Au vu de notre propre histoire, en quoi la "laïcité" serait-elle une valeur cardinale que nous devrions prescrire aux générations futures comme un legs sacré ? Voilà la question qu'on ne pose pas. Pourtant, elle mérite réflexion.
La référence à la laicité est perçue comme une évidence dès lors que l'Etat s'inscrit dans la continuité de l'administration coloniale qui a façonné sa trajectoire et sa culture. Autrement dit, tant que nous percevons notre histoire comme une simple ramification de l'histoire de France.
Oui, en France, depuis 1789, le principe du confinement de la religion dans la sphère privée, individuelle, est une des pierres de touche de la République. Mais ce n'est certainement pas pour l'éternité. D'abord parce que leur Constitution ne l'impose pas. Ensuite et surtout, les soubresauts actuels liés à une renaissance de la religiosité, notamment musulmanes, font penser que, tot ou tard, un débat critique aura lieu dans ce pays sur la "laïcité".
Au Sénégal, force est de rappeler que la "laïcité" a été omise de la première Constitution à la suite de l'opposition des chefs religieux. En 2011, ce débat a resurgi, comme aujourd'hui en 2016. Je me souviens qu'au moment de la rédaction des statuts du MSU, le parti qu'il dirigeait dans les années 90, le président Mamadou Dia avait proposé et obtenu la suppression de la référence à la "laïcité" et son remplacement par le terme "non confessionnel" jugé plus explicite et moins chargé.
Les historiens pourront certainement fouiller davantage notre passé pour nous éclairer. En attendant, ces données de notre histoire récente démontrent qu'au Sénégal, la "laïcité" n'est pas consensuelle comme en France mais plutot conflictuelle. Pourquoi inscrire un principe conflictuel dans l'éternité ?
Ce n'est pas ainsi qu'ont procédé les pays émergents. Ceux-ci ont tiré leur énergie de leur confiance en soi et de la mise en avant des valeurs générées par leur propre histoire et susceptibles de souder leurs peuples et de les pousser vers le progrès.
Ils ont su protéger leurs citoyens des lubies d'une "modernisation" qui n'est qu'une imitation maladroite de modèles en voie de décadence. Leurs élites dirigeantes ont appris à s'inscrire dans une culture autre que celle de l'extraversion et de la dépendance.
Il ne s'agit pas d'une simple querelle de mots. Si certains de nos compatriotes tiennent au mot "laïcité", on peut toujours le leur concéder. Mais il faudra au préalable nous mettre d'accord sur la définition d'un contenu consensuel.
Dans cette optique, certaines questions ne sauraient être escamotées. Au-delà de la coexistence plus ou moins pacifique avec les communautés religieuses, cette "laïcité sénégalaise" à définir devra nécessairement engager l'Etat à reconnaître et protéger la religiosité, qui est le ciment de notre vie commune. En particulier, elle devra l'engager à soutenir sans faiblesses la forte demande sociale en faveur de la préservation des bonnes moeurs et du bannissement des déviances sociales de l'espace public.
Ce débat n'est pas facile. Nous pourrions choisir la paresse de l'occulter et attendre que quelques jeunes exclus sociaux au savoir coranique primitif, nous reviennent de la Lybie dopés au Captagon, pour nous "enseigner" la Charia islamique par la force des kalashnikovs et des ceintures d'explosifs. A Dieu ne plaise !
Mamadou Bamba NDIAYE
Ancien député
Secrétaire général du Mps/Selal
La référence à la laicité est perçue comme une évidence dès lors que l'Etat s'inscrit dans la continuité de l'administration coloniale qui a façonné sa trajectoire et sa culture. Autrement dit, tant que nous percevons notre histoire comme une simple ramification de l'histoire de France.
Oui, en France, depuis 1789, le principe du confinement de la religion dans la sphère privée, individuelle, est une des pierres de touche de la République. Mais ce n'est certainement pas pour l'éternité. D'abord parce que leur Constitution ne l'impose pas. Ensuite et surtout, les soubresauts actuels liés à une renaissance de la religiosité, notamment musulmanes, font penser que, tot ou tard, un débat critique aura lieu dans ce pays sur la "laïcité".
Au Sénégal, force est de rappeler que la "laïcité" a été omise de la première Constitution à la suite de l'opposition des chefs religieux. En 2011, ce débat a resurgi, comme aujourd'hui en 2016. Je me souviens qu'au moment de la rédaction des statuts du MSU, le parti qu'il dirigeait dans les années 90, le président Mamadou Dia avait proposé et obtenu la suppression de la référence à la "laïcité" et son remplacement par le terme "non confessionnel" jugé plus explicite et moins chargé.
Les historiens pourront certainement fouiller davantage notre passé pour nous éclairer. En attendant, ces données de notre histoire récente démontrent qu'au Sénégal, la "laïcité" n'est pas consensuelle comme en France mais plutot conflictuelle. Pourquoi inscrire un principe conflictuel dans l'éternité ?
Ce n'est pas ainsi qu'ont procédé les pays émergents. Ceux-ci ont tiré leur énergie de leur confiance en soi et de la mise en avant des valeurs générées par leur propre histoire et susceptibles de souder leurs peuples et de les pousser vers le progrès.
Ils ont su protéger leurs citoyens des lubies d'une "modernisation" qui n'est qu'une imitation maladroite de modèles en voie de décadence. Leurs élites dirigeantes ont appris à s'inscrire dans une culture autre que celle de l'extraversion et de la dépendance.
Il ne s'agit pas d'une simple querelle de mots. Si certains de nos compatriotes tiennent au mot "laïcité", on peut toujours le leur concéder. Mais il faudra au préalable nous mettre d'accord sur la définition d'un contenu consensuel.
Dans cette optique, certaines questions ne sauraient être escamotées. Au-delà de la coexistence plus ou moins pacifique avec les communautés religieuses, cette "laïcité sénégalaise" à définir devra nécessairement engager l'Etat à reconnaître et protéger la religiosité, qui est le ciment de notre vie commune. En particulier, elle devra l'engager à soutenir sans faiblesses la forte demande sociale en faveur de la préservation des bonnes moeurs et du bannissement des déviances sociales de l'espace public.
Ce débat n'est pas facile. Nous pourrions choisir la paresse de l'occulter et attendre que quelques jeunes exclus sociaux au savoir coranique primitif, nous reviennent de la Lybie dopés au Captagon, pour nous "enseigner" la Charia islamique par la force des kalashnikovs et des ceintures d'explosifs. A Dieu ne plaise !
Mamadou Bamba NDIAYE
Ancien député
Secrétaire général du Mps/Selal