l souffle un vent de moralisation de la vie publique sur Nouakchott. Venant de l’Est, les bouffées de chaleur ne semblent pas déranger outre mesure la brigade légère et sémillante des photographes et des journalistes africains, asiatiques et latino-américains circulant dans le hall du grand Palais des Congrès de Nouakchott, en cette mi-octobre.
Un sherpa du Ministère de l’environnement, apparemment dans le secret de Dieu, croit savoir que le prochain tsunami pourrait être la Société nationale du chemin de fer (SNIM), où des irrégularités auraient été relevées dans l’approvisionnement.
En vain, ils attendront l’arrivée du « Raiss ». Il n’en sera rien. Sous le ciel limpide, où le soleil disputait la place à quelques nuages épars, le miracle ne se produira pas. Cela se lisait dans les visages de la centaine d’invités, qui trompaient leur déception en sirotant du thè et en échangeant les dernières nouvelles du jour…
L’ampleur du tsunami
Tous ces boubous bariolés et ces costumes gris et noirs n’avaient qu’un sujet de discussion : le scandale du détournement de 1,7 million de dollars dans le fonds de la lutte contre le Sida... L’arrestation de la personnalité chargée de la gestion de cette manne, le Dr Abdallah Ould Horma, un homme réputé proche de Mohamed Abdel Aziz, avait surpris plus d’un observateur.
L’affaire révèle l’ampleur du tsunami qui s’abat sur d’autres pans de l’administration. Plusieurs hauts dignitaires sont en sursis. Entre les mois de septembre et octobre, nombreux sont ceux de ces intouchables, propriétaires de villas de luxe dans les quartiers chics de Tevrag Zeina et E Nord, à être broyés par l’agenda présidentiel. Ceux qui pensaient que la lutte contre la gabegie ne dépasserait pas le slogan électoral en sont édifiés.
Toujours aussi paisible et cosmopolite, la rue nouakchottoise comptait et recomptait tous les jours les grands turbans défaits par le « président des pauvres », avec un mélange de crainte et de curiosité. Du directeur et de l’adjoint du directeur de la Sonimex (Société mauritanienne d’import et d’export), écartés suite à des problèmes d’approvisionnement en denrées de base, aux responsables de la Somelec, rayés du registre après d’intempestives coupures d’électricité, en passant par les 800 mises en demeure adressées, selon le journal l’Authentique, à des particuliers pour rembourser les 45 millions de dollars dûs au Crédit Agricole, les victimes de l’ère Aziz ne se comptent plus.
La ponctualité est de retour
« L’imprévisibilité du président, tant dans ses déplacements que dans ses décisions, contribue à lutter contre l’absentéisme dans l’administration. Faites donc un tour dans les bureaux, la ponctualité est de retour », lance ce haut fonctionnaire, qui rappelle la visite-surprise effectuée au pas de charge par le président de la République à l’hôpital national de Nouakchott, le jour de l’Aid El Fitr.
Dans un lieu réputé pour ses taux d’absentéisme et d’affairisme élevés au sein du personnel encadrant, les sanctions sont immédiates. C’est le cas de la direction de l’oncologie. C’est le cas aussi, du limogeage des deux Walis de Nouakchott et Nouadibou, pour des présumées collusions dans l’attribution du foncier.
Si certains de ces fonctionnaires parviennent tant bien que mal à résister, d’autres hauts responsables, moins chanceux peut-être, croupissent en prison en attendant leurs procès. Certains barons de la politique, qui s’étaient servis dans les caisses de l’Etat au temps de la gabegie, ne doivent leur liberté de mouvement qu’au paiement de grosses cautions, en attendant leurs jugements. D’autres ont pris les devants et remboursé l’Etat de manière spontanée. Il y en a aussi qui ont quitté le pays, déclenchant à leur encontre l’émission de mandats d’arrêts. Le rapatriement d’un haut fonctionnaire, sous bonne escorte, depuis le Sénégal, montre toute la détermination de la nouvelle équipe au pouvoir à réhabiliter l’Etat. Des instructions sont données pour inspecter le parc automobile à Nouakchott, devenu au fil des ans le point de chute de nombreuses voitures d’occasion importées depuis l’Europe.
Psychose
Ces arrestations, abondamment commentées par les journaux et les sites électroniques, créent une certaine psychose dans la fonction publique, dont la moralisation figure au premier rang du programme de lutte contre la gabegie. La présidence vient solennellement d’appeler à la rationalisation des dépenses liées au parc automobile, à l’électricité, à l’eau et à la téléphonie.
Bien évidemment, les avis sont partagés quant à l’utilité d’un tel procédé. D’aucuns crient aux règlements de comptes. « Et alors, pourquoi donc Docteur Horma, premier soutien de Mohamed Abdel Aziz, est-il arrêté ? », s’interroge un journaliste d’une des nombreuses publications du pays, ravi de l’effet produit sur l’assistance qui s’était aussitôt formée autour de lui. « Et pourquoi n’a-t-il donc pas libéré le directeur de la Procapec, qui, depuis la prison, a appelé à voter pour le Président Aziz ? », renchérit un autre peshmergas, nom familier donné aux journalistes. Le débat s’anime. Un sherpa du Ministère de l’environnement, apparemment dans le secret de Dieu, croit savoir que le prochain tsunami pourrait être la Société nationale du chemin de fer (SNIM), où des irrégularités auraient été relevées dans l’approvisionnement. D’ailleurs, la direction générale de cette vénérable institution a pris les devants, portant plainte contre les responsables de la malversation. Tant d’arrestations favoriseraient-elles les contestations souterraines ?
La minutie avec laquelle chaque invité entrant au Palais des congrès était fouillé rappelle que le péril terroriste demeure. Ce qui explique sans doute la visite d’une délégation française de hauts gradés, qui procéderont à quelques manœuvres médiatisées avec leurs homologues mauritaniens. Pour les partisans du président Mohamed Abdel Aziz, de telles manœuvres symboliseraient une alliance retrouvée avec la France et l’Occident. En fait, c’était plus complexe de la part d’une diplomatie conduite par Naha Mint Mouknass, fièrement estampillée première femme arabe à diriger un tel poste, et qui est arrivée, en si peu de temps, à obtenir de Hugo Chavez les garanties pour la construction d’une raffinerie et du colonel Kadhafi les assurances pour des investissements records. La tour de trente étages qui devrait être érigée bientôt à Nouakchott par ce pays, traditionnellement proche de la Mauritanie, n’a pas encore vu le jour. Mais c’est comme si c’était le cas, dans un pays où l’on dit tous les jours que l’intention vaut l’acte.
Adama Wade :source les Afriques
Un sherpa du Ministère de l’environnement, apparemment dans le secret de Dieu, croit savoir que le prochain tsunami pourrait être la Société nationale du chemin de fer (SNIM), où des irrégularités auraient été relevées dans l’approvisionnement.
En vain, ils attendront l’arrivée du « Raiss ». Il n’en sera rien. Sous le ciel limpide, où le soleil disputait la place à quelques nuages épars, le miracle ne se produira pas. Cela se lisait dans les visages de la centaine d’invités, qui trompaient leur déception en sirotant du thè et en échangeant les dernières nouvelles du jour…
L’ampleur du tsunami
Tous ces boubous bariolés et ces costumes gris et noirs n’avaient qu’un sujet de discussion : le scandale du détournement de 1,7 million de dollars dans le fonds de la lutte contre le Sida... L’arrestation de la personnalité chargée de la gestion de cette manne, le Dr Abdallah Ould Horma, un homme réputé proche de Mohamed Abdel Aziz, avait surpris plus d’un observateur.
L’affaire révèle l’ampleur du tsunami qui s’abat sur d’autres pans de l’administration. Plusieurs hauts dignitaires sont en sursis. Entre les mois de septembre et octobre, nombreux sont ceux de ces intouchables, propriétaires de villas de luxe dans les quartiers chics de Tevrag Zeina et E Nord, à être broyés par l’agenda présidentiel. Ceux qui pensaient que la lutte contre la gabegie ne dépasserait pas le slogan électoral en sont édifiés.
Toujours aussi paisible et cosmopolite, la rue nouakchottoise comptait et recomptait tous les jours les grands turbans défaits par le « président des pauvres », avec un mélange de crainte et de curiosité. Du directeur et de l’adjoint du directeur de la Sonimex (Société mauritanienne d’import et d’export), écartés suite à des problèmes d’approvisionnement en denrées de base, aux responsables de la Somelec, rayés du registre après d’intempestives coupures d’électricité, en passant par les 800 mises en demeure adressées, selon le journal l’Authentique, à des particuliers pour rembourser les 45 millions de dollars dûs au Crédit Agricole, les victimes de l’ère Aziz ne se comptent plus.
