La pression qu'il aurait subie ne constitue pas une raison suffisante pour renverser sa démission. Toutes les démissions, toutes, sont issues de contraintes que l'auteur de la démission subit. Qu’elle que soit la nature de la pression, psychologique, morale, physique, financière, juridique, le démissionnaire n'est pas obligé. C'est donc en dernier lieu un acte volontaire, et de ce fait acceptable en droit comme un acte légal.
IBK a expliqué les raisons de sa démission. Les turbulences et les manifestations contre son pouvoir ont amené les militaires à intervenir pour prévenir l’aggravation de la situation. Il a affirmé avoir essayé d'éviter les morts lors de ces manifestations. Et avec l'intervention des militaires il dit préférer se soumettre et ne pas causer le versement du sang des maliens. Il a motivé sa démission. Nul ne peut renverser cette démission. Ni la CEDEAO, ni IBK lui-même.
IBK a conclu l'intervention des militaires par un acte légal de démission. S'il n'avait pas démissionné par cet acte, il serait encore le président de la République du Mali. Il ne suffit pas d'invoquer des contraintes graves sur soi pour invalider une démission. On ne reprend pas les fonctions d'un chef d'Etat comme on change de T-shirt.
C’est pourquoi, la CEDEAO ne peut prétendre ignorer l’acte de démission de Boubacar Ibrahim Keita. Cette démission est la pierre angulaire de la situation actuelle.
Si l’assemblée nationale n’était pas dissoute, le président de l'assemblée nationale l’aurait remplacé. Mais IBK a aussi dissout l'assemblée nationale et son gouvernement. Ce sont aussi des actes légaux.
C'est ce vide institutionnel qui est ressorti de la déclaration de IBK, le 18 août. Depuis, aucune de ces fonctions n’est occupée par un quelconque malien. Les militaires assurent la vacance du pouvoir sans être les détenteurs de ces fonctions. Nul malien n'a déclaré avoir renversé et remplacé IBK par la force
Si des leaders de Benno Book yakaar enfermaient dans une salle le Président Macky Sall et partageaient avec lui des informations compromettantes graves le concernant et aboutissent ainsi à lui mettre une pression forte qui le convainc de démissionner de ses fonctions, sa démission serait considérée légale et acceptable en droit. Dans un autre registre si le président du conseil constitutionnel du Sénégal ou de la cour suprême subissait la pression de sa femme pour écrire une décision allant dans un sens et non dans un autre, sa décision aurait aussi force probante. On pourrait multiplier les exemples. La contrainte n'est donc pas une justification suffisante de renversement de la décision de démission.
Combien de personnes dans la vie politique et administrative ont démissionné dans des circonstances qu'ils jugent moralement, épouvantables, contraignantes et intenables. Et pourtant, leurs actes ont été considérés légalement acceptables sur le plan juridique. IBK n'est pas différent.
Lorsqu’un président de la République démissionne, on ne peut plus parler de renversement de l'ordre constitutionnel. Nous avons ici un problème de droit pur, doublé de conséquences politiques. Ce n'est donc pas la CEDEAO qui doit faire intervenir ses muscles. C'est le droit malien qui doit résoudre la question.
La cour constitutionnelle du Mali est l'instance pour arbitrer ce vide institutionnel.
Si IBK veut reprendre sa fonction, il doit s’adresser à cette instance pour demander qu’elle renverse sa démission. Si les parties adverses veulent prendre acte de la démission d’IBK ou contester ce droit a IBK, ils peuvent le faire devant cette cour aussi. Ils peuvent même y contester la légalité des decisions de la CEDEAO.
Si la CEDEAO use de la force pour remettre IBK président de la République, elle aura commis un coup d'État illégal, sur la base de considérations qui ne sont pas conformes à l’Etat de droit et le respect de l'ordre constitutionnel du mali et de l'instance régionale.
Tout cela peut sembler théorique face à la caractérisation évidente que l’on a de l'expression coup d’Etat. L'expression traduit un coup de force illégal, contre un président. Mais, dans le cas du Mali, tous les observateurs peuvent aussi constater que les militaires concernés ont agi en conséquence d'une situation qu'ils n'ont pas suscitée.
