Correspondant à Berlin
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe rendra comme prévu son avis, ce mercredi matin, sur les six plaintes visant à bloquer la ratification du Mécanisme européen de stabilité (MES) et du pacte budgétaire. Les huit juges suprêmes ont rejeté, mardi, le recours de dernière minute déposé par le député conservateur bavarois, Peter Gauweiler (CSU), qui menaçait d'infliger un nouveau retard à la procédure et de semer la panique sur les marchés. Berlin y voit un bon augure quant à la décision des «sages» allemands, qui tiennent entre leurs mains le destin de l'euro.
L'Europe entière est suspendue à la décision des juges. S'ils valident le MES, le soulagement sera généralisé. Le président de la République fédérale, Joachim Gauck, pourra alors signer les textes ratifiant le MES et le pacte fiscal déjà adoptés par le Parlement allemand à une majorité des deux tiers. Doté de 700 milliards d'euros - dont 190 milliards provenant d'Allemagne -, le MES pourra dès lors agir, pour répondre à d'éventuelles demandes d'aide formulées par l'Italie et l'Espagne. La BCE pourra à son tour se lancer dans des opérations de rachats illimités d'obligations sur le marché secondaire, afin de faire baisser les taux d'emprunt des pays victimes de spéculation.
Sortie de l'euro
Si au contraire les juges décident de bloquer le MES, la zone euro sera de nouveau menacée d'éclatement. Jugée peu probable par les experts en droit, cette hypothèse déclencherait la panique sur les marchés en remettant en cause toute future aide aux pays du sud de l'Europe frappés de plein fouet par la crise de la dette. La sortie de la zone euro des pays les plus affaiblis par la crise pourrait, dès lors, devenir inéluctable. Les conséquences en seraient incalculables. Elles n'épargneraient pas l'Allemagne, première économie de la zone euro. Le gouvernement d'Angela Merkel se retrouverait totalement isolé sur la scène internationale et très affaibli sur le plan intérieur.
Les juges pourraient aussi fixer des garde-fous qui limiteront la marge de manœuvre de Berlin en vue d'une intégration européenne plus poussée et feront renaître le débat sur une révision de la loi fondamentale. Les juges pourraient se contenter de réaffirmer les droits des députés allemands sur l'utilisation des deniers publics, en recommandant la création d'une commission spéciale du Bundestag, chargée d'étudier les demandes de recours au MES. Ils pourraient aussi fixer un plafond à l'aide financière, alors que certains experts estiment que son volume est déjà trop restreint pour venir en aide à l'Italie et l'Espagne.
Depuis sa création en 1951, la Cour constitutionnelle a plusieurs fois mis à l'épreuve la patience des chanceliers, à commencer par Konrad Adenauer, qui la qualifiait de «dictateur de l'Allemagne». Créée dans la foulée d'une jeune République fédérale, érigée sur les ruines du nazisme, la Cour est censée protéger la démocratie allemande contre les errements d'un régime autoritaire. Siégeant à Karlsruhe (Bade-Wurtemberg), ses juges sont les gardiens de la Loi fondamentale de 1949. Nommés pour un mandat non renouvelable de douze ans, les seize juges en robe rouge - répartis entre les deux chambres des cours supérieures - sont largement inconnus du grand public.
De sensibilité sociale-démocrate, le président de la Cour de Karlsruhe, Andreas Vosskuhle, 48 ans, est désormais considéré comme l'homme le plus puissant du pays. Insensible aux honneurs, il a refusé le poste honorifique de président de la République que lui avait offert Angela Merkel, pour tenter de l'exfiltrer habilement. La mise en place des mécanismes de sauvetage européens a contraint la chancelière à flirter avec les limites de la Loi fondamentale. Son action est constamment freinée par les «sages», qu'elle a comparés à des scorpions.
Par Patrick Saint-Paul
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe rendra comme prévu son avis, ce mercredi matin, sur les six plaintes visant à bloquer la ratification du Mécanisme européen de stabilité (MES) et du pacte budgétaire. Les huit juges suprêmes ont rejeté, mardi, le recours de dernière minute déposé par le député conservateur bavarois, Peter Gauweiler (CSU), qui menaçait d'infliger un nouveau retard à la procédure et de semer la panique sur les marchés. Berlin y voit un bon augure quant à la décision des «sages» allemands, qui tiennent entre leurs mains le destin de l'euro.
L'Europe entière est suspendue à la décision des juges. S'ils valident le MES, le soulagement sera généralisé. Le président de la République fédérale, Joachim Gauck, pourra alors signer les textes ratifiant le MES et le pacte fiscal déjà adoptés par le Parlement allemand à une majorité des deux tiers. Doté de 700 milliards d'euros - dont 190 milliards provenant d'Allemagne -, le MES pourra dès lors agir, pour répondre à d'éventuelles demandes d'aide formulées par l'Italie et l'Espagne. La BCE pourra à son tour se lancer dans des opérations de rachats illimités d'obligations sur le marché secondaire, afin de faire baisser les taux d'emprunt des pays victimes de spéculation.
Sortie de l'euro
Si au contraire les juges décident de bloquer le MES, la zone euro sera de nouveau menacée d'éclatement. Jugée peu probable par les experts en droit, cette hypothèse déclencherait la panique sur les marchés en remettant en cause toute future aide aux pays du sud de l'Europe frappés de plein fouet par la crise de la dette. La sortie de la zone euro des pays les plus affaiblis par la crise pourrait, dès lors, devenir inéluctable. Les conséquences en seraient incalculables. Elles n'épargneraient pas l'Allemagne, première économie de la zone euro. Le gouvernement d'Angela Merkel se retrouverait totalement isolé sur la scène internationale et très affaibli sur le plan intérieur.
Les juges pourraient aussi fixer des garde-fous qui limiteront la marge de manœuvre de Berlin en vue d'une intégration européenne plus poussée et feront renaître le débat sur une révision de la loi fondamentale. Les juges pourraient se contenter de réaffirmer les droits des députés allemands sur l'utilisation des deniers publics, en recommandant la création d'une commission spéciale du Bundestag, chargée d'étudier les demandes de recours au MES. Ils pourraient aussi fixer un plafond à l'aide financière, alors que certains experts estiment que son volume est déjà trop restreint pour venir en aide à l'Italie et l'Espagne.
Depuis sa création en 1951, la Cour constitutionnelle a plusieurs fois mis à l'épreuve la patience des chanceliers, à commencer par Konrad Adenauer, qui la qualifiait de «dictateur de l'Allemagne». Créée dans la foulée d'une jeune République fédérale, érigée sur les ruines du nazisme, la Cour est censée protéger la démocratie allemande contre les errements d'un régime autoritaire. Siégeant à Karlsruhe (Bade-Wurtemberg), ses juges sont les gardiens de la Loi fondamentale de 1949. Nommés pour un mandat non renouvelable de douze ans, les seize juges en robe rouge - répartis entre les deux chambres des cours supérieures - sont largement inconnus du grand public.
De sensibilité sociale-démocrate, le président de la Cour de Karlsruhe, Andreas Vosskuhle, 48 ans, est désormais considéré comme l'homme le plus puissant du pays. Insensible aux honneurs, il a refusé le poste honorifique de président de la République que lui avait offert Angela Merkel, pour tenter de l'exfiltrer habilement. La mise en place des mécanismes de sauvetage européens a contraint la chancelière à flirter avec les limites de la Loi fondamentale. Son action est constamment freinée par les «sages», qu'elle a comparés à des scorpions.
Par Patrick Saint-Paul