Comment vous vous êtes connus vous et Cheikh ?
Nous sommes ensemble depuis l’âge de huit ans cheikh et moi. Nous avons tout fait ensemble. On nous confond cheikh et moi. Parfois, on m’appelle Cheikh et Cheikh on l’appelle Pape. C’est extraordinaire. Mais c’est le fruit d’une complicité sincère entre nous. Je ne fais rien sans consulter Cheikh et vice versa. Nous sommes et nous resterons inséparables, même si des gens ont tenté à maintes reprises de mettre un terme à notre compagnonnage. Parfois des gens viennent me dire tu es le leader Cheikh ne fait rien, d’autres viennent vers Cheikh lui dire tu es le patron du groupe, tu es le « cerveau ». Mais, ils n’y pourront rien. Nous resterons ensemble lui et moi.
Cela fait un bon bout de temps que vous êtes absents de la scène musicale sénégalaise. Pourquoi ?
Nous sommes en train de préparer la sortie de notre prochain album qui sera bientôt sur le marché. Nous étions en contrat avec jololi, mais après mûre réflexion, nous avons décidé de faire cavalier seul et de voler de nos propres ailes.
Pourquoi avez-vous rompu cette collaboration avec jololi ?
C’est parce que le contrat avec Jololi n’a pas été renouvelé, c’est aussi simple que ça. Il n’y a eu aucun conflit. Youssou reste notre grand frère, il n’y a aucun problème entre nous et nous continuons à le consulter par rapport à tout ce que nous faisons.
Comment appréciez-vous la décision de l’Etat d’attribuer finalement à Youssou Ndour sa fréquence télévision après un long bras de fer ?
On s’en félicite. C’est nous qui sommes les principaux bénéficiaires, d’autant plus que c’est une télévision culturelle. Donc c’est notre télévision à nous les artistes, ce n’est pas la propriété de Youssou Ndour seulement. Youssou mérite plus qu’une télévision.
Et toute la polémique qui a entouré cette affaire comment l’avez-vous vécu ?
Je n’aime trop entrer dans détails que je ne maitrise pas. Mais, l’essentiel c’est que tout est finalement rentré dans l’ordre. Abdoulaye Wade est le père de Youssou comme Karim peut être le fils d’Elimane Ndour. Les polémiques c’est tout à fait naturel. C’est dans l’ordre normal des choses. Parfois, aussi c’est la presse qui nous fait dire des choses que nous ne devions pas dire. Mais, dès l’instant qu’ils sont sur la même longueur c’est tant mieux et c’est le Sénégal qui y gagne.
Ne pensez vous pas que l’état a quelque peu reculé devant la pression des citoyens pour l’ouverture de Tfm ?
Je ne le considère pas comme un recul. Mais, quand l’Etat a senti que les sénégalais avaient besoin de cette télévision il a jugé normal d’accéder à cette requête populaire, en accordant à Youssou sa fréquence télé.
SOLLICITES PAR DE NOMBREUX PARTIS
Votre absence sur la scène musicale n’est elle pas liée à la polémique née de la sortie de votre morceau « Gorgui doli niou » où vous avez marqué votre engagement en faveur du régime libéral?
C’est une très bonne question. En 2000, lorsque nous avons sorti « Yaatal Geew bi » à la veille des élections présidentielles, cela avait fait un tabac extraordinaire. Les sénégalais s’étaient appropriés ce morceau qui avait participé à l’éveil des consciences. Arrivés en 2007, nous avons choisi de cheminer avec le candidat de notre choix, en l’occurrence Abdoulaye Wade. Des gens ont aimé d’autres n’ont pas aimé. Mais, je ne comprends pas pourquoi les gens en font un drame. Aux Etats Unis, des gens comme Akon ou Beyoncé ont soutenu Barack Obama lors des élections présidentielles américaines.
