Le nouveau gouvernement du Président Macky Sall est très attendu. Nous sommes bien curieux de connaître le nom des hommes et femmes qui auront en charge de conduire les affaires du pays jusqu’à la prochaine élection présidentielle de 2019.
La publication de la liste des membres du gouvernement devrait aussi donner des indications sur la lecture que le chef de l’Etat a pu faire des résultats des dernières élections législatives. Aussi, pourrait-on chercher, à partir de la configuration du gouvernement, à projeter l’esprit dans lequel le Président Macky Sall se présenterait devant les électeurs.
D’emblée, on pourra souligner que le choix, devenu un secret de polichinelle, du Président Macky Sall, chef de la majorité parlementaire, de maintenir Moustapha Niasse à la présidence de l’Assemble nationale indique que la coalition Benno a encore de beaux jours devant elle. Il ne saurait en être autrement. Nul ne saurait envisager que le chef de l’Etat se mette à défaire une coalition sortie fraîchement victorieuse d’une élection d’autant que le temps qui le sépare d’une autre échéance électorale cruciale est compté.
On peut donc augurer que les formations politiques qui sont les composantes de la coalition Benno se retrouveront dans le nouveau gouvernement que Mahammed Boun Abdallah Dionne devra conduire. C’est une autre certitude que le Président Sall n’aura aucune raison de changer de Premier ministre. Il ne peut révoquer un Premier ministre qui n’a pas commis d’esclandre et qui a eu l’opportunité de conduire une liste électorale qui a été sanctionnée par une confortable majorité.
Limoger donc Mahammed Dionne et encore une fois sans aucune raison placerait Macky Sall dans la même posture qu’un Abdoulaye Wade qui avait décidé de démettre son Premier ministre Macky Sall qui venait de conduire son camp à la victoire aux élections législatives de 2007. Il s’y ajoute que Mahammed Dionne ne trouverait même pas un parachute que serait la présidence de l’Assemblée nationale qui, on le sait déjà, reste le «fromage» de Moustapha Niasse.
Peut-être que si le patron de l’Alliance des forces de progrès (Afp) avait estimé avoir fait son temps et se montrait assez altruiste pour passer la main de lui-même, le Président Macky Sall aurait pu essayer d’autres schémas. Il devient clair que Moustapha Niasse ne se résoudra pas à partir de lui-même à la retraite politique. Il ne quitterait qu’au prix d’une incapacité physique ou d’une déchirure avec le Président Sall. Le chef de l’Etat s’interdirait d’envisager cette dernière éventualité.
Pour autant, le Président Sall pourra-t-il donner l’impression d’être autiste ? Assurément non ! Il sera bien obligé de tenir compte des votes de mécontentement exprimés dans les urnes. Il ne pourra donc pas faire l’économie d’offrir le scalp de certaines personnalités de son gouvernement, comme pour dire aux électeurs : «Je vous ai compris.» Des ministres fortement décriés devraient se voir remplacés. Des ministres assez visibles de son gouvernement devaient quitter, et quelques jeux de chaises musicales devraient être opérés. Seulement, on peut considérer que la proximité de la prochaine élection présidentielle ne favorise pas un chamboulement aux allures de big-bang de l’architecture gouvernementale.
Macky Sall ne saurait aller à une échéance électorale dans moins de deux ans en prenant le risque de disloquer sa famille politique. Les plaies ne seraient sans doute pas complètement pansées d’ici là. Il s’y ajoute que la main tendue par le chef de l’Etat à son opposition, à l’occasion de la fête de la Tabaski, ne pourra pas se traduire par une ouverture de son gouvernement à des personnalités politiques issues des rangs de celle-ci. L’urgence de former un gouvernement ne laisse pas de temps pour affiner une telle opération.
Le pays attend avec impatience un nouveau gouvernement pour que la machine de l’Etat, ralentie naturellement par les dernières joutes électorales, puisse redémarrer ou se relancer. Le gouvernement devra faire face à des échéances politiques dirimantes comme l’installation de la nouvelle Assemble nationale et l’examen du budget de l’Etat pour l’année 2018. La formation du nouveau gouvernement ne pourra absolument pas dépasser l’échéance de la semaine qui commence.
Tout cela finit par montrer que le Président Macky Sall n’aura pas véritablement les coudées franches pour mettre en place le gouvernement de ses rêves et de ses véritables choix. Il ne pourra renouveler son équipe en intégrant de nombreuses nouvelles personnalités qui n’auront pas le temps de s’installer et de conduire des actions d’envergure avant que le pays ne retourne encore aux urnes dans moins de dix-huit mois. L’expérience enseigne que les campagnes électorales pour une Présidentielle durent presque une année.
Les années précédant une élection présidentielle se révèlent toujours improductives du fait que le gouvernement est fortement politisé et les débats politiques ambiants gagnent tous les esprits et toutes les sphères. Les investisseurs attendent la fin des élections pour se rassurer à continuer à envisager de nouveaux engagements. Qui ne se rappelle par exemple qu’en 2011, 2006 et 1999, le Sénégal avait régulièrement enregistré ses plus faibles taux de croissance et ses plus mauvais résultats économiques ?
Le pays a toujours été en campagne électorale durant des mois et notamment à partir de la moitié de l’année précédant une année d’élections nationales. On peut donc s’attendre à ce qu’à partir du mois de juin 2018, tout le Sénégal soit tendu vers la Présidentielle de 2019. Quelle est la personnalité qui pourra nourrir de véritables ambitions pour marquer un ministère qui pourra ainsi s’engager dans une expérience gouvernementale, étant déjà assurée de ne pouvoir trouver assez de temps pour faire ses preuves ?
Il faut aussi dire que le Président Macky Sall ne pourra pas faire preuve de grandes audaces pour réorganiser le gouvernement. L’urgence calendaire de déposer le projet de loi de finances pour l’année 2018 sur le bureau de l’Assemblée nationale ne permet plus de redessiner une nouvelle organisation du gouvernement et des différents services de l’Etat.
Au demeurant, le Président Sall ne pourra pas manquer de donner des signaux qui pourraient rassurer davantage les populations, mais aussi les partenaires du Sénégal quant à des efforts nécessaires d’une meilleure gouvernance publique. Certains patrons d’entreprise publique qui ont eu la maladresse de s’illustrer négativement par des actes de gabegie et de prédation devront en payer le prix. L’opinion publique attend à tout le moins le limogeage de directeurs généraux emblématiques de la mal gouvernance. Les premières décisions du gouvernement devront aller dans ce sens. C’est une condition essentielle pour fixer un bon cap pour 2019.
Madiambal Diagne (lequotidien.sn)