Où en est le dossier de Mamadou Diop tué lors des violences électorales de 2012 ?
Il y a deux constats : le premier c’est que suite au dépôt de la plainte à une constitution de partie civile que la famille avait effectué le 03 avril 2012, il y a eu un certain nombre de développements dans la procédure. Je ne peux pas vous expliquer dans les détails parce qu’on est en matière d’instruction. Par contre, je peux vous dire, et c’est de notoriété publique et le ministre de la Justice de l’époque (Aminata Touré, ndlr) l’avait confirmé devant les députés, les deux conducteurs du camion Dragon qui sont mis en cause ont été placés sous mandat de dépôt. A partir de ce moment, on s’attendait à une avancée procédurale parce que tout simplement les deux conducteurs constituaient la chaîne de commandement pour savoir exactement ce qui s’est passé le 31 janvier 2012 à la place de l’Obélisque. Pourquoi une manifestation pacifique a été dispersée de manière aussi soudaine et brutale ? Qui a donné l’ordre aux forces de l’ordre de foncer sur la foule ? Pourquoi le camion Dragon s’est jeté et a engagé une course-poursuite avec les manifestants ? C’est autant d’interrogations dont on s’attendait à être édifié dans la suite de la procédure. Or aujourd’hui, à notre grand regret, on n’a pas assisté à ces développements qui étaient attendus et qui devaient être la suite logique. Pourquoi ? Même moi, je pose cette question. Mais quoi qu’il en soit, cela n’entame en rien la détermination aussi bien de la famille de Mamadou Diop que des organisations de défense des droits de l’homme à aller jusqu’au bout pour que la vérité judiciaire et la vérité historique soient découvertes, que les auteurs soient découverts et que les sanctions soient prononcées et ce ne sera que justice.
Beaucoup pensent que le Commissaire Harouna Sy avait un rôle à jouer dans la répression des manifestations électorales. Aujourd’hui il est nommé conseiller au ministère de l’Intérieur. Ne soupçonnez pas que c’est une manière de le protéger ?
Je ne peux pas affirmer de manière péremptoire que c'est une volonté de le protéger. Je n’ai pas assez d’éléments pour savoir si cela procède d’une nécessité de reclassement d’un fonctionnaire de son rang. Par contre, j’avais estimé à l’époque que Monsieur Sy faisait partie des principaux responsables de coordination de ces opérations de répression de ces manifestations. Il était inadmissible qu’on puisse continuer à l’avoir à la tête du Commissariat centralde Dakar, ne serait-ce que pour garantir une impartialité dans les enquêtes. Bien que c’est une instruction, le Doyen des juges peut être amené à demander des enquêtes c’est-à-dire des commissions rogatoires et c’est des policiers qui vont les faire. Le gouvernement a pris conscience de la nécessité de remplacer le Commissaire Sy. Maintenant, par rapport à son reclassement au ministère de l’Intérieur, je ne peux rien affirmer pour le moment.
Beaucoup croyaient qu’avec le nouveau régime les dossiers des victimes des violences électorales allaient vite être vidés. Selon vous, où se trouve le blocage ?
Il y a deux choses. On est matière d’instruction. Les juridictions sénégalaises n’ont pas beaucoup de moyens. J’en sais quelque chose puisque je les pratique au quotidien. Elles peuvent être amenées à traiter plusieurs dossiers. Ça c’est une situation de fait. Par rapport à la durée, il y a ce qu’on appelle les délais raisonnables. C’est pour cela qu’on s’interroge et qu’on dénonce les lenteurs notées. Quand même la longueur peut s’apprécier en fonction de la complexité du dossier ou la nécessité de mener des investigations supplémentaires. Nous avons estimé que dans ce dossier il y avait un certain nombre d’éléments d’évidence qui devaient permettre d’avoir des développements subséquents et qui tardent à voir le jour. C’est pourquoi nous appelons le gouvernement sénégalais à respecter ses engagements internationaux notamment à garantir un recours effectif dans un délai raisonnable pour à la fois les victimes et les familles. Ce que je dis pour Mamadou Diop est valable aussi pour les autres victimes qui sont dans le collectif qui a déposé des plaintes avec un certain nombre de preuves. Même si les développements tardent à venir, nous continuons à faire notre devoir. C’est un combat de valeurs et de principes. Quelles que soient les circonstances, on est prêt à faire face.
Mamadou Diop a été recruté dans la Fonction publique à titre posthume et ses enfants élevés au rang de « pupilles de la Nation ». Certains soupçonnent une volonté d’acheter le silence de la famille du défunt.
