Après trois mois, cette grève se poursuit devant le siège du HCR, dans le quartier Liberté VI à Dakar. Leur santé se dégrade, et la situation ne semble pas évoluer. Pourtant, début septembre, une rencontre organisée entre les parties avait suscité un certain espoir. Mais au cours de cette « réunion d’information », le HCR voulait simplement savoir si la grève allait continuer ou pas... A la mi-septembre 2012, aucune solution n’avait encore été proposée.
Sara Prestianni a réalisé à Dakar un reportage photographique dont sont extraites ces quelques images (l’intégralité du reportage se trouve ici). Elle a recueilli les récits de ces réfugiés, principalement des femmes, lesquels font apparaître des blessures encore bien vives, plus de vingt-trois ans après les événements qui les ont poussé à chercher refuge.
Leur histoire commence le 9 avril 1989, dans la région du fleuve Sénégal, en Mauritanie, où des affrontements éclatent entre bergers peuls mauritaniens et paysans soninkés. Ces heurts dégénèrent, les victimes se comptent par dizaines de milliers. Par ailleurs, entre 1989 et 1991, l’armée mauritanienne va expulser vers le Sénégal et le Mali plusieurs centaines de milliers de Négro-africains (en majorité des Soninkés, mais aussi des Bambaras, des Wolofs et des Peuls) dont il refusent de reconnaître l’appartenance à l’entité nationale mauritanienne. 122 villages au moins seront ainsi effacés de la carte de la Mauritanie.
Lorsqu’ils arrivent au Sénégal, ces Mauritaniens sont d’abord accueillis et logés dans des hangars, puis regroupés par le HCR dans des camps de réfugiés. Depuis vingt-trois ans, ils y vivent dans un état de très grande précarité, renforcé par la quasi-impossibilité de travailler.
Sara Prestianni a réalisé à Dakar un reportage photographique dont sont extraites ces quelques images (l’intégralité du reportage se trouve ici). Elle a recueilli les récits de ces réfugiés, principalement des femmes, lesquels font apparaître des blessures encore bien vives, plus de vingt-trois ans après les événements qui les ont poussé à chercher refuge.
Leur histoire commence le 9 avril 1989, dans la région du fleuve Sénégal, en Mauritanie, où des affrontements éclatent entre bergers peuls mauritaniens et paysans soninkés. Ces heurts dégénèrent, les victimes se comptent par dizaines de milliers. Par ailleurs, entre 1989 et 1991, l’armée mauritanienne va expulser vers le Sénégal et le Mali plusieurs centaines de milliers de Négro-africains (en majorité des Soninkés, mais aussi des Bambaras, des Wolofs et des Peuls) dont il refusent de reconnaître l’appartenance à l’entité nationale mauritanienne. 122 villages au moins seront ainsi effacés de la carte de la Mauritanie.
Lorsqu’ils arrivent au Sénégal, ces Mauritaniens sont d’abord accueillis et logés dans des hangars, puis regroupés par le HCR dans des camps de réfugiés. Depuis vingt-trois ans, ils y vivent dans un état de très grande précarité, renforcé par la quasi-impossibilité de travailler.
Dans les quartiers périphériques les plus pauvres de Dakar, ils louent de petits logements, qu’ils payent environ 15 000 francs CFA par mois (25 euros). Les entreprises sénégalaises répugnent à les employer, ce qui les contraint à des petits boulots non déclarés — et sous-payés : domestiques pour les femmes, et gardiens pour les hommes. Ils refusent aussi, bien que la possibilité leur soit ouverte, de devenir citoyens sénégalais, afin de ne pas donner raison à ceux qui les ont expulsés il y a deux décennies sous le prétexte qu’ils n’étaient pas de « vrais » Mauritaniens…
En 2008, le HCR a initié un projet pour rapatrier ces derniers réfugiés vers la Mauritanie. Mais ceux-ci restent méfiants, constatant que tous ceux qui ont accepté de revenir ces dernières années n’ont toujours récupéré ni leurs biens, ni leurs maisons… et sont encore loin des conditions de vie qu’on leur avait alors promis. L’accord-cadre prévoyait en outre que, au bout de trois mois, ils auraient des papiers. Quatre ans plus tard, ils ne les avaient toujours pas reçus.
