- la période de transition est fixée à 12 mois;
- Dioncounda Traoré, président de la République par intérim, est nommé président de la transition;
- une force militaire sous-régionale de 3000 hommes sera immédiatement envoyée au Mali. Elle servira, selon Désiré Kadré Ouédraogo, le président de la commission de la CEDEAO, à « sécuriser les organes de la transition et le gouvernement intérimaire en attendant que le processus arrive à son terme » et à « parer à toute éventualité dans l’hypothèse de l’usage de la force pour le recouvrement de l’intégrité territoriale du Mali ».
Refus de la junte
Les décisions de la CEDEAO ont eu le don d’irriter au plus haut point la junte malienne (le CNRDRE). Celle-ci n’y a pas participé ni n’a été consultée là-dessus. Le capitaine Sanogo, chef de la junte, pensait – il l’avait déjà annoncé à la télévision nationale – que le mandat du président intérimaire, Dioncounda, finirait au bout de 40 jours et qu’après ce délai, la CEDEAO et la junte se réuniraient pour désigner un nouveau président de la transition qui pourrait être lui-même.« C’est un véritable coup d’Etat que Dioncounda nous a fait, avec la complicité des chefs d’Etat de la CEDEAO. Dioncounda est sûrement allé pleurer dans les bras de ses pairs de la CEDEAO pour qu’ils transforment le Mali en colonie et lui donnent un mandat illégal de 12 mois! », nous a confié un officier proche de la junte. Le site Jeuneafrique.com rapportait samedi: « Le capitaine Amadou Sanogo, qui a donné plusieurs coups de fil à des proches pour « comprendre », n’envisageait pas un tel dénouement…Joint vendredi, il ne décolérait pas: « La décision de la Cedeao est une trahison et je l’ai dit au médiateur burkinabè.».
Quant à l’Alliance pour la démocratie et la République (ADR), très proche de la junte et dirigée par Younous Hamèye Dicko, elle a souligné, samedi, qu’elle n’accepterait jamais les décisions de la CEDEAO et qu’elle empêcherait le corps expéditionnaire de la CEDEAO de débarquer à Bamako. Samedi soir, le capitaine Sanogo en personne, portant un gilet pare-balles et visiblement inquiet de la colère de ses troupes, a enfoncé le clou: » Toutes les décisions prises à Abidjan ont été prises sans concertation avec nous », a-t-il déclaré avant d’ajouter: « Je ne suis pas d’accord avec l’arrivée des soldats de la CEDEAO. Aucun soldat étranger ne foulera le sol du Mali sans une demande du gouvernement malien ». Le chef de la junte a précisé: » La CEDEAO a pris de façon unilatérale des décisions qui ne nous engagent pas. Le président intérimaire ne fera que 40 jours, a-t-il insisté. Au-delà, je prendrai mes responsabilités ». Il a enfin accusé la CEDEAO d’avoir violé l’Accord-Cadre signé le 6 avril entre lui et le médiateur ouest-africain Djibrill Bassolé.
Mort de l’accord-cadre
En vérité, la CEDEAO a-t-elle eu le choix ? L’Union européenne, les Etats-Unis et l’ONU, principaux bailleurs de fonds des opérations de libération du nord-Mali et mandants de la CEDEAO en la matière, ont fait dépendre leur intervention du « retour effectif de l’ordre constitutionnel » et du maintien de Dioncounda, président intérimaire constitutionnel, comme président de la transition. Ces exigences ont été lues devant les chefs d’Etat de la CEDEAO par le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Afrique de l’ouest, Saïd Djinit. C’est pourquoi la CEDEAO, à travers les dix chefs d’Etat présents au sommet d’Abidjan, a exigé, dans un communiqué, « le retour effectif » de la junte malienne dans les casernes, menaçant de sanctions individuelles ceux qui s’y refuseraient.
Certes, la CEDEAO a violé l’Accord-Cadre en ne consultant pas le CNRDRE; mais il faut reconnaître qu’aucune partie n’a réellement respecté ledit Accord. De fait, l’Accord exigeait que le Premier ministre de la transition soit désigné de manière « consensuelle » et que le gouvernement soit « d’union nationale », composé de « personnalités consensuelles« . Au lieu de quoi, on a vu le chef du gouvernement et ses ministres nommés, sans que ni la classe politique ni les forces vives du Mali soient consultés. De plus, malgré l’Accord-Cadre, la junte a procédé, les 16 et 17 avril, à des arrestations massives dans les milieux politiques et militaires ; elle ne laissait Dioncounda, le président intérimaire, exercer aucune de ses prérogatives, allant jusqu’à arrêter ses propres camarades de parti dans sa salle d’attente! En somme, tout se passait comme si l’armée malienne n’avait appliqué le « retour à l’ordre constitutionnel » que dans la forme alors que dans les faits, elle continuait à détenir la réalité du pouvoir. A cela, il faut ajouter des ambigüités et lacunes (durée et présidence de la transition, par exemple) que les forces vives maliennes, réunies à Ouagadougou, n’ont pu résoudre et que la CEDEAO a cru de son devoir de lever par une décision unilatérale des chefs d’Etat. Conclusion: l’Accord-Cadre est bien mort, violé de part en part par ses propres signataires: la CEDEAO et la junte. A présent, la légalité se met entre parenthèses pour laisser la place au rapport des forces.
