De notre correspondant à Berlin
Dès le lendemain de la catastrophe de Fukushima, Angela Merkel avait pris acte de l'onde de choc en annonçant une véritable révolution énergétique en Allemagne. Critiquée par ses voisins européens, l'Allemagne voulait être un modèle de sortie du nucléaire. Quatorze mois plus tard, la chancelière allemande tente de reprendre la main pour sauver de l'enlisement sa transition énergétique: le lancement réussi du projet phare de son mandat sera déterminant pour son éventuelle réélection à la chancellerie en septembre 2013.
«La transition énergétique (Energiewende) est-elle encore à portée de main? s'interrogeait récemment le quotidien conservateur Bild. L'objectif visant à porter la part des énergies renouvelables à 40 % d'ici 2022, après l'arrêt de la dernière centrale nucléaire, semble inatteignable.» Les consommateurs redoutent une explosion des prix de l'électricité. L'expansion du réseau électrique allemand, rendue indispensable par la décision du pays d'abandonner l'énergie nucléaire, va coûter quelque 20 milliards d'euros au cours des dix prochaines années. Le pays manque en particulier de lignes nord-sud. Le Nord abrite l'essentiel de la production éolienne, tandis que le Sud et l'Ouest, plus industrialisés, concentrent le gros de la demande.
Éoliennes mal raccordées
Les prix élevés de l'énergie sont le talon d'Achille du gouvernement. Car ils menacent aussi l'industrie allemande. De nombreuses entreprises, très voraces en énergie et déjà fragilisées par la crise dans la zone euro, ont vu leurs dépenses augmenter de 40 % et sont menacées de faillite si le gouvernement ne leur vient pas en aide. Les coupures et les menaces de black-out fragilisent aussi la production.
Berlin compte sur l'installation en masse de parcs éoliens en haute mer, mais bute sur de gros retards. Le géant industriel allemand Siemens subit par exemple des pertes à répétition en raison de son incapacité à raccorder en temps et en heure ces éoliennes marines au réseau terrestre. Son patron, Peter Löscher, reconnaît avoir «complètement sous-estimé la complexité de ces projets».
L'enlisement de cette transition énergétique, annoncée peu après la catastrophe de Fukushima et en totale rupture avec la stratégie auparavant «pro-atome» de la chancelière, a déjà fait une victime.
La semaine dernière, Merkel a congédié brutalement son ministre de l'Environnement, Norbert Röttgen, jugé responsable par ailleurs d'une cuisante défaite du camp conservateur lors d'un scrutin régional majeur. Concentré sur ses ambitions personnelles, Röttgen avait délaissé le dossier de l'Energiewende. Parlant d'une nécessaire «rupture d'ordre personnel», elle a nommé à sa place l'un de ses principaux bras droit, Peter Altmaier. Commentaire de la presse: la transition énergétique «devient l'affaire de la patronne».
Par Patrick Saint-Paul
Dès le lendemain de la catastrophe de Fukushima, Angela Merkel avait pris acte de l'onde de choc en annonçant une véritable révolution énergétique en Allemagne. Critiquée par ses voisins européens, l'Allemagne voulait être un modèle de sortie du nucléaire. Quatorze mois plus tard, la chancelière allemande tente de reprendre la main pour sauver de l'enlisement sa transition énergétique: le lancement réussi du projet phare de son mandat sera déterminant pour son éventuelle réélection à la chancellerie en septembre 2013.
«La transition énergétique (Energiewende) est-elle encore à portée de main? s'interrogeait récemment le quotidien conservateur Bild. L'objectif visant à porter la part des énergies renouvelables à 40 % d'ici 2022, après l'arrêt de la dernière centrale nucléaire, semble inatteignable.» Les consommateurs redoutent une explosion des prix de l'électricité. L'expansion du réseau électrique allemand, rendue indispensable par la décision du pays d'abandonner l'énergie nucléaire, va coûter quelque 20 milliards d'euros au cours des dix prochaines années. Le pays manque en particulier de lignes nord-sud. Le Nord abrite l'essentiel de la production éolienne, tandis que le Sud et l'Ouest, plus industrialisés, concentrent le gros de la demande.
Éoliennes mal raccordées
Les prix élevés de l'énergie sont le talon d'Achille du gouvernement. Car ils menacent aussi l'industrie allemande. De nombreuses entreprises, très voraces en énergie et déjà fragilisées par la crise dans la zone euro, ont vu leurs dépenses augmenter de 40 % et sont menacées de faillite si le gouvernement ne leur vient pas en aide. Les coupures et les menaces de black-out fragilisent aussi la production.
Berlin compte sur l'installation en masse de parcs éoliens en haute mer, mais bute sur de gros retards. Le géant industriel allemand Siemens subit par exemple des pertes à répétition en raison de son incapacité à raccorder en temps et en heure ces éoliennes marines au réseau terrestre. Son patron, Peter Löscher, reconnaît avoir «complètement sous-estimé la complexité de ces projets».
L'enlisement de cette transition énergétique, annoncée peu après la catastrophe de Fukushima et en totale rupture avec la stratégie auparavant «pro-atome» de la chancelière, a déjà fait une victime.
La semaine dernière, Merkel a congédié brutalement son ministre de l'Environnement, Norbert Röttgen, jugé responsable par ailleurs d'une cuisante défaite du camp conservateur lors d'un scrutin régional majeur. Concentré sur ses ambitions personnelles, Röttgen avait délaissé le dossier de l'Energiewende. Parlant d'une nécessaire «rupture d'ordre personnel», elle a nommé à sa place l'un de ses principaux bras droit, Peter Altmaier. Commentaire de la presse: la transition énergétique «devient l'affaire de la patronne».
Par Patrick Saint-Paul