Ndèye Astou Thiam, femme de la banlieue dakaroise, fait tomber de nouvelles barrières. Autrefois réservé aux hommes, le transport en commun n’est plus la chasse gardée de la gent masculine. Il tend à se féminiser puisque des femmes battantes ont fini d’investir le secteur. C’est le cas de Ndèye Astou Thiam, vue comme la première femme à manœuvrer le volant d’un bus Tata.
Pionnière dans le domaine des transports en commun, la seule femme de l’Aftu (Association pour le financement du transport urbain) arbore fièrement ce statut, qui lui confère beaucoup plus de responsabilités. « C’est bien mieux que d’être serveuse à talon haut dans un restaurant ou un bar », estime d’emblée la jeune femme face à notre interpellation sur sa singulière situation.
Native de Yeumbeul (banlieue dakaroise), cette femme de taille moyenne arpente tous les matins les routes sablonneuses du quartier Cheikh pour rejoindre son poste de travail. Le regard émerveillé des autres, elle dit en avoir pris l’habitude. Pour cause, le regard « stigmatisant » de son entourage, comme de la société, l’a beaucoup aidée, insiste-t-elle, à en arriver là où elle est aujourd’hui. Elle a bravé tous les préjugés et les railleries pour se retrouver au volant de ces cars de transport en commun qui sillonnent dans tous les sens la capitale. Puis, elle a su gagner en galon et en respect dans son milieu de travail.
Mon ambition, ce n’est pas rivaliser avec les hommes
Férue de mécanique et de transport depuis sa tendre enfance, la trentenaire, mariée et mère d’un garçon, n’est pas entrée dans le métier par une porte dérobée. Sa situation matrimoniale ne l’empêche pas outre mesure de progresser. Permis catégorie poids lourd en poche, cette banlieusarde au physique juvénile, n’a jamais voulu que les choses lui soient servies sur un plateau. Débrouillarde depuis toute petite, cette femme de son temps rit sous cape quand elle est étiquetée garçon manqué.
« J’adore tout ce qui a trait à la mécanique et au transport. Toute petite, je courais derrière les voitures conduites par les dames. A défaut de pouvoir les rattraper, je suivais ces voitures du regard », se souvient fièrement l’ancienne pensionnaire du Gie Thiaroye-Yeumbeul, qui ne compte pas pour autant rivaliser avec les hommes.
Des souvenirs, elle en a gardés dans un coin de sa tête. « La première fois que j’étais au volant d’un bus Tata, les clients étaient abasourdis. Certains étaient conquis à l’idée de savoir qu’il y avait une dame aux commandes. D’autres sont rassurés une fois qu’ils s’aperçoivent que la conduite respecte les normes édictées par le code de la route », confie-t-elle, ajustant d’un geste féminin, par moments, sa coiffure.
« Je n’hésite pas à me retrousser les manches, de sortir les béquilles et de tourner la manivelle à cric, en cas de crevaison d’un pneu », confie-t-elle, avouant au passage ne pas hésiter à poser des questions pour améliorer ses notions en mécanique.
Son assiduité au travail lui a valu de recevoir le 11 décembre 2020, le prix du meilleur chauffeur de l’Association de financement des transports urbains (Aftu). Ce jour-là, elle est montée sur les marches de la salle des fêtes de Rufisque pour recevoir sa distinction. Une première dans sa jeune carrière. Depuis lors, elle voit l’avenir en grand après le trophée qu’elle a reçu des mains de son président Fallou Samb, responsable en chef de la gare routière de Rufisque.
« Cette distinction de mon syndicat constitue un réel motif d’encouragement pour moi », estime Ndèye Astou Thiam. Le 11 décembre, elle a retenu toutes les attentions lors de la cérémonie de remise de diplôme aux chauffeurs les plus assidus au volant. L’assistance n’avait d’yeux que pour elle. La consécration de la seule femme chauffeur de « Tata » avait même bousculé le protocole de l’interview des journalistes avec son patron Fallou Samb. « Arrêtez l’entretien. Il y a Ndèye Astou Thiam qui doit recevoir son attestation ! », s’était même écrié au micro le sieur Kébé, l’homme à tout faire du syndicat. Une injonction qui a eu le mérite d’embarquer presque tout ce monde qui constituait peu avant le décor derrière « le chef Fallou Samb », pour les besoins des images de la télévision.
