Emprisonné par Poutine, il a frôlé la mort dans sa geôle sibérienne et a été libéré en 2019 : Oleg Sentsov, icône de l’activisme ukrainien, nous livre sa vision du «tsar» et de ce conflit qui gangrène son pays. Une interview parue à l'origine dans Paris Match Belgique.
Le réalisateur qui porte l’Ukraine dans ses tripes devait venir à Bruxelles présenter son film « Rhino » le 27 février. C’était à Bozar, lors de la 5e édition du Festival Bridges – East of West Film Days. Cette année le focus était placé sur l’Ukraine. Mais voilà, la déclaration de Poutine du 24 février annonçant l’opération militaire en Ukraine a imposé le gel des liaisons commerciales notamment.
“En raison de l’agression, les vols sont annulés et nous sommes en train de vivre maintenant toutes les activités de guerre – tirs de missiles, arrivées des tanks etc. Personne ne viendra à Bruxelles cette fois mais le Festival aura bien lieu à Bozar”, nous confirme son producteur, Denis Ivanov. « Oleg est en guerre », précise-t-il sobrement, en joignant une photo du réalisateur vêtu d’une veste en treillis. « Il a rejoint l’armée le jour où la guerre a commencé. »
Donnez du sang, aidez les lignes de front !
« Je ferai peu d’autres commentaires », ajoute de son côté le réalisateur, qui le confirme sur ses réseaux sociaux, « parce que j’ai beaucoup à faire. L’ennemi veut détruire l’Ukraine et sa population. Tous aux armes ! Rendez-vous dans les bureaux d’enrôlement militaire, joignez les forces armées, engagez-vous dans la défense, donnez du sang, aidez les lignes de front, résistez derrière l’agresseur. Mort aux occupants! Gloire à l’Ukraine! » Oleg Sentsov est, une fois encore, par la force des choses, empêché dans son action mais pas dans son art ni dans sa communication. Il a accepté de nous accorder, via Zoom, un long entretien en amont de ce festival ukrainien dans la capitale de l’Europe.
Rhino évoque la naissance et l’évolution d’un délinquant au crâne rasé dans l’Ukraine des années 90, corrompue jusqu’à l’os. Le scénario a été écrit et le tournage entamé avant l’emprisonnement du réalisateur . Le tournage se poursuivra enfin après sa libération. C’est dire la symbolique et le poids vital de ce film. Il met en scène une tête brûlée dont l’existence est dominée par la sensation de toute-puissance et une cruauté sans faille mais dont l’armure connaîtra une fêlure majeure. Un moment de cinéma à la fois brut et sophistiqué, pur et engagé, puissant et lisible à divers degrés.
Arrêté par le FSB, ex-KGB, condamné à 20 ans dans une geôle en Sibérie, il se lance dans une grève de la faim qui mobilise l’opinion internationale
Le réalisateur ukrainien a enduré, dans son parcours, les foudres de Poutine. Engagé dans le mouvement de protestation Euromaïdan (manifestations pro-européennes en Ukraine), opposé à l’annexion de la Crimée, d’où il est originaire, il accusé par Moscou de faits de « terrorisme » et « trafic d’armes ». Après l’annexion de la Crimée par la Russie, alors que son pays est occupé, il est arrêté en 2014 par le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (le FSB, successeur du KGB). Le tournage de son film « Rhino », qu’il venait d’entamer, est avorté dans l’oeuf.
Sentsov est condamné en 2015 à vingt ans de réclusion au terme d’un procès “stalinien” selon les termes d’Amnesty International. Détenu dans la colonie pénitentiaire de Lefortovo en Sibérie occidentale, ex-geôle du KGB, fameuse pour la détention de dissidents politiques, il se lance en 2018 dans une grève de la faim de plusieurs mois durant laquelle il frôlera la mort. Il demande la libération des prisonniers politiques ukrainiens détenus en Russie. Il sera soutenu par une pléiade de dirigeants occidentaux et de personnalités du 7e art, entre autres. Parmi eux, Ken Loach, Mike Leigh, Pedro Almodovar, Wim Wenders, Arnaud Desplechin, Bertrand Tavernier, l’Américain Frederick Wiseman… Les manifestations en sa faveur fleurissent. Les supporters arborent des t-shirts à son effigie. Le personnage est une icône. Les médias internationaux relaient sa cause et le disent “prêt à mourir en martyr”. “Jusqu’au bout et au nom de tous les autres” titre le Courrier international le 16 août 2018. La même année, il reçoit le prix Sakharov du Parlement européen. Il sera libéré enfin le 7 septembre 2019, au terme d’un échange de détenus entre l’Ukraine et la Russie mené par le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Le réalisateur qui porte l’Ukraine dans ses tripes devait venir à Bruxelles présenter son film « Rhino » le 27 février. C’était à Bozar, lors de la 5e édition du Festival Bridges – East of West Film Days. Cette année le focus était placé sur l’Ukraine. Mais voilà, la déclaration de Poutine du 24 février annonçant l’opération militaire en Ukraine a imposé le gel des liaisons commerciales notamment.
