Il a beau remplir le stade de Bamako et ses 20.000 places, enchaîner les tubes, être élu meilleur beat maker de l’année au Mali et enflammer les foules, le jour de la rencontre en studio, Sidiki n’en menait pas large face à une seule personne : Toumani Diabaté. «Quand je me suis assis pour accorder ma kora, je tremblais à l’intérieur. J’avais très peur d’enregistrer avec une telle légende», confie le Prince de la kora, déjà virtuose de cette harpe à 21 cordes, à 24 ans.
Pourtant cette légende qui a joué avec Ali Farka Touré, Taj Mahal, Björk ou Damon Albarn et gagné deux Grammy Awards, était avant tout un père inquiet pour son fils. «Il a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas. Je lui ai dit que j’avais le trac, avoue Sidiki. Il a ri et il m’a dit : écoute, tu as ta personnalité. Oublie la pression, joue comme tu es, simplement ! Ses paroles m’ont mis à l’aise et on est partis ! Wahoo, c’était magnifique !»
Entre l’élasticité des cordes et la virtuosité des doigts, il y a d’abord une discussion entre deux musiciens issus d’une même tradition mandingue dont ils sont à la fois les gardiens et les passeurs. Sidiki et Toumani ont la particularité de pouvoir jouer simultanément les basses et les mélodies à la kora, mais chacun a son vocabulaire et son vécu. «La musique naît de l’expérience, ce n’est pas seulement pincer les cordes ou imposer des silences, explique Sidiki. Je reste l’élève de mon père, son jeu et ses mélodies me font parfois pleurer. Mais dans ma génération, on a le sang chaud et on aime aussi sortir en boîte ! Le rap et mon expérience de producteur hip-hop m’ont ouvert à d’autres musiques.
C’est difficile à expliquer précisément, mais ça influence mon jeu de kora, car je suis un mélange de générations». Sur ce disque acoustique, baptisé simplement Toumani et Sidiki, les Diabaté plongent à quatre mains dans un imaginaire malien où il est d’ailleurs aussi question d’actualité. «Le titre Lampedusa évoque l’injustice des relations Nord-Sud, et au-delà de cette île où échouent des clandestins venus d’Afrique, je pense à ceux qui meurent en mer et à tous les artistes dont les tournées sont annulées à cause des visas.
Aujourd’hui en Occident, un papier est plus important que la vie humaine», s’indigne Toumani, qui rend aussi hommage à une figure du nouveau quartier ACI 2000 de Bamako, M. Diaby, qui comme tant d’autres Maliens, «envoie de l’argent au village pour construire des puits et des écoles».
Un autre titre, Rachid Ouiguini, évoque «un scientifique algérien à qui il faut rendre hommage pour rappeler qu’au-delà de la crise du Nord et des djihadistes, les relations entre l’Algérie et le Mali sont profondes». Même si les Diabaté sont des habitués des studios maliens, leur rencontre a été enregistrée à Londres, sur un terrain neutre qui leur a offert une liberté d’interprétation pour entamer une conversation planante, à la fois classique et moderne.
«C’était plus tranquille qu’à Bamako, ça m’a permis de me rapprocher de mon père, de voir comment il est dans le monde et en studio, explique Sidiki. Nos vies sont très bousculées au Mali, entre la famille, le travail et les tournées que mon père doit préparer, on a rarement le temps de s’asseoir pour faire des choses ensemble. Quand mon père m’a proposé ce projet, j’ai dit oui sans réfléchir. Hélas, lui n’a pas pu enregistrer avec son propre père».
Pas facile la vie de griots au Mali, qui exige une transmission familiale de génération en génération, mais ne laisse pas souvent le temps aux pères occupés par leur fonction, de passer le flambeau aux fils. À eux de consolider leur savoir auprès d’autres mentors. Dans la famille Diabaté, on est griot depuis 72 générations, mais au-delà de la tradition orale, Sidiki a aussi étudié à l’Institut National des Arts, et il a appris à écrire la musique au Conservatoire Balla Fasseké Kouyaté, où il est élève en…section batterie.
Toumani, lui aussi a dû faire ses classes en dehors de la cour familiale (notamment auprès de son père spirituel Ali Farka Touré, d’un demi-siècle son aîné). Il aurait voulu jouer plus avec son père, feu Sidiki Diabaté (1922-1996), sacré roi de la kora en 1977 au Festpac de Lagos. «Hélas, il n’a pas eu beaucoup de temps pour m’enseigner la musique, mais j’ai appris à travers lui en écoutant ses cassettes, et celles de mon grand-père.
Et j’ai aussi beaucoup suivi ma mère, Nama Koïta, qui faisait partie du Ballet National du Mali», explique Toumani, après une chaude répétition à Bamako, avec son fils et le Symmetric Orchestra, un orchestre transnational qu’il a monté pour faire un pont entre la musique mandingue et occidentale. «Nous fêtons la sortie de cet album avec deux concerts à L’Institut Français, on va même y inclure des beats et faire quelques expériences sonores, différentes de l’album !», jubile Sidiki.
Les Diabaté reprennent donc le chemin de la scène bamakoise qu’ils ont tenue pendant tant d’années au "Diplomate" et ailleurs. «Doucement, la vie musicale reprend. C’est presque comme avant sauf que la situation financière des Maliens est très dure, leur proposer une musique nouvelle, ça ne peut que faire du bien», espère Toumani.
