« On m’a approchée pour entrer dans le gouvernement, mais j’ai décliné l’offre »

L’As : Le gouvernement vient d’être encore réaménagé avec la présence d’une douzaine de femmes. Quel commentaire en faites-vous ?

Aminata Mbengue Ndiaye : J’avoue que je suis très déçue par ce réaménagement. Nous sommes très choqués même, à cause de certaines personnes sélectionnées et promues par le chef de l’Etat. Si je pense à l’ancienne ministre de la Famille qui a été épinglée par l’Armp et qui a été reconduite, ce n’est vraiment pas une valorisation des femmes. Pour moi, quand une femme n’est pas vertueuse dans sa gestion, ce n’est pas la peine de la reconduire à un poste de responsabilité, comme si elle était indispensable. Et puis, comment peut-on faire appel dans le gouvernement à un ministre qui avait défoncé les coffres de la Direction de l’action sociale, pour récupérer l’argent ?
En outre, les départements qui ont été saucissonnés et donnés aux femmes ne constituent pas une bonne promotion. C’est un manque de considération pour la gent féminine. Le président de la République n’a pas encore trouvé la voie par rapport à la promotion du genre. Parce que la parité a permis une grande retrouvaille entre les différentes sensibilités féminines. On continue toujours de le remercier. Maintenant, si c’est pour mettre les femmes à des départements sur mesure ou des départements choisis parce qu’on a voulu augmenter le nombre de femmes, ce n’est pas sérieux. C’est politiquement incorrect. Les femmes méritent plus de considération. Cette situation m’a beaucoup frustrée. Je croyais que les choix du Président allaient être des choix acceptés par tout le monde et que les départements qu’on allait confier aux femmes seraient des départements de souveraineté, des départements qui ont de l’importance. Que nenni. Mais, quand on prend des départements comme les Organisations professionnelles ou autre chose qu’on donne aux femmes, ça ne convient pas du tout. Quelles sont les idées de Me Wade par rapport à tout ce jeu ? Parce qu’on est en train de sentir que ce sont les gens de la Génération du concret qui sont promus. Il est en train de construire pour son fils. Mais il n’a qu’à déchanter. Ce qui demeure certain, c’est que cette idée ne passera jamais au Sénégal. Il n’a qu’à faire tout ce qu’il veut, mais cette idée ne va jamais prospérer dans notre pays.

Pourtant, certaines sources annoncent qu’on vous a proposé d’entrer dans le nouveau gouvernement

Moi, quand je soutenais la parité, c’était pour respecter un engagement que j’avais pris vis-à-vis de la communauté internationale, mais surtout à l’égard des femmes de mon pays. C’est un combat que je mène depuis de nombreuses années avec d’autres femmes leaders d’opinion. Certaines l’ont même engagé avant moi. Quand on a vu qu’il y avait une avancée sur ce qu’il (Me Wade) avait promis, j’ai accepté d’être à ses côtés, de travailler pour que la parité puisse être un acquis définitif pour les femmes. Et puis, moi, je ne pourrai jamais entrer dans un gouvernement de Wade. Je ne suis pas une libérale. Je suis de l’opposition. Je l’assume. Je suis d’ailleurs en train de me battre, pour revenir au pouvoir avec Benno et toutes les forces vives de la Nation. Ce n’était pas dans mes intentions d’entrer dans un gouvernement de Wade dont le règne est fini. Le prochain gouvernement de Benno saura appliquer à bon escient la parité, quel que soit le candidat qui sera porté à la tête du pays.

Avez-vous été consultée ou approchée pour entrer dans le gouvernement ?

Je n’ai pas été appelée par un Premier ministre, mais j’ai été approchée. J’ai immédiatement décliné. Vous savez moi je ne peux entrer dans un gouvernement de Me Wade. Il faut que ça soit clair dans la tête de tout le monde ; sinon, je l’aurais fait depuis très longtemps. Je suis de l’opposition et je compte y rester jusqu’à reprendre le pouvoir.

Certains socialistes vous reprochent en privé d’avoir été dans le véhicule de Wade après le vote de la loi sur la parité

Ce que je fais avec Wade n’engage que moi et non les autres. Les socialistes qui en parlent, ce n’est pas leur problème. Ils n’ont qu’à s’occuper de leurs affaires et non des miennes. Je continuerai encore à le faire, s’il y a des avancées pour les femmes. Je suis prête à accompagner encore Me Wade dans ce sens. Je suis une républicaine. C’est le peuple seulement qui m’intéresse, et non des balivernes. Quant à entrer dans un gouvernement de Me Abdoulaye Wade, ou faire quelque chose dans le sens politique avec lui, il n’en est pas question. Je ne le ferai jamais. Je n’ai jamais révélé ce qu’on m’a tout le temps proposé. Il y a des choses plus osées qu’on m’a proposées à plusieurs reprises que j’ai refusées. J’ai une conviction et c’est le sang socialiste qui coule dans mes veines. Ce ne sont pas ces déclarations qui vont m’ébranler. Quand je m’engage, je m’engage à fond. Quand je m’engage pour un idéal, je le défends jusqu’au bout, sans tenir compte des racontars des uns, ou des autres. Ces détails ne m’intéressent pas du tout. Seul l’avancement de la femme m’intéresse.

Malgré votre engagement, vous tardez à signer la pétition contre les 20 milliards de commissions de Sudatel ? Qu’attendez-vous pour le faire ?

Je n’attends rien du tout. Je ne sais pas encore où signer à Louga. Dès que je verrai la pétition, je la signerai comme tous les autres, car c’est une idée noble, une dénonciation de la gabegie des biens du pays. Je ne suis pas une défaillante, encore moins une défaitiste. Je me suis engagée dans une bataille, j’irai jusqu’au bout. Tous les Sénégalais épris de justice doivent signer cette pétition sans attendre. Le peuple a besoin de savoir toute la vérité sur cette affaire qui déshonore toute la Nation. Le peuple se lèvera pour faire face. J’en suis convaincue. La manière dont le pays est géré mérite l’attention de tous.

Entretien réalisé à Saint Louis par Gallaye SÈNE

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