La guerre des mots entre les généraux au pouvoir en Egypte et les Frères musulmans, qui ont poursuivi vendredi leur démonstration de force dans les rues du Caire, pourrait trouver une issue dans de discrètes négociations engagées en coulisse.
Des responsables des deux camps ont déclaré à Reuters que plusieurs rencontres avaient eu lieu au cours de la semaine écoulée, marquée par l'attente des résultats de l'élection présidentielle et par la publication par l'armée d'un décret lui conférant les pouvoirs législatifs.
Une nouvelle réunion pourrait avoir lieu dès samedi et être suivie de l'annonce des résultats du second tour de la présidentielle entre Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, et Ahmed Chafik, ancien général et dernier chef de gouvernement d'Hosni Moubarak.
"Nous les avons rencontrés pour discuter des moyens de sortir de la crise après la dissolution du parlement et la limitation des pouvoirs du futur président", a déclaré jeudi soir Khaïrat al Chater, responsable des finances et de la stratégie des Frères musulmans, à Reuters.
"Mais les généraux ont le sentiment que le pouvoir leur appartient et ils ne sont toujours pas prêts à un véritable compromis", a-t-il ajouté.
Membre du Conseil suprême des forces armées (CSFA), l'organe créé par les généraux après la mise à l'écart d'Hosni Moubarak face à la pression de la rue en février 2011, le général Mamdouh Chahine a confirmé l'existence de ces rendez-vous. Il a réitéré l'engagement de l'armée, qui a fourni tous ses présidents à l'Egypte depuis 1952, en faveur de la transition démocratique.
Il s'est toutefois fait l'écho de la ferme déclaration diffusée vendredi par le CSFA alors que les islamistes se massaient à nouveau sur la place Tahrir. Il a rejeté la demande, formulée par les Frères musulmans, d'abrogation du décret publié le 17 juin par les militaires juste après la fermeture des bureaux de vote.
PAS DE NÉGOCIATION SUR LE RÉSULTAT DE LA PRÉSIDENTIELLE
Prenant acte de la dissolution, par une instance issue de l'ancien régime, du parlement élu au cours de l'hiver et dominé par les islamistes, ce décret constitutionnel attribue au CSFA le pouvoir législatif dans l'attente de l'entrée en vigueur d'une nouvelle Constitution, dont la rédaction pourrait échoir à une commission nommée par les généraux. Ce texte dépouille en outre le futur chef de l'Etat de quasiment toute prérogative.
"Le décret constitutionnel relève de l'autorité exclusive du conseil militaire", a déclaré Mamdouh Chahine à Reuters.
Beaucoup en Egypte interprètent cette initiative comme une tentative de l'armée de conserver le pouvoir.
Dans les deux camps, comme parmi les responsables chargés du processus électoral, on affirme que le nom du vainqueur de l'élection présidentielle ne constitue pas un enjeu de ces discussions. Le report de l'annonce est seulement dû au nombre élevé de recours déposés de part et d'autre.
Un responsable impliqué dans la supervision de la collecte des résultats, mais pas membre de la commission électorale, a déclaré que ce report offrait tout de même aux deux camps du temps pour négocier.
"Il y a assurément la procédure consistant à collecter les suffrages avant d'annoncer les résultats", a dit ce responsable vendredi à Reuters. "Mais il y a aussi la politique en coulisse", qui permet aux deux camps de se jauger.
"Les Frères peuvent faire descendre dans les rues des millions de partisans disciplinés tandis que l'armée a pour mandat de garantir d'ordre."
Les négociations en cours entre l'armée et les Frères musulmans semblent toutefois prendre pour hypothèse une victoire de Mohamed Morsi. De sources militaires et proches de la commission électorale, on a constamment déclaré à Reuters depuis le vote que le candidat islamiste était en tête du comptage des voix.
LUTTE D'INFLUENCE
Les Frères musulmans, interdits mais tolérés sous Hosni Moubarak, et l'armée se livrent depuis des décennies une lutte d'influence pour le contrôle, y compris informel, de la société égyptienne. Mohamed Morsi et Ahmed Chafik ont pourtant réuni à eux deux moins de la moitié des suffrages au premier tour de la présidentielle et de nombreux Egyptiens, notamment les jeunes révolutionnaires et les libéraux, rejettent aussi bien les islamistes que les héritiers de l'ancien régime.
Les discussions entre Frères et généraux portent essentiellement sur les limites que souhaite imposer l'armée aux prérogatives des différentes composantes de l'Etat dans la future Constitution.
Mamdouh Chahine, l'un des généraux les plus impliqués dans l'élaboration des lois provisoires, dit vouloir "garantir un processus politique équilibré".
En privé, un autre membre du CSFA exprime l'inquiétude des généraux face à des "civils inexpérimentés qui conduiraient l'Etat dans la mauvaise direction".
Cet argument irrite Khaïrat al Chater, qui fut initialement le candidat des Frères musulmans à la présidentielle avant de voir sa candidature invalidée: "Ils nous rencontrent, nous et d'autres. Ils disent ce qu'ils veulent bien dire. Ils écoutent un peu. Mais au bout du compte, ils font ce que bon leur semble."
L'armée a déjà montré qu'elle ne tolérerait pas que les Frères musulmans contrôlent le parlement, la présidence et le processus de rédaction de la Constitution.
"L'armée aurait des ennuis si un bloc islamiste prenait les commandes du pays", dit le responsable impliqué dans la supervision du processus électoral. "Tout bloc constitue une menace pour ses prérogatives.
