I- CONTEXTE ET JUSTIFICATIONS :
L’évolution et la complexité des systèmes électoraux devraient pousser
les acteurs à envisager les réformes appropriées dans le but de
s’adapter aux nouvelles exigences démocratiques. C’est ainsi que, ces
deux dernières décennies, le Sénégal a mené plusieurs réformes sur son
système électoral en vue de le rendre plus performant. Or, la maîtrise
des processus électoraux procède de la pleine implication et
participation des divers acteurs. Dès lors, l’institution d’un cadre
permanent de concertation, de dialogue et de suivi du processus
électoral demeure un préalable indispensable pour identifier les
forces et faiblesses du système, corriger les lacunes, rassurer les
acteurs et engager l’organisation d’élections transparentes,
régulières et apaisées.
Pour une meilleure implication des divers acteurs :
Le système électoral sénégalais dans son fonctionnement implique
l’engagement et la participation de plusieurs acteurs institutionnels
et non institutionnels. Il s’agit essentiellement des juridictions, de
l’Administration, des organes de contrôle et de supervision, des
partis politiques, des organisations de la société civile, des médias
et des électeurs. Mais force est de constater que certains acteurs
n’ont pas toujours la possibilité et/ou l’opportunité de s’impliquer à
la mesure de leurs rôles et responsabilités.
La Constitution de notre pays, aux termes de son article 4 énonce que
les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à
l’expression du suffrage. Aussi reconnait-elle l’opposition comme un
pilier fondamental de la démocratie. Il s’y ajoute que la loi
électorale confère aux formations politiques et coalitions de la
mouvance présidentielle comme de l’opposition les mêmes droits :
présence à toutes les étapes du processus électoral depuis la révision
des listes électorales jusqu’au recensement des votes ; représentation
au sein des différentes commissions par leurs mandataires désignés
pour contrôler les opérations électorales avant, pendant et après les
scrutins ; saisine des juridictions compétentes dans le respect des
délais ouverts pour les contentieux électoraux. En outre, des
coalitions de partis politiques et/ou de regroupements de partis et
mouvements citoyens sont souvent constitués en vue d’échanger et de
suivre le processus électoral. En définitive, les partis politiques
contribuent à l’éducation citoyenne et au renforcement du système
démocratique.
C’est dire que les partis politiques jouent un rôle de plus en plus
important dans la gestion des processus électoraux. Aussi certains
acteurs issus des partis politiques ont-ils acquis, au fil des ans, un
énorme capital d’expériences au point qu’ils soient devenus de
véritables professionnels des élections. Sans doute, le rôle
primordial qu’exercent les partis politiques fait qu’ils sont
représentés, dans certains pays, au sein des commissions électorales
indépendantes (Niger, Togo, Mali, Burkina Faso).
S’agissant de la société civile, elle s’est longtemps impliquée dans
le développement social, économique et politique du Sénégal. Durant
cette dernière décennie, elle s’est singulièrement engagée dans le
suivi des processus de consolidation de notre système démocratique en
mettant en œuvre divers programmes de sensibilisation et de
renforcement des capacités en particulier dans les domaines de la
gouvernance.
Egalement, elle a été d’un grand apport à la facilitation du dialogue
politique, notamment la réalisation de l’audit du fichier électoral
avec le Front d’Action de la Société civile sénégalais (FACS) en 2000
et le Collectif des Organisations de la Société Civile pour les
Elections (COSCE) en 2007.
En matière d’observation des élections, RESOCIT (Réseau des
observateurs citoyens) s’est illustré en 2012 avec sa plateforme
électorale par un bel exemple de coordination des interventions et de
mutualisation des expériences sous l’égide de Gorée Institute et du
COSCE. Ainsi, la société civile ne devrait-elle pas, être investie, en
sus de son statut d’observateur, de la faculté de participer aux
différentes concertations sur le processus électoral.
En conséquence, il apparait judicieux, dans la marche démocratique,
d’aller vers une plus grande responsabilisation des acteurs politiques
et des membres de la société civile.
Des cadres de concertation non permanents :
Il est vrai que le Ministre de l’intérieur, pour statuer sur certaines
questions concernant le processus électoral, convoque les partis
politiques. Mais il n’est pas certain que ces entrevues, en raison de
leur caractère ponctuel et du nombre pléthorique de partis politiques,
favorisent les nécessaires consensus entre les acteurs du processus.
