En effet, s'il est vrai que la presse doit jouer un rôle important dans le processus de renforcement des acquis démocratiques par une information juste et vraie, il est normal que le gouvernement la soutienne dans l'accomplissement de cette noble mission de service public; cependant, le citoyen doit pouvoir disposer de pertinents indicateurs pour évaluer objectivement les actions de cette presse.
Les sénégalais ont-ils réellement une presse indépendante et plurielle qui prend en charge leurs préoccupations? Le secteur génère t-il des revenus qui assurent à ses acteurs un plein épanouissement ?
Ainsi, nous allons mener cette réflexion en partant de l'hypothèse selon laquelle: toute aide publique à la presse doit aller dans le sens de la satisfaction des acteurs et du citoyen. Nous ne récusons donc pas le principe de l'aide à la presse, mais nous ne pouvons pas non plus cautionner une aide publique sans conditions. Nous n’aborderons pas la problématique du financement des médias du secteur public.
Et lorsque nous évoquons le concept d'entreprise de presse, nous distinguons quatre entités aux intérêts difficilement conciliables : Les actionnaires, l'entreprise de presse elle-même, les travailleurs et le produit de presse consommé par les populations donc le citoyen.
Reconnaitrons le, les patrons de presse veulent dépenser moins et gagner plus, au moment où les travailleurs souhaitent avoir les meilleures conditions de travail (travailler moins) et de vie (gagner plus) ce qui pourrait avoir une conséquence néfaste sur la qualité de l'information fournie aux citoyens et à terme donc sur la pérennité de l'entreprise de presse. Une entreprise qui offre des produits de mauvaise qualité ne peut être pérenne.
L'Etat devrait donc - dans l'élaboration des conditions d'attribution de l'aide - s'assurer que les actionnaires et les travailleurs puissent améliorer leurs conditions de vie et de travail, mais aussi, que le citoyen puisse disposer d'une information de qualité. Donner un chèque à un patron de presse sans conditions, c'est l'enrichir personnellement. Nous militons donc pour le financement des projets d'entreprise, qu'il s'agisse du financement du cycle d'exploitation ou des investissements. Ainsi l'Etat accorderait son aide aux entreprises de presse qui proposeraient des projets innovants aussi bien au niveau de la gouvernance d'entreprise (gestion saine et transparente, existence de mécanismes de contrôle interne et mise en place de comité d'audit si nécessaire), qu’au niveau de la qualité du projet éditorial. Aussi, pour garantir le pluralisme, l'Etat pourrait mettre en place une ligne budgétaire conséquente pour chaque spécialité, par exemple 100 millions pour la presse économique, 100 millions pour la presse culturelle, 100 millions pour la presse sportive, 100 millions pour la presse généraliste.....; sans quoi nous risquons de n'avoir qu'une presse people.
Il faudrait aussi accorder une place importante à la dimension formation dans les projets d'entreprise. En effet, chaque entreprise devrait, de notre point de vue, dans sa demande de financement définir clairement ses besoins en formation et les évaluer. Nous sommes contre le principe de la formation « groupée », car chaque entreprise a des besoins spécifiques en matière de formation.
Enfin, nous pensons aussi que la fiabilité du modèle économique proposé devrait être un critère déterminant dans le choix des projets à financer ; car, comme l'indique si bien le rapport Cardoso sur le système d'aides publiques à la presse remis aux autorités françaises le 08 septembre 2010, il faut sortir du «système d'assistance respiratoire permanente». Et on ne peut sortir de ce système qu'en finançant des projets fiables techniquement, économiquement et financièrement.
Rappelons que la France est déjà à plus d'un milliard d'euros d'aides publiques à la presse écrite et pourtant elle s'est engagée à réformer les modalités d'attribution de celles-ci. Ceci démontre que même si l'enveloppe compte, les modalités d'attribution sont encore plus importantes.