En 2008, le HCR a initié un projet pour rapatrier ces derniers réfugiés vers la Mauritanie. Mais ceux-ci restent méfiants, constatant que tous ceux qui ont accepté de revenir ces dernières années n’ont toujours récupéré ni leurs biens, ni leurs maisons… et sont encore loin des conditions de vie qu’on leur avait alors promis. L’accord-cadre prévoyait en outre que, au bout de trois mois, ils auraient des papiers. Quatre ans plus tard, ils ne les avaient toujours pas reçus.
Face à cette impasse, les réfugiés mauritaniens se sont regroupés devant le siège du HCR à Dakar le 19 juin 2012, pour entamer une grève de la faim et exiger leur réinstallation dans un pays tiers où leurs droits pourraient être respectés.
Voici quelques extraits des témoignages recueillis pendant l’été 2012.
Un des porte paroles des réfugiés :
« Nous, les réfugiés mauritaniens au Sénégal, nous avons un problème de survie, il est difficile d’avoir des activités génératrices de revenus. Nous avons des problèmes de logement et de santé. Vivre tous ensemble dans la même pièce n’est pas dans notre culture, et en plus, nous habitons dans un quartier de Dakar qui est très souvent inondé. Et nous n’avons pas d’argent pour nous soigner ou aller à l’école. Lorsque nous avons été déportés, nous avons tout perdu : nos papiers et notre identité. Nous sommes arrivés avec les habits que nous portions sur nous ce jour-là. C’est tout. Dans ces conditions, c’est difficile de recommencer... »
Guedade :
« J’avais 14 ans en 1989, les militaires sont venus dans la nuit. J’ai entendu des bagarres, des tirs, il y a eu des morts. Mon père était douanier. Arrivés au Sénégal, on a passé deux mois à Thiès, dans un hangar avec pleins d’autres réfugiés. Puis on a été transférés dans un campement de bâches avec plein d’autres réfugiés. On y a passé quinze ans… Mon père est mort dans ce camp. J’étais à l’école mais je n’ai pas pu continuer car je n’avais pas assez d’argent. Je me suis mariée avec un autre réfugié mauritanien, avec qui j’ai eu une fille, mais maintenant je vis seule. Je travaille parfois comme domestique, on me paye entre 20 000 et 25 000 francs CFA par mois. J’habite dans une maison souvent inondée dans la banlieue de Dakar ; malgré cela, je paye ma chambre 15 000 francs CFA. C’est cher… Ce sont des chambres qui n’ont même pas de porte, et où l’on vit à plusieurs. Il ne nous reste pas beaucoup pour vivre. Quand les patrons voient qu’on a des papiers de réfugiés, ils ne veulent pas nous embaucher. Du coup, nous sommes obligées de travailler comme domestiques. La plupart des femmes sont veuves, célibataires ou ont été abandonnées par leurs maris. C’est dur de faire la grève de la faim, je souffre de maux de tête. »
Hadjara :
« En 1989, ils sont venus à l’aube pour nous déporter. Ca a été très violent. On a dû abandonner toutes nos affaires et tous nos biens. Arrivés au Sénégal, on a vécu dans une école, on travaillait dans les champs, on partageait un peu de terre avec d’autres réfugiés. J’ai cinq enfants, trois garçons et deux filles. Je suis divorcée et j’ai dû les élever toute seule. C’est très difficile pour mes enfants de vivre ici. Depuis que j’ai commencé la grève de la faim, on m’a amenée à l’hôpital car j’étais trop faible. Je suis asthmatique, j’ai des vertiges. »
Aissatou :
« Quand j’étais en Mauritanie, j’étais femme au foyer et mon mari travaillait dans le commerce. Nous avions beaucoup de biens, nous avons absolument tout perdu. Ils sont d’abord venus chercher mon mari, moi-même et notre enfant. Nous avons été tabassés, il y a eu beaucoup de violences. Nous sommes arrivés au Sénégal le lendemain matin. Mon mari n’a pas supporté de vivre tout ça, il est parti, il nous a abandonnés avec mon fils, qui est maintenant devenu un adulte de 27 ans. Nous avons de grandes difficultés pour l’alimentation, l’éducation, le logement. On est obligés de dormir dans la même chambre. Ce n’est pas bien qu’on vive et qu’on dorme dans la même pièce, mais nous n’avons pas d’autre solution. Mon fils me pose des questions sur la Mauritanie, il ne connaît pas son pays, il avait quatre ans quand on a été déportés. »
