Dieu pour signer avec les lois de la vie à la mairie, on est obligé de se marier en cachette.
Cette forme d’union secrète est-elle reconnue par l’Islam ?
Oui. Mais, à condition que ces trois préalables soient réunis. D’abord, qu’il y ait des témoins des deux parties. Ensuite, que les parents et les intéressés eux-mêmes soient d’accord. Enfin, que la femme soit dotée. A partir de là, l’islam reconnait le mariage quel que soit le lieu. Et tous les enfants issus de cette union seront des héritiers légaux de l’homme, même si le mari avait signé la monogamie avec sa première épouse.
Quel conseil donnez-vous aux hommes ?
Chaque personne est libre de se remarier si elle a les moyens de respecter les obligations imposées par l’Islam. Mais, il faut penser au futur, à la confusion que vous pouvez semer dans votre famille, au respect et à l’amour qui pourraient se transformer en haine. Si un homme veut se marier sans dire la vérité à sa famille, mieux vaut ne pas le faire. Parce que si on le fait, on se rend chez sa femme comme si on allait voir sa copine.
WalfFadjri
Cependant, tout semble changer avec la nouvelle tendance du «Tak Souf». Profanes et religieux, chacun y va de son avis.
Déception, drame… Cela arrive souvent dans les relations homme-femme. Surtout lorsqu’il s’agit d’un mariage «caché». Beaucoup d’hommes se marient en seconde ou troisième noces sans que leur famille ne soit au courant.
Fatou Kiné Seck, 64 ans a vécu l’expérience. «J’ai perdu mon mari, il y a quelques années. Après le deuil, je me suis lancée dans le commerce. Au cours de mes voyages, j’ai rencontré un homme qui travaillait dans la Fonction publique. Quelques mois plus tard, on s’est marié à la Médina. Il ne m’avait pas caché qu’il avait deux autres épouses dont une qui vivait à Kaolack, dans la maison familiale. Sauf que mes co-épouses ainsi que ma belle-famille, ignoraient tout de mon existence.»
Elle poursuit : «Je connaissais son frère cadet, qui venait chez moi de temps à autre.» Puis, ce fut le début du cauchemar pour Fatou Kiné Seck. « Une fois affecté en Casamance, les choses commencent à changer. Il ne m’appellait presque plus et ne venait que tous les trois mois pour faire moins d’une semaine. C’est ainsi que j’ai décidé d’aller le rejoindre dans la région du sud avec l’aide de son frère. Il se trouve que mon mari qui me disait être occupé par son travail pour justifier son silence, sortait avec une autre femme et s’apprêtait même à l’épouser», narre-t-elle. Elle se résigne, tout en espérant que le mari va peut-être changer. Fatou Kiné Seck a pris cette dernière option. Mais, c’était loin d’être un long fleuve tranquille.
«Au fil du temps, sa relation avec sa maîtresse s’est cassée. Etant malade, je suis revenue à Dakar. Et quelques jours après, je l’ai appelé pour lui annoncer ma grossesse après cinq ans de mariage. Il demande comment cela a pu m’arriver et me signifie qu’il ne peut pas accueillir un futur nouveau-né», raconte Fatou Kiné Seck. Avant d’ajouter : «J’étais choquée mais je n’ai rien dit à ma famille. Mon mari ne voulait rien savoir de ma grossesse. Il m’envoyait juste des messages pour s’enquérir de mon état de santé et celui de mon père malade. Je prenais de l’argent qu’il m’envoyait pour mes besoins, pour pouvoir supporter ma grossesse. Je passais des moments difficiles».
Le supplice continue: «Après la naissance de ma fille, j’ai acheté un bélier avec mon propre argent pour le baptême. Quelques mois après, mon père a tout su. Il a appelé mon mari pour en finir avec notre union. Il a pleuré avant de demander pardon ».
«A la mort de sa mère, il est venu me le dire en pleurant. J’ai eu pitié de lui. Et le 8ème jour de deuil, je suis allée à leur village pour présenter mes condoléances. Il ne m’avait pas accueillie dans la maison familiale, mais plutôt chez son grand-frère. C’est ainsi que j’ai compris que presque personne n’était au courant de notre union.» Fatou Kiné Seck ajoute : «Quant à sa première femme, elle ne voulait pas me rencontrer ce jour-là. Par contre, moi, j’étais prête à la rencontrer.» Aujourd’hui, la fille issue de cette union cachée travaille dans une très grande entreprise du Sénégal.
Cette souffrance de Fatou Kiné Seck, d’autres femmes la vivent au quotidien, mais tentent malgré tout de sauver leurs ménages pour ne pas perturber leur progéniture.
Le regard de la société
Amadou Aly Diallo est étudiant en deuxième année en communication. Il estime que le mariage caché peut être considéré comme une faiblesse chez les personnes qui le pratiquent. «Toute union entre deux personnes doit être célébrée pour que les autres prétendants de la fille puissent savoir qu’elle est maintenant liée à une autre personne. D’autre part, je pense qu’un homme responsable doit avoir le courage de dire la vérité à sa famille, surtout à sa femme», tranche Amadou Aly Diallo. Aminata Bodian est âgée de 28 ans. Elle n’est pas loin d’accabler ses sœurs. Parce que, selon elle, à force de vouloir les retenir, leurs maris finissent par se marier en cachette. «Il est difficile de canaliser les hommes surtout quand ils ont leur propre véhicule. Ils peuvent se marier, passer des demi-journées avec leur nouvelle femme à votre insu, ou pire organiser un voyage pour passer des nuits de noces avec leur épouse cachée», justifie-t-elle.
TROIS QUESTIONS A…
BABACAR NGOM, IMAM A THIAROYE AZUR
Toute personne est libre de se remarier
WalfQuotidien : Le mariage caché commence à prendre de l’ampleur au Sénégal. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ?
Imam Babacar NGOM : Il est difficile d’y répondre. Parce qu'au Sénégal, chacun interprète la religion comme il le sent. Mais, il y a des préalables à respecter vis-à-vis des femmes, car elles doivent être traitées de la même façon. Si Dieu permet à l’homme qui en a les moyens de marier jusqu’à quatre épouses, pourquoi faire les choses secrètement ? Pour moi, c’est un signe de faiblesse, un manque de foi car ce que tu ne caches pas à Dieu, tu ne dois pas le cacher aux humains. C’est quand on délaisse les paroles de Dieu pour signer avec les lois de la vie à la mairie, on est obligé de se marier en cachette.
Cette forme d’union secrète est-elle reconnue par l’Islam ?
Oui. Mais, à condition que ces trois préalables soient réunis. D’abord, qu’il y ait des témoins des deux parties. Ensuite, que les parents et les intéressés eux-mêmes soient d’accord. Enfin, que la femme soit dotée. A partir de là, l’islam reconnait le mariage quel que soit le lieu. Et tous les enfants issus de cette union seront des héritiers légaux de l’homme, même si le mari avait signé la monogamie avec sa première épouse.
Quel conseil donnez-vous aux hommes ?
Chaque personne est libre de se remarier si elle a les moyens de respecter les obligations imposées par l’Islam. Mais, il faut penser au futur, à la confusion que vous pouvez semer dans votre famille, au respect et à l’amour qui pourraient se transformer en haine. Si un homme veut se marier sans dire la vérité à sa famille, mieux vaut ne pas le faire. Parce que si on le fait, on se rend chez sa femme comme si on allait voir sa copine.
WalfFadjri