Depuis quelques mois, l’Eglise au Sénégal se trouve au cœur des emballements médiatiques. Ce qui se passe suscite perplexité, tristesse, indignation, incompréhension. Une fois encore, la foi de l’Eglise a été bafouée, par la plus haute autorité du pays.
* Meurtris et humiliés, nous l’avons été par les propos insupportables de Monsieur le Président de la République, banalisant publiquement, devant des éducateurs de nos enfants, ce qui fait le cœur de notre foi.
* Meurtris et humiliés, nous l’avons été par les risques de divisions que de tels propos pourraient engendrer dans une communauté nationale caractérisée par une entente exemplaire entre Chrétiens et Musulmans.
* Meurtris et humiliés, nous l’avons été par le désintérêt que le Chef de l’Etat vient de manifester envers une communauté engagée pour le mieux-être de tous les Sénégalais, sans aucune discrimination philosophique ou religieuse.
* Meurtris et humiliés, nous l’avons été par l’amalgame que le Chef de l’Etat a établi entre le monument de la Renaissance Africaine et les représentations qui se trouvent dans nos Eglises.
Faut-il le dire pour que cela soit clair une fois pour toutes : les Chrétiens n’adorent pas de statues ; les Chrétiens adorent un Seul Dieu. ‘’ Je crois en un Seul Dieu’’, tel est notre Credo.
Voilà pourquoi je vous invite à la sérénité et à porter toujours un regard de foi sur notre monde, sur notre pays, sur notre Eglise. Je vous invite à faire toujours confiance au Christ, Vrai Dieu né du Vrai Dieu, n’en déplaisent à ceux qui s’attaquent à notre foi.
A l’orée de cette nouvelle année, que souhaiter à notre Eglise diocésaine, à notre Eglise au Sénégal, à l’Eglise Universelle ? Que souhaiter à nos familles, aux personnes seules, à chacune et à chacun de vous ? Mes vœux veulent s’enraciner dans les trois vertus théologales de Foi, d’Espérance, et de Charité ; je souhaite que se développent entre nous et en nous-mêmes ces trois vertus ; je souhaite à notre pays et à notre humanité d’en percevoir la beauté, la grandeur et la profondeur.
Vœux de foi
Je formule en votre endroit des vœux de foi. Que personne ne soit surpris, et étonné que je sois blessé, que les fidèles catholiques du Sénégal et au-delà, que l’Eglise universelle soient meurtris au plus profond de nous-mêmes, lorsque de telles Vérités de notre foi chrétienne sont foulées aux pieds, par une tierce personne. Oui, nous nous sommes sentis offensés par les déclarations et les propos blessants du Chef de l’Etat.
En effet, il est scandaleux et inadmissible que la divinité de Jésus Christ, cœur de notre foi, soit mise en cause et bafouée par la plus haute autorité de l ’Etat. Nous ne pouvons pas l’accepter. Voilà pourquoi, j’en appelle à la retenue dans les propos, qui peuvent blesser toute une communauté.
C’est pour moi le lieu et l’occasion de rappeler que, lors du Concile de Nicée en 325, les Pères affirmèrent la divinité du Christ, en disant que ce dernier est « de même nature que le Père ». C’est ce qu’ont professé nos ancêtres dans la foi depuis plus de 2000 ans. Nous voulons que Celui en qui nous croyons soit respecté.
J’invite aussi les fidèles chrétiens à défendre, à tout moment, la laïcité constitutionnelle de notre pays, à respecter la croyance de tous les Sénégalais et à vivre, non pas, comme nous avons l’habitude de l’entendre, dans la tolérance avec nos frères et sœurs de confessions différentes, mais à vivre dans l’estime mutuelle, dans le respect des convictions religieuses de tous et de chacun.
Chers diocésains, chaque début d’année est l’occasion d’un regard sur l’année écoulée ; l’occasion d’en dresser un bilan, et de prendre conscience de la trajectoire à prendre pour l’année ou les années à venir.
Nous avons eu des rendez-vous importants : la clôture de l’Année Saint Paul, l’ouverture de l’Année sacerdotale, avec des ordinations diaconales et sacerdotales, l’institution aux ministères du Lectorat et de l’Acolytat. Le Mardi Saint, nous avons lancé officiellement les préparatifs du Congrès Eucharistique de notre diocèse. A cela s’ajoutent les Visites Pastorales dans le doyenné du Sine.