De plus, des acteurs majeurs n’y participent pas. C’est le cas des
représentants des organisations de la société civile et d’autres
institutions. Or, nombre d’expériences illustrent, à bien des égards,
la pertinence d’instaurer et de pérenniser le dialogue entre les
principaux acteurs du processus dans le but d’aboutir aux consensus
salutaires.
-En 1991, la commission d’évaluation et de réforme du système
électoral, dans un délai relativement court, est parvenue sous la
direction de feu Kéba MBAYE, à l’élaboration du Code électoral
consensuel de 1992.
-La Commission cellulaire dirigée par le Professeur Ibou DIAÏTE allait
générer la création de l’Observatoire National des Elections (ONEL)
en et de la Direction Générale des Elections (DGE) en 1997.
-De même, la Commission cellulaire chargée de réfléchir sur la mise en
place d’une Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), sous la
présidence du Professeur Babacar GUEYE, a pu proposer un projet de
texte de loi convenant à l’ensemble des parties prenantes. Le projet
sera adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 2005 .
Somme toute, les résultats de ces concertations témoignent non
seulement de la maturité de notre classe politique ; mais également,
de la preuve manifeste que leur aboutissement dépend en grande partie
de la formation et de la conduite du cadre de dialogue.
Bien que l’organisation, la préparation et l’organisation des
élections soient du ressort de l’Administration, le Sénégal a institué
une Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), concrétisant
ainsi sa volonté de renforcer le dispositif de contrôle du processus
électoral. Celle-ci est chargée de contrôler et de superviser
l'ensemble des opérations électorales et référendaires et veille à
leur bonne organisation matérielle.
En vertu des dispositions de l’article L.7 du code électoral, les
membres de la CENA sont choisis parmi les personnalités indépendantes.
Ainsi notre pays optera-t-il pour un organe comprenant en totalité des
personnalités non partisanes alors qu’ailleurs les partis et
coalitions de partis politiques y sont majoritairement représentés et
ont même une voix délibérative.
En outre, CENA a la faculté de tenir des réunions avec les partis
politiques et de participer à celles convoquées par le Ministre chargé
des élections. Mais, il n’en demeure pas moins que le dialogue
politique et la concertation sur le processus électoral souffrent
encore de l’absence d’un cadre institutionnel permanent.
Il y a lieu de préciser que nous n’émettons pas ici le souhait de voir
les formations politiques siéger à la CENA. Car notre conviction est
que le modèle sénégalais qui a déjà fait ses preuves en matière de
conduite du processus électoral est à renforcer. En fait,
l’organisation matérielle des élections doit rester une prérogative de
l’Administration au vu de son organisation au niveau central et
territorial ainsi qu’à la qualité des hommes qui la composent. Les
attributions des organes de contrôle et de supervision devront être
renforcées dans certains domaines particuliers. Afin, il faudra mettre
en place une structure qui implique les acteurs politiques et crée une
véritable synergie entre les acteurs.
Le Comité de Veille : une opportunité de pérennisation du dialogue
Institué par le décret N°2010-1776 du 30 décembre 2010, le Comité de
Veille et de Suivi des Recommandations de l’Audit du Fichier Electoral
est l’aboutissement d’un long processus d’élaboration et de
consolidation de l’architecture démocratique. Il est une résultante de
la mission d’audit indépendant du fichier électoral réalisé avec le
concours des partenaires au développement (Délégation de Union
européenne, Ambassade d’Allemagne et Ambassade des Etats Unis
d’Amérique) et de l’engagement de l’Etat à faire appliquer les
conclusions qui en découleraient.
Ainsi, il aura fallu l’apparition du Comité de Veille, qui offre une
véritable perspective de corriger les lacunes. En effet, le Comité de
veille est une grande innovation et constitue un modèle unique de par
sa composition et ses attributions. C’est la première fois qu’est
institué, dans l’évolution du système électoral sénégalais, un cadre
de concertation et de suivi du processus aussi représentatif des
acteurs du processus électoral.