“En raison de l’agression, les vols sont annulés et nous sommes en train de vivre maintenant toutes les activités de guerre – tirs de missiles, arrivées des tanks etc. Personne ne viendra à Bruxelles cette fois mais le Festival aura bien lieu à Bozar”, nous confirme son producteur, Denis Ivanov. « Oleg est en guerre », précise-t-il sobrement, en joignant une photo du réalisateur vêtu d’une veste en treillis. « Il a rejoint l’armée le jour où la guerre a commencé. »
Donnez du sang, aidez les lignes de front !
« Je ferai peu d’autres commentaires », ajoute de son côté le réalisateur, qui le confirme sur ses réseaux sociaux, « parce que j’ai beaucoup à faire. L’ennemi veut détruire l’Ukraine et sa population. Tous aux armes ! Rendez-vous dans les bureaux d’enrôlement militaire, joignez les forces armées, engagez-vous dans la défense, donnez du sang, aidez les lignes de front, résistez derrière l’agresseur. Mort aux occupants! Gloire à l’Ukraine! » Oleg Sentsov est, une fois encore, par la force des choses, empêché dans son action mais pas dans son art ni dans sa communication. Il a accepté de nous accorder, via Zoom, un long entretien en amont de ce festival ukrainien dans la capitale de l’Europe.
Rhino évoque la naissance et l’évolution d’un délinquant au crâne rasé dans l’Ukraine des années 90, corrompue jusqu’à l’os. Le scénario a été écrit et le tournage entamé avant l’emprisonnement du réalisateur . Le tournage se poursuivra enfin après sa libération. C’est dire la symbolique et le poids vital de ce film. Il met en scène une tête brûlée dont l’existence est dominée par la sensation de toute-puissance et une cruauté sans faille mais dont l’armure connaîtra une fêlure majeure. Un moment de cinéma à la fois brut et sophistiqué, pur et engagé, puissant et lisible à divers degrés.
Arrêté par le FSB, ex-KGB, condamné à 20 ans dans une geôle en Sibérie, il se lance dans une grève de la faim qui mobilise l’opinion internationale
Le réalisateur ukrainien a enduré, dans son parcours, les foudres de Poutine. Engagé dans le mouvement de protestation Euromaïdan (manifestations pro-européennes en Ukraine), opposé à l’annexion de la Crimée, d’où il est originaire, il accusé par Moscou de faits de « terrorisme » et « trafic d’armes ». Après l’annexion de la Crimée par la Russie, alors que son pays est occupé, il est arrêté en 2014 par le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (le FSB, successeur du KGB). Le tournage de son film « Rhino », qu’il venait d’entamer, est avorté dans l’oeuf.
Sentsov est condamné en 2015 à vingt ans de réclusion au terme d’un procès “stalinien” selon les termes d’Amnesty International. Détenu dans la colonie pénitentiaire de Lefortovo en Sibérie occidentale, ex-geôle du KGB, fameuse pour la détention de dissidents politiques, il se lance en 2018 dans une grève de la faim de plusieurs mois durant laquelle il frôlera la mort. Il demande la libération des prisonniers politiques ukrainiens détenus en Russie. Il sera soutenu par une pléiade de dirigeants occidentaux et de personnalités du 7e art, entre autres. Parmi eux, Ken Loach, Mike Leigh, Pedro Almodovar, Wim Wenders, Arnaud Desplechin, Bertrand Tavernier, l’Américain Frederick Wiseman… Les manifestations en sa faveur fleurissent. Les supporters arborent des t-shirts à son effigie. Le personnage est une icône. Les médias internationaux relaient sa cause et le disent “prêt à mourir en martyr”. “Jusqu’au bout et au nom de tous les autres” titre le Courrier international le 16 août 2018. La même année, il reçoit le prix Sakharov du Parlement européen. Il sera libéré enfin le 7 septembre 2019, au terme d’un échange de détenus entre l’Ukraine et la Russie mené par le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky.