La faucheuse a encore frappé fort dans le système éducatif. Cette fois-ci, c’est une élève de 3e au lycée de Ogo, dans l'IEF de Matam, qui a été arrachée à l’affection de ses proches. Ramata Diallo, à peine âgée de 16 ans, a définitivement cassé son écritoire et fermé à jamais ses cahiers.
C’est dans la soirée du dimanche 23 mars, quelques heures seulement après la rupture du jeûne, que Ramata a choisi de quitter ce monde. Comme une dernière preuve de sa magnanimité, elle a attendu que ses amis et proches coupent le jeûne et digèrent la fatigue quotidienne, pour rendre l'âme, en toute discrétion.
En quelques minutes, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans le village de Ogo et ses environs, distillant partout émoi et consternation. Les cris de chagrin fusaient de toutes les maisons. Ses camarades ont été pris au dépourvu. Ramata, jusqu'au dernier jour, n'avait pas donné de signes de son départ pour un autre monde. C’est le jeudi 20 mars qu'elle avait fait son dernier cours : une douleur au pied l'avait contrainte à quitter la salle. Ses camarades de la 3e A ne s’étaient pas doutés que c’était son dernier jour à l’école.
Les derniers adieux à BTC
Dieynaba Bâ est la fille qui s’asseyait avec Ramata Diallo à la même table en classe. Depuis qu'elles se sont connues, elles étaient toujours assises côte à côte et, avec le temps, étaient devenues inséparables. Le jour du décès de Ramata, Dieynaba était avec elle jusqu'avant la rupture du jeûne, mais jamais elle n’avait pensé que son amie allait mourir quelques minutes plus tard.
‘’J'ai été choquée d’apprendre sa mort, je n'en revenais pas, car j’avais quasiment passé la journée avec elle. Elle était souffrante, mais pas au point où l'on penserait qu'elle allait mourir’’, témoigne-t-elle, la voix pleine de trémolos, auprès de son amie Rougui Dia.
Quand la mort s'est présentée à Ramata, ses proches étaient en train de la conduire à l’hôpital. Le destin aura voulu qu'elle meure sans la présence de ses parents. Sa mère était à Dakar pour des soucis de santé.
Quand la jeune étudiante Baye Tacko Cissé apprit la nouvelle, elle en fut bouleversée. Elle, au moins, avait eu droit à des adieux à peine voilés. Ramata lui avait envoyé un message vocal assez suggestif, dans lequel elle lui clamait son amour sororal. Entre elle et Ramata, c’est une histoire d’âme.
‘’Elle me connaissait avant qu’on ne commence à se parler, mais moi non, se rappelle Baye Tacko. Elle a longtemps eu un profond sentiment d’estime pour moi, mais elle était gênée de m’en parler, ne sachant pas comment j’allais réagir à cause des étiquettes qui m'étaient collées. Quand on a commencé à se parler au bout d'une semaine, je l’ai adoptée comme ma petite sœur, car elle était différente des personnes de son âge, par sa maturité’’, note Baye Tacko Cissé.
D’élève neutre en 6e, elle est devenue brillante en 3e
Ramata Diallo, née le 4 mars 2009, est la cadette d'une fratrie de quatre enfants. Elle était présentée par ses professeurs comme une élève studieuse, un modèle pour les autres élèves, selon le proviseur du lycée Mor Bâ. "Ramata était une élève sérieuse, assidue et ponctuelle. Son sourire rayonnant illuminait chaque journée à l'école. Elle faisait preuve d'un respect sans faille envers ses camarades, ses enseignants et tout le personnel. Son attitude exemplaire en classe, sa détermination à réussir et sa volonté de toujours donner le meilleur d'elle-même, faisaient d'elle un modèle pour ses camarades’’, témoigne le proviseur.
Cette exemplarité de Ramata trouve racine dans sa résilience et son abnégation. Selon le proviseur, Ramata était une élève moyenne, en entrant au cycle moyen, avant de se hisser, quatre ans plus tard, parmi les meilleurs.
‘’Durant son parcours scolaire, Ramata n’a cessé de progresser. Avec une moyenne de 9,09 en classe de 6e, elle a su redoubler d’efforts et d’engagement pour obtenir une moyenne générale de 11,97 en 5e. Une montée qui va se poursuivre jusqu'au premier semestre de cette année 2024-2025, où elle obtient la moyenne de 12,97 en 3e. Ces résultats témoignent non seulement de son travail acharné, mais aussi de sa persévérance et de son désir constant d’améliorer ses performances’’, souligne le chef d’établissement.