Dans un contexte pré-électoral assez tendu et marqué par de vives
polémiques, le Comité de veille, par-delà sa mission première, a su
œuvrer à la facilitation du dialogue politique avec, en particulier la
reprise des travaux de la Commission Technique chargée de la Revue du
Code Electoral (CTRCE) suspendus depuis 2009 qui permit l’adoption
d’un nouveau code électoral et la médiation entreprise auprès des
candidats à l’élection présidentielle en vue de restaurer la confiance
et la sérénité entre les acteurs.
De plus, la tenue régulière des différentes instances du Comité de
veille, les visites de terrains, les séances de travail avec les
structures auditées ainsi que les réunions d’évaluation ont fini par
faciliter instaurer une dynamique de collaboration franche et
constructive et ont contribué à apporter les correctifs appropriés,
parfois en temps réel, aux dysfonctionnements signalés. Aussi le
Comité de veille a-t-il favorisé une meilleure compréhension du rôle
et des prérogatives des différents acteurs du processus.
A l'arrivée, il a été relevé un niveau satisfaisant d’exécution des
recommandations de la mission d’audit du fichier ainsi que les efforts
considérables consentis par l’Etat du Sénégal et des partenaires au
développement en vue de rendre le processus électoral plus fiable et
transparent. En effet, 69 recommandations ont été correctement
exécutées sur un total de 108, soit 63,88%. Si l’on considère le
niveau d'exécution des recommandations prévues pour les élections de
2012, ce taux de réalisation devient plus satisfaisant avec 66
recommandations appliquées sur 87, soit 75,66%.
Toujours est-il que le Comité de veille, même s’il a eu une durée vie
plus longue (deux ans), n’en bénéficie pas pour autant d’un réel
statut de cadre permanent en dépit des recommandations unanimement
formulées par les acteurs et les observateurs.
N’est-il pas donc convenable de poursuivre cette riche et salutaire
expérience, d’une part, par la prorogation du mandat du Comité de
veille jusqu’aux prochaines élections locales. D’autre part,
l’institutionnalisation et la pérennisation du dialogue et la
concertation entre les différentes parties prenantes du processus
électoral s’impose eu égard au caractère évolutif du système électoral
et à la nécessité constante de s’adapter aux nouvelles exigences
démocratiques.
Telle est la justification de la création d’un Cadre permanent de
Concertation, de Veille et de Suivi du Processus Electoral, dont la
composition, le fonctionnement ainsi que les attributions sont
fortement inspirés du Comité de veille.
II- DE LA CREATION D’UN CADRE PERMANENT DE CONCERTATION :
Il sera créé par décret un cadre permanent de concertation et de
suivi du processus électoral entre les acteurs en vue d’instaurer la
confiance et de parvenir aux consensus devant permettre d’engager des
élections démocratiques et transparentes.
Il sera dénommé : Commission Nationale de Concertation pour la
Régularité Des Elections (CONCORDE) ;
1. Missions
La Commission Nationale de Concertation pour la Régularité Des
Elections (CONCORDE) a pour missions :
i. Engager la concertation et le dialogue en vue d’arriver aux
ententes et consensus nécessaires sur la matière électorale ;
ii. Comprendre les rôles et prérogatives de chaque acteur du processus
électoral ;
iii. Veiller à ce que les organes disposent de moyens adéquats ;
iv. S’assure que les attributions des acteurs en matière électorale
sont pleinement et convenablement assumées;
v. Faciliter la collaboration entre les organes et acteurs du
processus électoral;
vi. Veiller à la formation des acteurs et l’éducation à la citoyenneté ;
vii. Impulser une conscience citoyenne sur la matière électorale ;
viii. Suivre et évaluer les processus électoraux ;
ix. Conduire les travaux de Revue du Code Electoral ;
x. Formuler toutes recommandations visant à renforcer les dispositifs
en place en vue d’élections transparentes et démocratiques.
1. Composition:
La Commission Nationale de Concertation pour la Régularité Des
Elections (CONCORDE est composée de trente et cinq (35) membres.
Le Président (01) :
Il est choisi parmi les personnalités civiles indépendantes,
exclusivement de nationalité sénégalaise et connues pour leur
intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle et leur impartialité.
Il est désigné, de manière consensuelle, par les membres du cadre sur
une liste présentée par les organisations de la société civile.