Malagui :
« J’avais 13 ans en 1989… Je suis venue ici avec ma famille. Je me rappelle bien que les policiers sont venus le matin à la maison, ils nous ont dit qu’il y avait un problème avec notre nationalité, que nous étions des Sénégalais. Ils nous ont déshabillés et nous ont tout pris. On a ainsi dû traverser la frontière. Je n’ai pas pu retourner à l’école. Je me suis mariée avec un autre réfugié mauritanien. J’ai eu sept enfants. Au début je vivais dans la vallée du fleuve, dans les tentes que le HCR avait installées, puis on est venu à Dakar. Mon mari est malade, c’est moi qui travaille pour soutenir la famille. »
Fatimata :
« Lorsque les événements de 1989 ont éclaté, je vivais à Nouadibhou. Les militaires m’ont demandé des documents sur ma nationalité, puis ils m’ont dit qu’ils étaient faux. Ils ont alors mis mon mari en prison. Je n’ai depuis aucune nouvelle de lui. Apparemment, il est mort après avoir été torturé. On m’a expulsée vers le Sénégal. J’étais seule et enceinte. Mes trois enfants sont encore restés pendant une année, puis, grâce à la Croix-Rouge, j’ai pu les faire venir ici. C’était dur, dur, dur, dur… En Mauritanie j’étais sage-femme, et ici, j’ai dû me mettre à travailler la terre pour donner à manger aux enfants. Un de mes fils a décidé de tenter sa chance en Europe. Il est parti pour le Mali, dans l’espoir d’atteindre l’Europe via l’Algérie. Il a été arrêté au Mali ; il a passé un an en prison, où il a eu un problème aux yeux. Il est finalement rentré au Sénégal. C’est difficile tenir le coup. »
I. B. :
« J’étais gendarme en Mauritanie. Quand je suis arrivée au Sénégal après les événements de 1989, les Sénégalais ne me faisaient pas confiance, ils croyaient que j’étais membre des services secrets mauritaniens. Maintenant, je fais la grève de la faim, les gens du HCR nous regardent mourir de faim sous leurs yeux sans rien faire. De 1989 à 1995, 18 000 enfants de réfugiés mauritaniens sont nés au Sénégal. Nous savons que ceux qui sont rentrés ont eu des problèmes, ils ne peuvent pas retourner dans leurs villages d’origine, ou dans leurs maisons. Ils habitent à quelques kilomètres de chez eux, exactement comme des réfugiés. Ceux qui ont essayé de récupérer leurs biens ont été frappés. »
Fama :
« J’avais 25 ans en 1989. Quand les militaires sont venus nous chercher j’étais avec mes enfants, mon mari était au travail. Ils sont allés le chercher, et ils nous ont expulsés par avion vers le Sénégal. Quand ils sont venus nous chercher, ils ont fait n’importe quoi... Des gestes déplacés... Nous avons vécu dans la vallée du fleuve Sénégal jusqu’en 2011, date à laquelle je suis venue à Dakar car j’étais malade. Je devais faire des analyses, mais ça coûtait trop cher. J’ai demandé au HCR, qui m’a répondu n’avoir pas de fonds pour le moment. J’ai finalement trouvé de l’argent à gauche à droite, et j’ai fait des analyses qui m’ont coûté 50 000 francs CFA (soit 80 euros), et j’ai découvert que j’avais un cancer. Quand j’ai apporté ces résultats au HCR, on m’a répondu qu’on pourrait trouver des fonds pour me soigner. Je fais la grève de la faim pour mes enfants. L’un d’eux la fait d’ailleurs aussi. J’ai divorcé il y a 16 ans, notre vie au Sénégal était trop dure, mon mari était devenu comme fou… »
Haby :
« J’avais 7 ans en 1989. Mon père est mort dans les combats, et ma mère peu après. Je me suis retrouvée toute seule dans le camp de réfugiés. Quand j’ai eu 14 ans, je suis venue à Dakar pour travailler. Le fait de ne pas avoir de carte d’identité m’a empêché de trouver un vrai travail. Je lave donc le linge, je fais du nettoyage. J’ai mal au ventre avec la grève de la faim, j’ai des problèmes d’ulcère. Mais je n’ai pas d’autre choix. »
Voici quelques extraits des témoignages recueillis pendant l’été 2012.