En ce qui concerne les conditions d'éligibilité aux fonds, nous pensons que toute entreprise de presse ayant plus d'une année d'existence devrait être éligible à l'aide sans tenir compte des éventuelles dettes qu'elle devrait à l'Etat, aux institutions sociales ou à ses travailleurs. En effet, l'aide devrait permettre aux entreprises en difficultés de se (re)mettre à niveau.
Aussi, nous suggérons un système de prêt sans garantie avec un taux d'intérêt de 1%.
Pour l'institution en charge de l'évaluation des projets d'entreprise et des montants à accorder, nous suggérons, en prenant appui sur le cas danois, la mise en place d'une institution pour le financement de la presse - non pas sous forme de fondation - mais d'institution financière spécialisée.
Pour les sources de financement nous proposons :
Une dotation initiale de l'Etat à hauteur de 500.000.000 Fcfa
La participation des entreprises de presse dans le capital social de l'institution (elles pourraient disposer d'un minimum de blocage)
Une taxe de 1000 fcfa sur chaque facture SONATEL (abonnement ADS) et de 01% sur l'internet prépayé. En effet, les usagers de l'internet utilisent les produits de presse piratés (écrite, audiovisuelle) qu'il faudrait leur faire payer.
Une taxe sur la publicité au taux de 5% (pour faire participer les annonceurs aux financements du secteur)
L'institution financière spécialisée se chargera aussi de mobiliser d'autres ressources auprès des bailleurs de fonds (ONG, institutions financières internationales...)
Reste à déterminer les modalités de gouvernance de cette institution. Nous optons pour un système de gouvernance classique avec un conseil d'administration comme organe délibérant et une direction générale comme organe exécutif. Toutefois, il faudrait limiter son budget de fonctionnement à 5% de ses ressources, pour ne pas créer une institution budgétivore qui passerait son temps à chercher des ressources pour assurer sa propre survie. Une fois les cahiers de charge bien rédigés, l'orientation bien définie, la stratégie bien élaborée, les organes exécutifs (Direction Générale avec surtout comité d'audit, comité de crédit et comité de suivi évaluation) seront placés sous la responsabilité de professionnels confirmés à la suite d'une procédure transparente de recrutement. Le modèle de direction de l'ARMP (l'autorité de régulation des marchés publics) nous semble être un modèle pertinent avec un bon encadrement des compétences et attributions du Directeur Général pour éviter d'éventuels abus ; en plus des dispositions de supervision prudentielle et de surveillance propres au secteur des institutions financières.
Bien évidemment, les représentants des professionnels des médias et de l'Etat siégeront dans l'organe délibérant.
Il faut aussi souligner que l’entreprise de presse évoluant dans le monde des affaires, voient ses relations avec les tiers (banques, fournisseurs…) régies par les législations nationales et supranationales sur les affaires, en particulier les actes uniformes de l’OHADA (organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires. Dans cet environnement impitoyable où les banques classiques ne font pas de cadeaux aux entreprises y comprises celles dotée d’une mission de service public, c’est plus qu’une nécessité pour la presse de pouvoir accéder aux service d’une institution financière spécialisée dotée elle aussi d’une mission de service public.
Il reste entendu, qu'indépendamment de ce système de financement direct, l'Etat devrait aussi renforcer le système de financement indirect avec :
Une exonération de la TVA (élargir la liste des produits et services exonérés de TVA : téléphone, eaux, électricité…)
Un tarif postal préférentiel pour la presse écrite
Un tarif préférentiel pour l'abonnement à Dakar Dem Dik (pour les reporters qui n’ont pas de moyens de déplacement)
Une réduction substantielle du taux d'impôt sur le revenu (IR) et du taux d'impôt sur les sociétés (IS)
Nous pensons que ce système pourrait assurer un pluralisme médiatique (budget par spécialité : presse économique, culturelle, sportive, généraliste), une meilleure répartition des profits de l'entreprise (gestion transparentes et saine des entreprises de presse), une meilleure qualité de l'information (pertinence du projet éditorial), reste à savoir si l'Etat et les acteurs du secteur veulent vraiment faire bouger les choses en s'inscrivant dans une logique de rupture radicale ?