Les Membres :
Il est composé des représentants des départements ministériels
impliqués dans le processus électoral (Ministère de l’intérieur,
Ministère des Affaires Etrangères, et Ministère de la Justice), des
représentants des Juridictions (Cour d’Appel), du la Commission
Electorale Nationale Autonome (CENA), du Conseil National de la
Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), des partis politiques et
coalitions de partis, des organisations de la société civile, des
professionnels de droit (Universitaire) et de la presse.
• Les représentants des institutions : (04)
• Deux représentants de l’Assemblée nationale (Majorité et Opposition) ;
• Un représentant du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) ;
• Un représentant de la Cour d’Appel ;
• Les représentants de l’Administration: (09)
- Cinq représentants du Ministère de l’intérieur à savoir : le
Directeur Général des Elections (DGE), le Directeur de
l’Automatisation des Fichiers (DAF), le Directeur Générale de
l’Administration Territoriale (DGAT) ; le Directeur des Opérations
Electorales (DOE), le Directeur de la Formation et de la Communication
(DFC)
- Un représentant du Ministère des Affaires Etrangères ;
- Un représentant du Ministère des Sénégalais de l’extérieur ;
- Un représentant du Ministère de la Justice ;
- Un représentant du Ministère de la Promotion de la Bonne Gouvernance ;
• Les partis politiques : (14)
- Sept (07) représentants des partis politiques et coalitions des
partis de la Mouvance présidentielle ;
- Sept (07) représentants des partis politiques et coalitions des
partis de l’Opposition;
• Les organes indépendants: (07)
- Deux représentants de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA);
- Un représentant du Conseil National de la Régulation de
l’Audiovisuel (CNRA) ;
- Deux représentants des organisations de la Société civile ;
- Un représentant des professionnels du droit (Universitaire) ;
- Un représentant des professionnels de la presse.
• Le secrétariat :
Le Secrétariat est assuré par une personne qualifiée nommée par le
président de la commission après avis de l’Assemblée générale.
• Les Partenaires au développement :
Les Représentants des partenaires au développement sont admis en
qualité d’observateurs.
2. Fonctionnement
Le Comité se réunit à son siège tous les deux mois et en tant que de
besoin. Ses décisions sont prises par consensus ou, à défaut, au
scrutin secret à la majorité des membres présents. En cas de partage
des voix, celle du président est prépondérante. Le comité peut mettre
en place les organes nécessaires pour assurer son fonctionnement.
Le Règlement intérieur précisera les conditions et modalités
d’organisation et de fonctionnement du Comité.
3. Moyens :
Les moyens nécessaires au fonctionnement et aux activités du Cadre
sont mis à disposition par l’Etat et/ou les partenaires au
développement sous forme de subventions.
4. Durée du mandat :
Le président du Cadre de Concertation, de Veille et de Suivi du
Processus Electoral nommé par décret pour un mandat quatre (03) ans
renouvelable une seule fois.
La durée du mandat des membres est de trois (03) ans renouvelable.
NB : Une fois institué, ce cadre pourrait être inséré dans le Code
électoral au titre des organes de suivi du processus électoral.
Ndiaga SYLLA, Expert électoral
Ancien Membre du Comité de Veille
Email : diekamsylla@gmail.com
L’évolution et la complexité des systèmes électoraux devraient pousser
les acteurs à envisager les réformes appropriées dans le but de
s’adapter aux nouvelles exigences démocratiques. C’est ainsi que, ces
deux dernières décennies, le Sénégal a mené plusieurs réformes sur son
système électoral en vue de le rendre plus performant. Or, la maîtrise
des processus électoraux procède de la pleine implication et
participation des divers acteurs. Dès lors, l’institution d’un cadre
permanent de concertation, de dialogue et de suivi du processus
électoral demeure un préalable indispensable pour identifier les
forces et faiblesses du système, corriger les lacunes, rassurer les
acteurs et engager l’organisation d’élections transparentes,
régulières et apaisées.
Pour une meilleure implication des divers acteurs :
Le système électoral sénégalais dans son fonctionnement implique
l’engagement et la participation de plusieurs acteurs institutionnels
et non institutionnels. Il s’agit essentiellement des juridictions, de
l’Administration, des organes de contrôle et de supervision, des
partis politiques, des organisations de la société civile, des médias
et des électeurs. Mais force est de constater que certains acteurs
n’ont pas toujours la possibilité et/ou l’opportunité de s’impliquer à
la mesure de leurs rôles et responsabilités.
