Tant par la forme que par le fond, l’exposé des motifs - et le projet de Loi constitutionnelle – est inacceptable, dangereux pour la qualité des institutions constitutionnelles, la paix civile, la crédibilité du pays et sa sécurité nationale. L’exposé des motifs, par son style, relève de ce qu’on peut appeler du «Wolof traduit». Il est mal rédigé, avec une syntaxe boiteuse, un vocabulaire plat, une ponctuation malmenée; un élève de 3e secondaire ferait mieux que l’accoucheur de ce galimatias infect qui fait honte et pitié pour ses correcteurs de dernière heure. Le Sénégal a quand même une bonne tradition de rédaction de textes législatifs et réglementaires.
Mais la raison de ces errements est toute simple : la cachotterie. Car, son concepteur initial a voulu dissimuler son coup et surprendre son monde; il n’avait donc pas d’autre choix que de se mettre à rédiger dans la solitude de son antre. Or, il est de notoriété publique qu’il ne sait pas écrire. Relisons ensemble les 2 premiers paragraphes de l’exposé des motifs : «Dans notre système actuel, le Président de la République est élu au suffrage universel direct mais le vice-président est nommé par le Président qui peut mettre fin à ses fonctions. En effet, la loi constitutionnelle 2009-22 du 02 juin 2009 a introduit dans le dispositif institutionnel du Sénégal, le poste de vice-président. D’un autre côté, l’article 26 de la Constitution dispose que le président de la République peut être assisté d’un vice-président. La contrainte qui pèse sur le Président de la République est la consultation du président du Sénat et du président de l’Assemblée nationale».
De quel système actuel s’agit-il ? Qu’est-ce que ce ''mais'' vient faire ici? Qu’est-ce que l’expression ''D’un autre côté'' vient faire dans cette phrase? Quel est le premier côté? Quelle ''contrainte'' pèse sur le Président de la République pour consulter les deux autres Présidents d’institution? Les deux paragraphes ne veulent-ils pas informer sur la même chose : l’existence d’un poste de vice-Président, d’ailleurs artificiellement créé par la même Autorité sur la base de calculs politiciens bien compris, en procédure d’urgence, alors que depuis l’adoption de cette loi, elle n’a pas daigné respecter le vote de son Parlement en nommant un vice-président. A l’origine, dans le projet initial portant création d’un poste de vice-président, il n’était pas question de confier le poste à une femme ; il a fallu une levée de boucliers pour qu’elle se rétracte, par une tactique de diversion dont elle-seule a le secret, en parlant de femme et de parité et en faisant défiler dans son bureau des dames venues de Paris et d’ailleurs, aux seules fins de dérouter tous ceux qui soupçonnaient fortement un arrangement politicien avec le fils d’emprunt qui devait occuper le poste en attendant de monter de rang et pour le céder au fils biologique. Ce deal n’a pu marcher, faute d’assurances et de garanties suffisantes.
Pour revenir au sujet, les deux paragraphes cités renseignent sur toute l’indigence intellectuelle de leurs rédacteurs finaux. Le 4e paragraphe, par sa texture et par son contenu, n’a pas sa place dans un exposé des motifs parce qu’étant sans objet et sans lien avec l’essence du projet : «L’utilité et même la légitimité d’un tel vice-président ont pu être l’objet de controverses et pourtant à l’analyse, cette institution peut être essentielle dans un processus d’approfondissement de la démocratie… ». Comment ne pas savoir qu’il y a des choses et des suppositions qu’on ne peut pas transcrire dans une loi ? Le 5eme paragraphe non plus, n’y a pas sa place. Le 6e est une addition de phrases insensées et dangereuses pour la démocratie ; la première phrase de ce paragraphe est un alignement de mots décousus : «le mandat donné s’inscrit dans une durée de mise en œuvre». De quel mandat s’agit-il ? Mise en œuvre de quoi ?
