Comment faites-vous pour assumer l’image de femme fatale qui vous colle à la peau ?
Les gens ont tendance à confondre la femme avec la créatrice que je suis et c’est dommage. Pour le créneau dans lequel je me suis investie, il faut du tact et de la diplomatie face au public. Surtout, il faut savoir se faire respecter et quand j’ai en face de moi des interlocuteurs qui ne sont pas très réceptifs, je leur demande de m’envoyer leurs femmes.
Donc il y a des hommes qui n’apprécient pas ce que vous faites ?
Ils sont rares mais il y en a. D’ailleurs tout est matière de controverse en ce bas monde. La plupart du temps, je ne reçois que des félicitations et des encouragements pour mon travail.
Il y a quelques jours, la presse a fait écho d’islamistes s’insurgeant contre votre dernière prestation au CICES (défilé de lingerie pour le Lion’s club) qu’ils jugeaient trop osée ?
En fait c’est une association islamiste qui a envoyé ce courrier. Mais les islamistes ne sont pas venus me voir moi personnellement pour aborder le sujet.
Et s’ils venaient vous voir, vous leur diriez quoi ?
Je l’ai écouterai d’abord et ensuite je leur expliquerai vraiment ce que je fais. J’insiste pour présenter mes produits de la façon la plus soft (douce) possible. Je n’aime pas les choses choquantes ou vulgaires et je reste à l’écoute de tout le monde.
Les tabloïds semblent plus s’intéresser à vous qu’à vos talents de créatrice. Ne pensez-vous pas être à l’origine de cet état de chose ? Surtout vous êtes surmédiatisée, on vous voit plus dans la presse que n’importe quel autre styliste ?
Je ne cours pas derrière les interviews, si on m’a vue de nombreuses fois récemment dans la presse, c’est parce que je viens d’ouvrir une nouvelle boutique. Je ne communique que quand il y a une promotion à faire, il arrive que je refuse des interviews car le moment n’était pas propice. Il faut dire que la lingerie et tout ce qui touche à la séduction intéressent les gens et sont donc « vendeurs » pour les magazines.
Vos dernières collections semblent moins « professionnelles » que les toutes premières, pas en terme de finition mais dans la diversité des créations par exemple. Comment l’expliquez vous ?
C’est votre point de vue. Je suis plus organisée maintenant, plus expérimentée aussi, donc plus professionnelle, mais je crois savoir pourquoi vous avez cette impression. A mes débuts, mes modèles étaient destinés au Sénégal donc très variés et plus colorés mais la donne a changé. Depuis quelques années je participe aux salons européens, ce qui m’oblige à suivre leur diktat et à réaliser des créations pour l’exportation. Les organisateurs nous envoient chaque année des catalogues de tendances et de coloris que l’on doit scrupuleusement respecter sous peine de ne plus être dans le coup. J’ai été très concentrée sur cela, c’est un créneau qui représente une bonne marge de ma clientèle occidentale donc un revenu important.
Les gens ont tendance à confondre la femme avec la créatrice que je suis et c’est dommage. Pour le créneau dans lequel je me suis investie, il faut du tact et de la diplomatie face au public. Surtout, il faut savoir se faire respecter et quand j’ai en face de moi des interlocuteurs qui ne sont pas très réceptifs, je leur demande de m’envoyer leurs femmes.
Donc il y a des hommes qui n’apprécient pas ce que vous faites ?
Ils sont rares mais il y en a. D’ailleurs tout est matière de controverse en ce bas monde. La plupart du temps, je ne reçois que des félicitations et des encouragements pour mon travail.
Il y a quelques jours, la presse a fait écho d’islamistes s’insurgeant contre votre dernière prestation au CICES (défilé de lingerie pour le Lion’s club) qu’ils jugeaient trop osée ?
En fait c’est une association islamiste qui a envoyé ce courrier. Mais les islamistes ne sont pas venus me voir moi personnellement pour aborder le sujet.
Et s’ils venaient vous voir, vous leur diriez quoi ?