Nous avons connu des évènements malheureux : les décès des Abbés Adolphe FAYE, et Bernard NDIAYE, qui auront tous deux marqué la vie de notre famille diocésaine. Nous les recommandons toujours à la prière de l’Eglise. Nous voulons que cette année soit une bonne année pour tous les Sénégalais. Une année de justice, de paix et de réconciliation. Si nécessaire, et dans le cas d’injustice flagrante, nous ne manquerons jamais de crier notre indignation. Trop c’est trop !
Vœux d’espérance
Notre Espérance, c’est le Christ, sa Parole solide et vraie, sa fidélité à notre égard. Les défis que nous sommes appelés à relever sont énormes aujourd’hui dans ce pays : le cri de désespoir des jeunes, désespoir de trouver un emploi, d’avoir un avenir, d’être un jour véritablement insérés dans notre société.
Aussi voudrais-je souhaiter une bonne année, aux chômeurs de nos pays. Nous savons à quoi ils aspirent : avoir un emploi, retrouver du travail, ne plus être en marge de la vie sociale, ne plus craindre les fins de mois ou le regard des autres. Ouvrons la nouvelle année comme une porte d’espérance !
Etre chrétien, dans le contexte du Sénégal d’aujourd’hui, c’est refuser le fatalisme ; c’est regarder l’avenir et croire, sans naïveté, que nous y pouvons quelque chose. Les problèmes actuels sont lourds, complexes, mais avec le Christ nous ne sommes pas démunis. Nous n’avons certes pas de réponses toutes faites, mais nous avons une certaine expérience de la dignité de tout homme, de la solidarité et des immenses capacités de l’homme à se renouveler.
Voilà pourquoi j’en appelle à la solidarité des uns et des autres, pour aider et soulager, autant que faire se peut, nos frères et sœurs en humanité, qui traversent des épreuves dans leur vie.
Ne l’oublions pas : l’humanité ne grandit que par les relations, par le souci de faire grandir l’autre, par le don que chacun apporte à son prochain.
Je voudrais dire ici que toutes les difficultés, auxquelles sont confrontés les Sénégalais, les Africains et l’humanité ne se règlent pas qu’à coups d’argent. Bien sûr, il en faut. Mais, jamais l’argent seul ne donne la dignité. Il y a des valeurs fondamentales à respecter et à promouvoir : la dignité de l’autre, le respect d‘autrui, l’estime mutuelle, l’honnêteté et la solidarité agissante.
Chers diocésains, l’Eglise, experte en humanité, ne prétend pas dominer la société, mais elle dira toujours clairement, et en tout domaine, ce qu’elle croit, et Celui en qui elle espère.
Vœux d’amour et de charité.
Grâce au Seigneur et au travail de tous, notre famille diocésaine a essayé de se laisser irriguer par l’Amour de Dieu. Amour célébré dans les Sacrements, et en particulier dans l’Eucharistie. Pour tout l’Archidiocèse de Dakar, l’année 2010 sera consacrée à notre Congrès Eucharistique : Source et sommet de notre vie chrétienne. L’Eucharistie, Sacrement d’Amour par excellence.
Alors un souhait, pour 2010 : Que cet Amour, qui est pardon et réconciliation, illumine notre Archidiocèse et le Sénégal tout entier ! Qu’Il éclaire nos intelligences ! Qu’Il guide nos paroles ! Qu’Il habite nos cœurs !
Je vous offre ces paroles de l’Apôtre Pierre à méditer : « Ayez au milieu des nations une belle conduite, afin que, sur le point même où ils vous calomnient comme malfaiteurs, la vue de vos bonnes œuvres les amène à glorifier Dieu. » (1.P 2, 12)
M’adressant plus particulièrement à nos sœurs et frères musulmans, qui nous ont toujours manifesté estime, soutien et solidarité, je voudrais solennellement leur dire combien nous avons apprécié la spontanéité et la sincérité de leurs réactions. Nous sommes à cet égard réconfortés, en constatant cette harmonie qui caractérise notre commun vouloir de vie commune dans un Sénégal en paix. Souhaitons-nous tous la Paix ! Toujours la Paix, rien que la Paix !
b[Dewenati !
Théodore Adrien Cardinal SARR
Archevêque de Dakar
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