Bras de fer
Dans le bras de fer qui s’engage, qui l’emportera? Le capitaine Amadou Sanogo possède quelques atouts. Craignant un débarquement en force des troupes de la CEDEAO, a fait, dès samedi, masser à l’aéroport de Bamako-Sénou plus de 200 soldats armés jusqu’aux dents. Il a aussi renforcé la sécurité aux accès de la capitale et de Kati. Ainsi qu’aux abords de l’ORTM, symbole du pouvoir. Le capitaine a une autre arme: ce sont ses hommes qui assurent la garde quotidienne de Dioncounda, lequel, après les 40 jours d’intérim, n’a aucun moyen de se maintenir en poste. Sanogo a aussi l’appui de la centrale syndicale CSTM et le soutien d’un certain nombre de Maliens piqués au vif dans leur honneur par l’idée de voir débarquer sur le sol national des forces étrangères. Le capitaine peut enfin compter sur le soutien de la troupe, laquelle, selon les radios internationales, a hué les émissaires de la CEDEAO venus expliquer, à Kati, le sens des dernières décisions de la CEDEAO.
Nous ne croyons pas, pour notre part, à un affrontement armé entre la CEDEAO et le Mali, même si, en d’autres temps, l’institution sous-régionale a délogé par la force des présidents ouest-africains, en Sierra-Léone notamment. Le scénario le plus probable, au cas où le divorce persisterait entre le CNRDRE et la CEDEAO, est le retour de l’embargo sur le Mali, la fermeture des comptes publics du Mali au sein de la BCEAO, la fermeture des frontières avec les pays voisins, bref, l’asphyxie économique du pays. Cette arme économique, qui a fait plier la junte aux premiers jours du coup d’Etat, est d’autant plus redoutable qu’aucun pouvoir ne subsiste longtemps au défaut de paiement des salaires, à une pénurie et une hausse généralisées des prix des produits de première nécessité (riz, mil, sucre, savon, huile, carburant, eau, électricité, etc.). Non seulement le Mali, sous embargo, ne pourra satisfaire sa consommation courante, mais en plus, elle devra renoncer à reconquérir le nord, faute d’armes et d’argent. Du coup, le gouvernement (dont démissionneront les représentants du Burkina et de la Côte d’Ivoire) échouera sur tous les plans et il faudra sans cesse dépenser pour maintenir le public troublé par des émeutes de la faim. Le danger d’une faillite interne est d’autant plus grand que le gouvernement est formé sans les partis politiques, lesquels, derrière les déclarations de façade, le combattront sans merci.
Sanogo préfère-t-il ce scénario catastrophique au respect des décisions de la CEDEAO ? A notre avis, il serait prudent de la part du capitaine Sanogo de se plier aux décisions de la CEDEAO et de dissoudre le CNRDRE moyennant la mise en place effective, sous sa direction, de la commission de suivi des réformes militaires prévue par l’Accord-Cadre du 6 avril. A travers cette commission et le budget significatif qui lui sera alloué, le capitaine conserverait la haute main sur l’appareil militaire, travaillerait à la réhabilitation professionnelle, matérielle et économique des soldats (première promesse de la junte à la troupe), superviserait la reconquête des régions occupées du nord et veillerait à ce que le gouvernement organise des élections crédibles en 2013. Si le capitaine Sanogo prend ce chemin, il se rangera évitera à son malheureux pays une nouvelle et terrible aventure. Mais le capitaine, on le devine, ne décide pas seul ni librement: il vit sous la pression permanente d’une troupe qui ne comprend pas toujours les enjeux géopolitiques et d’un groupe d’agitateurs politiques qui entend profiter de la chute d’ATT pour se refaire une nouvelle santé. De plus, le fait de disposer d’armes et d’un gouvernement à sa dévotion pourrait donner au capitaine l’illusion d’un pouvoir solide qui résisterait à toute tempête. Mais quel pouvoir, si puissant soit-il, pourrait-il vivre coupé du monde et empêché d’importer et d’exporter les rares biens qu’il produit ?