La Constitution de notre pays, aux termes de son article 4 énonce que
les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à
l’expression du suffrage. Aussi reconnait-elle l’opposition comme un
pilier fondamental de la démocratie. Il s’y ajoute que la loi
électorale confère aux formations politiques et coalitions de la
mouvance présidentielle comme de l’opposition les mêmes droits :
présence à toutes les étapes du processus électoral depuis la révision
des listes électorales jusqu’au recensement des votes ; représentation
au sein des différentes commissions par leurs mandataires désignés
pour contrôler les opérations électorales avant, pendant et après les
scrutins ; saisine des juridictions compétentes dans le respect des
délais ouverts pour les contentieux électoraux. En outre, des
coalitions de partis politiques et/ou de regroupements de partis et
mouvements citoyens sont souvent constitués en vue d’échanger et de
suivre le processus électoral. En définitive, les partis politiques
contribuent à l’éducation citoyenne et au renforcement du système
démocratique.
C’est dire que les partis politiques jouent un rôle de plus en plus
important dans la gestion des processus électoraux. Aussi certains
acteurs issus des partis politiques ont-ils acquis, au fil des ans, un
énorme capital d’expériences au point qu’ils soient devenus de
véritables professionnels des élections. Sans doute, le rôle
primordial qu’exercent les partis politiques fait qu’ils sont
représentés, dans certains pays, au sein des commissions électorales
indépendantes (Niger, Togo, Mali, Burkina Faso).
S’agissant de la société civile, elle s’est longtemps impliquée dans
le développement social, économique et politique du Sénégal. Durant
cette dernière décennie, elle s’est singulièrement engagée dans le
suivi des processus de consolidation de notre système démocratique en
mettant en œuvre divers programmes de sensibilisation et de
renforcement des capacités en particulier dans les domaines de la
gouvernance.
Egalement, elle a été d’un grand apport à la facilitation du dialogue
politique, notamment la réalisation de l’audit du fichier électoral
avec le Front d’Action de la Société civile sénégalais (FACS) en 2000
et le Collectif des Organisations de la Société Civile pour les
Elections (COSCE) en 2007.
En matière d’observation des élections, RESOCIT (Réseau des
observateurs citoyens) s’est illustré en 2012 avec sa plateforme
électorale par un bel exemple de coordination des interventions et de
mutualisation des expériences sous l’égide de Gorée Institute et du
COSCE. Ainsi, la société civile ne devrait-elle pas, être investie, en
sus de son statut d’observateur, de la faculté de participer aux
différentes concertations sur le processus électoral.
En conséquence, il apparait judicieux, dans la marche démocratique,
d’aller vers une plus grande responsabilisation des acteurs politiques
et des membres de la société civile.
Des cadres de concertation non permanents :
Il est vrai que le Ministre de l’intérieur, pour statuer sur certaines
questions concernant le processus électoral, convoque les partis
politiques. Mais il n’est pas certain que ces entrevues, en raison de
leur caractère ponctuel et du nombre pléthorique de partis politiques,
favorisent les nécessaires consensus entre les acteurs du processus.
De plus, des acteurs majeurs n’y participent pas. C’est le cas des
représentants des organisations de la société civile et d’autres
institutions. Or, nombre d’expériences illustrent, à bien des égards,
la pertinence d’instaurer et de pérenniser le dialogue entre les
principaux acteurs du processus dans le but d’aboutir aux consensus
salutaires.
-En 1991, la commission d’évaluation et de réforme du système
électoral, dans un délai relativement court, est parvenue sous la
direction de feu Kéba MBAYE, à l’élaboration du Code électoral
consensuel de 1992.
-La Commission cellulaire dirigée par le Professeur Ibou DIAÏTE allait
générer la création de l’Observatoire National des Elections (ONEL)
en et de la Direction Générale des Elections (DGE) en 1997.
-De même, la Commission cellulaire chargée de réfléchir sur la mise en
place d’une Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), sous la
présidence du Professeur Babacar GUEYE, a pu proposer un projet de
texte de loi convenant à l’ensemble des parties prenantes. Le projet
sera adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 2005 .