Quand l’AFTU donne l’exemple par le genre
La stigmatisation ayant cessé, la conduite des bus communément appelés Tata n’est plus une affaire réservée exclusivement aux hommes, qui constituent l’écrasante majorité des chauffeurs. Cet état de fait, Astou et ses camarades du syndicat n’en veulent plus.
En réalité, malgré la loi sur la parité qui prescrit l’égalité professionnelle, et les discours politiques lénifiants sur l’égalité homme / femme, la typologie des métiers reste encore trop souvent déterminée par le genre. Une chose que le président du syndicat professionnel des transports routiers SPTR compte déconstruire. Car, pour le président Fallou Samb, c’est leur méthode de faire dans le genre.
« Nous avons décoré une des nôtres. Un chauffeur de l’Aftu. C’est normal de l’encourager et de montrer une direction pour les autres femmes. Nous aussi, à notre niveau, nous encourageons le genre », indique Fallou Samb trouvé dans son bureau.
Une surprise encourageante, selon le sociologue Aly Khoudia Diaw
Selon le sociologue Aly Khoudia Diaw, la conduite des véhicules de transport par les femmes est une surprise encourageante. « Ce n’est pas trop courant de voir une femme conduire et cela donne un effet de surprise. Une femme conduisant un car de transport en commun laissant son mari et ses enfants. Cela donne une image drôle parce qu’on n’imagine pas une femme au volant d’un car de transport en commun », confie notre interlocuteur, qui met cet état de fait dans le cadre des progrès et de la mutation de notre société.
« Aujourd’hui, il est de moins en moins drôle de voir des femmes exercer des métiers qui étaient dédiés aux homme. On a vu une femme directrice de la Police nationale, elles sont dans l’Armée, elles occupent des stations ministérielles et des postes de responsabilité », a ajouté le sociologue Aly Khoudia Diaw à l’autre bout du fil.
Les secteurs les plus en retard en termes de féminisation se trouvent être ceux de l’automobile et du bâtiment, qui requièrent des qualités présupposées à chaque genre.
Aujourd’hui, les femmes se retrouvent de plus en plus au volant des bus de transport, secteur qui était jadis l’apanage des hommes. A titre d’exemple, il y a Massata Cissé dite Mama Africa du Mali, conductrice de camion poids lourd et la fille du conducteur Pathé Dioum qui exerce ce métier. Des dames qui ont beaucoup inspiré Ndèye Astou Thiam de la banlieue de Dakar.
Réalisé par « Le Témoin »
Pionnière dans le domaine des transports en commun, la seule femme de l’Aftu (Association pour le financement du transport urbain) arbore fièrement ce statut, qui lui confère beaucoup plus de responsabilités. « C’est bien mieux que d’être serveuse à talon haut dans un restaurant ou un bar », estime d’emblée la jeune femme face à notre interpellation sur sa singulière situation.
Native de Yeumbeul (banlieue dakaroise), cette femme de taille moyenne arpente tous les matins les routes sablonneuses du quartier Cheikh pour rejoindre son poste de travail. Le regard émerveillé des autres, elle dit en avoir pris l’habitude. Pour cause, le regard « stigmatisant » de son entourage, comme de la société, l’a beaucoup aidée, insiste-t-elle, à en arriver là où elle est aujourd’hui. Elle a bravé tous les préjugés et les railleries pour se retrouver au volant de ces cars de transport en commun qui sillonnent dans tous les sens la capitale. Puis, elle a su gagner en galon et en respect dans son milieu de travail.
Mon ambition, ce n’est pas rivaliser avec les hommes
Férue de mécanique et de transport depuis sa tendre enfance, la trentenaire, mariée et mère d’un garçon, n’est pas entrée dans le métier par une porte dérobée. Sa situation matrimoniale ne l’empêche pas outre mesure de progresser. Permis catégorie poids lourd en poche, cette banlieusarde au physique juvénile, n’a jamais voulu que les choses lui soient servies sur un plateau. Débrouillarde depuis toute petite, cette femme de son temps rit sous cape quand elle est étiquetée garçon manqué.
« J’adore tout ce qui a trait à la mécanique et au transport. Toute petite, je courais derrière les voitures conduites par les dames. A défaut de pouvoir les rattraper, je suivais ces voitures du regard », se souvient fièrement l’ancienne pensionnaire du Gie Thiaroye-Yeumbeul, qui ne compte pas pour autant rivaliser avec les hommes.