Tiékorobani (maliweb)
- Dioncounda Traoré, président de la République par intérim, est nommé président de la transition;
- une force militaire sous-régionale de 3000 hommes sera immédiatement envoyée au Mali. Elle servira, selon Désiré Kadré Ouédraogo, le président de la commission de la CEDEAO, à « sécuriser les organes de la transition et le gouvernement intérimaire en attendant que le processus arrive à son terme » et à « parer à toute éventualité dans l’hypothèse de l’usage de la force pour le recouvrement de l’intégrité territoriale du Mali ».
Refus de la junte
Les décisions de la CEDEAO ont eu le don d’irriter au plus haut point la junte malienne (le CNRDRE). Celle-ci n’y a pas participé ni n’a été consultée là-dessus. Le capitaine Sanogo, chef de la junte, pensait – il l’avait déjà annoncé à la télévision nationale – que le mandat du président intérimaire, Dioncounda, finirait au bout de 40 jours et qu’après ce délai, la CEDEAO et la junte se réuniraient pour désigner un nouveau président de la transition qui pourrait être lui-même.« C’est un véritable coup d’Etat que Dioncounda nous a fait, avec la complicité des chefs d’Etat de la CEDEAO. Dioncounda est sûrement allé pleurer dans les bras de ses pairs de la CEDEAO pour qu’ils transforment le Mali en colonie et lui donnent un mandat illégal de 12 mois! », nous a confié un officier proche de la junte. Le site Jeuneafrique.com rapportait samedi: « Le capitaine Amadou Sanogo, qui a donné plusieurs coups de fil à des proches pour « comprendre », n’envisageait pas un tel dénouement…Joint vendredi, il ne décolérait pas: « La décision de la Cedeao est une trahison et je l’ai dit au médiateur burkinabè.».
Quant à l’Alliance pour la démocratie et la République (ADR), très proche de la junte et dirigée par Younous Hamèye Dicko, elle a souligné, samedi, qu’elle n’accepterait jamais les décisions de la CEDEAO et qu’elle empêcherait le corps expéditionnaire de la CEDEAO de débarquer à Bamako. Samedi soir, le capitaine Sanogo en personne, portant un gilet pare-balles et visiblement inquiet de la colère de ses troupes, a enfoncé le clou: » Toutes les décisions prises à Abidjan ont été prises sans concertation avec nous », a-t-il déclaré avant d’ajouter: « Je ne suis pas d’accord avec l’arrivée des soldats de la CEDEAO. Aucun soldat étranger ne foulera le sol du Mali sans une demande du gouvernement malien ». Le chef de la junte a précisé: » La CEDEAO a pris de façon unilatérale des décisions qui ne nous engagent pas. Le président intérimaire ne fera que 40 jours, a-t-il insisté. Au-delà, je prendrai mes responsabilités ». Il a enfin accusé la CEDEAO d’avoir violé l’Accord-Cadre signé le 6 avril entre lui et le médiateur ouest-africain Djibrill Bassolé.
Mort de l’accord-cadre
En vérité, la CEDEAO a-t-elle eu le choix ? L’Union européenne, les Etats-Unis et l’ONU, principaux bailleurs de fonds des opérations de libération du nord-Mali et mandants de la CEDEAO en la matière, ont fait dépendre leur intervention du « retour effectif de l’ordre constitutionnel » et du maintien de Dioncounda, président intérimaire constitutionnel, comme président de la transition. Ces exigences ont été lues devant les chefs d’Etat de la CEDEAO par le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Afrique de l’ouest, Saïd Djinit. C’est pourquoi la CEDEAO, à travers les dix chefs d’Etat présents au sommet d’Abidjan, a exigé, dans un communiqué, « le retour effectif » de la junte malienne dans les casernes, menaçant de sanctions individuelles ceux qui s’y refuseraient.
Certes, la CEDEAO a violé l’Accord-Cadre en ne consultant pas le CNRDRE; mais il faut reconnaître qu’aucune partie n’a réellement respecté ledit Accord. De fait, l’Accord exigeait que le Premier ministre de la transition soit désigné de manière « consensuelle » et que le gouvernement soit « d’union nationale », composé de « personnalités consensuelles« . Au lieu de quoi, on a vu le chef du gouvernement et ses ministres nommés, sans que ni la classe politique ni les forces vives du Mali soient consultés. De plus, malgré l’Accord-Cadre, la junte a procédé, les 16 et 17 avril, à des arrestations massives dans les milieux politiques et militaires ; elle ne laissait Dioncounda, le président intérimaire, exercer aucune de ses prérogatives, allant jusqu’à arrêter ses propres camarades de parti dans sa salle d’attente! En somme, tout se passait comme si l’armée malienne n’avait appliqué le « retour à l’ordre constitutionnel » que dans la forme alors que dans les faits, elle continuait à détenir la réalité du pouvoir. A cela, il faut ajouter des ambigüités et lacunes (durée et présidence de la transition, par exemple) que les forces vives maliennes, réunies à Ouagadougou, n’ont pu résoudre et que la CEDEAO a cru de son devoir de lever par une décision unilatérale des chefs d’Etat. Conclusion: l’Accord-Cadre est bien mort, violé de part en part par ses propres signataires: la CEDEAO et la junte. A présent, la légalité se met entre parenthèses pour laisser la place au rapport des forces.