Un des porte paroles des réfugiés :
« Nous, les réfugiés mauritaniens au Sénégal, nous avons un problème de survie, il est difficile d’avoir des activités génératrices de revenus. Nous avons des problèmes de logement et de santé. Vivre tous ensemble dans la même pièce n’est pas dans notre culture, et en plus, nous habitons dans un quartier de Dakar qui est très souvent inondé. Et nous n’avons pas d’argent pour nous soigner ou aller à l’école. Lorsque nous avons été déportés, nous avons tout perdu : nos papiers et notre identité. Nous sommes arrivés avec les habits que nous portions sur nous ce jour-là. C’est tout. Dans ces conditions, c’est difficile de recommencer... »
Guedade :
« J’avais 14 ans en 1989, les militaires sont venus dans la nuit. J’ai entendu des bagarres, des tirs, il y a eu des morts. Mon père était douanier. Arrivés au Sénégal, on a passé deux mois à Thiès, dans un hangar avec pleins d’autres réfugiés. Puis on a été transférés dans un campement de bâches avec plein d’autres réfugiés. On y a passé quinze ans… Mon père est mort dans ce camp. J’étais à l’école mais je n’ai pas pu continuer car je n’avais pas assez d’argent. Je me suis mariée avec un autre réfugié mauritanien, avec qui j’ai eu une fille, mais maintenant je vis seule. Je travaille parfois comme domestique, on me paye entre 20 000 et 25 000 francs CFA par mois. J’habite dans une maison souvent inondée dans la banlieue de Dakar ; malgré cela, je paye ma chambre 15 000 francs CFA. C’est cher… Ce sont des chambres qui n’ont même pas de porte, et où l’on vit à plusieurs. Il ne nous reste pas beaucoup pour vivre. Quand les patrons voient qu’on a des papiers de réfugiés, ils ne veulent pas nous embaucher. Du coup, nous sommes obligées de travailler comme domestiques. La plupart des femmes sont veuves, célibataires ou ont été abandonnées par leurs maris. C’est dur de faire la grève de la faim, je souffre de maux de tête. »
Hadjara :
« En 1989, ils sont venus à l’aube pour nous déporter. Ca a été très violent. On a dû abandonner toutes nos affaires et tous nos biens. Arrivés au Sénégal, on a vécu dans une école, on travaillait dans les champs, on partageait un peu de terre avec d’autres réfugiés. J’ai cinq enfants, trois garçons et deux filles. Je suis divorcée et j’ai dû les élever toute seule. C’est très difficile pour mes enfants de vivre ici. Depuis que j’ai commencé la grève de la faim, on m’a amenée à l’hôpital car j’étais trop faible. Je suis asthmatique, j’ai des vertiges. »
Aissatou :
« Quand j’étais en Mauritanie, j’étais femme au foyer et mon mari travaillait dans le commerce. Nous avions beaucoup de biens, nous avons absolument tout perdu. Ils sont d’abord venus chercher mon mari, moi-même et notre enfant. Nous avons été tabassés, il y a eu beaucoup de violences. Nous sommes arrivés au Sénégal le lendemain matin. Mon mari n’a pas supporté de vivre tout ça, il est parti, il nous a abandonnés avec mon fils, qui est maintenant devenu un adulte de 27 ans. Nous avons de grandes difficultés pour l’alimentation, l’éducation, le logement. On est obligés de dormir dans la même chambre. Ce n’est pas bien qu’on vive et qu’on dorme dans la même pièce, mais nous n’avons pas d’autre solution. Mon fils me pose des questions sur la Mauritanie, il ne connaît pas son pays, il avait quatre ans quand on a été déportés. »
Malagui :
« J’avais 13 ans en 1989… Je suis venue ici avec ma famille. Je me rappelle bien que les policiers sont venus le matin à la maison, ils nous ont dit qu’il y avait un problème avec notre nationalité, que nous étions des Sénégalais. Ils nous ont déshabillés et nous ont tout pris. On a ainsi dû traverser la frontière. Je n’ai pas pu retourner à l’école. Je me suis mariée avec un autre réfugié mauritanien. J’ai eu sept enfants. Au début je vivais dans la vallée du fleuve, dans les tentes que le HCR avait installées, puis on est venu à Dakar. Mon mari est malade, c’est moi qui travaille pour soutenir la famille. »
