Quelques heures avant la clôture officielle du New York Forum Africa (NYFA), à Libreville, Richard Attias, concepteur de ce "Davos africain", annonçait de concert avec le chanteur et ex-ministre de la culture du Sénégal, Youssou Ndour, la création d'un fonds de 500 millions de dollars pour promouvoir les médias africains. Etonnant alors que quelques minutes auparavant il fustigeait les journalistes du continent...
Ainsi les journalistes africains, par paresse, manque de rigueur et de professionnalisme, inondent les journaux du continent de rumeurs. "50% de l'info venant d'Afrique est tronquée". Le pire étant que ces mêmes ragots sont ensuite repris par les médias étrangers, français en particulier. C'est ainsi que Richard Attias, concepteur du New York Forum Africa, fustigeait les médias africains lors d'une table ronde qui leur était consacrée le 25 mai dernier, à Libreville, dans le cadre du NYFA.
Pour mieux comprendre, il faut revenir sur les épisodes précédents. Le 21 mai, l'hebdomadaire français L'Express titrait : "Attias: Richard Cœur de millions". L'article, signé Vincent Hugeux et Anne Vidalie, annonçait en "chapo" : "Epoux à la ville de Cécilia ex-Sarkozy, le virtuose de l'"événementiel" Richard Attias brasse de coquets budgets et orchestre des forums internationaux aux retombées aléatoires. Notamment sur le continent africain, sa terre de mission favorite." Plus loin dans le texte, on lisait encore à propos de "Richard l'Africain", comme l'ont baptisé les co-auteurs, "Vu du sud du Sahara, le système Attias, c'est un peu la Françafrique mondialisée plus la 3D et PowerPoint". Plus tard, le 25 mai, le Nouvel Observateur renchérissait avec "Bannis sous Sarkozy, la revanche de Cécilia et Richard Attias".
Il est vrai que parmi les journalistes du continent, rares sont ceux qui sont passés par une école de journalisme, lesquelles restent encore à construire. De même, nul n'ignore que certains, peu soucieux de l'éthique, n'hésitent pas à mêler journalisme et affaire. D'autres encore ont pour unique source "Wikipédia" et prennent pour argent comptant une information sans en avoir au préalable recoupé les sources. Mais ni plus ni moins qu'ailleurs. Comme partout, et comme pour toute profession, le journalisme en Afrique compte dans ses rangs des brebis galeuses. Mais à défaut de manquer de "rigueur" et de "professionnalisme" c'est avant tout de moyens dont manquent les journaux du continent.
Un homme d'affaire de la prestance de Richard Attias, maître en matière de communication, ne peut ignorer que les médias (privés bien entendu) qu'ils soient américains, européens ou asiatiques, ne vivent plus et depuis bien longtemps de la vente en kiosque ou par abonnement, mais de la publicité. Dans ces conditions, plutôt que de les blâmer, il faut saluer le travail des journalistes du continent qui, par passion et professionnalisme, décrivent jour après jour les mutations que connaissent leur pays. Comme l'a rappelé Dominique Flaux, directeur d'Ecofin, seul représentant d'un média panafricain présent sur le panel, certains parcourent parfois des kilomètres pour trouver une connexion et livrer leur article. Il a également évoqué le cas d'un de ses journalistes, malade du paludisme et hospitalisé, qui a tout de même envoyé son papier, depuis son lit d'hôpital. Manque de professionnalisme ? Sans aucun doute. Richard Attias ignore peut-être que ces mêmes journalistes, parfois correspondants de grands quotidiens français, ne sont pas toujours payés pour leur article. Publier dans un titre aussi prestigieux étant perçu comme une chance pour eux et vaut pour salaire. Et que dire des grands reporters de ces mêmes médias qui se rendent dans ces pays sans aucun réseau, ni connaissance, ces journalistes locaux leurs servent alors de fixeur contre un modique bakchich... Non, de tout cela il n'a nullement été question.