C’était la même chose en France où des gens comme Johny Halliday se sont publiquement affichés aux côtés d’un candidat. Alors pourquoi tout ce tollé parce que simplement Pape et Cheikh l’ont fait au Sénégal ? En plus ce n’est pas une nouveauté sous nos cieux. Vous ne vous rappelez pas du morceau « numéro 10 ». Seulement ce que pape et cheikh ont réussi, n’importe qui ne peut pas le réussir. Cette nouvelle touche que nous avons apportée dans l’espace politique sénégalais, cela n’avait jamais existé auparavant. Aujourd’hui, nombreux sont les partis politiques, même ceux de l’opposition qui viennent nous solliciter pour qu’on leur fasse la même chose que nous avons faite pour Wade. Cette manière de composer des tubes de campagnes électorales, rares sont les musiciens sénégalais qui peuvent le faire. En tout cas, l’histoire retiendra au Sénégal que Pape et Cheikh ont apporté quelque chose qui n’avait jamais existé auparavant. Cela ne nous a porté aucun préjudice de nous afficher avec Wade, au contraire cela nous a promu. Les gens qui veulent qu’on se démarque de ça, le jour où on accède à leur requête ils vont faire la même chose que ce que nous faisions. Ce que nous faisons ce n’est pas à la portée de tout le monde.
Qu’est ce qui justifie votre engagement aux côtés de Wade au moment où beaucoup de musiciens n’osent pas s’afficher avec lui de peur de se livrer à la vindicte populaire ?
Je vous ai dit que cela ne date pas d’aujourd’hui. Des musiciens ont pris faits et cause pour l’ancien régime. Les gens ont la mémoire courte. Je ne dis pas que beaucoup de musiciens veulent être à notre place, mais j’en suis sûr. « yatal geew » a dépassé les frontières du Sénégal.
Aujourd’hui, ce morceau rythme les campagnes électorales en Gambie, en Mauritanie et dans la sous région. Dès l’instant que nous avons réussi quelque chose, nous avons réussi notre mission. Tout cela c’est le fruit d’un travail de longue haleine. Aujourd’hui, nous n’envions aucun musicien sénégalais. Nous avons presque fait le tour du monde. Nous avons fait toutes les grandes scènes u monde avec des artistes de renommée interplanétaire tels que Tracy Chapman. Nous avons réussi.
Pour répondre à votre question, c’est parce que « daf ko diar mo takh gnou def », sinon nous n’alions pas le faire. Les réalisations du régime libéral sont là, palpables. Quoiqu’on puisse dire Abdoulaye Wade a réalisé quelque chose dans ce pays. Nous avons choisi notre candidat avec soin. En plus, on a toujours été derrière Abdoulaye Wade, on a toujours cru en lui, cela bien avant l’alternance.
N’avez-vous pas pris de risques en vous engageant en faveur du camp présidentiel ?
Le premier risque, c’est lorsque nous avons pris la décision de chanter « Yataal Gueew ». En ce moment, il y’avait une foultitude de candidats, mais nous avions déjà faits notre choix. Risque ne pouvait être plus grand. Nous avons le droit de choisir notre camp.
Vous êtes censés être les portes parole de la population qui, aujourd’hui, ne porte plus dans son cœur le régime libéral
Nous sommes au Sénégal un pays très envié partout dans le monde. Les gens fuient leur pays pour venir se réfugier chez nous. Moi, je pars dans les autres pays et j’observe. Le Sénégal est un « paradis » comparé à d’autres pays. Dans cet immeuble où je loge, il y’a également des Européens qui sont mes voisins. Ils ne veulent plus rentrer chez eux. Les gens sont fatigués certes, mais c’est partout c’est une crise mondiale. Heureusement au Sénégal, nous avons cet esprit de partage, de solidarité et c’est cela qui nous sauve.
SI C’ETAIT A REFAIRE….
Est-ce que à cause de votre engagement, vous n’avez pas senti le mépris des Sénégalais contrairement à vos débuts où vous étiez adulés ?
Nous avons toujours notre public qui nous adore, qui colle à nous. C’est aujourd’hui que nous sommes plus adulés qu’avant. Nous faisons le plein dans les boites de nuits où nous nous produisons. Les gens adorent ce que nous faisons. Nous sommes restés trois ans sans sortir de produits. Nous sommes acculés par les fans. Si les gens nous avaient délaissés, ils n’allaient pas nous appeler pour nous réclamer. Dès fois, nous choisissons de ne pas jouer le morceau « Gorgui Doli Niou », car c’est un public hétérogène qui vient à nos spectacles. Les gens ne sont pas du même parti politique, et nous tenons beaucoup compte de cela, car nous respectons notre public. Mais, ce sont les mélomanes eux même qui nous imposent le morceau « Goorgui Doli Niou ».
Si c’était recommencer, nous referions même chose. Les chiens aboient, la caravane passe,. Nous rendons grâce à Dieu. Et rien ne pourra nous détourner.