Fatimata :
« Lorsque les événements de 1989 ont éclaté, je vivais à Nouadibhou. Les militaires m’ont demandé des documents sur ma nationalité, puis ils m’ont dit qu’ils étaient faux. Ils ont alors mis mon mari en prison. Je n’ai depuis aucune nouvelle de lui. Apparemment, il est mort après avoir été torturé. On m’a expulsée vers le Sénégal. J’étais seule et enceinte. Mes trois enfants sont encore restés pendant une année, puis, grâce à la Croix-Rouge, j’ai pu les faire venir ici. C’était dur, dur, dur, dur… En Mauritanie j’étais sage-femme, et ici, j’ai dû me mettre à travailler la terre pour donner à manger aux enfants. Un de mes fils a décidé de tenter sa chance en Europe. Il est parti pour le Mali, dans l’espoir d’atteindre l’Europe via l’Algérie. Il a été arrêté au Mali ; il a passé un an en prison, où il a eu un problème aux yeux. Il est finalement rentré au Sénégal. C’est difficile tenir le coup. »
I. B. :
« J’étais gendarme en Mauritanie. Quand je suis arrivée au Sénégal après les événements de 1989, les Sénégalais ne me faisaient pas confiance, ils croyaient que j’étais membre des services secrets mauritaniens. Maintenant, je fais la grève de la faim, les gens du HCR nous regardent mourir de faim sous leurs yeux sans rien faire. De 1989 à 1995, 18 000 enfants de réfugiés mauritaniens sont nés au Sénégal. Nous savons que ceux qui sont rentrés ont eu des problèmes, ils ne peuvent pas retourner dans leurs villages d’origine, ou dans leurs maisons. Ils habitent à quelques kilomètres de chez eux, exactement comme des réfugiés. Ceux qui ont essayé de récupérer leurs biens ont été frappés. »
Fama :
« J’avais 25 ans en 1989. Quand les militaires sont venus nous chercher j’étais avec mes enfants, mon mari était au travail. Ils sont allés le chercher, et ils nous ont expulsés par avion vers le Sénégal. Quand ils sont venus nous chercher, ils ont fait n’importe quoi... Des gestes déplacés... Nous avons vécu dans la vallée du fleuve Sénégal jusqu’en 2011, date à laquelle je suis venue à Dakar car j’étais malade. Je devais faire des analyses, mais ça coûtait trop cher. J’ai demandé au HCR, qui m’a répondu n’avoir pas de fonds pour le moment. J’ai finalement trouvé de l’argent à gauche à droite, et j’ai fait des analyses qui m’ont coûté 50 000 francs CFA (soit 80 euros), et j’ai découvert que j’avais un cancer. Quand j’ai apporté ces résultats au HCR, on m’a répondu qu’on pourrait trouver des fonds pour me soigner. Je fais la grève de la faim pour mes enfants. L’un d’eux la fait d’ailleurs aussi. J’ai divorcé il y a 16 ans, notre vie au Sénégal était trop dure, mon mari était devenu comme fou… »
Haby :
« J’avais 7 ans en 1989. Mon père est mort dans les combats, et ma mère peu après. Je me suis retrouvée toute seule dans le camp de réfugiés. Quand j’ai eu 14 ans, je suis venue à Dakar pour travailler. Le fait de ne pas avoir de carte d’identité m’a empêché de trouver un vrai travail. Je lave donc le linge, je fais du nettoyage. J’ai mal au ventre avec la grève de la faim, j’ai des problèmes d’ulcère. Mais je n’ai pas d’autre choix. »
Sara Prestianni est photographe et spécialiste des politiques d’immigration dans l’espace méditerranéen. Membre du réseau Migreurop, elle travaille actuellement à Dakar en tant que coordinatrice du réseau « Justice Sans Frontières pour les migrants ».
Elle a publié en 2011, avec Michel Agier, Je me suis refugié là ! Bords de routes en exil, aux éditions Donner-lieu, Paris.
Elle a publié en 2011, avec Michel Agier, Je me suis refugié là ! Bords de routes en exil, aux éditions Donner-lieu, Paris.