Plus grave, il faut «éviter la fréquence d’élections», dit le texte, et permettre «un passage sans heurts». Le «passage sans heurts» (noter le pluriel) de qui, de quoi et vers où ? Par l’escalier de service, en évitant l’élection ! Dans quel régime sommes-nous, alors ? Celui qui parle ou écrit se révèle. C’est à la fois le degré zéro de la rédaction administrative dans un Etat de vieilles et riches traditions administratives et le degré zéro de la gouvernance démocratique.
Plus grave encore, même élu, le vice-président n’aura pas de compétences ou de missions constitutionnelles mais des compétences et missions que le Président voudra bien ou pourra bien lui déléguer. Ce qui est inacceptable. Et s’il ne lui en délègue rien ? Car rien dans ce projet de loi constitutionnelle n’oblige le Président à déléguer quoi que ce soit.
Le processus de «dynastisation» du régime devient ainsi limpide dès lors qu’il est question de faire remplacer le président élu pour 7 ans, pour la durée du mandat, «en cas d’empêchement, de décès, de démission ou d’une indisponibilité quelconque». De quelle indisponibilité peut-il s’agir? Voilà des mots fourre-tout qui, demain, permettront tous les abus. Celui qui a placé dans ce texte ce groupe de mots sait à quoi il pense; lui-seul peut en définir l’acception. Ici, on semble se délecter du pouvoir illimité de faire gober par les sénégalais que le vice-président jouit de la même légitimité populaire que le Président, alors que c’est absolument faux : on est dans une élection présidentielle; les électeurs qui ont voté pour le candidat-Président de leur choix sont obligés de voter également pour le vice-président qui peut ne pas être forcément leur choix; donc, le vice-président qui n’a pas été élu comme Président ne peut et ne doit en aucun cas s’imposer comme Président de la République, pour la durée entière ou restante du mandat du président; cette durée, comme permise par ce projet de loi, peut aller jusqu’à 6 ans 364 jours, si le Président décède ou décide volontairement de renoncer à son mandat, après sa prestation de serment ou au bout de quelques heures, jours, semaines, mois ou années. Le concepteur, en rédigeant son texte, se met lui-même en situation et tente de trouver des solutions pour se tirer d’affaire. Il ne dispose pas pour les 12 millions de citoyens, pour le pays, mais pour lui-même. Voilà ce qui constitue l’hérésie de ce projet et ce qui lui est sous-jacent qui ne fait que traduire l’aveugle volonté de se choisir un successeur sécurisé. Inacceptable dans une République démocratique.
Par ailleurs, cacher un projet de loi à ses propres collaborateurs, à ses alliés/obligés, à son Premier ministre, à son Garde des Sceaux qui est chargé de le défendre devant le Parlement, à ses ministres qui ne le découvrent que le jour de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres (comme l’a révélé la presse, sans être démentie) relève d’un manque de confiance, de la paranoïa et d’une carence d’éthique républicaine inqualifiable. Rien que pour cela, le projet laisse penser à une machination savamment mûrie de longue date, précédée et préparée par des actes suspects comme la nomination du fils comme méga-ministre, l’introduction légalement frauduleuse du poste de vice-président dans la Constitution de 2001 adoptée par référendum, l’imposition de la parité pour amadouer les femmes intellos et capter le vote féminin. Sur la parité, la preuve est faite, à travers le projet de loi, que le Président n’y croit nullement. Relisons ensemble le paragraphe 11 de l’exposé des motifs : «La spécificité de la fonction exécutive, en particulier de la fonction présidentielle…explique et justifie que l’on n’applique pas au ticket présidentiel, la loi 2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue prévue dans les fonctions électives. (Qui comprend quoi ?) Quelle est cette spécificité de la fonction présidentielle au moment où le Liberia est dirigé depuis des années par une Présidente de la République et le Brésil vient d’élire une femme à sa tête ? De qui se moque-t-on ? Voilà qui est pris qui croyait prendre. C’est le serpent qui se mord la queue. Le concepteur ne croît donc pas qu’une femme puisse être vice-présidente. Il vomit la loi nationale sur la parité homme/femme chantée sous toutes les déclinaisons, en écrivant textuellement, dans la suite, avec un langage qui manque de finesse et d’élégance que «Le Président et le vice-président peuvent ainsi être du même sexe». Justement, c'est parce que l’application des dispositions pertinentes de ladite loi est incompatible avec le projet successoral de loi constitutionnelle soumis à l’Assemblée nationale, en procédure d’urgence. Il lui faut absolument et impérativement un homme, un colistier et non une colistière. Il va se trouver confronté à un conflit de lois dans le temps qu’il veut résoudre par des artifices du genre «la spécificité de la fonction exécutive explique et justifie…». Qui croît-on duper par cet argumentaire spécieux, pitoyable et injurieux pour les femmes. Rien que pour cette fausse raison, toutes les femmes sénégalaises doivent combattre, à l’unisson, ce projet de loi qui les déshonore.
