


En vérité, tout est parti de la gestion du projet «Sénégal émergent» qu’il avait l’honneur de piloter avec Mor Ngom Directeur de cabinet du Président à l’époque de la signature du décret. Dans ce qui suit, nous vous livrons toute la vérité sur le projet «Sénégal émergent» et sur les causes réelles de la démission de Lô.
Dans les faits, ce qui est immuable, c’est que c’est le Chef de l’Etat qui a pris la décision de retirer la gestion de ce projet à Moubarakc Lô qui livre sa version des faits.
«Pour des raisons évidentes d’obligation de réserve, je n’ai pas voulu m’épancher sur les causes de ma décision de démissionner de mon poste de Directeur de Cabinet Adjoint de Monsieur le Président de la République» a-t-il précisé à, l’entame de son propos.
«Je me suis borné, dans un communiqué laconique, à indiquer que je souhaitais optimiser l’usage de mon temps et valoriser mes compétences dans les domaines que je connais le mieux. J’ai ensuite précisé que, tout en gardant mon amitié pour que Macky Sall» a souligné Lô qui précise être «à remettre en cause s’il ne le souhaite pas ». Désormais, le Président du Mouvement «Pour un Sénégal émergent» dit vouloir «se positionner, comme par le passe, dans la société civile et n’entends soutenir ni le pouvoir ni l’opposition». «Et qu’enfin je verrai dans l’avenir comment agir» ajoutera-il.
«Ces propos, fort diplomatiques du reste, m’ont valu, à ma grande surprise, une réaction musclée de M. Macky Sall et un communiqué circonstancié de la présidence » remarque-t-il non sans relever que ce communiqué, «dans son introduction, a révélé que son objectif consistait à corriger des commentaires ayant pour effet de tronquer les faits et les raisons réelles de ma démission».
«Plus loin, poursuit-il, ledit communiqué indique que c’est parce que le président de la République m’aurait retiré sa confiance pour conduire le projet «Sénégal émergent » que j’avais démissionné. Je le confirme. Tout comme je confirme les autres faits chronologiques relatés ma demande de congé sabbatique suivie d’une démission en bonne et due forme le 31 octobre 2013».
Poursuivant ses explications, Lô, a soutenu «qu’en revanche, le communiqué, en ciblant les causes immédiates de ma démission a oublié de mentionner les causes sous-jacentes et les causes profondes de la décision que j’ai été contraint de prendre».
De l’avis de Moubarack, «les citoyens ont le devoir de savoir, étant donné que je sollicite régulièrement leurs suffrages, notamment au niveau local, en attendant de le faire peut-être demain au niveau national, avec l’aide de Dieu». Voyant son honneur en jeu, «l’obligation de réserve ne peut plus prévaloir en pareil cas, en demeurant conforme aux exigences républicaines».
La cause immédiate de sa démission, c’est la décision de Macky Sall de lui retirer la présidence du Comité de projet «Sénégal émergent».
La «cause sous-jacente» selon lui, «c’est le choix présidentiel d’accepter qu’un groupe de sénégalais établis à l’extérieur, et regroupés dans une structure dénommée «Disso» dont l’ancien Ministre de l’Economie et des Finance Amadou Kane était membre avant mars 2012, joue un rôle prépondérant dans le projet «Sénégal émergent», au détriment des hauts cadres de l’Etat».
Et M. Lô de remettre en cause le «style de management présidentiel», qui n’’est pas selon lui «très motivant pour un intellectuel et la lenteur dans la mise en œuvre des réformes promises aux Sénégalais».
Le décret N°2013-313 du 06 mars 2013, (facsimilé) portant création et fonctionnement des organes de pilotage pour l’élaboration d’un plan stratégique pour le Sénégal, est le seul document officiel qui organise le processus de pilotage de ce dossier. «Dans son article4, rappelle-t-il, le décret précise les missions du Comité de projet comme suit : 1-Evaluer l’état d’avancement des travaux, 2-Planifier les rencontres avec toutes les parties prenantes, 3-Superviser le processus d’élaboration du plan stratégique ».
Dans son organisation, le Comité est présidé par le Président de la République ou son représentant Mor Ngom, Directeur de Cabinet de l’époque, qui avait proposé au Chef de l’Etat que Moubarack pilote le Comité de projet. Ce que Macky Sall avait accepté.
Le même article4 du décret, susmentionné, indique que le Comité de projet peut s’attacher les services de consultants et de personnels de haut niveau. Ensemble, ces derniers constituent l’équipe projet. Mais, nulle part, «il n’est fait mention du groupe «Disso» dans le fonctionnement du Comité de projet et l’implication de ses membres basés à l’étranger, au niveau opérationnel, ne peut donc être comprise que dans le cadre de l’équipe de projet supervisée par le Comité de projet que je présidais» fera-t-il remarquer.
