La Tabaski approche à grands pas. Comme chaque année, lorsqu’on s’aventure à sillonner les rues de Dakar, on peut d’ores et déjà remarquer la présence imposante d’enclos de fortune, installés un peu partout dans la capitale et regroupant des béliers de toutes sortes. Parmi ces variétés de moutons, il y a des races particulièrement adulées des éleveurs : les «Ladoum». Pour ces derniers, s’occuper de ce type de bétail n’est plus une question de gain, mais plutôt une passion. Et qu’importe les dépenses, ils ne lésinent pas sur les moyens pour rendre leur cheptel des plus remarquables.
A Liberté VI, un des fiefs des éleveurs de race. Il est 13 heures hier vendredi. Par ces temps pluvieux, les clients se font rares. Néanmoins, dans des enclos érigés entre les deux voies, on peut distinguer ces majestueuses créatures qui attendent un acheteur inexistant par ces temps orageux. Bamba Cissé est un féru des moutons de race. De son bétail qu’il chérit comme sa progéniture, il n’attend même plus de bénéfice. Pour lui, élever ces animaux est un amour et même s’il n’arrive pas à les vendre pour cette fête, il continuera à s’en occuper avec la même attention. «J’élève des «Ladoum» depuis 10 ans. Je suis passionné par l’élevage des moutons de race. Donc, même si je n’arrive pas à les vendre pour la Tabaski, ce n’est pas grave», affirme-t-il avec fierté.
L’entretien de ce type de bétail a un coût très onéreux pour les éleveurs. En effet, du sanitaire à leur alimentation, tout est cher. Saliou Ndiaye est aussi un éleveur de «Ladoum». Des moutons de cette catégorie, il en a au moins une quarantaine, tous aussi bien bâtis les uns que les autres. Même s’il nourrit une profonde affection pour son troupeau, il n’en demeure pas moins que leur alimentation lui coûte cher. «Ces moutons consomment trois sacs de foin par jour. Les sacs me reviennent à 9 000 FCfa. Ce n’est pas facile de les nourrir», lance-t-il. Avant même de terminer sa phrase, il s’engouffre dans l’enclos pour mettre fin à un duel entre deux béliers. Par conséquent, ce type de moutons n’est pas accessible à tous. L’importance de leur race et l’entretien de qualité qu’ils nécessitent font que leurs prix varient entre 800 000 et 1 million cinq cent mille FCfa, voire plus. Un luxe inaccessible au Sénégalais lambda.
Mamadou, la cinquantaine, est très pressé. Visiblement désireux de se protéger de la pluie, ce comptable de profession ne préfère pas ces moutons de race, pour deux raisons. Il déclare : «J’aime bien ce genre de moutons, mais je ne les sacrifierai pas pour la Tabaski. Ils coûtent cher. A cela, il s’y ajoute que la viande, en général, est très difficile à cuire.» Selon toujours Bamba Cissé, ce type d’animal est très sélect. Cela fait que pour des fêtes comme la Tabaski, c’est plus les imams, les marabouts ou de hautes autorités qui les achètent , même s’il n’a pas beaucoup vendu depuis qu’il s’est installé ici, il a espoir : «J’en ai vendu quelques-uns depuis mon arrivée ici, il y a un que j’ai vendu a 1 million de FCfa, il n’y a pas longtemps, et aussi beaucoup de personnes viennent marchander, mais au final, ils n’achètent pas. Il reste quelques jours avant la fête, je pense que les clients vont arriver sous peu», affirme-t-il, l’air optimiste.