‘’Je viens de corriger son dernier devoir ; elle a progressé’’
La vie n'a jamais fait de cadeaux à la jeune Ramata : elle lui avait arraché son père avant ses 10 ans. Mais cela n'avait pas de prise sur elle. Au contraire, elle était motivée et prête à avancer, toujours avec le sourire. Son professeur de SVT, Fallou Mbaye, était totalement dévasté par sa disparition. Ramata avait pris le soin de performer avant de disparaître.
‘’Ramata était une élève sérieuse, assidue et disciplinée, qui était tout le temps souriante. Elle faisait partie des premiers élèves dont j'ai retenu le nom dans cette classe que j'ai tenue cette année. Son décès m'a tellement surpris’’, confie-t-il avec beaucoup d’émotion. ‘’D'ailleurs, je viens de corriger l'un de ses derniers devoirs et j'ai noté des progrès par rapport à ses performances habituelles. C'est difficile de se remettre de cette perte. Que Dieu lui accorde Sa Grâce et Sa Miséricorde’’, se résigne-t-il.
Pour M. Sow, son professeur d’économie familiale, le choc émotionnel était terrible. Il en avait même perdu ses mots. Durant quatre années, il a eu le privilège de façonner le cerveau de ‘’cette belle âme’’. Il a toujours été fasciné par les qualités morales de son élève. ‘’Ramata était une élève aux valeurs humaines remarquables. Elle était d'une grande dignité ; jamais elle ne trichait. Quand il lui arrivait de ne pas connaître les réponses à mes interrogations, elle se montrait sincère et honnête. Ramata n'était pas comme les autres. On ne la grondait jamais, parce qu'elle ne faisait jamais de choses répréhensibles’’, témoigne le professeur d'Economie familiale.
La vie en 3e sans Ramata
Fallou Mbaye, le prof de SVT, a déjà corrigé les copies du dernier devoir, mais celle de Ramata taraude son esprit. ‘’Je me demande comment les élèves vont se sentir, en observant le vide que Ramata va laisser à la place qu'elle a toujours occupée depuis le début de l'année scolaire. Je pense à ses deux camarades de table, toujours assises côte à côte. Je me demande comment je vais remettre à ses élèves sa copie de devoir, qu'elle vient de faire tout récemment avec eux. Cette copie qu'elle m'a remise elle-même, comme d'habitude, avec toute la timidité et la discipline qui la caractérisaient. Je crois que ses camarades vont difficilement digérer ce triste événement.’’
S EnQuête
C’est dans la soirée du dimanche 23 mars, quelques heures seulement après la rupture du jeûne, que Ramata a choisi de quitter ce monde. Comme une dernière preuve de sa magnanimité, elle a attendu que ses amis et proches coupent le jeûne et digèrent la fatigue quotidienne, pour rendre l'âme, en toute discrétion.
En quelques minutes, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans le village de Ogo et ses environs, distillant partout émoi et consternation. Les cris de chagrin fusaient de toutes les maisons. Ses camarades ont été pris au dépourvu. Ramata, jusqu'au dernier jour, n'avait pas donné de signes de son départ pour un autre monde. C’est le jeudi 20 mars qu'elle avait fait son dernier cours : une douleur au pied l'avait contrainte à quitter la salle. Ses camarades de la 3e A ne s’étaient pas doutés que c’était son dernier jour à l’école.
Les derniers adieux à BTC
Dieynaba Bâ est la fille qui s’asseyait avec Ramata Diallo à la même table en classe. Depuis qu'elles se sont connues, elles étaient toujours assises côte à côte et, avec le temps, étaient devenues inséparables. Le jour du décès de Ramata, Dieynaba était avec elle jusqu'avant la rupture du jeûne, mais jamais elle n’avait pensé que son amie allait mourir quelques minutes plus tard.
‘’J'ai été choquée d’apprendre sa mort, je n'en revenais pas, car j’avais quasiment passé la journée avec elle. Elle était souffrante, mais pas au point où l'on penserait qu'elle allait mourir’’, témoigne-t-elle, la voix pleine de trémolos, auprès de son amie Rougui Dia.
Quand la mort s'est présentée à Ramata, ses proches étaient en train de la conduire à l’hôpital. Le destin aura voulu qu'elle meure sans la présence de ses parents. Sa mère était à Dakar pour des soucis de santé.
Quand la jeune étudiante Baye Tacko Cissé apprit la nouvelle, elle en fut bouleversée. Elle, au moins, avait eu droit à des adieux à peine voilés. Ramata lui avait envoyé un message vocal assez suggestif, dans lequel elle lui clamait son amour sororal. Entre elle et Ramata, c’est une histoire d’âme.