On ne révise pas une Loi fondamentale pour résoudre les préoccupations d’un individu et de sa famille. Si par malheur, ce projet est adopté par le Congrès, c’est la succession dynastique qui sera légalement validée, car un individu élu vice- président, peut, du jour au lendemain, se retrouver Chef de l’Etat, pour 6 ans voire 7 ans (en cas de décès du Président, quelques secondes après son investiture, ou en cas de renonciation volontaire du bénéfice de son mandat, avant ou dès après son investiture) alors qu’il n’a pas été élu par les Sénégalais pour exercer l’éminente fonction de Président de la République. C’est important d’insister sur cet aspect du projet pour que les sénégalais en saisissent bien le sens et la portée. «Au cas où, avant son entrée en fonction, le président élu décède, se trouve définitivement empêché ou renonce au bénéfice de son élection, le vice-président de la République élu est proclamé Président de la République par le Conseil constitutionnel. Il nomme un vice-président de la République» De quelle expérience présidentielle disposera ce nouveau Président, dans ce cas de figure ? Car c’est cela que tente de justifier l’exposé des motifs pour faire accepter le principe du remplacement automatique du Président par le vice-Président.
Par ailleurs, jamais, dans l’histoire de ce pays, un projet de révision constitutionnelle n’aura autant fait référence à la mort (cf. articles 7, alinéas 3, 4 et 5 ; article 8, alinéa 2, article 10, alinéas 1 et 2). Ce qui exprime une hantise et une angoisse de son géniteur : mort du président, mort du vice-président, mort du vice- président devenu président à la mort du président …Il s’agit là d’un projet personnel pour résoudre une grave équation personnelle et non nationalement urgente et impérative pour tous.
En outre, ce projet de loi garantit l’impunité totale, par son article 12 qui modifie l’alinéa 1 de l’article 101 de la Constitution : «Le Président et le vice-président de la République ne sont responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions qu’en cas de haute trahison». Tous les autres actes illégaux et répréhensibles commis seraient ainsi acceptables et pardonnés. Inacceptable dans un régime démocratique.
Enfin, ce projet anti-démocratique et aux relents dynastiques, supprime, de fait, le second tour en consacrant l’hypothèse de l’exercice de la fonction de Chef d’Etat contre la volonté de 75% des électeurs. Inacceptable. Et le plus puéril, c’est de faire accroire qu’avec ce projet, ce doit être la fin du « débat malsain » sur la dévolution monarchique ou dynastique du pouvoir. Tout le contraire : ce projet remet au plan premier ce débat. Mais, le plus ridicule c’est de tenter de mettre fin à un débat sur cette question en procédant à une profonde révision constitutionnelle comme jamais ce pays n’en a connue. Ce n’est pas en couvrant de sable les rayons du soleil qu’on les fait disparaître de la vue.