"Les Frères musulmans ont un rôle particulier à jouer dans la période à venir et ils ne doivent pas s'en écarter."
Bertrand Boucey pour le service français
Reuters
Des responsables des deux camps ont déclaré à Reuters que plusieurs rencontres avaient eu lieu au cours de la semaine écoulée, marquée par l'attente des résultats de l'élection présidentielle et par la publication par l'armée d'un décret lui conférant les pouvoirs législatifs.
Une nouvelle réunion pourrait avoir lieu dès samedi et être suivie de l'annonce des résultats du second tour de la présidentielle entre Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, et Ahmed Chafik, ancien général et dernier chef de gouvernement d'Hosni Moubarak.
"Nous les avons rencontrés pour discuter des moyens de sortir de la crise après la dissolution du parlement et la limitation des pouvoirs du futur président", a déclaré jeudi soir Khaïrat al Chater, responsable des finances et de la stratégie des Frères musulmans, à Reuters.
"Mais les généraux ont le sentiment que le pouvoir leur appartient et ils ne sont toujours pas prêts à un véritable compromis", a-t-il ajouté.
Membre du Conseil suprême des forces armées (CSFA), l'organe créé par les généraux après la mise à l'écart d'Hosni Moubarak face à la pression de la rue en février 2011, le général Mamdouh Chahine a confirmé l'existence de ces rendez-vous. Il a réitéré l'engagement de l'armée, qui a fourni tous ses présidents à l'Egypte depuis 1952, en faveur de la transition démocratique.
Il s'est toutefois fait l'écho de la ferme déclaration diffusée vendredi par le CSFA alors que les islamistes se massaient à nouveau sur la place Tahrir. Il a rejeté la demande, formulée par les Frères musulmans, d'abrogation du décret publié le 17 juin par les militaires juste après la fermeture des bureaux de vote.
PAS DE NÉGOCIATION SUR LE RÉSULTAT DE LA PRÉSIDENTIELLE
Prenant acte de la dissolution, par une instance issue de l'ancien régime, du parlement élu au cours de l'hiver et dominé par les islamistes, ce décret constitutionnel attribue au CSFA le pouvoir législatif dans l'attente de l'entrée en vigueur d'une nouvelle Constitution, dont la rédaction pourrait échoir à une commission nommée par les généraux. Ce texte dépouille en outre le futur chef de l'Etat de quasiment toute prérogative.
"Le décret constitutionnel relève de l'autorité exclusive du conseil militaire", a déclaré Mamdouh Chahine à Reuters.
Beaucoup en Egypte interprètent cette initiative comme une tentative de l'armée de conserver le pouvoir.
Dans les deux camps, comme parmi les responsables chargés du processus électoral, on affirme que le nom du vainqueur de l'élection présidentielle ne constitue pas un enjeu de ces discussions. Le report de l'annonce est seulement dû au nombre élevé de recours déposés de part et d'autre.
Un responsable impliqué dans la supervision de la collecte des résultats, mais pas membre de la commission électorale, a déclaré que ce report offrait tout de même aux deux camps du temps pour négocier.
"Il y a assurément la procédure consistant à collecter les suffrages avant d'annoncer les résultats", a dit ce responsable vendredi à Reuters. "Mais il y a aussi la politique en coulisse", qui permet aux deux camps de se jauger.
"Les Frères peuvent faire descendre dans les rues des millions de partisans disciplinés tandis que l'armée a pour mandat de garantir d'ordre."
Les négociations en cours entre l'armée et les Frères musulmans semblent toutefois prendre pour hypothèse une victoire de Mohamed Morsi. De sources militaires et proches de la commission électorale, on a constamment déclaré à Reuters depuis le vote que le candidat islamiste était en tête du comptage des voix.
LUTTE D'INFLUENCE
Les Frères musulmans, interdits mais tolérés sous Hosni Moubarak, et l'armée se livrent depuis des décennies une lutte d'influence pour le contrôle, y compris informel, de la société égyptienne. Mohamed Morsi et Ahmed Chafik ont pourtant réuni à eux deux moins de la moitié des suffrages au premier tour de la présidentielle et de nombreux Egyptiens, notamment les jeunes révolutionnaires et les libéraux, rejettent aussi bien les islamistes que les héritiers de l'ancien régime.
Les discussions entre Frères et généraux portent essentiellement sur les limites que souhaite imposer l'armée aux prérogatives des différentes composantes de l'Etat dans la future Constitution.
Mamdouh Chahine, l'un des généraux les plus impliqués dans l'élaboration des lois provisoires, dit vouloir "garantir un processus politique équilibré".
En privé, un autre membre du CSFA exprime l'inquiétude des généraux face à des "civils inexpérimentés qui conduiraient l'Etat dans la mauvaise direction".
Cet argument irrite Khaïrat al Chater, qui fut initialement le candidat des Frères musulmans à la présidentielle avant de voir sa candidature invalidée: "Ils nous rencontrent, nous et d'autres. Ils disent ce qu'ils veulent bien dire. Ils écoutent un peu. Mais au bout du compte, ils font ce que bon leur semble."
L'armée a déjà montré qu'elle ne tolérerait pas que les Frères musulmans contrôlent le parlement, la présidence et le processus de rédaction de la Constitution.
"L'armée aurait des ennuis si un bloc islamiste prenait les commandes du pays", dit le responsable impliqué dans la supervision du processus électoral. "Tout bloc constitue une menace pour ses prérogatives.
"Les Frères musulmans ont un rôle particulier à jouer dans la période à venir et ils ne doivent pas s'en écarter."
Bertrand Boucey pour le service français
Reuters