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Micmac autour de 200 millions FCFA à l’hôpital Fann

Un soupçon de micmac crispe l'ambiance de travail au Centre hospitalier universitaire (chu) de Fann. La nouvelle directrice de l'hôpital, arrivée à la tête de cette structure sanitaire au mois d'octobre 2011,est accusée de semer le flou sur 200 millions FCFA que lui a laissés son prédécesseur, Saliou Diallo. Des accusations de pratiques orthodoxes que Mme Ada Camara Ndiaye rejette totalement.


Rédigé par leral.net le Vendredi 20 Avril 2012 à 10:37 | | 0 commentaire(s)|

Micmac autour de 200 millions FCFA à l’hôpital Fann
La quiétude du Centre hospitalier universitaire (Chu) de Fann (Dakar) est troublée depuis quelques semaines par une troublante affaire de gros sous. Plus de deux cents (200) millions de FCFA laissés dans les caisses de l'hôpital par l'ancien directeur, Saliou Diallo, ont été déclarés «introuvables» par la nouvelle patronne la structure, Ada Ndiaye Camara. Une «onrission» (volontaire ?), qualifiée de «scandale sans précédent» par le personnel de l'hôpital, qui risque de faire couler beaucoup d'encre et de salive. Parce que, jamais dans l’histoire des établissements sanitaires du Sénégal, un aussi gros soupçon de micmac financier n'a éclaté.

Au sein de la structure sanitaire, l'attitude prêtée à la nouvelle directrice, nommée à la tête de l'établissement sanitaire au mois d'octobre 2011, a fini d’installer un profond malaise dans les coulisses de l'hôpital Fann. «Après la passation de service entre Mme Camara Ada Ndiaye et Saliou Diallo, la nouvelle patronne du Chu de Fann, a déclaré à qui veut l'entendre qu'elle n'a hérité de son prédécesseur que de deux millions de francs», confie-t-on à l’hôpital. Une annonce qui aurait failli faire tomber à la renverse les membres du Conseil d'administration de l'hôpital, Parce que, soutiennent-ils, la réalité des états financiers, à la date du jeudi 20 octobre 2011, est tout autre.

«Il y avait au Trésor public une somme de 224 355 077 FCFA»

D'après le procès-verbal de la passation de service entre M. Salion Diallo, directeur sortant, et Mme Ada Ndiaye, Camara, directrice entrante, dont L'Observateur détient une copie, à la section V relative à la situation des caisses et comptes bancaires, les sommes laissées sur place par l'ancien directeur dépassent de très très loin les deux millions avancés par Mme Camara. En effet, dans le compte bancaire N° 022004546337 logé à la Société générale de banques (Sgbs), le solde à la date du 19/10/2011 s'élève à 1 738 650 FCFA et le dernier chèque émis N°1885312 est de 1 412 000 FCFA. Le compte N° 021736018400 logé à la Compagnie bancaire de l’Afrique de l'Ouest (Cbao), un montant de 25 529 767 FCFA y était disponible, avec un dernier chèque N° 8491217 émis d'un montant de 1 000 000 FCFA. A la banque Ecobank, un montant de 6 402 881 FCFA était disponible au crédit du Chu de Fann et le dernier chèque émis N° 5646951 dans cet établissement bancaire s'élève à seulement 388 400 FCFA. Mieux, le Chu de Fann disposait au Trésor public d'une somme de 224 355 077 FCFA. Dans les caisses de l'hôpital, les recettes s'élevaient à 4 304 450FCFA et les dépenses se chiffraient à 706 455 FCFA. Des états financiers, largement créditeurs, qui font résonner autrement le discours alarmiste de la nouvelle directrice. «Pourquoi a-t-elle dit qu'il n'y avait que deux millions FCFA dans les caisses ? s'étonne-t-on à Fann. Où le personnel, qui avait droit à des primes sous l'ancienne gestion de M. Saliou Diallo, a vu tous ses avantages coupés par la directrice Mme Camara Ada Ndiaye, au motif qu'elle n'a rien trouvé dans les caisses. Une nouvelle donne qui n'a pas manqué de mettre le personnel dans tous ses états, qui ne peut pas accepter que ses acquis sociaux soient du jour au lendemain suspendra pour des prétextes jugés «fallacieux».
«Elle a pris des millions et des millions pour refaire son bureau, son administration, sa maison» Un membre du Conseil d'administration déplore une rupture trop brutale dans la gestion et le management du Chu de Fann : «A l'arrivée de la nouvelle directrice, le budget 2012 était presque prêt. Mais elle a presque tout remis en cause, tout repris. Elle a fait son budget à elle.» Dans lequel Mme Camara Ada Ndiaye aurait décidé de réfectionner sa maison de fonction à hauteur de 20 millions FCFA et de s'octroyer un sursalaire de 500 000 F C'fa. «Après la vive réaction du personnel, elle a revu la facture à la baisse», soutient un membre du Conseil d'administration. Qui ajoute : « Nous avons eu deux conseils d’administration avec elle. Le premier conseil, c'était pour des présentations et des formalités d’usage. A la deuxième réunion, les gens ont constaté qu'elle (Mme Camara) avait une manière de faire qui n'était pas du tout participative. Les gens étaient sur leur garde. La réunion était très houleuse. C'était la première fois que je participais à une réunion aussi houleuse. Les réunions d'avant se faisaient dans la plus grande harmonie. Les gens échangeaient, discutaient et trouvaient des solutions.» Pour corroborer ses propos, il raconte une anecdote : «Le Conseil a catégoriquement refuse une de ses propositions. Elle voulait faire du bureau partenariat un service. Alors que le partenariat fait partie du service communication, qui englobe le partenariat. Les gens se sont opposés juste pour marquer le coup, car personne ne comprend sa façon de faire. (...) Je la comprends, parce qu'elle vient d'une structure de (hôpital de Pikine) qui équivaut à un service à Fann. Si elle veut gérer comme elle gérait son ancien structure, elle se trompe de structure. Elle a dit qu’elle a trouvé un hôpital en difficulté, qu’elle veut changer de gestion en suppriment certains avantages, on prend acte ». Mais, dénonce-t-il : « Quand elle prend plusieurs millions pour refaire son bureau, son administration et sa maison, cela pose problème. Il y’a des choses qui se passent à l’hôpital et qui ne s'y passaient pas auparavant. Il y a des problèmes, de réactifs (ce sont des consommables qu'on utilise dans les hôpitaux: pour les soins des malades) qui se posent. Aujourd'hui, on a ces problèmes. Ce que je craignais est arrivé. Il y a une certaine démotivation des travailleurs. Un climat délétère règne en ce moment a l'hôpital, même les médecins sont démotivés.» Des médecins qui ont vu la suppression de leurs primes de compensation.

