L'équipementier en télécoms finlandais Nokia a affirmé mardi négocier un rachat de son concurrent franco-américain Alcatel-Lucent, pour former un nouveau géant dans les technologies destinées aux opérateurs télécoms et internet.
"Nokia et Alcatel-Lucent confirment être en discussions sur un possible rapprochement, qui pourrait prendre la forme d?une offre échange en actions de Nokia sur Alcatel-Lucent", ont indiqué les deux groupes dans un communiqué commun.
Si elle aboutissait, la transaction signerait l'absorption d'Alcatel-Lucent, un membre du CAC 40, l'élite des grandes entreprises françaises.
L'affaire a été jugée assez importante en France pour que le président François Hollande reçoive le jour même les patrons des deux groupes, Rajeev Suri et Michel Combes. Ils sont attendus dans l'après-midi à l'Élysée.
Le gouvernement français "sera très attentif à ses éventuelles conséquences sur l'emploi et l'activité des sites français d'Alcatel-Lucent", avait indiqué à l'AFP une porte-parole du ministère de l'Économie français.
Nokia s'était fait connaître mondialement en devenant numéro un mondial des téléphones portables à la fin des années 1990, avant d'être dépassé en 2012 par le sud-coréen Samsung. Il avait abandonné la partie l'année suivante, annonçant la cession de l'activité téléphones et tablettes au géant américain du logiciel Microsoft.
Aujourd'hui, le finlandais conçoit et fabrique des infrastructures de réseaux téléphoniques et internet.
Depuis la vente à Microsoft concrétisée en avril 2014, il a gardé dans ses coffres l'essentiel des 5,4 milliards d'euros qu'il en a tirés. Sa stratégie se concentre sur l'innovation dans les technologies mobiles (LTE et 4G) et le développement des systèmes de géolocalisation (filiale HERE).
Nokia n'a livré aucun détail supplémentaire mardi, n'évoquant aucun montant ni les raisons qui l'ont poussé à s'intéresser à Alcatel-Lucent.
Pour le finlandais, l'intérêt serait de grandir face à son grand rival, le suédois Ericsson, et un autre concurrent qui cherche à percer en Occident, le chinois Huawei.
À très court terme pourtant, les investisseurs jugeaient sévèrement l'idée, l'action Nokia perdant 6,44% à la Bourse d'Helsinki deux heures après l'annonce, alors que celle d'Ericsson progressait de 1,66% à Stockholm. À Paris, Alcatel-Lucent bondissait de 10,95%.
Le cabinet de conseil boursier finlandais Inderes soulignait le "risque" pris par Nokia. Dans le secteur des technologies, "l'histoire des fusions fait peur", soulignait-il sur Twitter.
Celle du français Alcatel et de l'américain Lucent a été un échec patent: le franco-américain n'a réalisé que des pertes annuelles depuis la fusion en 2006, à l'exception de 2011.
- Multiples restructurations d'Alcatel-Lucent -
Alcatel-Lucent, passé par de multiples restructurations, estime récolter aujourd'hui les fruits d'un plan engagé en juin 2013. Ce plan, "Shift", prévoit de concentrer ses forces sur l'IP (services liés à internet), le "cloud" (stockage informatique à distance) et l'ultra haut débit fixe et mobile.
Nokia emploie près de 55.000 personnes dans le monde, et Alcatel-Lucent près de 53.000.
Lundi, l'agence financière Bloomberg et le quotidien français Les Échos affirmaient qu'Alcatel-Lucent négociait la cession de ses activités mobiles à Nokia, soit une partie du groupe seulement.
Des spéculations sur un éventuel rapprochement ou une transaction entre les deux sociétés avaient déjà eu cours fin 2014, sans se concrétiser.
Bloomberg soulignait lundi que Nokia cherchait à s'assurer la bienveillance des autorités françaises, précisant que "des responsables du gouvernement travaillent avec des conseillers" sur un montage préservant des emplois de recherche et développement en France.
Débarrassée du foyer de pertes qu'étaient les téléphones portables, Nokia tente de reconstituer ses finances après avoir accumulé les pertes au début des années 2010. Les trois grandes agences de notation la classent cependant toujours dans la catégorie "spéculative", ce qui signifie qu'elle présente un risque significatif pour ses créanciers.
Le groupe finlandais a dégagé un bénéfice net de 1,16 milliard d'euros en 2014, quintuplé par rapport à l'année précédente, mais grâce essentiellement à un gain comptable fiscal.
Bloomberg avait affirmé vendredi qu'afin de renforcer sa trésorerie, Nokia avait contacté des acheteurs potentiels pour sa filiale de géolocalisation HERE, qu'il valorise dans ses comptes à quelque deux milliards d'euros.