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PROFESSEUR ABDOULAYE SOKHNA DIOP, ARCHÉOLOGUE, GUIDE DE WOLÉ SOYINKA AU FESTIVAL DE 1966 :«Quand on compare 66 à ce qu'on risque de voir maintenant, on a l'impression qu'il n'y a même pas possibilité de comparer»

Tout indique que le Festival mondial des arts nègres 2010 qui doit se tenir dans quelques jours sera très en dessous de la prestation offerte durant les deux premières éditions, en 1966 à Dakar et en 1977 au Nigeria. Ce constat est du professeur Abdoulaye Sokhna Diop, archéologue, qui a eu à participer à ces deux manifestations antérieures de différentes manières.


Rédigé par leral.net le Vendredi 26 Novembre 2010 à 17:27 | | 0 commentaire(s)|

Pour le Festival de 1966, sa participation s'était réduite à un rôle de guide, tandis qu'en 1977, il faisait partie de la délégation officielle du Sénégal. «En 1966, j'étais étudiant et j'avais eu le privilège d'être choisi comme guide de Wolé Soyinka. Pendant toute la durée du Festival, je l'accompagnais partout et tous les soirs, je le ramenais à son hôtel à côté de la place de l'Indépendance, sur la rue Malenfant», se souvient-il. Une manifestation au cours de laquelle s’était retrouvé à Dakar tout ce que le monde noir avait comme grands intellectuels.

«Le président Senghor avait, dès 1964, mis sur pied une équipe constituée d'hommes de culture sérieux»
Rappelant qu'en 1966 «il y avait beaucoup de bouillonnement, d'idées contradictoires et de bagarres intellectuelles civilisées», le Pr Diop constate que pour le Festival de 2010, ce qu'on «a eu à regretter, c'est d'avoir dépensé beaucoup d'argent et l’on a eu des résultats que dans la stérilité. Ce qui est déplorable». Il ajoute : «on s’est rendu compte à un an de la date arrêtée que ceux sur qui l’on a compté n'allaient pas se présenter. Ce qui est une perte de temps», ajoute-t-il. Pis, souligne l'historien, «il y a encore des incertitudes aussi bien le Festival intellectuel qu'artistique». Abdoulaye Sokhna Diop de poursuivre : «je dirais qu’en 1966, le président Senghor avait dès 1964 mis sur pied une équipe constituée d'hommes de culture sérieux, de grands noms d'artistes tels Bachir Touré, Ibrahima Seck, la diaspora artistique et caribéenne. Ces gens-là ont pris en main le Festival et ça a été la réussite que tout le monde a connue».

Implication par Senghor des intellectuels ne partageant pas ses idées
Sur le plan scientifique, Senghor «avait lâché du lest», même si, à l'époque, «il imposait une sorte de dictature culturelle douce comme actuellement». Mais «à la différence que lui, il était plein et celui qui est là, c'est rien». Il explique que c'est ce qui avait fait qu’«il avait réussi à accepter que ceux qu'on n'appelait à l'époque des intellectuels de gauche, qui étaient hostiles à la négritude, ceux qui ne partageaient pas ses idées, viennent quand même pour que dans les contradictions, à l'occasion de l'événement, ils puissent en sortir des conclusions positives». L'ancien guide du prix Nobel de 1986 de dire : «Il y a eu choc des idées au niveau des grands intellectuels, finalement consensus, distribution de prix, de grands savants ont été primés et le Grand prix du festival contre toute attente a été décerné à Cheikh Anta Diop».

«Le Festival de 2010 va se dérouler sans la participation des grands noms intellectuels du Sénégal»
Ce qui le conduit à la conclusion suivante : «Quand on pense à tout ce beau monde et que l’on compare à ce qu'on risque de voir maintenant, on a l'impression qu'il n'y a même pas possibilité de comparer».
Selon Abdoulaye Sokhna Diop, le Festival de 2010 va se dérouler sans la participation des grands noms intellectuels du Sénégal, de la trempe d’Amadou Makhtar Mbow qui, dit-il n’est pas «n'importe qui». «Il a été de la première génération de professeurs africains qui ont commencé à enseigner dans leur pays. Il a fait partie du premier gouvernement du Sénégal en 1957 comme ministre de l'Education et de la Culture. Il a été Directeur adjoint et de Directeur général de l'Unesco pour deux mandats, sans parler de l'Académie marocaine des sciences». Et pour toutes ces raisons, le professeur est persuadé que «le monde, le Festival de 2010 aurait énormément gagné en l'associant à ce qui doit se faire». Une absence d’Amadou Makhtar Mbow qui est assez illustrative du traitement réservé à certains intellectuels.

Mauvaise communication avec une non-appropriation par les populations de l'événement
Poussant la comparaison, il met le doigt sur la communication faite autour de cet événement. «Contrairement à aujourd'hui, dès 1964, les grands artistes de l'époque, notamment les cantatrices, comme Mada Thiam, avaient créé une chanson présentée au public ‘Festival mondial’; et il n'y avait pas de télévision, mais une seule radio». Une chanson selon lui que les populations s'étaient appropriée. Dans toutes les couches sociales, dans toutes les villes et villages, tout le monde chantait «Festival mondial rewmi neexna, festival musé Léopold moo woote». C'était la même chose à Lagos. Et il trouve dommage que cela ne soit pas le cas pour cette fois.

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