LE FIGARO.- À deux jours du premier tour, les sondages vous sont défavorables. Pensez-vous pouvoir renverser la situation?
Nicolas SARKOZY.- À deux jours d'une élection qui représente un choix historique pour la France, mon état d'esprit est celui d'une grande détermination. Il en faut! Je suis engagé dans un combat où depuis quatre semaines, je suis seul contre neuf candidats. Pour autant, jamais dans ma longue carrière je n'ai vu un électorat aussi mobilisé. Je recommande donc à tous les observateurs d'attendre tranquillement le résultat du premier tour. Et je ne doute pas des surprises qu'il nous réservera. Ensuite s'ouvrira une nouvelle période. Ce sera une tout autre histoire. Je passerai de 10 % à 50 % de temps de parole. Nous nous affronterons enfin projet contre projet, personnalité contre personnalité. Les Français seront alors devant un choix crucial pour la France.
Depuis le début de la crise de 2008, tous les chefs d'État et de gouvernement ont été remerciés par les électeurs. Qu'est-ce qui vous donne encore confiance?
Ceux qui ont perdu sont ceux qui n'avaient pas pris les décisions nécessaires. Il était normal que le gouvernement socialiste grec tombe, que le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Zapatero perde, que le gouvernement socialiste portugais perde. J'ai fait face à la mauvaise humeur des Français pendant le quinquennat, mais aujourd'hui ils peuvent constater que j'ai agi pour protéger la France et les Français. Le pouvoir d'achat? Nous sommes le seul pays où il a augmenté chaque année. Les déficits? Nous les avons davantage réduits que ce à quoi nous nous étions engagés. Nous sommes à 5,2 % de déficit et nous avions promis 5,7 %. La croissance? Nous sommes le seul pays d'Europe qui n'a pas connu un seul trimestre de récession depuis le début de l'année 2009. La réforme des retraites? J'ai protégé la France du risque d'une cessation de paiement de notre régime de retraite en choisissant de le réformer. Mieux, les retraites ont été actualisées: nous avons pu verser 3 milliards d'euros de pouvoir d'achat en plus pour 15,5 millions de retraités. Et je promets dans mon projet de verser les retraites le premier de chaque mois et non plus le 8.
Cette réalité est-elle perçue par les Français? Il leur est difficile de se consoler en se disant que c'est pire en Espagne…
Quelle image nous faisons-nous des Français? Ils sont lucides. Aujourd'hui, ils peuvent parfaitement comparer. En 1981, quand M. Mitterrand promettait tout, et qu'il dut totalement changer sa politique en 1983, on pouvait dire que les Français n'étaient pas informés, que le monde n'était pas encore «un village». Aujourd'hui, ils sont informés de tout. Ils ont vu la Grèce, ils voient l'Espagne. Je ne dis pas «après moi, le chaos», cela n'a pas de sens de le dire. Je dis seulement que, quel que soit le président choisi par les Français, s'il relâche la pression sur la réduction des déficits, nous serons emportés. L'Europe est convalescente. La France n'a pas le droit à l'erreur! Mais M. Hollande propose quoi? De créer 61.000 postes de fonctionnaires en plus. Est-ce vraiment la priorité? Il n'y a pas un seul pays qui fasse cela. Il dit qu'il faut augmenter les cotisations sociales pour baisser l'âge de la retraite. Il veut augmenter le smic pour aider le pouvoir d'achat des petits salaires, mais il veut supprimer les heures supplémentaires, qui profitent à 9 millions de salariés. Il veut augmenter de 25 % l'allocation de rentrée scolaire. A-t-on les moyens de faire tout cela? Croyons-nous une minute que ce qui se passe en Espagne ne se passera pas en France parce que M. Hollande serait élu?
Vous avez dit au début de la campagne: «Je suis beaucoup plus prudent qu'on ne l'imagine.» N'est-ce pas cela qui a déçu les électeurs qui ont voté pour vous en 2007?
Je sais qu'une partie des Français qui m'ont fait confiance veut encore davantage de réformes. Mais depuis combien de temps un président appartenant à notre famille peut-il dire aux Français: «En cinq ans de mandat, je n'ai pas reculé devant la rue» ? Tous les engagements que j'ai pris ont été tenus. Le seul qui ne l'a pas été? La réduction du chômage. Pourquoi? Parce qu'il y a eu une crise mondiale. Certains sont peut-être déçus, mais quel est le président de la République qui a mieux que moi pacifié et rassemblé sa majorité? Vous souvenez-vous des combats fratricides à droite? À la différence de ce qui s'est passé pour certains de mes prédécesseurs, il n'y a pas de rupture entre les professions de santé et nous, les agriculteurs et nous, les familles et nous. Alors, certains, à droite, voudraient aller plus loin, sur le temps de travail par exemple. Mais je ne veux pas faire les 39 heures payées 35. Je ne dirai pas aux gens «il faut travailler plus pour gagner moins». Je ne le ferai pas. Ce n'est pas dans ma politique.