REPLIQUE - ADA CAMARA NDIAYE, DIRECTRICE DU CHU DE FANN «On m'attaque parce que j'ai mis fin à des avantages indus»

Rencontrée mardi dernier dans son grand et cossu bureau du Chu de Fann, Mme Ada Camara Ndiaye a d'emblée manifesté des signes d'hostilité à notre encontre dès l'évocation du sujet. «Je n'ai rien à vous dire: C'est trop facile d'avoir des amis journalistes pour dire des choses sur moi. Mais si on écrit des choses sur moi, je vais porter plainte pour diffamation», nous menace-t-elle. Face à notre insistance, Mme la Directrice est revenue à de meilleurs sentiments pour porter la réplique à ces accusateurs : «j'étais à l'hôpital de Pikine pendant 8 ans. J'y ai fait un bilan satisfaisant, avant de venir à Fann. Quand je suis arrivée ici, j'ai trouvé des pratiques peu orthodoxes à l'hôpital. J'ai alors décidé d'apporter des mesures de redressement, et cela n'a pas plu à certains agents», se défend-elle. Quid de la situation financière de l'hôpital et des deux petits millions FCFA qu'elle dit avoir trouvés dans les caisses de l'hôpital ? Mme Ada Camara Ndiaye impute la «faute» à son agent comptable : « C'est l'agent comptable qui m'a dit qu'il n'y avait que deux millions dans les caisses à mon arrivée», dit-elle. Avant de pour suivre : «J'ai trouvé aussi des dettes de 700 millions FCFA et les 80% des recettes étaient destinés aux salaires. Ce qui est contraire à la loi. On donnait aussi des primes à des travailleurs qui ne se justifiaient pas. J'ai décidé d'arrêter toutes ces pratiques. C'est pourquoi les travailleurs se braquent contre moi, et m'attaquent. Mais je ne me laisserais pas faire. »
Pour la réfection de sa maison de fonction, la directrice de l'hôpital estime que les chiffres avancés «sont erronés» ; «Ça ne fait pas 20 millions FCFA. Je n'ai pas encore vu les factures, mais le coût ne devrait pas dépasser 7 millions FCFA. Et puis, je ne gère pas les sous.» A l'en croire, «l'hôpital était en faillite» à son arrivée : «Les travailleurs restaient des mois sans salaires, insiste la Directrice. C'est avec moi que les choses ont commencé à bouger. Tout ce bruit que les travailleurs font courir s'explique par le fait qu'ils se sentent en danger. Cela ne m'ébranle pas. Je suis là pour les malades et non pour se partager l'argent de l'hôpital.» C'est dit !

SALIOU DIALLO, ANCIEN DIRECTEUR DU CHU DE FANN «J'ai laissé plus de 200 millions à Fann»

Joint au téléphone par L'Observateur, l'ancien directeur de l'hôpital, Saliou Diallo, se dit surpris par les propos de Mme Ada Camara Ndiaye : «J'ai été surpris quand j'ai entendu qu'elle a déclaré qu'elle n'a trouvé que deux millions francs Cfa dans les caisses de l’hôpital. Je vous renvoie aux documents de la passation de services dans lesquels on avait fait la situation financière, de l'hôpital. J'ai laissé plus de 200 millions de francs sur place. Cela peut se vérifier dans les différents comptes de l'hôpital dans les différentes banques et au Trésor public entre fin octobre et début novembre, date à laquelle j'ai quitté la direction de l'hôpital.» Mieux, renseigne-t-il : « Quand j'arrivais à Fann en 2008, rien ne fonctionnait. Il n’y avait pas de scanner, ni de radio, ni de tables d'urgence. J'ai pris la responsabilité de faire des investissements sur fonds propres. A mon arrivée à l'hôpital Fann; les recettes étaient de 3 millions FCFA, j'ai triplé ces recettes qui s'élèvent aujourd'hui à 9 millions FCFA. Elles dépassent celles de l'hôpital Aristide Le Dantec (Il est aujourd'hui directeur de l’hôpital A. Le Dantec). Avec ces recettes, je payais tous les avantages des travailleurs. »
La question qui se pose aujourd’hui, soutient Diallo, est qu'il faut que «Mme Ada Camara Ndiaye dise où est-ce qu'elle a mis tout cet argent que j’ai laissé dans les caisses de l'hôpital ? Il faut qu'elle s'explique sur la destination de ces fonds.»

SOURCE : L’OBS HAROUNA FALL