Il est évident que Richard Attias s'est servi de cette table ronde pour régler ses comptes avec les médias. Les Africains en particulier qui n'apprécient pas à sa juste valeur tout son travail sur le continent. Et il n'en n'est pas à sa première. Déjà, le 16 mai dernier, lors d'une conférence de presse à Libreville, il invitait les journalistes qui le mitraillent de questions sur le NYFA à se "professionnaliser". Quand nos confrères interrogent Richard Attias sur ses activités sur le continent et mettent en doute son "mécénat" quand il assure, face caméra, que "le NYFA ne rapporte pas d'argent", ils manquent de professionnalisme assurément... Pourquoi en douter ?
Faut-il rappeler que le NYFA n'aurait jamais rencontré le succès qu'il a connu sans le concours des médias panafricains, premiers à annoncer et couvrir cette manifestation. A ce titre, ils étaient d'ailleurs bien moins nombreux cette année à être conviés à Libreville. Et pour ceux qui ont eu cet immense honneur, ils n'étaient pas logés à la même enseigne que les journalistes des grands médias internationaux. Il n'a pas non plus été jugé pertinent d'afficher le logo des médias panafricains, partenaires de l'évènement, pendant cette session. Encore moins de les convier à la table ronde qui les concerne directement...
Il n'y aura pas d'émergence africaine sans un changement radical de son image à l'extérieur. Ce qui ne se fera que par des médias africains, indépendants, forts, et alimentés par des journalistes formés dans des écoles du continent. Or il est malheureux de voir que l'on continue de financer les autres. Pis, on encense ceux qui participent à la dégradation de l'image du continent contre ceux qui tous les jours, sur le terrain, se battent, dans les pires conditions, pour informer les Africains en premier lieu, le monde ensuite, sur cette Afrique en mutation... Alors non Monsieur Attias, les médias africains_ et ils n'ont jamais été aussi nombreux, indépendants, réactifs et rigoureux !_ ne vous ont pas attendus pour exister, les journalistes africains pour informer.
Dounia Ben Mohamed
Journaliste, directrice associée de l'Africa News Agency (ANA)
Vice-présidente du Club de l'information africaine
Ainsi les journalistes africains, par paresse, manque de rigueur et de professionnalisme, inondent les journaux du continent de rumeurs. "50% de l'info venant d'Afrique est tronquée". Le pire étant que ces mêmes ragots sont ensuite repris par les médias étrangers, français en particulier. C'est ainsi que Richard Attias, concepteur du New York Forum Africa, fustigeait les médias africains lors d'une table ronde qui leur était consacrée le 25 mai dernier, à Libreville, dans le cadre du NYFA.
Pour mieux comprendre, il faut revenir sur les épisodes précédents. Le 21 mai, l'hebdomadaire français L'Express titrait : "Attias: Richard Cœur de millions". L'article, signé Vincent Hugeux et Anne Vidalie, annonçait en "chapo" : "Epoux à la ville de Cécilia ex-Sarkozy, le virtuose de l'"événementiel" Richard Attias brasse de coquets budgets et orchestre des forums internationaux aux retombées aléatoires. Notamment sur le continent africain, sa terre de mission favorite." Plus loin dans le texte, on lisait encore à propos de "Richard l'Africain", comme l'ont baptisé les co-auteurs, "Vu du sud du Sahara, le système Attias, c'est un peu la Françafrique mondialisée plus la 3D et PowerPoint". Plus tard, le 25 mai, le Nouvel Observateur renchérissait avec "Bannis sous Sarkozy, la revanche de Cécilia et Richard Attias".