Votre projet est essentiellement orienté vers la réduction des déficits, mais, pour parvenir à cet objectif, il faut pouvoir s'appuyer sur la croissance économique. Comment peut-on conjuguer discipline budgétaire et soutien à l'activité?
Force est de constater que nous le faisons déjà puisque nous réduisons plus vite que prévu notre déficit et qu'il y a quand même de la croissance. Nos projections sont crédibles: pour 2012, nous visons 0,7 % de croissance et nous disposons déjà d'un acquis de 0,5 %. Pour aller au-delà, nous devons baisser le coût du travail et développer l'innovation et non, comme le propose François Hollande, augmenter les cotisations des entreprises et des salariés, ce qui sera un frein à la croissance. Je crois à la TVA anti-délocalisations, qui est indispensable pour améliorer notre compétitivité. En ce qui concerne la discipline budgétaire, nous n'avons pas le choix et je ne remettrai pas en cause mon objectif de zéro déficit en 2016. La France paie 42 milliards par an pour rembourser le seul intérêt de sa dette. Si elle ne tient pas ses promesses de réduction de déficit, ses créanciers perdront confiance et exigeront des taux d'intérêt plus élevés. Les amis de Jean-Luc Mélenchon et d'Eva Joly ne voteront jamais pour une telle discipline! En 1981, il avait fallu deux ans pour remettre en question les erreurs économiques de François Mitterrand ; en 2012, cela ne tiendrait pas deux jours.
Quelles initiatives concrètes supplémentaires pouvez-vous engager pour stimuler la croissance?
Je propose aux Français un nouveau modèle de croissance, qui s'appuie sur un gigantesque effort en faveur de la revalorisation du travail, de la recherche, de l'investissement et de l'innovation. Cela passe par une réforme essentielle: l'instauration d'un droit à la formation professionnelle pour chacun. Nous devons changer le système actuel, dans lequel seulement 10 % des chômeurs ont accès à l'enveloppe de 35 milliards d'euros de la formation. C'est intenable. Et lorsque les demandeurs d'emploi auront bénéficié d'une formation, ils devront accepter un emploi correspondant à cette formation. Il faut ensuite en terminer avec l'égalitarisme à l'école, qui ne lui permet plus de remplir sa mission. Environ 100.000 enfants se trouvent en très grande difficulté au moment d'entrer au collège car ils ne maîtrisent pas la lecture ou l'écriture. Ce n'est pas acceptable et je propose de donner le pouvoir au chef d'établissement et au maire de la commune de débloquer jusqu'à 2000 euros par enfant en difficulté pour aider les familles à financer un soutien extérieur. Cette mesure coûterait 200 millions d'euros, mais c'est un investissement majeur pour l'avenir de ces enfants et pour la société parce que ce sont les mêmes que nous n'arrivons pas ensuite à intégrer dans l'emploi. Enfin, il faut diviser par deux le nombre d'étrangers qui immigrent en France chaque année, car notre système ne peut plus absorber le flux actuel. Je veux instaurer un examen de français et de connaissance des valeurs républicaines pour toute personne de plus de 16 ans souhaitant s'installer dans notre pays.
Que proposez-vous au niveau européen?
L'Europe doit imposer un principe de réciprocité à tous ses partenaires commerciaux et à leurs entreprises, qui doivent respecter les mêmes normes sociales et environnementales que les nôtres. Plus encore, la France exigera que d'ici à un an, tous les marchés publics soient réservés à des entreprises qui produisent en Europe, comme le font les États-Unis avec leurs entreprises à travers le «Buy American Act» depuis 1933, ou bien la Chine et le Japon avec leurs entreprises. Je réfute le protectionnisme, car je crois au libre-échange et au marché. Mais l'Europe est le marché le plus ouvert au monde, et je considère que le libre-échange suppose un minimum de réciprocité.
Êtes-vous prêt à faire la politique de la chaise vide si les autres européens ne vous suivent pas?
Non, car ce qui était possible à six au temps du général de Gaulle n'a plus de sens dans une Europe à vingt-sept. En revanche, je suis prêt à prendre des mesures unilatérales en attendant que les autres nous rejoignent.