Je l’ai écouterai d’abord et ensuite je leur expliquerai vraiment ce que je fais. J’insiste pour présenter mes produits de la façon la plus soft (douce) possible. Je n’aime pas les choses choquantes ou vulgaires et je reste à l’écoute de tout le monde.
Les tabloïds semblent plus s’intéresser à vous qu’à vos talents de créatrice. Ne pensez-vous pas être à l’origine de cet état de chose ? Surtout vous êtes surmédiatisée, on vous voit plus dans la presse que n’importe quel autre styliste ?
Je ne cours pas derrière les interviews, si on m’a vue de nombreuses fois récemment dans la presse, c’est parce que je viens d’ouvrir une nouvelle boutique. Je ne communique que quand il y a une promotion à faire, il arrive que je refuse des interviews car le moment n’était pas propice. Il faut dire que la lingerie et tout ce qui touche à la séduction intéressent les gens et sont donc « vendeurs » pour les magazines.
Vos dernières collections semblent moins « professionnelles » que les toutes premières, pas en terme de finition mais dans la diversité des créations par exemple. Comment l’expliquez vous ?
C’est votre point de vue. Je suis plus organisée maintenant, plus expérimentée aussi, donc plus professionnelle, mais je crois savoir pourquoi vous avez cette impression. A mes débuts, mes modèles étaient destinés au Sénégal donc très variés et plus colorés mais la donne a changé. Depuis quelques années je participe aux salons européens, ce qui m’oblige à suivre leur diktat et à réaliser des créations pour l’exportation. Les organisateurs nous envoient chaque année des catalogues de tendances et de coloris que l’on doit scrupuleusement respecter sous peine de ne plus être dans le coup. J’ai été très concentrée sur cela, c’est un créneau qui représente une bonne marge de ma clientèle occidentale donc un revenu important.
En clair, vous devez assurer sur deux marchés totalement différents ?
Exactement. D’une part le marché européen qui demande un brin d’exotisme mais plus de rigueur, moins de fantaisie dans les modèles et de l’autre de marché local qui laisse une grande place à l’imagination : petits pagnes colorés et affriolants, profusion de perles…
Nous n’avons rien trouvé de tout cela dans votre boutique, c’était plutôt vide côté petits pagnes…
(Elle interrompt) Mais vous êtes passée après la razzia de mes clientes. Elles raffolent des ces produits. En trois jours elles peuvent acheter tout mon stock alors que ces modèles-là ne marchent pas en Europe. Ici c’est un franc succès. Depuis que j’ai ouvert « épices de femmes », j’ai donc renoué avec …les petits pagnes.
Exactement. D’une part le marché européen qui demande un brin d’exotisme mais plus de rigueur, moins de fantaisie dans les modèles et de l’autre de marché local qui laisse une grande place à l’imagination : petits pagnes colorés et affriolants, profusion de perles…
Nous n’avons rien trouvé de tout cela dans votre boutique, c’était plutôt vide côté petits pagnes…
(Elle interrompt) Mais vous êtes passée après la razzia de mes clientes. Elles raffolent des ces produits. En trois jours elles peuvent acheter tout mon stock alors que ces modèles-là ne marchent pas en Europe. Ici c’est un franc succès. Depuis que j’ai ouvert « épices de femmes », j’ai donc renoué avec …les petits pagnes.
Etes-vous une vrai « pro » du métier : diplômée, avec un atelier, des employés, bref totalement opérationnelle ?
J’ai fait deux ans d’études au Centre de formation des modélistes à Paris. Et pour le reste, je travaille avec des équipes à qui je fournis des prototypes. Elles sont dispersées entre Dakar, Tambacounda (Est) et Nioro (centre) où se trouve mon village.
Vous êtes de Nioro ?
Oui, Nioro du Rip et je suis fière de faire travailler de jeunes filles et des familles qui excellent dans l’art du crochet. Ensuite, je récupère au fur et à mesure les réalisations avant de les expédier à Paris d’où elles sont redistribuées sur l’Europe, ce qui est plus avantageux pour moi par rapport aux taxes.