Voter ce projet c’est prendre la responsabilité d’engager le pays dans l’instabilité et les violences inutiles. Laissons en paix notre Constitution et allons aux élections le 26 février 2012 dans la paix et que le meilleur gagne ! M. le Président, après vous, ce ne doit pas être le déluge. Honorables parlementaires, réfléchissez aux conséquences de votre vote, en pensant au pays, à ses filles et à ses fils, à sa stabilité et à son développement pacifique pour tous.
Par Dr. Abibatou Baba Anta Boye
Militante libérale
Mais la raison de ces errements est toute simple : la cachotterie. Car, son concepteur initial a voulu dissimuler son coup et surprendre son monde; il n’avait donc pas d’autre choix que de se mettre à rédiger dans la solitude de son antre. Or, il est de notoriété publique qu’il ne sait pas écrire. Relisons ensemble les 2 premiers paragraphes de l’exposé des motifs : «Dans notre système actuel, le Président de la République est élu au suffrage universel direct mais le vice-président est nommé par le Président qui peut mettre fin à ses fonctions. En effet, la loi constitutionnelle 2009-22 du 02 juin 2009 a introduit dans le dispositif institutionnel du Sénégal, le poste de vice-président. D’un autre côté, l’article 26 de la Constitution dispose que le président de la République peut être assisté d’un vice-président. La contrainte qui pèse sur le Président de la République est la consultation du président du Sénat et du président de l’Assemblée nationale».
De quel système actuel s’agit-il ? Qu’est-ce que ce ''mais'' vient faire ici? Qu’est-ce que l’expression ''D’un autre côté'' vient faire dans cette phrase? Quel est le premier côté? Quelle ''contrainte'' pèse sur le Président de la République pour consulter les deux autres Présidents d’institution? Les deux paragraphes ne veulent-ils pas informer sur la même chose : l’existence d’un poste de vice-Président, d’ailleurs artificiellement créé par la même Autorité sur la base de calculs politiciens bien compris, en procédure d’urgence, alors que depuis l’adoption de cette loi, elle n’a pas daigné respecter le vote de son Parlement en nommant un vice-président. A l’origine, dans le projet initial portant création d’un poste de vice-président, il n’était pas question de confier le poste à une femme ; il a fallu une levée de boucliers pour qu’elle se rétracte, par une tactique de diversion dont elle-seule a le secret, en parlant de femme et de parité et en faisant défiler dans son bureau des dames venues de Paris et d’ailleurs, aux seules fins de dérouter tous ceux qui soupçonnaient fortement un arrangement politicien avec le fils d’emprunt qui devait occuper le poste en attendant de monter de rang et pour le céder au fils biologique. Ce deal n’a pu marcher, faute d’assurances et de garanties suffisantes.
Pour revenir au sujet, les deux paragraphes cités renseignent sur toute l’indigence intellectuelle de leurs rédacteurs finaux. Le 4e paragraphe, par sa texture et par son contenu, n’a pas sa place dans un exposé des motifs parce qu’étant sans objet et sans lien avec l’essence du projet : «L’utilité et même la légitimité d’un tel vice-président ont pu être l’objet de controverses et pourtant à l’analyse, cette institution peut être essentielle dans un processus d’approfondissement de la démocratie… ». Comment ne pas savoir qu’il y a des choses et des suppositions qu’on ne peut pas transcrire dans une loi ? Le 5eme paragraphe non plus, n’y a pas sa place. Le 6e est une addition de phrases insensées et dangereuses pour la démocratie ; la première phrase de ce paragraphe est un alignement de mots décousus : «le mandat donné s’inscrit dans une durée de mise en œuvre». De quel mandat s’agit-il ? Mise en œuvre de quoi ?
Plus grave, il faut «éviter la fréquence d’élections», dit le texte, et permettre «un passage sans heurts». Le «passage sans heurts» (noter le pluriel) de qui, de quoi et vers où ? Par l’escalier de service, en évitant l’élection ! Dans quel régime sommes-nous, alors ? Celui qui parle ou écrit se révèle. C’est à la fois le degré zéro de la rédaction administrative dans un Etat de vieilles et riches traditions administratives et le degré zéro de la gouvernance démocratique.