Sadikh DIOP
Administrateur de l’observatoire de l’information et des médias
Site web : www.limedia.org email info@limedia.org
Les sénégalais ont-ils réellement une presse indépendante et plurielle qui prend en charge leurs préoccupations? Le secteur génère t-il des revenus qui assurent à ses acteurs un plein épanouissement ?
Ainsi, nous allons mener cette réflexion en partant de l'hypothèse selon laquelle: toute aide publique à la presse doit aller dans le sens de la satisfaction des acteurs et du citoyen. Nous ne récusons donc pas le principe de l'aide à la presse, mais nous ne pouvons pas non plus cautionner une aide publique sans conditions. Nous n’aborderons pas la problématique du financement des médias du secteur public.
Et lorsque nous évoquons le concept d'entreprise de presse, nous distinguons quatre entités aux intérêts difficilement conciliables : Les actionnaires, l'entreprise de presse elle-même, les travailleurs et le produit de presse consommé par les populations donc le citoyen.
Reconnaitrons le, les patrons de presse veulent dépenser moins et gagner plus, au moment où les travailleurs souhaitent avoir les meilleures conditions de travail (travailler moins) et de vie (gagner plus) ce qui pourrait avoir une conséquence néfaste sur la qualité de l'information fournie aux citoyens et à terme donc sur la pérennité de l'entreprise de presse. Une entreprise qui offre des produits de mauvaise qualité ne peut être pérenne.
L'Etat devrait donc - dans l'élaboration des conditions d'attribution de l'aide - s'assurer que les actionnaires et les travailleurs puissent améliorer leurs conditions de vie et de travail, mais aussi, que le citoyen puisse disposer d'une information de qualité. Donner un chèque à un patron de presse sans conditions, c'est l'enrichir personnellement. Nous militons donc pour le financement des projets d'entreprise, qu'il s'agisse du financement du cycle d'exploitation ou des investissements. Ainsi l'Etat accorderait son aide aux entreprises de presse qui proposeraient des projets innovants aussi bien au niveau de la gouvernance d'entreprise (gestion saine et transparente, existence de mécanismes de contrôle interne et mise en place de comité d'audit si nécessaire), qu’au niveau de la qualité du projet éditorial. Aussi, pour garantir le pluralisme, l'Etat pourrait mettre en place une ligne budgétaire conséquente pour chaque spécialité, par exemple 100 millions pour la presse économique, 100 millions pour la presse culturelle, 100 millions pour la presse sportive, 100 millions pour la presse généraliste.....; sans quoi nous risquons de n'avoir qu'une presse people.
Il faudrait aussi accorder une place importante à la dimension formation dans les projets d'entreprise. En effet, chaque entreprise devrait, de notre point de vue, dans sa demande de financement définir clairement ses besoins en formation et les évaluer. Nous sommes contre le principe de la formation « groupée », car chaque entreprise a des besoins spécifiques en matière de formation.
Enfin, nous pensons aussi que la fiabilité du modèle économique proposé devrait être un critère déterminant dans le choix des projets à financer ; car, comme l'indique si bien le rapport Cardoso sur le système d'aides publiques à la presse remis aux autorités françaises le 08 septembre 2010, il faut sortir du «système d'assistance respiratoire permanente». Et on ne peut sortir de ce système qu'en finançant des projets fiables techniquement, économiquement et financièrement.
Rappelons que la France est déjà à plus d'un milliard d'euros d'aides publiques à la presse écrite et pourtant elle s'est engagée à réformer les modalités d'attribution de celles-ci. Ceci démontre que même si l'enveloppe compte, les modalités d'attribution sont encore plus importantes.
En ce qui concerne les conditions d'éligibilité aux fonds, nous pensons que toute entreprise de presse ayant plus d'une année d'existence devrait être éligible à l'aide sans tenir compte des éventuelles dettes qu'elle devrait à l'Etat, aux institutions sociales ou à ses travailleurs. En effet, l'aide devrait permettre aux entreprises en difficultés de se (re)mettre à niveau.