Lorsque le Général Alfred Diallo et le capitaine Belal Ly intervenaient en 1962 dans le conflit entre Senghor et Dia, c’était aussi en conséquence d'une situation qu'ils n'ont pas causée mais dans laquelle ils ont senti leur devoir de s’impliquer malgré eux pour prévenir une aggravation de la situation entre des protagonistes politiques qui pouvaient entraîner le Sénégal dans la crise.
Personne n’a puni le capitaine Belal Ly d’avoir enfermé le président Senghor dans une pièce du palais pour des raisons de sécurité.
Contrairement à IBK, Senghor n'a pas démissionné, il a sorti la constitution et essayé de convaincre les militaires qu'il avait le droit et la raison avec lui. IBK n'a pas essayé de conserver sa fonction et a démissionné, peut-être sous la peur. Senghor aussi, aurait pu démissionner par peur, mais a préféré résister. Il le fera en 1981, sous la pression économique défavorable générale, lorsque ses collaborateurs proches comme Djibo Ka l’y aideront en lui en montrant a lui et sa femme les images de violences sanguinaires envers les présidents africains destitués lors de coups d’Etat dans les pays voisins anglophones pour l'apeurer La raison et la peur ont finalement eu raison de Senghor, tout comme d’IBK et tant d'autres présidents et responsables.
D'ailleurs, la démission de Senghor était aussi organisée comme un coup d’Etat légal, puisque peu avant, il a changé les dispositions de la constitution pour que le premier ministre Abdou Diouf lui succède. Sa manœuvre a été couronnée de succès, parce que acceptable en droit. Au Mali, l’intervention des militaires a aussi été couronnée de succès par la démission légale de IBK. S’il en avait pas démissionné, le coup aurait été illégal et attaquable par la CEDEAO.
En conclusion, la CEDEAO devrait plutôt demander à la cour constitutionnelle du Mali d’arbitrer le vide institutionnel et non tenter d'intervenir par l'usage de la force ou les sanctions économiques par embargo. Un président ne doit pas voir peur. Il doit être prêt à mourir pour assumer les fonctions que le peuple lui a confiées….ou alors démissionner. IBK a choisi. Il faut en prendre acte et passer à autre chose.
Les populations de la CEDEAO ne laisseront certainement pas les maliens subir le diktat injuste et illégal des chefs d'Etat en essayant d’étouffer un changement populaire légitime et légal, quoique extraordinaire.
Amadou Gueye. Nouvelle République.
IBK a expliqué les raisons de sa démission. Les turbulences et les manifestations contre son pouvoir ont amené les militaires à intervenir pour prévenir l’aggravation de la situation. Il a affirmé avoir essayé d'éviter les morts lors de ces manifestations. Et avec l'intervention des militaires il dit préférer se soumettre et ne pas causer le versement du sang des maliens. Il a motivé sa démission. Nul ne peut renverser cette démission. Ni la CEDEAO, ni IBK lui-même.
IBK a conclu l'intervention des militaires par un acte légal de démission. S'il n'avait pas démissionné par cet acte, il serait encore le président de la République du Mali. Il ne suffit pas d'invoquer des contraintes graves sur soi pour invalider une démission. On ne reprend pas les fonctions d'un chef d'Etat comme on change de T-shirt.
C’est pourquoi, la CEDEAO ne peut prétendre ignorer l’acte de démission de Boubacar Ibrahim Keita. Cette démission est la pierre angulaire de la situation actuelle.
Si l’assemblée nationale n’était pas dissoute, le président de l'assemblée nationale l’aurait remplacé. Mais IBK a aussi dissout l'assemblée nationale et son gouvernement. Ce sont aussi des actes légaux.
C'est ce vide institutionnel qui est ressorti de la déclaration de IBK, le 18 août. Depuis, aucune de ces fonctions n’est occupée par un quelconque malien. Les militaires assurent la vacance du pouvoir sans être les détenteurs de ces fonctions. Nul malien n'a déclaré avoir renversé et remplacé IBK par la force
Si des leaders de Benno Book yakaar enfermaient dans une salle le Président Macky Sall et partageaient avec lui des informations compromettantes graves le concernant et aboutissent ainsi à lui mettre une pression forte qui le convainc de démissionner de ses fonctions, sa démission serait considérée légale et acceptable en droit. Dans un autre registre si le président du conseil constitutionnel du Sénégal ou de la cour suprême subissait la pression de sa femme pour écrire une décision allant dans un sens et non dans un autre, sa décision aurait aussi force probante. On pourrait multiplier les exemples. La contrainte n'est donc pas une justification suffisante de renversement de la décision de démission.