Des souvenirs, elle en a gardés dans un coin de sa tête. « La première fois que j’étais au volant d’un bus Tata, les clients étaient abasourdis. Certains étaient conquis à l’idée de savoir qu’il y avait une dame aux commandes. D’autres sont rassurés une fois qu’ils s’aperçoivent que la conduite respecte les normes édictées par le code de la route », confie-t-elle, ajustant d’un geste féminin, par moments, sa coiffure.
« Je n’hésite pas à me retrousser les manches, de sortir les béquilles et de tourner la manivelle à cric, en cas de crevaison d’un pneu », confie-t-elle, avouant au passage ne pas hésiter à poser des questions pour améliorer ses notions en mécanique.
Son assiduité au travail lui a valu de recevoir le 11 décembre 2020, le prix du meilleur chauffeur de l’Association de financement des transports urbains (Aftu). Ce jour-là, elle est montée sur les marches de la salle des fêtes de Rufisque pour recevoir sa distinction. Une première dans sa jeune carrière. Depuis lors, elle voit l’avenir en grand après le trophée qu’elle a reçu des mains de son président Fallou Samb, responsable en chef de la gare routière de Rufisque.
« Cette distinction de mon syndicat constitue un réel motif d’encouragement pour moi », estime Ndèye Astou Thiam. Le 11 décembre, elle a retenu toutes les attentions lors de la cérémonie de remise de diplôme aux chauffeurs les plus assidus au volant. L’assistance n’avait d’yeux que pour elle. La consécration de la seule femme chauffeur de « Tata » avait même bousculé le protocole de l’interview des journalistes avec son patron Fallou Samb. « Arrêtez l’entretien. Il y a Ndèye Astou Thiam qui doit recevoir son attestation ! », s’était même écrié au micro le sieur Kébé, l’homme à tout faire du syndicat. Une injonction qui a eu le mérite d’embarquer presque tout ce monde qui constituait peu avant le décor derrière « le chef Fallou Samb », pour les besoins des images de la télévision.
Quand l’AFTU donne l’exemple par le genre
La stigmatisation ayant cessé, la conduite des bus communément appelés Tata n’est plus une affaire réservée exclusivement aux hommes, qui constituent l’écrasante majorité des chauffeurs. Cet état de fait, Astou et ses camarades du syndicat n’en veulent plus.
En réalité, malgré la loi sur la parité qui prescrit l’égalité professionnelle, et les discours politiques lénifiants sur l’égalité homme / femme, la typologie des métiers reste encore trop souvent déterminée par le genre. Une chose que le président du syndicat professionnel des transports routiers SPTR compte déconstruire. Car, pour le président Fallou Samb, c’est leur méthode de faire dans le genre.
« Nous avons décoré une des nôtres. Un chauffeur de l’Aftu. C’est normal de l’encourager et de montrer une direction pour les autres femmes. Nous aussi, à notre niveau, nous encourageons le genre », indique Fallou Samb trouvé dans son bureau.
Une surprise encourageante, selon le sociologue Aly Khoudia Diaw
Selon le sociologue Aly Khoudia Diaw, la conduite des véhicules de transport par les femmes est une surprise encourageante. « Ce n’est pas trop courant de voir une femme conduire et cela donne un effet de surprise. Une femme conduisant un car de transport en commun laissant son mari et ses enfants. Cela donne une image drôle parce qu’on n’imagine pas une femme au volant d’un car de transport en commun », confie notre interlocuteur, qui met cet état de fait dans le cadre des progrès et de la mutation de notre société.
« Aujourd’hui, il est de moins en moins drôle de voir des femmes exercer des métiers qui étaient dédiés aux homme. On a vu une femme directrice de la Police nationale, elles sont dans l’Armée, elles occupent des stations ministérielles et des postes de responsabilité », a ajouté le sociologue Aly Khoudia Diaw à l’autre bout du fil.
Les secteurs les plus en retard en termes de féminisation se trouvent être ceux de l’automobile et du bâtiment, qui requièrent des qualités présupposées à chaque genre.
Aujourd’hui, les femmes se retrouvent de plus en plus au volant des bus de transport, secteur qui était jadis l’apanage des hommes. A titre d’exemple, il y a Massata Cissé dite Mama Africa du Mali, conductrice de camion poids lourd et la fille du conducteur Pathé Dioum qui exerce ce métier. Des dames qui ont beaucoup inspiré Ndèye Astou Thiam de la banlieue de Dakar.
Réalisé par « Le Témoin »