Macky Sall a fêté ses 59 ans. Une vie riche d’expériences passées dans l’appareil étatique (un premier passage entre 2002 et 2008 sous le régime de Wade et président de la République depuis 2012). Rompu aux méandres de la politique à la Sénégalaise, le chef de l’Etat a déjà prouvé ses capacités à anticiper et mettre en œuvre ses plans, afin d’atteindre ses objectifs. Réélu pour un mandat de 5 ans à la tête du Sénégal, en février 2019, Macky Sall fait désormais face à des choix périlleux, maintenant que la Présidentielle de 2024 se profile. Forcer un troisième mandat ou assurer ses arrières. Personne ne connait réellement les intentions du président.
Toutefois, ses prédécesseurs ont tous opéré des choix politiques qui les ont perdus, dans leur quête du mandat de trop. Et s’entourant d’anciens adversaires, au détriment de ses premiers compagnons, Macky Sall est en train de montrer des signes que l’on a déjà observés avant la chute des régimes des anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
C’est le 1er novembre dernier que le leader de l’APR a opté pour son plus gros virage, depuis qu’il est aux affaires à la tête du pays. Macky Sall a retiré du gouvernement, à travers un remaniement ministériel, des hommes forts sur lesquels il s’était beaucoup appuyé ces dernières années. Les départs les plus remarqués furent ceux du ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, du ministre de l’Energie Makhtar Cissé et surtout celui de la présidente du Conseil économique, social et environnemental Aminata Touré.
Cette dernière a été remplacée par celui qui est arrivé deuxième lors de la Présidentielle de 2019, Idrissa Seck. Le fait que ces deux personnalités ne se soient jamais rencontrées au moment de la passation de service, illustre, à bien des égards, la nature des relations entre les deux ex-Premiers ministres du Sénégal.
Mais ce remaniement ne fut que la suite des avertissements que lançait le président aux membres de son parti. Face aux critiques formulées par les opposants Ousmane Sonko, Abdoul Mbaye, Mamadou Lamine Diallo, etc., sur la gestion du pays, Macky Sall s’était plaint de ne pas être assez soutenu par ses partisans. Le débat sur le troisième mandat a fait beaucoup de victimes au sein de l’APR. L’ancien directeur de cabinet du président de la République, Moustapha Diakhaté, l’ex-directeur des Sénégalais de l’extérieur, Sory Kaba, de même que l’ancien directeur général de la société de transport urbain Dakar Dem Dikk (DDD) Me Moussa Diop en savent quelque chose.
Ces départs vont-ils créer une horde de mécontents déjà au fait des rouages de la méthode Macky ? L’on se rappelle que des situations similaires avaient été notées à la veille de la chute des deux précédents régimes.
Deux années avant la Présidentielle de 2000, l’éclatement de la coalition du président Abdou Diouf a conduit à sa défaite. C’est en mars 1998 que Me Abdoulaye Wade a quitté le gouvernement avec 5 ministres appartenant à son parti. Mais ce sont bien les divisions internes du Parti socialiste qui ont causé la chute du régime d’alors, après 40 ans de gestion du pouvoir. Un mois plus tard, Djibo Ka quitte le Parti socialiste et crée son parti, l’Union pour le renouveau démocratique (URD), avant de participer aux élections législatives du 24 mai 1998. Il sera imité, un an plus tard, par Moustapha Niasse, avec la création de l’Alliance des forces de progrès (AFP).
Ces départs au sein du Parti socialiste ont dispersé les voix, permettant aux opposants d’amener le président sortant au second tour, avec 41 % des suffrages exprimés. Elections qu’il perdra par la suite, avec le jeu des coalitions d’anciens et de nouveaux opposants.
