Le 11 mai 1973, Omar Blondin Diop, âgé seulement de 26 ans, était découvert mort, dans des circonstances tragiques, dans sa cellule de la prison de Gorée. Cette nouvelle avait causé le choc et l’effroi au sein de la jeunesse sénégalaise qui ne cessait, à coups de grèves et de marches, de protester contre l’incarcération du premier sénégalais a avoir réussi le prestigieux concours de l’école normale supérieure de Saint Cloud et qui, pour cette raison, était destiné à un brillant avenir. Cette mort brutale consacrait le point d’orgue des années de plomb du régime senghorien qu’une jeunesse insurgée avait fait trembler sur ses bases.
Quand Omar disparaissait, l’auteur de ces lignes n’était pas encore né. Mais il parait qu’à l’époque, le fond de l’air était rempli d’idées généreuses et souvent subversives. En France, Omar Blondin et ses amis avaient lu d’une traite des bouquins prémonitoires, devenus cultes chez les gauchistes de tout poil, écrits par des intellectuels de haut vol, membres de l’ Internationale situationniste : «La Société du spectacle» de Guy Debord, le «Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations» de Raoul Vaneigem et «De la misère en milieu étudiant» de Mustapha Khayati, trois grenades dégoupillées qui allaient donner le signal de la révolte estudiantine de Mai 68.
Une «chienlit», comme le général De Gaulle qualifiait cette insurrection juvénile, à laquelle le normalien Omar Blondin Diop prendra une part active aux côtés de Daniel Cohn-Bendit. Un an auparavant, Che Guevara venait de mourir en Bolivie, assassiné par des militaires instrumentalisés par la Cia. Aux Etats-Unis, Stockely Carmichael, Huey P. Newton, Eldridge Cleaver et Bobby Seale, descendants d’esclaves et nègres marrons audacieux, figures de choc du Black panthers party (BPP), foutaient une trouille indescriptible à l’Amérique blanche et raciste des White Anglo-Saxons protestants (WASP). En Uruguay, les fameux Tupamaros prônaient l’action directe et la guérilla urbaine. Ils allaient directement inspirer deux des frangins Blondin et leurs copains qui allaient passer à l’acte en tentant d’incendier deux sites du ministère des Travaux publics, le centre culturel français de Dakar et de saboter la visite, dans la même capitale, du président Georges Pompidou.
Un vrai sacrilège aux yeux du régime autoritaire de l’époque, qui ne tolérait aucune opinion dissidente. Le juge aura la main particulièrement lourde, n’hésitant pas à prononcer une peine de réclusion à perpétuité au bagne de Kédougou pour certains des protagonistes de l’affaire. C’est pour avoir tenté de libérer ses frères détenus, à l’image de ce que certains «Blacks panthers» avaient réussi aux Usa pour leur «sœur» Assata Shakur, exfiltrée à Cuba après l’attaque spectaculaire d’une prison, qu’Omar Blondin Diop et son camarade Alioune Sall «Paloma» (devenu l’un des meilleurs spécialistes africains de la prospective) furent capturés au Mali et extradés au Sénégal avec la suite que l’on sait. Quarante ans après cet épisode douloureux, l’heure est venue de nous réconcilier avec cette partie injustement méconnue de notre histoire qui nous regarde avec la mauvaise conscience de l’œil de Caïn.
Omar Blondin Diop, ses frères survivants et leurs amis ont payé au plus fort leur folle témérité et leur romantisme révolutionnaire. Mais au moment où le fric-roi et le cynisme débridé sont érigés en valeurs absolues, leur trajectoire tragique nous rappelle qu’il n’y pas encore longtemps, de jeunes Sénégalais étaient prêts à mourir pour leurs idées. Tricotant dans la conscience collective un fil rouge qui fait que du martyr de la colonisation Baïdy Kacce Pam, supplicié devant ses parents à 25 ans à Podor en compagnie du laam Toro Sidiki Sall pour avoir tué le commandant colon Abel Jeandet qui voulait l’humilier, en passant par Omar Blondin Diop, les «malsains» de 88 aux insurgés du 23 juin emmenés par le mouvement «Y en a marre», la jeunesse sénégalaise, aux heures cruciales, a toujours su dire «non». Salut, Omar !