J’ai fait deux ans d’études au Centre de formation des modélistes à Paris. Et pour le reste, je travaille avec des équipes à qui je fournis des prototypes. Elles sont dispersées entre Dakar, Tambacounda (Est) et Nioro (centre) où se trouve mon village.
Vous êtes de Nioro ?
Oui, Nioro du Rip et je suis fière de faire travailler de jeunes filles et des familles qui excellent dans l’art du crochet. Ensuite, je récupère au fur et à mesure les réalisations avant de les expédier à Paris d’où elles sont redistribuées sur l’Europe, ce qui est plus avantageux pour moi par rapport aux taxes.
Rassurez-nous, vous n’êtes pas comme beaucoup, styliste que de nom, vous savez monter un bonnet et soutien-gorge avec les armatures et tout … une guêpière ?
Je sais monter un « soutif » de A à Z. en 1997, quand je suis rentrée à Dakar, je ne faisais que cela, ensuite, je mettais le tout dans une petite valise et faisais le tour des copines pour écouler ma marchandise. C’est comme ça que tout a commencé.
Vous avez eu à réaliser des lignes de vêtements qui n’ont rien à voir avec la lingerie, on se souvient d’une ravissante collection en jean brodé et d’une série de boubous et puis plus rien. Cela rapporte-t-il moins que la lingerie ?
Pas du tout. Mais je préfère consolider d’abord mes acquis dans la lingerie plutôt que de me disperser. Je compte reprendre ces activités bientôt, d’ailleurs je continue à faire des petits trucs sur ma machine mais exclusivement pour moi.
Vous avez un nom, un bon circuit de distribution et pignon sur rue. Ne rêvez-vous pas d’une reconnaissance internationale ? Pourquoi ne pas vous installer à Paris par exemple ?
Evidemment tout le monde voudrait voir ses efforts et ses aspirations couronnés d’une carrière internationale mais mes années d’expérience m’ont appris la patience. Je connais bien Paris pour y avoir vécu. Je m’y sens bien et je pourrais m’y installer si j’ai des engagements fermes ou si le besoin se fait sentir. Mais pour l’instant, mes créations sont à l’échelle artisanale, nous visons la production internationale et cela demande beaucoup de préparation et un budget colossal.
A propos de budget, il paraît que vous avez reçu il y a quelque temps un gros financement ?
Ce n’est pas vrai, je n’ai jamais reçu de gros financement.
Des petits alors ?
Même pas, à peine de petits crédits de renforcement mais de gros financements ? Elle est bonne celle là !
Alors comment comptez-vous mener à bien vos projets qui demandent justement beaucoup d’argent ?
Sur fonds personnels.
De toute évidence vos affaires marchent surtout que dans la boutique que vous venez d’acquérir vous vendez aussi des produits érotiques ?
Ce ne sont pas des produits érotiques mais des accessoires de séduction complémentaires à la lingerie.
Les aphrodisiaques ne servent pas à l’érotisme ?
Ecoutez, nous vendons des produits intimes à des femmes pour la plupart mariées.
Mais pourquoi l’accès à ces « accessoires de séduction » comme vous dites, dissimulés derrière un rideau rouge est-il interdit aux hommes ? C’est pour aiguiser leur curiosité et faire mousser vos ventes ?
Pas du tout, c’est pour garder l’effet de surprise. Si les hommes se mettaient à acheter ces produits, tout le charme serait rompu !
Il n’y a donc rien de répréhensible derrière ce fameux rideau rouge de la boutique de Nafytoo ?
Absolument rien d’autres que des secrets de femmes et cela fait partie de notre culture de se donner des conseils entre nous et d’user de subterfuges pour séduire nos époux. C’est exactement ce qui se passe dans les « tours » de famille et la société n’y voit aucun mal. Le rideau rouge est un concept charmant pour préserver notre intimité et nos secrets.
