Je devais avoir 8 ans, et quand je n’avais pas été sage, mon père m’enfermait dans le placard à balais, raconte Maryse, 58 ans. Accroupie dans ce sombre réduit, je m’étais aperçue qu’en frottant mes cuisses serrées l’une contre l’autre, j’éprouvais des sensations très agréables. Je jubilais que la punition du placard se soit ainsi transformée en plaisir, comme un pied de nez à l’autorité de mon père, pour qui les femmes n’avaient pas voix au chapitre. Cela dit, j’avais très peur qu’il me découvre. Ç’aurait été l’horreur ! » Cette première association du plaisir et de la honte a-t-elle marqué Maryse ? Durant des années, elle a entretenu avec les hommes des relations où elle ne trouvait son plaisir que dans la soumission et, comme elle dit, « la honte d’être vicieuse ».
Très peu de femmes ont accepté de nous parler de leur pratique solitaire.
Certaines en la niant : « Je n’en ai pas besoin, j’ai ce qu’il me faut à la maison ! » D’autres en refusant tout net : « Je raconterais plus facilement comment je fais l’amour que comment je me caresse. » « Leur refus ou leur réticence signifie que le tabou subsiste, estime Serge Tisseron, psychanalyste. Bien sûr, elles ne disent plus que c’est une pratique “honteuse”. La honte est un sentiment si dou-loureux qu’on la dissimule sous des expressions impersonnelles – “C’est la honte”, disent les ados, plutôt que “J’ai honte” – ou on la minore, sous forme de réticence ou de refus de répondre. »
Vingt siècles de culture judéo-chrétienne n’y sont certainement pas étrangers.
Au printemps de cette année, le Vatican, comme en écho à une étude d’un prêtre espagnol concluant que rien dans les textes sacrés ne prouvait que la masturbation était immorale, a déclaré que « la masturbation est mauvaise » et a demandé aux catholiques de ne plus se masturber.
Si, pour les hommes, le tabou repose sur le "gaspillage" de leur précieuse semence, l’interdit relève davantage, pour les femmes, du refoulement : « Bien que critiquée, la masturbation des hommes est admise en cas d’urgence, de pulsions irrésistibles, explique Serge Tisseron. L’admettre pour les femmes, ce serait accepter qu’elles aussi ont des pulsions sexuelles irrésistibles, ce que les hommes refusent, tout simplement parce qu’ils ne peuvent pas répondre à ces pulsions s’ils ne bandent pas. La peur de ne pas “assurer” face à une femme désirante sous-tend toute la morale sexuelle édictée par les hommes. Imaginer qu’elles peuvent satisfaire sans eux leurs désirs est extrêmement douloureux. D’où le tabou posé sur la masturbation féminine. »
Très peu de femmes ont accepté de nous parler de leur pratique solitaire.
Certaines en la niant : « Je n’en ai pas besoin, j’ai ce qu’il me faut à la maison ! » D’autres en refusant tout net : « Je raconterais plus facilement comment je fais l’amour que comment je me caresse. » « Leur refus ou leur réticence signifie que le tabou subsiste, estime Serge Tisseron, psychanalyste. Bien sûr, elles ne disent plus que c’est une pratique “honteuse”. La honte est un sentiment si dou-loureux qu’on la dissimule sous des expressions impersonnelles – “C’est la honte”, disent les ados, plutôt que “J’ai honte” – ou on la minore, sous forme de réticence ou de refus de répondre. »
Vingt siècles de culture judéo-chrétienne n’y sont certainement pas étrangers.
Au printemps de cette année, le Vatican, comme en écho à une étude d’un prêtre espagnol concluant que rien dans les textes sacrés ne prouvait que la masturbation était immorale, a déclaré que « la masturbation est mauvaise » et a demandé aux catholiques de ne plus se masturber.
Si, pour les hommes, le tabou repose sur le "gaspillage" de leur précieuse semence, l’interdit relève davantage, pour les femmes, du refoulement : « Bien que critiquée, la masturbation des hommes est admise en cas d’urgence, de pulsions irrésistibles, explique Serge Tisseron. L’admettre pour les femmes, ce serait accepter qu’elles aussi ont des pulsions sexuelles irrésistibles, ce que les hommes refusent, tout simplement parce qu’ils ne peuvent pas répondre à ces pulsions s’ils ne bandent pas. La peur de ne pas “assurer” face à une femme désirante sous-tend toute la morale sexuelle édictée par les hommes. Imaginer qu’elles peuvent satisfaire sans eux leurs désirs est extrêmement douloureux. D’où le tabou posé sur la masturbation féminine. »