Aussi, nous suggérons un système de prêt sans garantie avec un taux d'intérêt de 1%.
Pour l'institution en charge de l'évaluation des projets d'entreprise et des montants à accorder, nous suggérons, en prenant appui sur le cas danois, la mise en place d'une institution pour le financement de la presse - non pas sous forme de fondation - mais d'institution financière spécialisée.
Pour les sources de financement nous proposons :
Une dotation initiale de l'Etat à hauteur de 500.000.000 Fcfa
La participation des entreprises de presse dans le capital social de l'institution (elles pourraient disposer d'un minimum de blocage)
Une taxe de 1000 fcfa sur chaque facture SONATEL (abonnement ADS) et de 01% sur l'internet prépayé. En effet, les usagers de l'internet utilisent les produits de presse piratés (écrite, audiovisuelle) qu'il faudrait leur faire payer.
Une taxe sur la publicité au taux de 5% (pour faire participer les annonceurs aux financements du secteur)
L'institution financière spécialisée se chargera aussi de mobiliser d'autres ressources auprès des bailleurs de fonds (ONG, institutions financières internationales...)
Reste à déterminer les modalités de gouvernance de cette institution. Nous optons pour un système de gouvernance classique avec un conseil d'administration comme organe délibérant et une direction générale comme organe exécutif. Toutefois, il faudrait limiter son budget de fonctionnement à 5% de ses ressources, pour ne pas créer une institution budgétivore qui passerait son temps à chercher des ressources pour assurer sa propre survie. Une fois les cahiers de charge bien rédigés, l'orientation bien définie, la stratégie bien élaborée, les organes exécutifs (Direction Générale avec surtout comité d'audit, comité de crédit et comité de suivi évaluation) seront placés sous la responsabilité de professionnels confirmés à la suite d'une procédure transparente de recrutement. Le modèle de direction de l'ARMP (l'autorité de régulation des marchés publics) nous semble être un modèle pertinent avec un bon encadrement des compétences et attributions du Directeur Général pour éviter d'éventuels abus ; en plus des dispositions de supervision prudentielle et de surveillance propres au secteur des institutions financières.
Bien évidemment, les représentants des professionnels des médias et de l'Etat siégeront dans l'organe délibérant.
Il faut aussi souligner que l’entreprise de presse évoluant dans le monde des affaires, voient ses relations avec les tiers (banques, fournisseurs…) régies par les législations nationales et supranationales sur les affaires, en particulier les actes uniformes de l’OHADA (organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires. Dans cet environnement impitoyable où les banques classiques ne font pas de cadeaux aux entreprises y comprises celles dotée d’une mission de service public, c’est plus qu’une nécessité pour la presse de pouvoir accéder aux service d’une institution financière spécialisée dotée elle aussi d’une mission de service public.
Il reste entendu, qu'indépendamment de ce système de financement direct, l'Etat devrait aussi renforcer le système de financement indirect avec :
Une exonération de la TVA (élargir la liste des produits et services exonérés de TVA : téléphone, eaux, électricité…)
Un tarif postal préférentiel pour la presse écrite
Un tarif préférentiel pour l'abonnement à Dakar Dem Dik (pour les reporters qui n’ont pas de moyens de déplacement)
Une réduction substantielle du taux d'impôt sur le revenu (IR) et du taux d'impôt sur les sociétés (IS)
Nous pensons que ce système pourrait assurer un pluralisme médiatique (budget par spécialité : presse économique, culturelle, sportive, généraliste), une meilleure répartition des profits de l'entreprise (gestion transparentes et saine des entreprises de presse), une meilleure qualité de l'information (pertinence du projet éditorial), reste à savoir si l'Etat et les acteurs du secteur veulent vraiment faire bouger les choses en s'inscrivant dans une logique de rupture radicale ?
Sadikh DIOP
Administrateur de l’observatoire de l’information et des médias
Site web : www.limedia.org email info@limedia.org