Plus grave encore, même élu, le vice-président n’aura pas de compétences ou de missions constitutionnelles mais des compétences et missions que le Président voudra bien ou pourra bien lui déléguer. Ce qui est inacceptable. Et s’il ne lui en délègue rien ? Car rien dans ce projet de loi constitutionnelle n’oblige le Président à déléguer quoi que ce soit.
Le processus de «dynastisation» du régime devient ainsi limpide dès lors qu’il est question de faire remplacer le président élu pour 7 ans, pour la durée du mandat, «en cas d’empêchement, de décès, de démission ou d’une indisponibilité quelconque». De quelle indisponibilité peut-il s’agir? Voilà des mots fourre-tout qui, demain, permettront tous les abus. Celui qui a placé dans ce texte ce groupe de mots sait à quoi il pense; lui-seul peut en définir l’acception. Ici, on semble se délecter du pouvoir illimité de faire gober par les sénégalais que le vice-président jouit de la même légitimité populaire que le Président, alors que c’est absolument faux : on est dans une élection présidentielle; les électeurs qui ont voté pour le candidat-Président de leur choix sont obligés de voter également pour le vice-président qui peut ne pas être forcément leur choix; donc, le vice-président qui n’a pas été élu comme Président ne peut et ne doit en aucun cas s’imposer comme Président de la République, pour la durée entière ou restante du mandat du président; cette durée, comme permise par ce projet de loi, peut aller jusqu’à 6 ans 364 jours, si le Président décède ou décide volontairement de renoncer à son mandat, après sa prestation de serment ou au bout de quelques heures, jours, semaines, mois ou années. Le concepteur, en rédigeant son texte, se met lui-même en situation et tente de trouver des solutions pour se tirer d’affaire. Il ne dispose pas pour les 12 millions de citoyens, pour le pays, mais pour lui-même. Voilà ce qui constitue l’hérésie de ce projet et ce qui lui est sous-jacent qui ne fait que traduire l’aveugle volonté de se choisir un successeur sécurisé. Inacceptable dans une République démocratique.
Par ailleurs, cacher un projet de loi à ses propres collaborateurs, à ses alliés/obligés, à son Premier ministre, à son Garde des Sceaux qui est chargé de le défendre devant le Parlement, à ses ministres qui ne le découvrent que le jour de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres (comme l’a révélé la presse, sans être démentie) relève d’un manque de confiance, de la paranoïa et d’une carence d’éthique républicaine inqualifiable. Rien que pour cela, le projet laisse penser à une machination savamment mûrie de longue date, précédée et préparée par des actes suspects comme la nomination du fils comme méga-ministre, l’introduction légalement frauduleuse du poste de vice-président dans la Constitution de 2001 adoptée par référendum, l’imposition de la parité pour amadouer les femmes intellos et capter le vote féminin. Sur la parité, la preuve est faite, à travers le projet de loi, que le Président n’y croit nullement. Relisons ensemble le paragraphe 11 de l’exposé des motifs : «La spécificité de la fonction exécutive, en particulier de la fonction présidentielle…explique et justifie que l’on n’applique pas au ticket présidentiel, la loi 2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue prévue dans les fonctions électives. (Qui comprend quoi ?) Quelle est cette spécificité de la fonction présidentielle au moment où le Liberia est dirigé depuis des années par une Présidente de la République et le Brésil vient d’élire une femme à sa tête ? De qui se moque-t-on ? Voilà qui est pris qui croyait prendre. C’est le serpent qui se mord la queue. Le concepteur ne croît donc pas qu’une femme puisse être vice-présidente. Il vomit la loi nationale sur la parité homme/femme chantée sous toutes les déclinaisons, en écrivant textuellement, dans la suite, avec un langage qui manque de finesse et d’élégance que «Le Président et le vice-président peuvent ainsi être du même sexe». Justement, c'est parce que l’application des dispositions pertinentes de ladite loi est incompatible avec le projet successoral de loi constitutionnelle soumis à l’Assemblée nationale, en procédure d’urgence. Il lui faut absolument et impérativement un homme, un colistier et non une colistière. Il va se trouver confronté à un conflit de lois dans le temps qu’il veut résoudre par des artifices du genre «la spécificité de la fonction exécutive explique et justifie…». Qui croît-on duper par cet argumentaire spécieux, pitoyable et injurieux pour les femmes. Rien que pour cette fausse raison, toutes les femmes sénégalaises doivent combattre, à l’unisson, ce projet de loi qui les déshonore.