Non, je ne le crois pas parce que tout simplement ce sont des mesures que nous, en tant que défenseurs de la famille et des héritiers, qu’on a nous-mêmes demandées. D’abord quand je posais le débat pour l’indemnisation des victimes, beaucoup me sortaient l’argument qu’on ne peut pas indemniser, que c’était prématuré. On a réussi à faire bouger les choses pour leur montrer que compte tenu des circonstances exceptionnelles et que le drame a eu dans le cadre d’un combat citoyen. C’est la Nation entière qui s’était mobilisée grâce à la justesse du discours qui était tenu par les leaders du M23 (Mouvement du 23 juin, ndrl) qui sont pour la plupart devenus des membres du gouvernement actuel. Je rappelle que le jour où Mamadou Diop est tombé, le Président Macky Sall est venu à la morgue se recueillir. La meilleure manière d’exprimer la solidarité nationale à sa famille et d’honorer sa mémoire est de s’occuper de cette famille même si ça ne fera pas revenir un être cher qui est parti. Mais c’est juste l’Etat qui essaye de réparer les conséquences dommageables de ses agissements à travers les forces de sécurité. N’oublions pas que le président de la République incarne les institutions. On peut dire déjà que c’est un premier pas vers la justice. On peut l’interpréter ainsi.
Pourquoi la famille de Mamadou Diop a été indemnisée et pas celle des autres victimes ?
Je vais vous dire quelque chose qui va vous rassurer. Vous avez sans doute entendu l’annonce de la création d’une commission d’indemnisation des victimes des violences préélectorales. Moi-même, j’ai fait la proposition au ministre de la Justice qui nous a chargés, Assane Dioma Ndiaye et moi, de concevoir un mécanisme pour cette indemnisation. Et c’est sur la base de ces éléments que le président de la République a décidé de la création de cette commission qui sera logée au ministère des Finances et qui va prendre en charge l’intégralité des dossiers, il y en a plus de quarante qui sont déposés sur la table du ministre de la Justice. Ce sera une indemnisation au cas par cas. Personne ne sera lésé dans cette affaire. L’indemnisation va prendre en compte la particularité du cas de chaque victime parce que chaque victime a une situation différente d’une autre.
Entretien réalisé par Serigne Talla Diaw, www.leral.net
Il y a deux constats : le premier c’est que suite au dépôt de la plainte à une constitution de partie civile que la famille avait effectué le 03 avril 2012, il y a eu un certain nombre de développements dans la procédure. Je ne peux pas vous expliquer dans les détails parce qu’on est en matière d’instruction. Par contre, je peux vous dire, et c’est de notoriété publique et le ministre de la Justice de l’époque (Aminata Touré, ndlr) l’avait confirmé devant les députés, les deux conducteurs du camion Dragon qui sont mis en cause ont été placés sous mandat de dépôt. A partir de ce moment, on s’attendait à une avancée procédurale parce que tout simplement les deux conducteurs constituaient la chaîne de commandement pour savoir exactement ce qui s’est passé le 31 janvier 2012 à la place de l’Obélisque. Pourquoi une manifestation pacifique a été dispersée de manière aussi soudaine et brutale ? Qui a donné l’ordre aux forces de l’ordre de foncer sur la foule ? Pourquoi le camion Dragon s’est jeté et a engagé une course-poursuite avec les manifestants ? C’est autant d’interrogations dont on s’attendait à être édifié dans la suite de la procédure. Or aujourd’hui, à notre grand regret, on n’a pas assisté à ces développements qui étaient attendus et qui devaient être la suite logique. Pourquoi ? Même moi, je pose cette question. Mais quoi qu’il en soit, cela n’entame en rien la détermination aussi bien de la famille de Mamadou Diop que des organisations de défense des droits de l’homme à aller jusqu’au bout pour que la vérité judiciaire et la vérité historique soient découvertes, que les auteurs soient découverts et que les sanctions soient prononcées et ce ne sera que justice.
Beaucoup pensent que le Commissaire Harouna Sy avait un rôle à jouer dans la répression des manifestations électorales. Aujourd’hui il est nommé conseiller au ministère de l’Intérieur. Ne soupçonnez pas que c’est une manière de le protéger ?