Barka BA
silatigi@yahoo.fr
Quand Omar disparaissait, l’auteur de ces lignes n’était pas encore né. Mais il parait qu’à l’époque, le fond de l’air était rempli d’idées généreuses et souvent subversives. En France, Omar Blondin et ses amis avaient lu d’une traite des bouquins prémonitoires, devenus cultes chez les gauchistes de tout poil, écrits par des intellectuels de haut vol, membres de l’ Internationale situationniste : «La Société du spectacle» de Guy Debord, le «Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations» de Raoul Vaneigem et «De la misère en milieu étudiant» de Mustapha Khayati, trois grenades dégoupillées qui allaient donner le signal de la révolte estudiantine de Mai 68.
Une «chienlit», comme le général De Gaulle qualifiait cette insurrection juvénile, à laquelle le normalien Omar Blondin Diop prendra une part active aux côtés de Daniel Cohn-Bendit. Un an auparavant, Che Guevara venait de mourir en Bolivie, assassiné par des militaires instrumentalisés par la Cia. Aux Etats-Unis, Stockely Carmichael, Huey P. Newton, Eldridge Cleaver et Bobby Seale, descendants d’esclaves et nègres marrons audacieux, figures de choc du Black panthers party (BPP), foutaient une trouille indescriptible à l’Amérique blanche et raciste des White Anglo-Saxons protestants (WASP). En Uruguay, les fameux Tupamaros prônaient l’action directe et la guérilla urbaine. Ils allaient directement inspirer deux des frangins Blondin et leurs copains qui allaient passer à l’acte en tentant d’incendier deux sites du ministère des Travaux publics, le centre culturel français de Dakar et de saboter la visite, dans la même capitale, du président Georges Pompidou.
Un vrai sacrilège aux yeux du régime autoritaire de l’époque, qui ne tolérait aucune opinion dissidente. Le juge aura la main particulièrement lourde, n’hésitant pas à prononcer une peine de réclusion à perpétuité au bagne de Kédougou pour certains des protagonistes de l’affaire. C’est pour avoir tenté de libérer ses frères détenus, à l’image de ce que certains «Blacks panthers» avaient réussi aux Usa pour leur «sœur» Assata Shakur, exfiltrée à Cuba après l’attaque spectaculaire d’une prison, qu’Omar Blondin Diop et son camarade Alioune Sall «Paloma» (devenu l’un des meilleurs spécialistes africains de la prospective) furent capturés au Mali et extradés au Sénégal avec la suite que l’on sait. Quarante ans après cet épisode douloureux, l’heure est venue de nous réconcilier avec cette partie injustement méconnue de notre histoire qui nous regarde avec la mauvaise conscience de l’œil de Caïn.
Omar Blondin Diop, ses frères survivants et leurs amis ont payé au plus fort leur folle témérité et leur romantisme révolutionnaire. Mais au moment où le fric-roi et le cynisme débridé sont érigés en valeurs absolues, leur trajectoire tragique nous rappelle qu’il n’y pas encore longtemps, de jeunes Sénégalais étaient prêts à mourir pour leurs idées. Tricotant dans la conscience collective un fil rouge qui fait que du martyr de la colonisation Baïdy Kacce Pam, supplicié devant ses parents à 25 ans à Podor en compagnie du laam Toro Sidiki Sall pour avoir tué le commandant colon Abel Jeandet qui voulait l’humilier, en passant par Omar Blondin Diop, les «malsains» de 88 aux insurgés du 23 juin emmenés par le mouvement «Y en a marre», la jeunesse sénégalaise, aux heures cruciales, a toujours su dire «non». Salut, Omar !
Barka BA
silatigi@yahoo.fr