Mais ces aspects de la politique sénégalaise, le président Macky Sall les connaît bien, puisqu’il en a usé pour arriver au pouvoir en 2012. Après s’être attiré les foudres du président Abdoulaye Wade, pour avoir ‘’osé’’ convoquer Karim Wade pour s’expliquer sur les chantiers de l’Anoci, il avait été évincé de la présidence de l’Assemblée nationale. Son départ s’ajoutait alors à celui d’Idrissa Seck. Tous vont créer leurs partis politiques, fractionnant l’électorat qui avait permis au président Abdoulaye Wade de gagner les deux précédentes présidentielles.
En 2012, ce dernier en paie le prix au second tour de l’élection présidentielle. Les scissions qu’il aura provoquées au sein de son propre parti ont mené à sa défaite, au soir du 25 mars 2012. Les 12 autres candidats ayant soutenu, à l’unanimité, l’ex-président de l’Assemblée nationale.
Mais fort de son expérience, le président Macky Sall sait que son parti est loin d’avoir le passé politique et la structuration de partis historiques tels que le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais. Une donne qui joue en sa faveur, dans la possibilité de voir d’anciens alliés se liguer contre lui ?
En tout cas, comme le souligne l’enseignant-chercheur en science politique, Dr Cheikh Ibra Fall Ndiaye, le président Sall détient une carte importante dans sa manche. Il analyse : ‘’Si Macky Sall décide de se présenter en 2024 ou veut soutenir un candidat à sa succession, ces frustrés peuvent avoir des difficultés, si le président fouille leur gestion. Et souvenez-vous que les leaders qui ont été limogés, comme Aminata Touré, ont occupé de hautes fonctions, à savoir Premier ministre, ministre de la Justice, le Conseil économique, social et environnemental. De ce fait, souvenez-vous de la déclaration des milliards obtenus par la traque des biens mal acquis qui avait soulevé une controverse au sein de la mouvance présidentielle. De ce fait, on peut toujours revenir sur cette question, de même qu’on pourrait également fouiller sa gestion dans les différentes instances qu’elle a pu occuper. Il en est de même pour certains qui ont été victimes de ce limogeage. Si on utilise la justice pour contrecarrer leur éventuelle candidature, cela pourrait être réussi, au regard de ce qui s’est passé avec Khalifa Sall et autres. Sur cette question, tout dépendra du climat politique qui régnera d’ici 2024.’’
Mais est-ce que cela suffira ? Maitre Abdoulaye Wade aussi disposait de ce pouvoir coercitif qu’il a utilisé à outrance contre Macky Sall, dans l’affaire des 7 milliards de Taiwan. Des mois d’investigations n’avaient pas permis de coincer le futur président. Ainsi, les mêmes dynamiques sont en marche dans le marécage boueux de la politique sénégalaise.
Egalement, il est clair qu’un autre phénomène sous-jacent et pernicieux a contribué à la chute de ces deux régimes. Il s’agit des mouvements au sein des coalitions au pouvoir. Déjà, Moustapha Diakhaté a lancé Maanko Taxawu Sunu APR. D’autres velléités se sont fait sentir au sein de la coalition. Cette dispersion des énergies et des forces n’est que trop connue. Evidemment, à la base, il ne s’agit que de privilèges. Ceux qui étaient là, au temps des vaches maigres, ne peuvent pas souffrir de voir d’autres venir leur souffler les dividendes attendus.
De Moustapha Diakhaté qui n’a pas abandonné son activisme politique après son renvoi de l’APR à Aminata Touré qui a rapidement précisé qu’elle n’abandonnera pas son engagement en faveur des Sénégalais, Macky Sall peut s’attendre à quelques surprises. D’autant plus que Me Moussa Diop, ancien coordonnateur de Macky2012 et limogé de la direction de Dakar Dem Dikk, flirte déjà avec celui qui est désormais identifié comme le principal opposant : Ousmane Sonko.
Il reste toutefois beaucoup de temps, avant les prochaines échéances présidentielles. Et sur beaucoup de questions politiques (parrainage, bulletin unique, fichier électoral, etc.), le président a su imposer ses choix à ses adversaires.
En fera-t-il de même dans son désir de reconfiguration du paysage politique ? Son désormais principal opposant, arrivé troisième à l’élection de 2019, cherche aussi la parade. Une coalition d’Ousmane Sonko avec l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, est même annoncée. Il ne lui reste qu’à attirer une valeur sûre et non décriée, parmi ceux que le leader de l’APR vient de soulager de leurs fonctions.
Enquete
Toutefois, ses prédécesseurs ont tous opéré des choix politiques qui les ont perdus, dans leur quête du mandat de trop. Et s’entourant d’anciens adversaires, au détriment de ses premiers compagnons, Macky Sall est en train de montrer des signes que l’on a déjà observés avant la chute des régimes des anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
C’est le 1er novembre dernier que le leader de l’APR a opté pour son plus gros virage, depuis qu’il est aux affaires à la tête du pays. Macky Sall a retiré du gouvernement, à travers un remaniement ministériel, des hommes forts sur lesquels il s’était beaucoup appuyé ces dernières années. Les départs les plus remarqués furent ceux du ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, du ministre de l’Energie Makhtar Cissé et surtout celui de la présidente du Conseil économique, social et environnemental Aminata Touré.
Cette dernière a été remplacée par celui qui est arrivé deuxième lors de la Présidentielle de 2019, Idrissa Seck. Le fait que ces deux personnalités ne se soient jamais rencontrées au moment de la passation de service, illustre, à bien des égards, la nature des relations entre les deux ex-Premiers ministres du Sénégal.
Mais ce remaniement ne fut que la suite des avertissements que lançait le président aux membres de son parti. Face aux critiques formulées par les opposants Ousmane Sonko, Abdoul Mbaye, Mamadou Lamine Diallo, etc., sur la gestion du pays, Macky Sall s’était plaint de ne pas être assez soutenu par ses partisans. Le débat sur le troisième mandat a fait beaucoup de victimes au sein de l’APR. L’ancien directeur de cabinet du président de la République, Moustapha Diakhaté, l’ex-directeur des Sénégalais de l’extérieur, Sory Kaba, de même que l’ancien directeur général de la société de transport urbain Dakar Dem Dikk (DDD) Me Moussa Diop en savent quelque chose.
Ces départs vont-ils créer une horde de mécontents déjà au fait des rouages de la méthode Macky ? L’on se rappelle que des situations similaires avaient été notées à la veille de la chute des deux précédents régimes.
Deux années avant la Présidentielle de 2000, l’éclatement de la coalition du président Abdou Diouf a conduit à sa défaite. C’est en mars 1998 que Me Abdoulaye Wade a quitté le gouvernement avec 5 ministres appartenant à son parti. Mais ce sont bien les divisions internes du Parti socialiste qui ont causé la chute du régime d’alors, après 40 ans de gestion du pouvoir. Un mois plus tard, Djibo Ka quitte le Parti socialiste et crée son parti, l’Union pour le renouveau démocratique (URD), avant de participer aux élections législatives du 24 mai 1998. Il sera imité, un an plus tard, par Moustapha Niasse, avec la création de l’Alliance des forces de progrès (AFP).
Ces départs au sein du Parti socialiste ont dispersé les voix, permettant aux opposants d’amener le président sortant au second tour, avec 41 % des suffrages exprimés. Elections qu’il perdra par la suite, avec le jeu des coalitions d’anciens et de nouveaux opposants.
Mais ces aspects de la politique sénégalaise, le président Macky Sall les connaît bien, puisqu’il en a usé pour arriver au pouvoir en 2012. Après s’être attiré les foudres du président Abdoulaye Wade, pour avoir ‘’osé’’ convoquer Karim Wade pour s’expliquer sur les chantiers de l’Anoci, il avait été évincé de la présidence de l’Assemblée nationale. Son départ s’ajoutait alors à celui d’Idrissa Seck. Tous vont créer leurs partis politiques, fractionnant l’électorat qui avait permis au président Abdoulaye Wade de gagner les deux précédentes présidentielles.
En 2012, ce dernier en paie le prix au second tour de l’élection présidentielle. Les scissions qu’il aura provoquées au sein de son propre parti ont mené à sa défaite, au soir du 25 mars 2012. Les 12 autres candidats ayant soutenu, à l’unanimité, l’ex-président de l’Assemblée nationale.
Mais fort de son expérience, le président Macky Sall sait que son parti est loin d’avoir le passé politique et la structuration de partis historiques tels que le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais. Une donne qui joue en sa faveur, dans la possibilité de voir d’anciens alliés se liguer contre lui ?
En tout cas, comme le souligne l’enseignant-chercheur en science politique, Dr Cheikh Ibra Fall Ndiaye, le président Sall détient une carte importante dans sa manche. Il analyse : ‘’Si Macky Sall décide de se présenter en 2024 ou veut soutenir un candidat à sa succession, ces frustrés peuvent avoir des difficultés, si le président fouille leur gestion. Et souvenez-vous que les leaders qui ont été limogés, comme Aminata Touré, ont occupé de hautes fonctions, à savoir Premier ministre, ministre de la Justice, le Conseil économique, social et environnemental. De ce fait, souvenez-vous de la déclaration des milliards obtenus par la traque des biens mal acquis qui avait soulevé une controverse au sein de la mouvance présidentielle. De ce fait, on peut toujours revenir sur cette question, de même qu’on pourrait également fouiller sa gestion dans les différentes instances qu’elle a pu occuper. Il en est de même pour certains qui ont été victimes de ce limogeage. Si on utilise la justice pour contrecarrer leur éventuelle candidature, cela pourrait être réussi, au regard de ce qui s’est passé avec Khalifa Sall et autres. Sur cette question, tout dépendra du climat politique qui régnera d’ici 2024.’’
Mais est-ce que cela suffira ? Maitre Abdoulaye Wade aussi disposait de ce pouvoir coercitif qu’il a utilisé à outrance contre Macky Sall, dans l’affaire des 7 milliards de Taiwan. Des mois d’investigations n’avaient pas permis de coincer le futur président. Ainsi, les mêmes dynamiques sont en marche dans le marécage boueux de la politique sénégalaise.
Egalement, il est clair qu’un autre phénomène sous-jacent et pernicieux a contribué à la chute de ces deux régimes. Il s’agit des mouvements au sein des coalitions au pouvoir. Déjà, Moustapha Diakhaté a lancé Maanko Taxawu Sunu APR. D’autres velléités se sont fait sentir au sein de la coalition. Cette dispersion des énergies et des forces n’est que trop connue. Evidemment, à la base, il ne s’agit que de privilèges. Ceux qui étaient là, au temps des vaches maigres, ne peuvent pas souffrir de voir d’autres venir leur souffler les dividendes attendus.
De Moustapha Diakhaté qui n’a pas abandonné son activisme politique après son renvoi de l’APR à Aminata Touré qui a rapidement précisé qu’elle n’abandonnera pas son engagement en faveur des Sénégalais, Macky Sall peut s’attendre à quelques surprises. D’autant plus que Me Moussa Diop, ancien coordonnateur de Macky2012 et limogé de la direction de Dakar Dem Dikk, flirte déjà avec celui qui est désormais identifié comme le principal opposant : Ousmane Sonko.
Il reste toutefois beaucoup de temps, avant les prochaines échéances présidentielles. Et sur beaucoup de questions politiques (parrainage, bulletin unique, fichier électoral, etc.), le président a su imposer ses choix à ses adversaires.
En fera-t-il de même dans son désir de reconfiguration du paysage politique ? Son désormais principal opposant, arrivé troisième à l’élection de 2019, cherche aussi la parade. Une coalition d’Ousmane Sonko avec l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, est même annoncée. Il ne lui reste qu’à attirer une valeur sûre et non décriée, parmi ceux que le leader de l’APR vient de soulager de leurs fonctions.
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