Bras de fer
Dans le bras de fer qui s’engage, qui l’emportera? Le capitaine Amadou Sanogo possède quelques atouts. Craignant un débarquement en force des troupes de la CEDEAO, a fait, dès samedi, masser à l’aéroport de Bamako-Sénou plus de 200 soldats armés jusqu’aux dents. Il a aussi renforcé la sécurité aux accès de la capitale et de Kati. Ainsi qu’aux abords de l’ORTM, symbole du pouvoir. Le capitaine a une autre arme: ce sont ses hommes qui assurent la garde quotidienne de Dioncounda, lequel, après les 40 jours d’intérim, n’a aucun moyen de se maintenir en poste. Sanogo a aussi l’appui de la centrale syndicale CSTM et le soutien d’un certain nombre de Maliens piqués au vif dans leur honneur par l’idée de voir débarquer sur le sol national des forces étrangères. Le capitaine peut enfin compter sur le soutien de la troupe, laquelle, selon les radios internationales, a hué les émissaires de la CEDEAO venus expliquer, à Kati, le sens des dernières décisions de la CEDEAO.
Nous ne croyons pas, pour notre part, à un affrontement armé entre la CEDEAO et le Mali, même si, en d’autres temps, l’institution sous-régionale a délogé par la force des présidents ouest-africains, en Sierra-Léone notamment. Le scénario le plus probable, au cas où le divorce persisterait entre le CNRDRE et la CEDEAO, est le retour de l’embargo sur le Mali, la fermeture des comptes publics du Mali au sein de la BCEAO, la fermeture des frontières avec les pays voisins, bref, l’asphyxie économique du pays. Cette arme économique, qui a fait plier la junte aux premiers jours du coup d’Etat, est d’autant plus redoutable qu’aucun pouvoir ne subsiste longtemps au défaut de paiement des salaires, à une pénurie et une hausse généralisées des prix des produits de première nécessité (riz, mil, sucre, savon, huile, carburant, eau, électricité, etc.). Non seulement le Mali, sous embargo, ne pourra satisfaire sa consommation courante, mais en plus, elle devra renoncer à reconquérir le nord, faute d’armes et d’argent. Du coup, le gouvernement (dont démissionneront les représentants du Burkina et de la Côte d’Ivoire) échouera sur tous les plans et il faudra sans cesse dépenser pour maintenir le public troublé par des émeutes de la faim. Le danger d’une faillite interne est d’autant plus grand que le gouvernement est formé sans les partis politiques, lesquels, derrière les déclarations de façade, le combattront sans merci.
Sanogo préfère-t-il ce scénario catastrophique au respect des décisions de la CEDEAO ? A notre avis, il serait prudent de la part du capitaine Sanogo de se plier aux décisions de la CEDEAO et de dissoudre le CNRDRE moyennant la mise en place effective, sous sa direction, de la commission de suivi des réformes militaires prévue par l’Accord-Cadre du 6 avril. A travers cette commission et le budget significatif qui lui sera alloué, le capitaine conserverait la haute main sur l’appareil militaire, travaillerait à la réhabilitation professionnelle, matérielle et économique des soldats (première promesse de la junte à la troupe), superviserait la reconquête des régions occupées du nord et veillerait à ce que le gouvernement organise des élections crédibles en 2013. Si le capitaine Sanogo prend ce chemin, il se rangera évitera à son malheureux pays une nouvelle et terrible aventure. Mais le capitaine, on le devine, ne décide pas seul ni librement: il vit sous la pression permanente d’une troupe qui ne comprend pas toujours les enjeux géopolitiques et d’un groupe d’agitateurs politiques qui entend profiter de la chute d’ATT pour se refaire une nouvelle santé. De plus, le fait de disposer d’armes et d’un gouvernement à sa dévotion pourrait donner au capitaine l’illusion d’un pouvoir solide qui résisterait à toute tempête. Mais quel pouvoir, si puissant soit-il, pourrait-il vivre coupé du monde et empêché d’importer et d’exporter les rares biens qu’il produit ?
Tiékorobani (maliweb)