On ne révise pas une Loi fondamentale pour résoudre les préoccupations d’un individu et de sa famille. Si par malheur, ce projet est adopté par le Congrès, c’est la succession dynastique qui sera légalement validée, car un individu élu vice- président, peut, du jour au lendemain, se retrouver Chef de l’Etat, pour 6 ans voire 7 ans (en cas de décès du Président, quelques secondes après son investiture, ou en cas de renonciation volontaire du bénéfice de son mandat, avant ou dès après son investiture) alors qu’il n’a pas été élu par les Sénégalais pour exercer l’éminente fonction de Président de la République. C’est important d’insister sur cet aspect du projet pour que les sénégalais en saisissent bien le sens et la portée. «Au cas où, avant son entrée en fonction, le président élu décède, se trouve définitivement empêché ou renonce au bénéfice de son élection, le vice-président de la République élu est proclamé Président de la République par le Conseil constitutionnel. Il nomme un vice-président de la République» De quelle expérience présidentielle disposera ce nouveau Président, dans ce cas de figure ? Car c’est cela que tente de justifier l’exposé des motifs pour faire accepter le principe du remplacement automatique du Président par le vice-Président.
Par ailleurs, jamais, dans l’histoire de ce pays, un projet de révision constitutionnelle n’aura autant fait référence à la mort (cf. articles 7, alinéas 3, 4 et 5 ; article 8, alinéa 2, article 10, alinéas 1 et 2). Ce qui exprime une hantise et une angoisse de son géniteur : mort du président, mort du vice-président, mort du vice- président devenu président à la mort du président …Il s’agit là d’un projet personnel pour résoudre une grave équation personnelle et non nationalement urgente et impérative pour tous.
En outre, ce projet de loi garantit l’impunité totale, par son article 12 qui modifie l’alinéa 1 de l’article 101 de la Constitution : «Le Président et le vice-président de la République ne sont responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions qu’en cas de haute trahison». Tous les autres actes illégaux et répréhensibles commis seraient ainsi acceptables et pardonnés. Inacceptable dans un régime démocratique.
Enfin, ce projet anti-démocratique et aux relents dynastiques, supprime, de fait, le second tour en consacrant l’hypothèse de l’exercice de la fonction de Chef d’Etat contre la volonté de 75% des électeurs. Inacceptable. Et le plus puéril, c’est de faire accroire qu’avec ce projet, ce doit être la fin du « débat malsain » sur la dévolution monarchique ou dynastique du pouvoir. Tout le contraire : ce projet remet au plan premier ce débat. Mais, le plus ridicule c’est de tenter de mettre fin à un débat sur cette question en procédant à une profonde révision constitutionnelle comme jamais ce pays n’en a connue. Ce n’est pas en couvrant de sable les rayons du soleil qu’on les fait disparaître de la vue.
Voter ce projet c’est prendre la responsabilité d’engager le pays dans l’instabilité et les violences inutiles. Laissons en paix notre Constitution et allons aux élections le 26 février 2012 dans la paix et que le meilleur gagne ! M. le Président, après vous, ce ne doit pas être le déluge. Honorables parlementaires, réfléchissez aux conséquences de votre vote, en pensant au pays, à ses filles et à ses fils, à sa stabilité et à son développement pacifique pour tous.
Par Dr. Abibatou Baba Anta Boye
Militante libérale