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Mis sous tutelle de l'Europe, Chypre en prend la présidence

Rédigé par leral.net le Lundi 2 Juillet 2012 à 13:16 | | 0 commentaire(s)|

C'est un tout petit pays, partiellement occupé et en plein sauvetage financier, qui prend les rênes de l'UE pour six mois.


Mis sous tutelle de l'Europe, Chypre en prend la présidence
La situation est inédite, surréaliste même. Chypre, le pays qui exerce depuis dimanche pour six mois la présidence de l'Union européenne, compte un peu plus d'un million d'habitants, ne pèse que 0,2 % de l'économie de la zone euro et a un tiers de son territoire occupé militairement par les Turcs. Pire, il vient de solliciter l'aide financière de l'Europe et du Fonds monétaire international (FMI) pour sauver ses banques (Le Figaro Économie du 30 juin). Enfin, pour ajouter à l'exotisme de cette présidence, sa capitale se ­situe à 100 km des côtes syriennes, plus proche du Caire et de Jérusalem que d'Athènes, sans parler de Bruxelles, distante de 3000 km.

Nicosie doit donc relever le défi de conduire une «présidence normale» au moment même où y débarquent les experts de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) afin d'évaluer les besoins de recapitalisation de ses banques et prescrire des mesures de redressement des comptes publics. Lesquelles seront forcément impopulaires, à moins de huit mois de l'élection présidentielle. Si Dimitris Christofias, le président communiste élu en 2008, ne se représente pas, son gouvernement va s'efforcer de minimiser l'impact des conditions dictées par Bruxelles tout en présidant les Vingt-Sept jusqu'en décembre. Schizophrénique.

Certes, depuis le traité de Lisbonne, la présidence permanente du Conseil européen, détenue par Herman Van Rompuy, fixe les grandes orientations politiques. La présidence tournante de l'UE a pour mission de faire avancer les dossiers communautaires, plus techniques - budget pluriannuel, politique maritime européenne, économie verte -, mais parfois très politiques, comme le droit d'asile. Autant de sujets inscrits au menu des 15 conseils des ministres et des 200 réunions programmées sous présidence chypriote.

Menace turque
Comme si la mise sous tutelle du pays, qui sera officiellement en récession ­cette année (le PIB devrait reculer de 0,8 à 1,1 %) ne compliquait pas suffisamment cette présidence, la partition de l'île ajoute une ombre au tableau. En plein cœur de la vieille ville de Nicosie, ceinte de ses remparts vénitiens, le promeneur se heurte au bout de quelques centaines de pas à la «ligne verte». Palissades, barbelés, pancartes menaçantes et façades délabrées aux abords de cette anachronique frontière rappellent brutalement le Berlin de la guerre froide. Un café qui sert des kebabs sous l'œil d'un jeune soldat chypriote grec avachi dans sa guérite s'est d'ailleurs opportunément baptisé «Berlin Wall». Nicosie est la dernière capitale du monde coupée en deux, depuis l'invasion du nord de l'île par l'armée turque en 1974.

Pas question cependant pour le gouvernement d'user de sa présidence pour ramener la «question chypriote» sur la table. Du moins officiellement. «Ce serait mal perçu», argumente Andreas Mavroyiannis, le ministre des Affaires européennes, chargé d'orchestrer le semestre. Les Turcs se sont chargés d'évoquer le dossier en menaçant de geler toutes les discussions sous la présidence de cet État membre qu'Ankara ne reconnaît toujours pas. «Pour un petit État, la présidence est l'occasion de prouver qu'il est européen, sérieux, efficace», résume George Markopouliotis, le diplomate grec qui représente l'UE à Nicosie. Malgré la rude conjoncture, le pari de la petite république est de se comporter en bonne élève durant les six mois de sa présidence et d'en retirer des soutiens plus solides pour faire avancer par la suite le dossier de la réunification. Un objectif qui risque d'être occulté par la crise économique et la campagne présidentielle.


Par Fabrice Nodé-Langlois