Dès le début de ce qui est communément appelé « l’Affaire Yérim SECK », des amis, parents et collaborateurs m’ont demandé et même prié de ne jamais me livrer à des commentaires y inhérents. Et malgré moi, je me suis abstenu difficilement à toute interprétation bien qu’étant présent à l’audience du premier jugement qu’à celle de la Cour d’appel. Si aujourd’hui je me décide d’écrire, c’est par devoir en tant que juriste pour révéler au grand public qui n’a pas suivi le déroulement des audiences ce qui s’est réellement passé au palais de justice pour que les deux juges pussent en arriver à cette condamnation.
Ces lignes s’inscrivent aussi dans le cadre d’une réponse à un appel d’un ami très fidèle et d’un frère qui m’est cher. N’a-t-il pas lancé ce cri de détresse à la suite de son agression intolérable au camp pénal « Je demande à tous mes amis, au Sénégal et dans le monde… » ? Pour cela, je vais, autant que faire ce peut, essayer d’être le plus objectif possible en usant une maïeutique propre aux universitaires pour ne pas tomber sous le charme d’un quelconque subjectivisme. « Un homme qui crie, n’est pas un ours qui danse », ainsi parlait Aimé Césaire.
Sous réserve de ces précisions, nous nous livrons à quelques remarques caractéristiques à ce que l’on pourrait appeler « les incongruités de la condamnation de Cheikh Yérim SECK ».
Que s’est-il réellement passé ?
Cheikh Yérim Seck est accusé de viol sur la personne de Ndèye Aissata Tall. Or, il est unanimement accepté que le viol est l’infraction la plus difficile à prouver. Il s’agit de deux paroles qui s’opposent : l’une émanant d’une présumée victime de viol, l’autre du présumé violeur. La première accuse, le second réfute. Pendant le déroulement des opérations, il n’y avait que ces deux parties comme témoins et acteurs oculaires. Ni les gendarmes, ni les avocats aussi bien de la défense que de l’accusation encore moins les juges n’étaient présents au moment des faits. En dehors de Monsieur Seck et Mlle Tall, personne n’était à la chambre 9 de la Résidence Keur Madamel .
Le viol est prévu par le Code pénal en son article 320 qui dispose que : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».
Rappelons, avant tout commentaire, que le droit pénal ne se déduit pas ; le droit pénal se constate. Aux termes de cette disposition, le viol nait d’une violence, d’une contrainte, d’une menace ou d’une surprise. En premier ressort, le juge a trouvé la diligence de poser clairement à Mlle Tall cette question : Le prévenu vous a-t-il menacée, violentée, contrainte ou surprise ?
Sa réponse tomba drue et sans équivoque : « il ne m’a ni violentée ni menacée, mais avec sa masse physique, il m’a contrainte, il m’a forcée ». Encore une fois, le droit pénal ne se déduit pas. Donc, le juge qui n’était point sur les lieux, pour un éclairage judicieux et une argumentation non tendancieuse, devait se pencher uniquement sur les allégations de la « victime », pour dire oui ou non y a eu contrainte. Et pourtant, c’est ce qu’il a fait mais l’a écarter d’entrée avec une motivation solide et conclure à l’inexistence de la contrainte ici.
Dès lors, où peut-il aller pour invoquer la surprise que la demoiselle Aissata Tall n’a jamais soulevée encore moins évoquée ? Tout semble se passer comme si, Cheikh Yérim Seck était jugé avant le procès et pour le condamner, il fallait trouver un os à mettre sous la dent pour étayer sa motivation.
Je respecte le barreau sénégalais composé d’excellents et valeureux avocats dotés d’un professionnalisme avéré. Mais, lorsque la réussite d’un jeune âgé à peine de 40 ans dérange au point qu’un avocat le traite, de quelqu’un qui « aime les fesses, les fresques et le fric », ou qu’un autre dise de lui que « les lundi et jeudi, il est avec Dieu, et les autres jours il fréquente le diable », et tout cela devant le juge qui ne pipe mot pour les recadrer, nous trouvons cela inélégant d’une part et intriguant de l’autre. Pire, invoquer sans preuve « son passé de violeur » à Montpellier et sur la fille d’un Premier ministre guinéen alors que récemment il l’avait accueilli chez lui et en notre présence, parait petit, léger et kafkaïen.