Il est vrai que parmi les journalistes du continent, rares sont ceux qui sont passés par une école de journalisme, lesquelles restent encore à construire. De même, nul n'ignore que certains, peu soucieux de l'éthique, n'hésitent pas à mêler journalisme et affaire. D'autres encore ont pour unique source "Wikipédia" et prennent pour argent comptant une information sans en avoir au préalable recoupé les sources. Mais ni plus ni moins qu'ailleurs. Comme partout, et comme pour toute profession, le journalisme en Afrique compte dans ses rangs des brebis galeuses. Mais à défaut de manquer de "rigueur" et de "professionnalisme" c'est avant tout de moyens dont manquent les journaux du continent.
Un homme d'affaire de la prestance de Richard Attias, maître en matière de communication, ne peut ignorer que les médias (privés bien entendu) qu'ils soient américains, européens ou asiatiques, ne vivent plus et depuis bien longtemps de la vente en kiosque ou par abonnement, mais de la publicité. Dans ces conditions, plutôt que de les blâmer, il faut saluer le travail des journalistes du continent qui, par passion et professionnalisme, décrivent jour après jour les mutations que connaissent leur pays. Comme l'a rappelé Dominique Flaux, directeur d'Ecofin, seul représentant d'un média panafricain présent sur le panel, certains parcourent parfois des kilomètres pour trouver une connexion et livrer leur article. Il a également évoqué le cas d'un de ses journalistes, malade du paludisme et hospitalisé, qui a tout de même envoyé son papier, depuis son lit d'hôpital. Manque de professionnalisme ? Sans aucun doute. Richard Attias ignore peut-être que ces mêmes journalistes, parfois correspondants de grands quotidiens français, ne sont pas toujours payés pour leur article. Publier dans un titre aussi prestigieux étant perçu comme une chance pour eux et vaut pour salaire. Et que dire des grands reporters de ces mêmes médias qui se rendent dans ces pays sans aucun réseau, ni connaissance, ces journalistes locaux leurs servent alors de fixeur contre un modique bakchich... Non, de tout cela il n'a nullement été question.
Il est évident que Richard Attias s'est servi de cette table ronde pour régler ses comptes avec les médias. Les Africains en particulier qui n'apprécient pas à sa juste valeur tout son travail sur le continent. Et il n'en n'est pas à sa première. Déjà, le 16 mai dernier, lors d'une conférence de presse à Libreville, il invitait les journalistes qui le mitraillent de questions sur le NYFA à se "professionnaliser". Quand nos confrères interrogent Richard Attias sur ses activités sur le continent et mettent en doute son "mécénat" quand il assure, face caméra, que "le NYFA ne rapporte pas d'argent", ils manquent de professionnalisme assurément... Pourquoi en douter ?
Faut-il rappeler que le NYFA n'aurait jamais rencontré le succès qu'il a connu sans le concours des médias panafricains, premiers à annoncer et couvrir cette manifestation. A ce titre, ils étaient d'ailleurs bien moins nombreux cette année à être conviés à Libreville. Et pour ceux qui ont eu cet immense honneur, ils n'étaient pas logés à la même enseigne que les journalistes des grands médias internationaux. Il n'a pas non plus été jugé pertinent d'afficher le logo des médias panafricains, partenaires de l'évènement, pendant cette session. Encore moins de les convier à la table ronde qui les concerne directement...
Il n'y aura pas d'émergence africaine sans un changement radical de son image à l'extérieur. Ce qui ne se fera que par des médias africains, indépendants, forts, et alimentés par des journalistes formés dans des écoles du continent. Or il est malheureux de voir que l'on continue de financer les autres. Pis, on encense ceux qui participent à la dégradation de l'image du continent contre ceux qui tous les jours, sur le terrain, se battent, dans les pires conditions, pour informer les Africains en premier lieu, le monde ensuite, sur cette Afrique en mutation... Alors non Monsieur Attias, les médias africains_ et ils n'ont jamais été aussi nombreux, indépendants, réactifs et rigoureux !_ ne vous ont pas attendus pour exister, les journalistes africains pour informer.
Dounia Ben Mohamed
Journaliste, directrice associée de l'Africa News Agency (ANA)
Vice-présidente du Club de l'information africaine