Comment s’es passée votre collaboration avec Wade. C’est vous qui êtes allés vers lui ou c’est le contraire ?
En un moment donné, notre tube « gorgui doli niou » était utilisé par tous les partis politiques sénégalais lors des campagnes électorales (présidentielles et législatives). Lorsque nous nous sommes rendus au Bsda pour réclamer nos droits d’auteurs personne n’avait payé. Et jusqu’à présent d’ailleurs, ces partis politiques ne nous ont pas rendu nos sous. Abdoulaye Wade a eu écho de tout cela et il nous a reçus en audience au palais pour satisfaire notre demande. Il faut être ingrat pour ne pas reconnaitre ce qu’il a fait pour nous. Or, nous n’avons que notre voix pour lui montrer que nous sommes reconnaissants. En plus c’est une fierté pour nous de travailler avec lui, nous ne pouvions pas rêver mieux. iIl y’a des musiciens qui autrefois étaient des vedettes, des stars. Quand je les vois aujourd’hui poiroter dans les boites de nuit dans un piteux état, j’ai la chair de poule. Dès fois, je me dis même que je ne dois pas arrêter la musique, car je me demande si je ne vais pas finir comme ces musiciens là. C’est pourquoi nous croyons en ce que nous faisons, personne ne peut nous décourager.
Que pensez-vous des intentions prêtées à Wade d’installer son fils Karim à la tête de ce pays ?
Le président a bel et bien le droit de vouloir que son fils le succède à la tête du Sénégal. Car, c’est le vœu de tout un père de voir un jour son fils réussir dans la vie. C’est tout à fait normal. Mais, encore faudrait il que ce soient les sénégalais qui élisent Karim à la tête du Sénégal. Car, entre le fait que Wade veuille se faire succéder par Karim et le fait que l’élection de Karim dépend dés sénégalais il y’a un grand fossé. Les élections vont déterminer tout cela et les sénégalais donnent leur carte à qui ils veulent.
Vous devez avoir beaucoup d’argent pour être les musiciens attitrés de Gorgui ?
Je ris quand j’entends ces commentaires. Un musicien doit pouvoir tout avoir, car c’est un citoyen. C’est très normal. Abdoulaye Wade ne nous a reçus qu’à deux reprises Cheikh et moi. Aujourd’hui tous les musiciens sénégalais organisent des anniversaires pour se faire de l’argent grâce aux parrainages qu’ils font aux ministres et autres gens du pouvoir. C’est devenu un phénomène à la mode. Actuellement je peux dire que nous sommes les seuls Cheikh t moi à être les exceptions. Nous n’avons jamais organisé d’anniversaires. Et pourtant nous avons des amis ministres, députés, hommes d’affaires qui peuvent nous parrainer. Mais nous sommes les seuls musiciens au Sénégal à faire exception à cette « règle ». En lieu et place, nous avons mis sur pied un festival de musique pour promouvoir les jeunes talents et aider nos petits frères musiciens qui n’ont pas la chance de révéler leur talent à la face du public. C’est quelque chose d’extraordinaire pour nous et les gens ne le signalent pas. Quoiqu’on puisse dire nous avons apporté quelque chose de magnifique sur ce plan là.
Les millions que nous avons, ce n’est pas ce qui est important. Aussi bizarre que cela puisse paraitre je n’ai pas de compte bancaire. J’ai des charges, j’ai des gens à aider, je vis avec ma mère, avec ma famille, mes femmes et mes enfants. J’entends du n’importe quoi des millions, des milliards, et cela me fait beaucoup rire. Ce n’est pas ça qui est important, mais plutôt les relations humaines. Aujourd’hui nous avons les gens grâce à notre musique. C’est cette richesse là qui est importante mais pas la richesse matérielle. C’est extraordinaire quand je vois des guides religieux nous féliciter pour notre fameuse chanson « Sogni ». Quand je vois des références comme Oustaz Alioune Sall nous citer en référence à cet opus, cela nous fait plaisir. Cette chaleur humaine et cette affection valent plus qu’un disque d’or pour nous.
Est-ce vrai que Wade vous a offert une maison ?
Le problème ce n’est pas si Wade nous a offert une maison, mais plutôt si nous l’avons méritée. Je pense que si nous ne le méritions pas, nous n’aurions jamais accepté ces maisons. C’est parce que nous avons bossé dur que nous en sommes arrivés à ce stade.
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