Nous avons voulu taire tout cela et nous l’avions fait. Mais, lorsque les droits humains sont torpillés et bafouillés, lorsque la dignité risque d’être annihilée dans un milieu carcéral où on est presque privé de tout, tous ceux qui sont épris de justice et d’humanité doivent le déplorer, le dévoyer et le combattre.
« La justice de l’injustice est aussi dangereuse que l’injustice de la justice », a dit un de mes maîtres. Cheikh Yérim vit intérieurement ces deux formes. Si la prison, par son telos, a pour finalité de sanctionner, de corriger et de socialiser, dans le cas d’espèce, Yérim a été largement sanctionné, rudement corrigé. Mais socialement, on risque de détruire, si on le garde en prison, ce chef d’entreprise, cet esprit brillant qui a été lauréat du concours général et du Bicentenaire de la Révolution Française, Ancien Génie en herbe, excellent journaliste, père de quatre enfants, soutien de familles (j’insiste sur le pluriel) et bienfaiteur social au service des plus démunis et des plus nécessiteux.
Si leçon devait lui être donnée, il l’a bien reçue et très bien même. Sa place n’est pas en prison d’autant plus que juridiquement il n’a pas commis un acte de viol sous l’empire des dispositions de l’article 320 et des allégations de Mademoiselle Aissata Tall.
C’est au nom d’une amitié profonde et d’une fraternité ardente comme celle qui a scellé Cheikhna Cheikh Sahaadbou et ton grand-père Cheikh Yérim Ndoubane que je me suis permis, sans outrecuidance ni prétention, d’écrire ces mots. Là où tu es, tu restes humain et libre. Même si tes déplacements sont limités, le plus fondamental des droits tu l’as toujours : la liberté de pensée. De cette liberté, je me permets d’user de ma liberté d’expression puisque mon cœur aujourd’hui est bruissé « de générosités emphatiques » et je reviens vers la hideur désertée de tes plaies. Si je ne sais que parler, c’est pour toi que je parlerais.
En invoquant à nouveau le poéte martiniquais Aimé Césaire, sache que là où tu es « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ». Garde espoir, un jour en chœur nos cœurs pousseront ce cri de joie d’Archimède Eureka !
Ton ami et frère
Mouhamadou Mounirou SY
Docteur en Droit (Université de Toulouse 1 / France)
Membre du Réseau Africain de Droit Constitutionnel
Enseignant/Chercheur (Université de Thiès / Sénégal)
Directeur Général du Bureau Sénégalais du Droit d’Auteur
Ces lignes s’inscrivent aussi dans le cadre d’une réponse à un appel d’un ami très fidèle et d’un frère qui m’est cher. N’a-t-il pas lancé ce cri de détresse à la suite de son agression intolérable au camp pénal « Je demande à tous mes amis, au Sénégal et dans le monde… » ? Pour cela, je vais, autant que faire ce peut, essayer d’être le plus objectif possible en usant une maïeutique propre aux universitaires pour ne pas tomber sous le charme d’un quelconque subjectivisme. « Un homme qui crie, n’est pas un ours qui danse », ainsi parlait Aimé Césaire.
Sous réserve de ces précisions, nous nous livrons à quelques remarques caractéristiques à ce que l’on pourrait appeler « les incongruités de la condamnation de Cheikh Yérim SECK ».
Que s’est-il réellement passé ?
Cheikh Yérim Seck est accusé de viol sur la personne de Ndèye Aissata Tall. Or, il est unanimement accepté que le viol est l’infraction la plus difficile à prouver. Il s’agit de deux paroles qui s’opposent : l’une émanant d’une présumée victime de viol, l’autre du présumé violeur. La première accuse, le second réfute. Pendant le déroulement des opérations, il n’y avait que ces deux parties comme témoins et acteurs oculaires. Ni les gendarmes, ni les avocats aussi bien de la défense que de l’accusation encore moins les juges n’étaient présents au moment des faits. En dehors de Monsieur Seck et Mlle Tall, personne n’était à la chambre 9 de la Résidence Keur Madamel .
Le viol est prévu par le Code pénal en son article 320 qui dispose que : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».
Rappelons, avant tout commentaire, que le droit pénal ne se déduit pas ; le droit pénal se constate. Aux termes de cette disposition, le viol nait d’une violence, d’une contrainte, d’une menace ou d’une surprise. En premier ressort, le juge a trouvé la diligence de poser clairement à Mlle Tall cette question : Le prévenu vous a-t-il menacée, violentée, contrainte ou surprise ?