Combien de personnes dans la vie politique et administrative ont démissionné dans des circonstances qu'ils jugent moralement, épouvantables, contraignantes et intenables. Et pourtant, leurs actes ont été considérés légalement acceptables sur le plan juridique. IBK n'est pas différent.
Lorsqu’un président de la République démissionne, on ne peut plus parler de renversement de l'ordre constitutionnel. Nous avons ici un problème de droit pur, doublé de conséquences politiques. Ce n'est donc pas la CEDEAO qui doit faire intervenir ses muscles. C'est le droit malien qui doit résoudre la question.
La cour constitutionnelle du Mali est l'instance pour arbitrer ce vide institutionnel.
Si IBK veut reprendre sa fonction, il doit s’adresser à cette instance pour demander qu’elle renverse sa démission. Si les parties adverses veulent prendre acte de la démission d’IBK ou contester ce droit a IBK, ils peuvent le faire devant cette cour aussi. Ils peuvent même y contester la légalité des decisions de la CEDEAO.
Si la CEDEAO use de la force pour remettre IBK président de la République, elle aura commis un coup d'État illégal, sur la base de considérations qui ne sont pas conformes à l’Etat de droit et le respect de l'ordre constitutionnel du mali et de l'instance régionale.
Tout cela peut sembler théorique face à la caractérisation évidente que l’on a de l'expression coup d’Etat. L'expression traduit un coup de force illégal, contre un président. Mais, dans le cas du Mali, tous les observateurs peuvent aussi constater que les militaires concernés ont agi en conséquence d'une situation qu'ils n'ont pas suscitée.
Lorsque le Général Alfred Diallo et le capitaine Belal Ly intervenaient en 1962 dans le conflit entre Senghor et Dia, c’était aussi en conséquence d'une situation qu'ils n'ont pas causée mais dans laquelle ils ont senti leur devoir de s’impliquer malgré eux pour prévenir une aggravation de la situation entre des protagonistes politiques qui pouvaient entraîner le Sénégal dans la crise.
Personne n’a puni le capitaine Belal Ly d’avoir enfermé le président Senghor dans une pièce du palais pour des raisons de sécurité.
Contrairement à IBK, Senghor n'a pas démissionné, il a sorti la constitution et essayé de convaincre les militaires qu'il avait le droit et la raison avec lui. IBK n'a pas essayé de conserver sa fonction et a démissionné, peut-être sous la peur. Senghor aussi, aurait pu démissionner par peur, mais a préféré résister. Il le fera en 1981, sous la pression économique défavorable générale, lorsque ses collaborateurs proches comme Djibo Ka l’y aideront en lui en montrant a lui et sa femme les images de violences sanguinaires envers les présidents africains destitués lors de coups d’Etat dans les pays voisins anglophones pour l'apeurer La raison et la peur ont finalement eu raison de Senghor, tout comme d’IBK et tant d'autres présidents et responsables.
D'ailleurs, la démission de Senghor était aussi organisée comme un coup d’Etat légal, puisque peu avant, il a changé les dispositions de la constitution pour que le premier ministre Abdou Diouf lui succède. Sa manœuvre a été couronnée de succès, parce que acceptable en droit. Au Mali, l’intervention des militaires a aussi été couronnée de succès par la démission légale de IBK. S’il en avait pas démissionné, le coup aurait été illégal et attaquable par la CEDEAO.
En conclusion, la CEDEAO devrait plutôt demander à la cour constitutionnelle du Mali d’arbitrer le vide institutionnel et non tenter d'intervenir par l'usage de la force ou les sanctions économiques par embargo. Un président ne doit pas voir peur. Il doit être prêt à mourir pour assumer les fonctions que le peuple lui a confiées….ou alors démissionner. IBK a choisi. Il faut en prendre acte et passer à autre chose.
Les populations de la CEDEAO ne laisseront certainement pas les maliens subir le diktat injuste et illégal des chefs d'Etat en essayant d’étouffer un changement populaire légitime et légal, quoique extraordinaire.
Amadou Gueye. Nouvelle République.