Feu Sidiki, (grand-père), avait été l’un des porte-voix du mouvement Kaïra, né 14 ans avant l’indépendance face aux menaces sur la tradition imposées par la colonisation et les musiques importées. Depuis, les Diabaté ont tué les peurs du père : «On fait une musique du passé qui rencontre le présent pour construire l’avenir» promet Toumani.
malijet
Pourtant cette légende qui a joué avec Ali Farka Touré, Taj Mahal, Björk ou Damon Albarn et gagné deux Grammy Awards, était avant tout un père inquiet pour son fils. «Il a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas. Je lui ai dit que j’avais le trac, avoue Sidiki. Il a ri et il m’a dit : écoute, tu as ta personnalité. Oublie la pression, joue comme tu es, simplement ! Ses paroles m’ont mis à l’aise et on est partis ! Wahoo, c’était magnifique !»
Entre l’élasticité des cordes et la virtuosité des doigts, il y a d’abord une discussion entre deux musiciens issus d’une même tradition mandingue dont ils sont à la fois les gardiens et les passeurs. Sidiki et Toumani ont la particularité de pouvoir jouer simultanément les basses et les mélodies à la kora, mais chacun a son vocabulaire et son vécu. «La musique naît de l’expérience, ce n’est pas seulement pincer les cordes ou imposer des silences, explique Sidiki. Je reste l’élève de mon père, son jeu et ses mélodies me font parfois pleurer. Mais dans ma génération, on a le sang chaud et on aime aussi sortir en boîte ! Le rap et mon expérience de producteur hip-hop m’ont ouvert à d’autres musiques.
C’est difficile à expliquer précisément, mais ça influence mon jeu de kora, car je suis un mélange de générations». Sur ce disque acoustique, baptisé simplement Toumani et Sidiki, les Diabaté plongent à quatre mains dans un imaginaire malien où il est d’ailleurs aussi question d’actualité. «Le titre Lampedusa évoque l’injustice des relations Nord-Sud, et au-delà de cette île où échouent des clandestins venus d’Afrique, je pense à ceux qui meurent en mer et à tous les artistes dont les tournées sont annulées à cause des visas.
Aujourd’hui en Occident, un papier est plus important que la vie humaine», s’indigne Toumani, qui rend aussi hommage à une figure du nouveau quartier ACI 2000 de Bamako, M. Diaby, qui comme tant d’autres Maliens, «envoie de l’argent au village pour construire des puits et des écoles».
Un autre titre, Rachid Ouiguini, évoque «un scientifique algérien à qui il faut rendre hommage pour rappeler qu’au-delà de la crise du Nord et des djihadistes, les relations entre l’Algérie et le Mali sont profondes». Même si les Diabaté sont des habitués des studios maliens, leur rencontre a été enregistrée à Londres, sur un terrain neutre qui leur a offert une liberté d’interprétation pour entamer une conversation planante, à la fois classique et moderne.
«C’était plus tranquille qu’à Bamako, ça m’a permis de me rapprocher de mon père, de voir comment il est dans le monde et en studio, explique Sidiki. Nos vies sont très bousculées au Mali, entre la famille, le travail et les tournées que mon père doit préparer, on a rarement le temps de s’asseoir pour faire des choses ensemble. Quand mon père m’a proposé ce projet, j’ai dit oui sans réfléchir. Hélas, lui n’a pas pu enregistrer avec son propre père».
Pas facile la vie de griots au Mali, qui exige une transmission familiale de génération en génération, mais ne laisse pas souvent le temps aux pères occupés par leur fonction, de passer le flambeau aux fils. À eux de consolider leur savoir auprès d’autres mentors. Dans la famille Diabaté, on est griot depuis 72 générations, mais au-delà de la tradition orale, Sidiki a aussi étudié à l’Institut National des Arts, et il a appris à écrire la musique au Conservatoire Balla Fasseké Kouyaté, où il est élève en…section batterie.
Toumani, lui aussi a dû faire ses classes en dehors de la cour familiale (notamment auprès de son père spirituel Ali Farka Touré, d’un demi-siècle son aîné). Il aurait voulu jouer plus avec son père, feu Sidiki Diabaté (1922-1996), sacré roi de la kora en 1977 au Festpac de Lagos. «Hélas, il n’a pas eu beaucoup de temps pour m’enseigner la musique, mais j’ai appris à travers lui en écoutant ses cassettes, et celles de mon grand-père.
Et j’ai aussi beaucoup suivi ma mère, Nama Koïta, qui faisait partie du Ballet National du Mali», explique Toumani, après une chaude répétition à Bamako, avec son fils et le Symmetric Orchestra, un orchestre transnational qu’il a monté pour faire un pont entre la musique mandingue et occidentale. «Nous fêtons la sortie de cet album avec deux concerts à L’Institut Français, on va même y inclure des beats et faire quelques expériences sonores, différentes de l’album !», jubile Sidiki.
Les Diabaté reprennent donc le chemin de la scène bamakoise qu’ils ont tenue pendant tant d’années au "Diplomate" et ailleurs. «Doucement, la vie musicale reprend. C’est presque comme avant sauf que la situation financière des Maliens est très dure, leur proposer une musique nouvelle, ça ne peut que faire du bien», espère Toumani.
Feu Sidiki, (grand-père), avait été l’un des porte-voix du mouvement Kaïra, né 14 ans avant l’indépendance face aux menaces sur la tradition imposées par la colonisation et les musiques importées. Depuis, les Diabaté ont tué les peurs du père : «On fait une musique du passé qui rencontre le présent pour construire l’avenir» promet Toumani.
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