Je ne peux pas affirmer de manière péremptoire que c'est une volonté de le protéger. Je n’ai pas assez d’éléments pour savoir si cela procède d’une nécessité de reclassement d’un fonctionnaire de son rang. Par contre, j’avais estimé à l’époque que Monsieur Sy faisait partie des principaux responsables de coordination de ces opérations de répression de ces manifestations. Il était inadmissible qu’on puisse continuer à l’avoir à la tête du Commissariat centralde Dakar, ne serait-ce que pour garantir une impartialité dans les enquêtes. Bien que c’est une instruction, le Doyen des juges peut être amené à demander des enquêtes c’est-à-dire des commissions rogatoires et c’est des policiers qui vont les faire. Le gouvernement a pris conscience de la nécessité de remplacer le Commissaire Sy. Maintenant, par rapport à son reclassement au ministère de l’Intérieur, je ne peux rien affirmer pour le moment.
Beaucoup croyaient qu’avec le nouveau régime les dossiers des victimes des violences électorales allaient vite être vidés. Selon vous, où se trouve le blocage ?
Il y a deux choses. On est matière d’instruction. Les juridictions sénégalaises n’ont pas beaucoup de moyens. J’en sais quelque chose puisque je les pratique au quotidien. Elles peuvent être amenées à traiter plusieurs dossiers. Ça c’est une situation de fait. Par rapport à la durée, il y a ce qu’on appelle les délais raisonnables. C’est pour cela qu’on s’interroge et qu’on dénonce les lenteurs notées. Quand même la longueur peut s’apprécier en fonction de la complexité du dossier ou la nécessité de mener des investigations supplémentaires. Nous avons estimé que dans ce dossier il y avait un certain nombre d’éléments d’évidence qui devaient permettre d’avoir des développements subséquents et qui tardent à voir le jour. C’est pourquoi nous appelons le gouvernement sénégalais à respecter ses engagements internationaux notamment à garantir un recours effectif dans un délai raisonnable pour à la fois les victimes et les familles. Ce que je dis pour Mamadou Diop est valable aussi pour les autres victimes qui sont dans le collectif qui a déposé des plaintes avec un certain nombre de preuves. Même si les développements tardent à venir, nous continuons à faire notre devoir. C’est un combat de valeurs et de principes. Quelles que soient les circonstances, on est prêt à faire face.
Mamadou Diop a été recruté dans la Fonction publique à titre posthume et ses enfants élevés au rang de « pupilles de la Nation ». Certains soupçonnent une volonté d’acheter le silence de la famille du défunt.
Non, je ne le crois pas parce que tout simplement ce sont des mesures que nous, en tant que défenseurs de la famille et des héritiers, qu’on a nous-mêmes demandées. D’abord quand je posais le débat pour l’indemnisation des victimes, beaucoup me sortaient l’argument qu’on ne peut pas indemniser, que c’était prématuré. On a réussi à faire bouger les choses pour leur montrer que compte tenu des circonstances exceptionnelles et que le drame a eu dans le cadre d’un combat citoyen. C’est la Nation entière qui s’était mobilisée grâce à la justesse du discours qui était tenu par les leaders du M23 (Mouvement du 23 juin, ndrl) qui sont pour la plupart devenus des membres du gouvernement actuel. Je rappelle que le jour où Mamadou Diop est tombé, le Président Macky Sall est venu à la morgue se recueillir. La meilleure manière d’exprimer la solidarité nationale à sa famille et d’honorer sa mémoire est de s’occuper de cette famille même si ça ne fera pas revenir un être cher qui est parti. Mais c’est juste l’Etat qui essaye de réparer les conséquences dommageables de ses agissements à travers les forces de sécurité. N’oublions pas que le président de la République incarne les institutions. On peut dire déjà que c’est un premier pas vers la justice. On peut l’interpréter ainsi.
Pourquoi la famille de Mamadou Diop a été indemnisée et pas celle des autres victimes ?
Je vais vous dire quelque chose qui va vous rassurer. Vous avez sans doute entendu l’annonce de la création d’une commission d’indemnisation des victimes des violences préélectorales. Moi-même, j’ai fait la proposition au ministre de la Justice qui nous a chargés, Assane Dioma Ndiaye et moi, de concevoir un mécanisme pour cette indemnisation. Et c’est sur la base de ces éléments que le président de la République a décidé de la création de cette commission qui sera logée au ministère des Finances et qui va prendre en charge l’intégralité des dossiers, il y en a plus de quarante qui sont déposés sur la table du ministre de la Justice. Ce sera une indemnisation au cas par cas. Personne ne sera lésé dans cette affaire. L’indemnisation va prendre en compte la particularité du cas de chaque victime parce que chaque victime a une situation différente d’une autre.
Entretien réalisé par Serigne Talla Diaw, www.leral.net