A en croire Lô, «Disso » en tant que tel ne peut nullement, selon les textes du décret, donner des orientations au Comité de projet ou décider des validations à faire et de leurs procédures, comme il a toujours voulu le faire».
«Cela relève uniquement des organes de pilotage que sont le Comité d’orientation stratégique présidé par le Chef de l’Etat, le Comité exécutif présidé par le Ministre de l’Economie et des finances et le Comité de projet présidé par moi-même. Ce dernier organe étant le plus proche du dossier géré par le Cabinet recruté » explique-t-il.
Poursuivant ses explications, M. Lô dira que «l’article4 aliné2 indique que le Comité de projet, en plus des membres nommément désignés dans le texte, comprend toute autre personne physique ou morale dont la participation est jugée utile. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’invitation que j’ai eu à faire à certaines structures de l’état pour qu’elles participent à nos réunions ».
«DISSO » UN VIRUS CANCEROGENE POUR UN «SENEGAL EMERGENT»
Cette structure basée à l’étranger et qui voulait piloter ce projet le plombait pour les raisons suivantes estime M. Lô qui dit que «c’est impossible de vouloir piloter un dossier aussi lourd et complexe de l’extérieur du pays, tout en continuant à exercer d’autres activités ».
En plus l’Etat a déjà mis en place un Comité de projet et désigne des responsables ayant «capitalisé une longue expérience pratique des problématiques traitées dans ce dossier avec une mission claire de supervision du processus d’élaboration du plan stratégique».
Mais l’ancien Directeur de Cabinet adjoint du Président a remarque «les membres de «Disso » continuent de vouloir jouer le même rôle de pilotage qu’ils avaient lors des phases préparatoires, sans tenir compte des textes juridiques pris par la suite, rendant ainsi flou et inutilement lourde la gouvernance projet, y compris aux yeux du Cabinet international recruté qui s’est longtemps interroge sur les réels interlocuteurs directs (Disso ou le Comité de projet) et qui a pu ainsi perdre en concentration sur l’essentiel et en motivation».
Pour M. Lô, l’analyse des rapports sectoriels préparés par le consultant demande une parfaite connaissance des problèmes économiques et sociaux du Sénégal, ce que les experts de l’Etat disposent plus qu’un quelconque membre de «Disso».
2,5 MILLIARDS DE FCFA PAYES A UN CABINET INTERNATIONAL
«La réussite d’un processus de changement comme celui que veut impulser le plan stratégique (surtout dans la phase de mise en œuvre) requiert sa forte appropriation par les structures et les experts de l’Etat » a dit Moubarack qui ajoute que «l’expérience vécue montre que les plus beaux plans conçus de l’extérieur ne peuvent prospérer si cette exigence d’appropriation n’est pas assurée au préalable ». «Les experts en planification stratégique disent bien : «implementation is key » et que le plan stratégique ne vaudra donc que par son degré de mise en œuvre réelle dans le futur. Ce dont les autorités ne semblent pas se soucier » martèlera-t-il.
Et comme leçon de bonne gouvernance, Lô dira à Macky Sall que «l’Etat possède ses principes généraux et ses règles de fonctionnement, qui ne permettent pas de confier à des privés le pilotage direct de la vision nationale ». «Cela veut dire que les autorités devraient, en toute circonstance penser l’Etat avant l’amitié et demander aux membres de «Disso » de prendre plus de recul dans la gestion opérationnelle de ce dossier qui ne peut être faite que par les experts de l’Etat compétents en la matière» poursuit-il.
A son avis, «05 hauts fonctionnaires, mis ensemble, pendant trois mois, auraient pu rendre un rapport de qualité, au moins similaire à celui livré par le Cabinet internationale, pour un coût presque nul et d’économiser les quelques 2,5 milliards de FCFA, ou plus, gaspillés dans le projet».
LES URGENCES ET PRIORITES OUBLIEES
Pour être plus clair, Moubarack Lô dira que «ces 2,5 milliards de FCFA auraient pu permettre à 100.000 femmes d’accoucher en toute sécurité et de manière gratuite, dans les postes de santé ruraux ou péri-urbains. Ils auraient pu permettre de construire 25 forages ruraux, d’électrifier 100 villages, de bâtir 500 classes ou 2500 Km de pistes rurales».
«En définitive, la décision prise, en début octobre, par le Chef de l’Etat, de me retirer du projet «Sénégal émergent » n’a été en vérité, que la goute qui a fait déborder le vase d’une longue série de désaccords, très souvent implicites, sur des choix stratégiques ou tactiques » a-t-il soutenu.
«En tant que chercheur sur les processus d’émergence des Nations, l’analyse m’a montré que la voie suivie actuellement par le régime étant précieux, j’ai préféré retourner dans mes anciennes activités, en espérant que les nécessaires ajustements de stratégies et de comportement seront apportés dans les prochains mois. C’est ce que je souhaite, de tout cœur, pour le Sénégal » dira-t-il.
ACTUNET.SN