Mais pourquoi bannir les hommes ?
Tout simplement parce que c’est une affaire de femmes. D’ailleurs à la demande de la majorité de mes clientes, je pense que mes défilés seront désormais réservés aux femmes. Ainsi ces messieurs auront le privilège de savourer mes modèles sur leurs femmes et nulle part ailleurs.
Par Rose Samb
Source : Weekend Magazine du 29 mai au 04 avril 2009
Photos : Weekend Magazine
Je sais monter un « soutif » de A à Z. en 1997, quand je suis rentrée à Dakar, je ne faisais que cela, ensuite, je mettais le tout dans une petite valise et faisais le tour des copines pour écouler ma marchandise. C’est comme ça que tout a commencé.
Vous avez eu à réaliser des lignes de vêtements qui n’ont rien à voir avec la lingerie, on se souvient d’une ravissante collection en jean brodé et d’une série de boubous et puis plus rien. Cela rapporte-t-il moins que la lingerie ?
Pas du tout. Mais je préfère consolider d’abord mes acquis dans la lingerie plutôt que de me disperser. Je compte reprendre ces activités bientôt, d’ailleurs je continue à faire des petits trucs sur ma machine mais exclusivement pour moi.
Vous avez un nom, un bon circuit de distribution et pignon sur rue. Ne rêvez-vous pas d’une reconnaissance internationale ? Pourquoi ne pas vous installer à Paris par exemple ?
Evidemment tout le monde voudrait voir ses efforts et ses aspirations couronnés d’une carrière internationale mais mes années d’expérience m’ont appris la patience. Je connais bien Paris pour y avoir vécu. Je m’y sens bien et je pourrais m’y installer si j’ai des engagements fermes ou si le besoin se fait sentir. Mais pour l’instant, mes créations sont à l’échelle artisanale, nous visons la production internationale et cela demande beaucoup de préparation et un budget colossal.
A propos de budget, il paraît que vous avez reçu il y a quelque temps un gros financement ?
Ce n’est pas vrai, je n’ai jamais reçu de gros financement.
Des petits alors ?
Même pas, à peine de petits crédits de renforcement mais de gros financements ? Elle est bonne celle là !
Alors comment comptez-vous mener à bien vos projets qui demandent justement beaucoup d’argent ?
Sur fonds personnels.
De toute évidence vos affaires marchent surtout que dans la boutique que vous venez d’acquérir vous vendez aussi des produits érotiques ?
Ce ne sont pas des produits érotiques mais des accessoires de séduction complémentaires à la lingerie.
Les aphrodisiaques ne servent pas à l’érotisme ?
Ecoutez, nous vendons des produits intimes à des femmes pour la plupart mariées.
Mais pourquoi l’accès à ces « accessoires de séduction » comme vous dites, dissimulés derrière un rideau rouge est-il interdit aux hommes ? C’est pour aiguiser leur curiosité et faire mousser vos ventes ?
Pas du tout, c’est pour garder l’effet de surprise. Si les hommes se mettaient à acheter ces produits, tout le charme serait rompu !
Il n’y a donc rien de répréhensible derrière ce fameux rideau rouge de la boutique de Nafytoo ?
Absolument rien d’autres que des secrets de femmes et cela fait partie de notre culture de se donner des conseils entre nous et d’user de subterfuges pour séduire nos époux. C’est exactement ce qui se passe dans les « tours » de famille et la société n’y voit aucun mal. Le rideau rouge est un concept charmant pour préserver notre intimité et nos secrets.
Mais pourquoi bannir les hommes ?
Tout simplement parce que c’est une affaire de femmes. D’ailleurs à la demande de la majorité de mes clientes, je pense que mes défilés seront désormais réservés aux femmes. Ainsi ces messieurs auront le privilège de savourer mes modèles sur leurs femmes et nulle part ailleurs.
Par Rose Samb
Source : Weekend Magazine du 29 mai au 04 avril 2009
Photos : Weekend Magazine