La ponctualité est de retour
« L’imprévisibilité du président, tant dans ses déplacements que dans ses décisions, contribue à lutter contre l’absentéisme dans l’administration. Faites donc un tour dans les bureaux, la ponctualité est de retour », lance ce haut fonctionnaire, qui rappelle la visite-surprise effectuée au pas de charge par le président de la République à l’hôpital national de Nouakchott, le jour de l’Aid El Fitr.
Dans un lieu réputé pour ses taux d’absentéisme et d’affairisme élevés au sein du personnel encadrant, les sanctions sont immédiates. C’est le cas de la direction de l’oncologie. C’est le cas aussi, du limogeage des deux Walis de Nouakchott et Nouadibou, pour des présumées collusions dans l’attribution du foncier.
Si certains de ces fonctionnaires parviennent tant bien que mal à résister, d’autres hauts responsables, moins chanceux peut-être, croupissent en prison en attendant leurs procès. Certains barons de la politique, qui s’étaient servis dans les caisses de l’Etat au temps de la gabegie, ne doivent leur liberté de mouvement qu’au paiement de grosses cautions, en attendant leurs jugements. D’autres ont pris les devants et remboursé l’Etat de manière spontanée. Il y en a aussi qui ont quitté le pays, déclenchant à leur encontre l’émission de mandats d’arrêts. Le rapatriement d’un haut fonctionnaire, sous bonne escorte, depuis le Sénégal, montre toute la détermination de la nouvelle équipe au pouvoir à réhabiliter l’Etat. Des instructions sont données pour inspecter le parc automobile à Nouakchott, devenu au fil des ans le point de chute de nombreuses voitures d’occasion importées depuis l’Europe.
Psychose
Ces arrestations, abondamment commentées par les journaux et les sites électroniques, créent une certaine psychose dans la fonction publique, dont la moralisation figure au premier rang du programme de lutte contre la gabegie. La présidence vient solennellement d’appeler à la rationalisation des dépenses liées au parc automobile, à l’électricité, à l’eau et à la téléphonie.
Bien évidemment, les avis sont partagés quant à l’utilité d’un tel procédé. D’aucuns crient aux règlements de comptes. « Et alors, pourquoi donc Docteur Horma, premier soutien de Mohamed Abdel Aziz, est-il arrêté ? », s’interroge un journaliste d’une des nombreuses publications du pays, ravi de l’effet produit sur l’assistance qui s’était aussitôt formée autour de lui. « Et pourquoi n’a-t-il donc pas libéré le directeur de la Procapec, qui, depuis la prison, a appelé à voter pour le Président Aziz ? », renchérit un autre peshmergas, nom familier donné aux journalistes. Le débat s’anime. Un sherpa du Ministère de l’environnement, apparemment dans le secret de Dieu, croit savoir que le prochain tsunami pourrait être la Société nationale du chemin de fer (SNIM), où des irrégularités auraient été relevées dans l’approvisionnement. D’ailleurs, la direction générale de cette vénérable institution a pris les devants, portant plainte contre les responsables de la malversation. Tant d’arrestations favoriseraient-elles les contestations souterraines ?
La minutie avec laquelle chaque invité entrant au Palais des congrès était fouillé rappelle que le péril terroriste demeure. Ce qui explique sans doute la visite d’une délégation française de hauts gradés, qui procéderont à quelques manœuvres médiatisées avec leurs homologues mauritaniens. Pour les partisans du président Mohamed Abdel Aziz, de telles manœuvres symboliseraient une alliance retrouvée avec la France et l’Occident. En fait, c’était plus complexe de la part d’une diplomatie conduite par Naha Mint Mouknass, fièrement estampillée première femme arabe à diriger un tel poste, et qui est arrivée, en si peu de temps, à obtenir de Hugo Chavez les garanties pour la construction d’une raffinerie et du colonel Kadhafi les assurances pour des investissements records. La tour de trente étages qui devrait être érigée bientôt à Nouakchott par ce pays, traditionnellement proche de la Mauritanie, n’a pas encore vu le jour. Mais c’est comme si c’était le cas, dans un pays où l’on dit tous les jours que l’intention vaut l’acte.
Adama Wade :source les Afriques