Sa réponse tomba drue et sans équivoque : « il ne m’a ni violentée ni menacée, mais avec sa masse physique, il m’a contrainte, il m’a forcée ». Encore une fois, le droit pénal ne se déduit pas. Donc, le juge qui n’était point sur les lieux, pour un éclairage judicieux et une argumentation non tendancieuse, devait se pencher uniquement sur les allégations de la « victime », pour dire oui ou non y a eu contrainte. Et pourtant, c’est ce qu’il a fait mais l’a écarter d’entrée avec une motivation solide et conclure à l’inexistence de la contrainte ici.
Dès lors, où peut-il aller pour invoquer la surprise que la demoiselle Aissata Tall n’a jamais soulevée encore moins évoquée ? Tout semble se passer comme si, Cheikh Yérim Seck était jugé avant le procès et pour le condamner, il fallait trouver un os à mettre sous la dent pour étayer sa motivation.
Je respecte le barreau sénégalais composé d’excellents et valeureux avocats dotés d’un professionnalisme avéré. Mais, lorsque la réussite d’un jeune âgé à peine de 40 ans dérange au point qu’un avocat le traite, de quelqu’un qui « aime les fesses, les fresques et le fric », ou qu’un autre dise de lui que « les lundi et jeudi, il est avec Dieu, et les autres jours il fréquente le diable », et tout cela devant le juge qui ne pipe mot pour les recadrer, nous trouvons cela inélégant d’une part et intriguant de l’autre. Pire, invoquer sans preuve « son passé de violeur » à Montpellier et sur la fille d’un Premier ministre guinéen alors que récemment il l’avait accueilli chez lui et en notre présence, parait petit, léger et kafkaïen.
Nous avons voulu taire tout cela et nous l’avions fait. Mais, lorsque les droits humains sont torpillés et bafouillés, lorsque la dignité risque d’être annihilée dans un milieu carcéral où on est presque privé de tout, tous ceux qui sont épris de justice et d’humanité doivent le déplorer, le dévoyer et le combattre.
« La justice de l’injustice est aussi dangereuse que l’injustice de la justice », a dit un de mes maîtres. Cheikh Yérim vit intérieurement ces deux formes. Si la prison, par son telos, a pour finalité de sanctionner, de corriger et de socialiser, dans le cas d’espèce, Yérim a été largement sanctionné, rudement corrigé. Mais socialement, on risque de détruire, si on le garde en prison, ce chef d’entreprise, cet esprit brillant qui a été lauréat du concours général et du Bicentenaire de la Révolution Française, Ancien Génie en herbe, excellent journaliste, père de quatre enfants, soutien de familles (j’insiste sur le pluriel) et bienfaiteur social au service des plus démunis et des plus nécessiteux.
Si leçon devait lui être donnée, il l’a bien reçue et très bien même. Sa place n’est pas en prison d’autant plus que juridiquement il n’a pas commis un acte de viol sous l’empire des dispositions de l’article 320 et des allégations de Mademoiselle Aissata Tall.
C’est au nom d’une amitié profonde et d’une fraternité ardente comme celle qui a scellé Cheikhna Cheikh Sahaadbou et ton grand-père Cheikh Yérim Ndoubane que je me suis permis, sans outrecuidance ni prétention, d’écrire ces mots. Là où tu es, tu restes humain et libre. Même si tes déplacements sont limités, le plus fondamental des droits tu l’as toujours : la liberté de pensée. De cette liberté, je me permets d’user de ma liberté d’expression puisque mon cœur aujourd’hui est bruissé « de générosités emphatiques » et je reviens vers la hideur désertée de tes plaies. Si je ne sais que parler, c’est pour toi que je parlerais.
En invoquant à nouveau le poéte martiniquais Aimé Césaire, sache que là où tu es « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ». Garde espoir, un jour en chœur nos cœurs pousseront ce cri de joie d’Archimède Eureka !
Ton ami et frère
Mouhamadou Mounirou SY
Docteur en Droit (Université de Toulouse 1 / France)
Membre du Réseau Africain de Droit Constitutionnel
Enseignant/Chercheur (Université de Thiès / Sénégal)
Directeur Général du Bureau Sénégalais du Droit d’Auteur