Boko Haram s'est invité dans le jeu politique au Niger ia en menaçant d'empêcher la tenue des prochaines élections tout en poursuivant son travail de sape sur le terrain en multipliant ses attaques meurtrières dans le nord-est.
Parallèlement, l'armée nigériane, discrète ces dernières semaines sur ses revers militaires face aux insurgés islamistes, a assuré mercredi avoir tué plus de 300 combattants de Boko Haram en reprenant une ville-garnison dans le nord-est à Boko Haram.
Le chef du groupe islamiste armé, Abubakar Shekau, dans une vidéo diffusée sur Twitter mardi soir, a juré de faire échouer le processus électoral en cours, notamment l'élection présidentielle couplée à des législatives et des sénatoriales le 28 mars.
"Ces élections n'auront pas lieu, même si nous sommes tués. (...) Allah ne vous le permettra jamais (que ces élections aient lieu)", a déclaré Abubakar Shekau en langue haoussa, parlée majoritairement dans le Nord.
Shekau a également revendiqué l'attaque de Gombe (nord-est), capitale de l?État du même nom qui, selon des habitants, a été envahie pendant plusieurs heures le 14 février par plusieurs centaines d'islamistes sans rencontrer de réelle résistance militaire. Les assaillants y avaient distribué des tracts mettant en garde contre toute participation aux élections et promettant de cibler les bureaux de vote.
Mercredi, le chef de la Commission électorale nationale indépendante (INEC), Attahiru Jega, a affirmé qu'un nouveau report des élections (initialement prévues le 14 février) n'était pas possible en vertu de la Constitution, selon laquelle un nouveau président doit être installé le 29 mai au plus tard. "Nous voulons tenir les élections (...) dans les délais constitutionnels", un nouveau report "serait simplement inconstitutionnel", a-t-il dit.
Sur le terrain, les pays frontaliers du Nigeria, Cameroun et Niger, mobilisés avec le Tchad contre les islamistes, ont encore subi des pertes.
Dans l'extrême-nord du Cameroun, huit civils ont été tués mardi à Gaboua lors d'une attaque des islamistes qui voulaient voler du bétail, selon une source sécuritaire camerounaise. Neuf assaillants ont également péri dans les combats avec les éleveurs qui défendaient leurs richesses.
- Bombardement aérien au Niger -
Et dans le sud-est du Niger, qui subit une série d'attaques de Boko Haram depuis deux semaines, au moins 36 personnes ont été tuées mardi après-midi par un bombardement aérien sur la ville d'Abadam, séparée du Nigeria par une rivière, selon des sources locales et humanitaire. L'avion ayant largué la bombe n'a pas été identifié dans l'immédiat
Mercredi, le porte-parole de l'armée nigériane, Chris Olukolade, a déclaré que les forces nigérianes avaient tué "plus de 300" combattants de Boko Haram lors d'une opération de deux jours leur ayant permis de reprendre lundi la ville-garnison de Monguno, prise le 25 janvier par les islamistes, mais aussi dix localités voisines dans l'Etat de Borno.
Selon lui, quelques combattants "ont aussi été capturés. Plusieurs armes et équipements ont également été saisis, dont certains ont été détruits" par l'armée: véhicules blindés, caisses d'obus, mitrailleuses, lance-roquettes...
Le report des élections dans le pays le plus peuplé d'Afrique avait été motivé au prétexte que les forces de défense n'étaient pas en mesure de sécuriser le vote en raison de leur mobilisation contre Boko Haram, qui sévit depuis six ans dans le vaste nord-est et y contrôle des pans entiers de territoire.
Le report des scrutins a été vivement critiqué dans le pays et à l'étranger, l'opposition nigériane estimant qu'il était motivé en fait par un calcul électoraliste du camp de M. Jonathan, candidat à sa succession.
Selon plusieurs analystes, M. Jonathan est en perte de vitesse face à l'ex-général Muhammadu Buhari, candidat du Congrès progressiste (APC), principale formation de l'opposition et le report lui permettrait d'inverser la tendance.
Au Nigeria, plusieurs analystes et de nombreux habitants se montrent sceptiques sur les chances réelles d'un succès militaire en quelques semaines face à Boko Haram en expansion depuis six ans, bien implanté localement et disposant d'une importante puissance de feu.
Depuis 2009, l'insurrection et sa répression par les forces nigérianes a fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria. Et la multiplication des attaques islamistes, en dépit de la mobilisation régionale contre le groupe, accroît le scepticisme ambiant.
Car de nouveaux attentats-suicides ont frappé, mardi, le nord-est du Nigeria, y faisant près de 40 morts et plusieurs dizaines de blessés. Yamarkumi, près de Biu (État de Borno), a recensé 36 morts, Potiskum, capitale économique de l?État de Yobe, a compté deux morts.
Boko Haram a étendu ces derniers mois ses attaques à trois pays voisins du Nigeria: Cameroun, Niger et Tchad, qui le combattent à leurs frontières, voire sur le sol nigérian comme mardi en fin d'après-midi le Tchad, sur la route de Maiduguri, capitale de l?État de Borno. Là, à Dikwa, l'armée tchadienne affirme avoir affronté des islamistes de Boko Haram, tuant plusieurs d'entre eux lors de violents combats.
Le 7 février, les pays de la région ont convenu de mobiliser 8.700 hommes dans une force régionale contre Boko Haram, dont le déploiement n'était pas effectif mercredi.