Un détour vers Fass. Ici, les acheteurs se font désirer, chacun espérant céder un de ses béliers à une âme qui se hasarderait à entreprendre un achat sous cette pluie qui ne s’arrête pas. Par contre, à l’inverse de Liberté VI, l’hygiène sur les lieux laisse à désirer surtout avec cette pluie, mêlés aux ruissèlements des eaux des fosses septiques qui créent des flaques d’eau un peu partout. Sous des bâches installées pour couvrir ces béliers «royales», c’est aussi le désert. Aucun acheteur dans les environs. Mais les vendeurs installés dans cette zone ne sont pas du tout satisfaits des conditions dans lesquelles ils font leur commerce. En plus des conditions d’hygiène exécrables dans lesquelles ils pataugent, ils sont confrontés à des difficultés allant de la lumière à l’occupation dans la tranquillité de l’espace. Selon Ibrahima Sané, vendeur de mouton dans cette zone, la mairie ne fait rien pour leur assurer un bon cadre pour qu’ils puissent vendre dans la quiétude : «La mairie ne fait rien pour nous aider à améliorer nos conditions de vie ici, c’est nous qui gérons tout par nous-mêmes alors que les autres qui sont à Liberté VI sont plus à l’aise. Il faut qu’elle nous aide en ce qui concerne l’électricité, ce point de vente est parmi les plus grands et, des fois, tu poses tes sacs quelque part et un agent de la mairie vient te dire de les enlever. C’est difficile», soutient-il. Du point de vue sécuritaire, même si parfois ils sont confrontés à des vols de moutons ordinaires, ils ne se plaignent pas beaucoup, car étant organisés pour assurer la garde de leurs précieux troupeaux, même au prix de leur sommeil.
Une cohabitation avec les riverains plutôt détendue
A Dakar plus particulièrement, les lieux de vente de moutons sont établis un peu partout. Certains sont même en étroite cohabitation avec les habitants. Cette situation de promiscuité entre les personnes et le bétail peut parfois créer des tensions. Même si la plupart des gens interrogés trouvent cette situation gérable, parce temporaire, d’autres par contre, s’en désolent. Absa Diagne, la quarantaine dépassée, sa villa est juste en face des enclos des vendeurs de moutons sur les deux voies de Liberté VI. Trouvé devant son domicile, elle est contre l’occupation de cet espace par des vendeurs de moutons. Selon elle, on devrait aménager une zone spéciale où tous les vendeurs se regrouperaient, car cette occupation anarchique ne fait que rendre impur l’environnement : «Je ne suis pas d’accord avec leur présence ici. Regardez avec cette pluie, l’odeur qui se dégage de leurs enclos ! On devrait les recadrer ailleurs, à mon avis», confie-t-elle. Du côté de la Médina, le discours est autre. Ils ont l’habitude. En plus, cela ne gène aucunement. «Ils font leur boulot.»
GOGO FATOU THIELLO
A Liberté VI, un des fiefs des éleveurs de race. Il est 13 heures hier vendredi. Par ces temps pluvieux, les clients se font rares. Néanmoins, dans des enclos érigés entre les deux voies, on peut distinguer ces majestueuses créatures qui attendent un acheteur inexistant par ces temps orageux. Bamba Cissé est un féru des moutons de race. De son bétail qu’il chérit comme sa progéniture, il n’attend même plus de bénéfice. Pour lui, élever ces animaux est un amour et même s’il n’arrive pas à les vendre pour cette fête, il continuera à s’en occuper avec la même attention. «J’élève des «Ladoum» depuis 10 ans. Je suis passionné par l’élevage des moutons de race. Donc, même si je n’arrive pas à les vendre pour la Tabaski, ce n’est pas grave», affirme-t-il avec fierté.
L’entretien de ce type de bétail a un coût très onéreux pour les éleveurs. En effet, du sanitaire à leur alimentation, tout est cher. Saliou Ndiaye est aussi un éleveur de «Ladoum». Des moutons de cette catégorie, il en a au moins une quarantaine, tous aussi bien bâtis les uns que les autres. Même s’il nourrit une profonde affection pour son troupeau, il n’en demeure pas moins que leur alimentation lui coûte cher. «Ces moutons consomment trois sacs de foin par jour. Les sacs me reviennent à 9 000 FCfa. Ce n’est pas facile de les nourrir», lance-t-il. Avant même de terminer sa phrase, il s’engouffre dans l’enclos pour mettre fin à un duel entre deux béliers. Par conséquent, ce type de moutons n’est pas accessible à tous. L’importance de leur race et l’entretien de qualité qu’ils nécessitent font que leurs prix varient entre 800 000 et 1 million cinq cent mille FCfa, voire plus. Un luxe inaccessible au Sénégalais lambda.