Nicolas SARKOZY.- À deux jours d'une élection qui représente un choix historique pour la France, mon état d'esprit est celui d'une grande détermination. Il en faut! Je suis engagé dans un combat où depuis quatre semaines, je suis seul contre neuf candidats. Pour autant, jamais dans ma longue carrière je n'ai vu un électorat aussi mobilisé. Je recommande donc à tous les observateurs d'attendre tranquillement le résultat du premier tour. Et je ne doute pas des surprises qu'il nous réservera. Ensuite s'ouvrira une nouvelle période. Ce sera une tout autre histoire. Je passerai de 10 % à 50 % de temps de parole. Nous nous affronterons enfin projet contre projet, personnalité contre personnalité. Les Français seront alors devant un choix crucial pour la France.
Depuis le début de la crise de 2008, tous les chefs d'État et de gouvernement ont été remerciés par les électeurs. Qu'est-ce qui vous donne encore confiance?
Ceux qui ont perdu sont ceux qui n'avaient pas pris les décisions nécessaires. Il était normal que le gouvernement socialiste grec tombe, que le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Zapatero perde, que le gouvernement socialiste portugais perde. J'ai fait face à la mauvaise humeur des Français pendant le quinquennat, mais aujourd'hui ils peuvent constater que j'ai agi pour protéger la France et les Français. Le pouvoir d'achat? Nous sommes le seul pays où il a augmenté chaque année. Les déficits? Nous les avons davantage réduits que ce à quoi nous nous étions engagés. Nous sommes à 5,2 % de déficit et nous avions promis 5,7 %. La croissance? Nous sommes le seul pays d'Europe qui n'a pas connu un seul trimestre de récession depuis le début de l'année 2009. La réforme des retraites? J'ai protégé la France du risque d'une cessation de paiement de notre régime de retraite en choisissant de le réformer. Mieux, les retraites ont été actualisées: nous avons pu verser 3 milliards d'euros de pouvoir d'achat en plus pour 15,5 millions de retraités. Et je promets dans mon projet de verser les retraites le premier de chaque mois et non plus le 8.
Cette réalité est-elle perçue par les Français? Il leur est difficile de se consoler en se disant que c'est pire en Espagne…
Quelle image nous faisons-nous des Français? Ils sont lucides. Aujourd'hui, ils peuvent parfaitement comparer. En 1981, quand M. Mitterrand promettait tout, et qu'il dut totalement changer sa politique en 1983, on pouvait dire que les Français n'étaient pas informés, que le monde n'était pas encore «un village». Aujourd'hui, ils sont informés de tout. Ils ont vu la Grèce, ils voient l'Espagne. Je ne dis pas «après moi, le chaos», cela n'a pas de sens de le dire. Je dis seulement que, quel que soit le président choisi par les Français, s'il relâche la pression sur la réduction des déficits, nous serons emportés. L'Europe est convalescente. La France n'a pas le droit à l'erreur! Mais M. Hollande propose quoi? De créer 61.000 postes de fonctionnaires en plus. Est-ce vraiment la priorité? Il n'y a pas un seul pays qui fasse cela. Il dit qu'il faut augmenter les cotisations sociales pour baisser l'âge de la retraite. Il veut augmenter le smic pour aider le pouvoir d'achat des petits salaires, mais il veut supprimer les heures supplémentaires, qui profitent à 9 millions de salariés. Il veut augmenter de 25 % l'allocation de rentrée scolaire. A-t-on les moyens de faire tout cela? Croyons-nous une minute que ce qui se passe en Espagne ne se passera pas en France parce que M. Hollande serait élu?
Vous avez dit au début de la campagne: «Je suis beaucoup plus prudent qu'on ne l'imagine.» N'est-ce pas cela qui a déçu les électeurs qui ont voté pour vous en 2007?
Je sais qu'une partie des Français qui m'ont fait confiance veut encore davantage de réformes. Mais depuis combien de temps un président appartenant à notre famille peut-il dire aux Français: «En cinq ans de mandat, je n'ai pas reculé devant la rue» ? Tous les engagements que j'ai pris ont été tenus. Le seul qui ne l'a pas été? La réduction du chômage. Pourquoi? Parce qu'il y a eu une crise mondiale. Certains sont peut-être déçus, mais quel est le président de la République qui a mieux que moi pacifié et rassemblé sa majorité? Vous souvenez-vous des combats fratricides à droite? À la différence de ce qui s'est passé pour certains de mes prédécesseurs, il n'y a pas de rupture entre les professions de santé et nous, les agriculteurs et nous, les familles et nous. Alors, certains, à droite, voudraient aller plus loin, sur le temps de travail par exemple. Mais je ne veux pas faire les 39 heures payées 35. Je ne dirai pas aux gens «il faut travailler plus pour gagner moins». Je ne le ferai pas. Ce n'est pas dans ma politique.