‘’Elle me connaissait avant qu’on ne commence à se parler, mais moi non, se rappelle Baye Tacko. Elle a longtemps eu un profond sentiment d’estime pour moi, mais elle était gênée de m’en parler, ne sachant pas comment j’allais réagir à cause des étiquettes qui m'étaient collées. Quand on a commencé à se parler au bout d'une semaine, je l’ai adoptée comme ma petite sœur, car elle était différente des personnes de son âge, par sa maturité’’, note Baye Tacko Cissé.
D’élève neutre en 6e, elle est devenue brillante en 3e
Ramata Diallo, née le 4 mars 2009, est la cadette d'une fratrie de quatre enfants. Elle était présentée par ses professeurs comme une élève studieuse, un modèle pour les autres élèves, selon le proviseur du lycée Mor Bâ. "Ramata était une élève sérieuse, assidue et ponctuelle. Son sourire rayonnant illuminait chaque journée à l'école. Elle faisait preuve d'un respect sans faille envers ses camarades, ses enseignants et tout le personnel. Son attitude exemplaire en classe, sa détermination à réussir et sa volonté de toujours donner le meilleur d'elle-même, faisaient d'elle un modèle pour ses camarades’’, témoigne le proviseur.
Cette exemplarité de Ramata trouve racine dans sa résilience et son abnégation. Selon le proviseur, Ramata était une élève moyenne, en entrant au cycle moyen, avant de se hisser, quatre ans plus tard, parmi les meilleurs.
‘’Durant son parcours scolaire, Ramata n’a cessé de progresser. Avec une moyenne de 9,09 en classe de 6e, elle a su redoubler d’efforts et d’engagement pour obtenir une moyenne générale de 11,97 en 5e. Une montée qui va se poursuivre jusqu'au premier semestre de cette année 2024-2025, où elle obtient la moyenne de 12,97 en 3e. Ces résultats témoignent non seulement de son travail acharné, mais aussi de sa persévérance et de son désir constant d’améliorer ses performances’’, souligne le chef d’établissement.
‘’Je viens de corriger son dernier devoir ; elle a progressé’’
La vie n'a jamais fait de cadeaux à la jeune Ramata : elle lui avait arraché son père avant ses 10 ans. Mais cela n'avait pas de prise sur elle. Au contraire, elle était motivée et prête à avancer, toujours avec le sourire. Son professeur de SVT, Fallou Mbaye, était totalement dévasté par sa disparition. Ramata avait pris le soin de performer avant de disparaître.
‘’Ramata était une élève sérieuse, assidue et disciplinée, qui était tout le temps souriante. Elle faisait partie des premiers élèves dont j'ai retenu le nom dans cette classe que j'ai tenue cette année. Son décès m'a tellement surpris’’, confie-t-il avec beaucoup d’émotion. ‘’D'ailleurs, je viens de corriger l'un de ses derniers devoirs et j'ai noté des progrès par rapport à ses performances habituelles. C'est difficile de se remettre de cette perte. Que Dieu lui accorde Sa Grâce et Sa Miséricorde’’, se résigne-t-il.
Pour M. Sow, son professeur d’économie familiale, le choc émotionnel était terrible. Il en avait même perdu ses mots. Durant quatre années, il a eu le privilège de façonner le cerveau de ‘’cette belle âme’’. Il a toujours été fasciné par les qualités morales de son élève. ‘’Ramata était une élève aux valeurs humaines remarquables. Elle était d'une grande dignité ; jamais elle ne trichait. Quand il lui arrivait de ne pas connaître les réponses à mes interrogations, elle se montrait sincère et honnête. Ramata n'était pas comme les autres. On ne la grondait jamais, parce qu'elle ne faisait jamais de choses répréhensibles’’, témoigne le professeur d'Economie familiale.
La vie en 3e sans Ramata
Fallou Mbaye, le prof de SVT, a déjà corrigé les copies du dernier devoir, mais celle de Ramata taraude son esprit. ‘’Je me demande comment les élèves vont se sentir, en observant le vide que Ramata va laisser à la place qu'elle a toujours occupée depuis le début de l'année scolaire. Je pense à ses deux camarades de table, toujours assises côte à côte. Je me demande comment je vais remettre à ses élèves sa copie de devoir, qu'elle vient de faire tout récemment avec eux. Cette copie qu'elle m'a remise elle-même, comme d'habitude, avec toute la timidité et la discipline qui la caractérisaient. Je crois que ses camarades vont difficilement digérer ce triste événement.’’
S EnQuête