Mamadou, la cinquantaine, est très pressé. Visiblement désireux de se protéger de la pluie, ce comptable de profession ne préfère pas ces moutons de race, pour deux raisons. Il déclare : «J’aime bien ce genre de moutons, mais je ne les sacrifierai pas pour la Tabaski. Ils coûtent cher. A cela, il s’y ajoute que la viande, en général, est très difficile à cuire.» Selon toujours Bamba Cissé, ce type d’animal est très sélect. Cela fait que pour des fêtes comme la Tabaski, c’est plus les imams, les marabouts ou de hautes autorités qui les achètent , même s’il n’a pas beaucoup vendu depuis qu’il s’est installé ici, il a espoir : «J’en ai vendu quelques-uns depuis mon arrivée ici, il y a un que j’ai vendu a 1 million de FCfa, il n’y a pas longtemps, et aussi beaucoup de personnes viennent marchander, mais au final, ils n’achètent pas. Il reste quelques jours avant la fête, je pense que les clients vont arriver sous peu», affirme-t-il, l’air optimiste.
Un détour vers Fass. Ici, les acheteurs se font désirer, chacun espérant céder un de ses béliers à une âme qui se hasarderait à entreprendre un achat sous cette pluie qui ne s’arrête pas. Par contre, à l’inverse de Liberté VI, l’hygiène sur les lieux laisse à désirer surtout avec cette pluie, mêlés aux ruissèlements des eaux des fosses septiques qui créent des flaques d’eau un peu partout. Sous des bâches installées pour couvrir ces béliers «royales», c’est aussi le désert. Aucun acheteur dans les environs. Mais les vendeurs installés dans cette zone ne sont pas du tout satisfaits des conditions dans lesquelles ils font leur commerce. En plus des conditions d’hygiène exécrables dans lesquelles ils pataugent, ils sont confrontés à des difficultés allant de la lumière à l’occupation dans la tranquillité de l’espace. Selon Ibrahima Sané, vendeur de mouton dans cette zone, la mairie ne fait rien pour leur assurer un bon cadre pour qu’ils puissent vendre dans la quiétude : «La mairie ne fait rien pour nous aider à améliorer nos conditions de vie ici, c’est nous qui gérons tout par nous-mêmes alors que les autres qui sont à Liberté VI sont plus à l’aise. Il faut qu’elle nous aide en ce qui concerne l’électricité, ce point de vente est parmi les plus grands et, des fois, tu poses tes sacs quelque part et un agent de la mairie vient te dire de les enlever. C’est difficile», soutient-il. Du point de vue sécuritaire, même si parfois ils sont confrontés à des vols de moutons ordinaires, ils ne se plaignent pas beaucoup, car étant organisés pour assurer la garde de leurs précieux troupeaux, même au prix de leur sommeil.
Une cohabitation avec les riverains plutôt détendue
A Dakar plus particulièrement, les lieux de vente de moutons sont établis un peu partout. Certains sont même en étroite cohabitation avec les habitants. Cette situation de promiscuité entre les personnes et le bétail peut parfois créer des tensions. Même si la plupart des gens interrogés trouvent cette situation gérable, parce temporaire, d’autres par contre, s’en désolent. Absa Diagne, la quarantaine dépassée, sa villa est juste en face des enclos des vendeurs de moutons sur les deux voies de Liberté VI. Trouvé devant son domicile, elle est contre l’occupation de cet espace par des vendeurs de moutons. Selon elle, on devrait aménager une zone spéciale où tous les vendeurs se regrouperaient, car cette occupation anarchique ne fait que rendre impur l’environnement : «Je ne suis pas d’accord avec leur présence ici. Regardez avec cette pluie, l’odeur qui se dégage de leurs enclos ! On devrait les recadrer ailleurs, à mon avis», confie-t-elle. Du côté de la Médina, le discours est autre. Ils ont l’habitude. En plus, cela ne gène aucunement. «Ils font leur boulot.»
GOGO FATOU THIELLO