Votre projet est essentiellement orienté vers la réduction des déficits, mais, pour parvenir à cet objectif, il faut pouvoir s'appuyer sur la croissance économique. Comment peut-on conjuguer discipline budgétaire et soutien à l'activité?
Force est de constater que nous le faisons déjà puisque nous réduisons plus vite que prévu notre déficit et qu'il y a quand même de la croissance. Nos projections sont crédibles: pour 2012, nous visons 0,7 % de croissance et nous disposons déjà d'un acquis de 0,5 %. Pour aller au-delà, nous devons baisser le coût du travail et développer l'innovation et non, comme le propose François Hollande, augmenter les cotisations des entreprises et des salariés, ce qui sera un frein à la croissance. Je crois à la TVA anti-délocalisations, qui est indispensable pour améliorer notre compétitivité. En ce qui concerne la discipline budgétaire, nous n'avons pas le choix et je ne remettrai pas en cause mon objectif de zéro déficit en 2016. La France paie 42 milliards par an pour rembourser le seul intérêt de sa dette. Si elle ne tient pas ses promesses de réduction de déficit, ses créanciers perdront confiance et exigeront des taux d'intérêt plus élevés. Les amis de Jean-Luc Mélenchon et d'Eva Joly ne voteront jamais pour une telle discipline! En 1981, il avait fallu deux ans pour remettre en question les erreurs économiques de François Mitterrand ; en 2012, cela ne tiendrait pas deux jours.
Quelles initiatives concrètes supplémentaires pouvez-vous engager pour stimuler la croissance?
Je propose aux Français un nouveau modèle de croissance, qui s'appuie sur un gigantesque effort en faveur de la revalorisation du travail, de la recherche, de l'investissement et de l'innovation. Cela passe par une réforme essentielle: l'instauration d'un droit à la formation professionnelle pour chacun. Nous devons changer le système actuel, dans lequel seulement 10 % des chômeurs ont accès à l'enveloppe de 35 milliards d'euros de la formation. C'est intenable. Et lorsque les demandeurs d'emploi auront bénéficié d'une formation, ils devront accepter un emploi correspondant à cette formation. Il faut ensuite en terminer avec l'égalitarisme à l'école, qui ne lui permet plus de remplir sa mission. Environ 100.000 enfants se trouvent en très grande difficulté au moment d'entrer au collège car ils ne maîtrisent pas la lecture ou l'écriture. Ce n'est pas acceptable et je propose de donner le pouvoir au chef d'établissement et au maire de la commune de débloquer jusqu'à 2000 euros par enfant en difficulté pour aider les familles à financer un soutien extérieur. Cette mesure coûterait 200 millions d'euros, mais c'est un investissement majeur pour l'avenir de ces enfants et pour la société parce que ce sont les mêmes que nous n'arrivons pas ensuite à intégrer dans l'emploi. Enfin, il faut diviser par deux le nombre d'étrangers qui immigrent en France chaque année, car notre système ne peut plus absorber le flux actuel. Je veux instaurer un examen de français et de connaissance des valeurs républicaines pour toute personne de plus de 16 ans souhaitant s'installer dans notre pays.
Que proposez-vous au niveau européen?
L'Europe doit imposer un principe de réciprocité à tous ses partenaires commerciaux et à leurs entreprises, qui doivent respecter les mêmes normes sociales et environnementales que les nôtres. Plus encore, la France exigera que d'ici à un an, tous les marchés publics soient réservés à des entreprises qui produisent en Europe, comme le font les États-Unis avec leurs entreprises à travers le «Buy American Act» depuis 1933, ou bien la Chine et le Japon avec leurs entreprises. Je réfute le protectionnisme, car je crois au libre-échange et au marché. Mais l'Europe est le marché le plus ouvert au monde, et je considère que le libre-échange suppose un minimum de réciprocité.
Êtes-vous prêt à faire la politique de la chaise vide si les autres européens ne vous suivent pas?
Non, car ce qui était possible à six au temps du général de Gaulle n'a plus de sens dans une Europe à vingt-sept. En revanche, je suis prêt à prendre des mesures unilatérales en attendant que les autres nous rejoignent.