Somme toute, les résultats de ces concertations témoignent non
seulement de la maturité de notre classe politique ; mais également,
de la preuve manifeste que leur aboutissement dépend en grande partie
de la formation et de la conduite du cadre de dialogue.
Bien que l’organisation, la préparation et l’organisation des
élections soient du ressort de l’Administration, le Sénégal a institué
une Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), concrétisant
ainsi sa volonté de renforcer le dispositif de contrôle du processus
électoral. Celle-ci est chargée de contrôler et de superviser
l'ensemble des opérations électorales et référendaires et veille à
leur bonne organisation matérielle.
En vertu des dispositions de l’article L.7 du code électoral, les
membres de la CENA sont choisis parmi les personnalités indépendantes.
Ainsi notre pays optera-t-il pour un organe comprenant en totalité des
personnalités non partisanes alors qu’ailleurs les partis et
coalitions de partis politiques y sont majoritairement représentés et
ont même une voix délibérative.
En outre, CENA a la faculté de tenir des réunions avec les partis
politiques et de participer à celles convoquées par le Ministre chargé
des élections. Mais, il n’en demeure pas moins que le dialogue
politique et la concertation sur le processus électoral souffrent
encore de l’absence d’un cadre institutionnel permanent.
Il y a lieu de préciser que nous n’émettons pas ici le souhait de voir
les formations politiques siéger à la CENA. Car notre conviction est
que le modèle sénégalais qui a déjà fait ses preuves en matière de
conduite du processus électoral est à renforcer. En fait,
l’organisation matérielle des élections doit rester une prérogative de
l’Administration au vu de son organisation au niveau central et
territorial ainsi qu’à la qualité des hommes qui la composent. Les
attributions des organes de contrôle et de supervision devront être
renforcées dans certains domaines particuliers. Afin, il faudra mettre
en place une structure qui implique les acteurs politiques et crée une
véritable synergie entre les acteurs.
Le Comité de Veille : une opportunité de pérennisation du dialogue
Institué par le décret N°2010-1776 du 30 décembre 2010, le Comité de
Veille et de Suivi des Recommandations de l’Audit du Fichier Electoral
est l’aboutissement d’un long processus d’élaboration et de
consolidation de l’architecture démocratique. Il est une résultante de
la mission d’audit indépendant du fichier électoral réalisé avec le
concours des partenaires au développement (Délégation de Union
européenne, Ambassade d’Allemagne et Ambassade des Etats Unis
d’Amérique) et de l’engagement de l’Etat à faire appliquer les
conclusions qui en découleraient.
Ainsi, il aura fallu l’apparition du Comité de Veille, qui offre une
véritable perspective de corriger les lacunes. En effet, le Comité de
veille est une grande innovation et constitue un modèle unique de par
sa composition et ses attributions. C’est la première fois qu’est
institué, dans l’évolution du système électoral sénégalais, un cadre
de concertation et de suivi du processus aussi représentatif des
acteurs du processus électoral.
Dans un contexte pré-électoral assez tendu et marqué par de vives
polémiques, le Comité de veille, par-delà sa mission première, a su
œuvrer à la facilitation du dialogue politique avec, en particulier la
reprise des travaux de la Commission Technique chargée de la Revue du
Code Electoral (CTRCE) suspendus depuis 2009 qui permit l’adoption
d’un nouveau code électoral et la médiation entreprise auprès des
candidats à l’élection présidentielle en vue de restaurer la confiance
et la sérénité entre les acteurs.
De plus, la tenue régulière des différentes instances du Comité de
veille, les visites de terrains, les séances de travail avec les
structures auditées ainsi que les réunions d’évaluation ont fini par
faciliter instaurer une dynamique de collaboration franche et
constructive et ont contribué à apporter les correctifs appropriés,
parfois en temps réel, aux dysfonctionnements signalés. Aussi le
Comité de veille a-t-il favorisé une meilleure compréhension du rôle
et des prérogatives des différents acteurs du processus.
A l'arrivée, il a été relevé un niveau satisfaisant d’exécution des
recommandations de la mission d’audit du fichier ainsi que les efforts
considérables consentis par l’Etat du Sénégal et des partenaires au
développement en vue de rendre le processus électoral plus fiable et
transparent. En effet, 69 recommandations ont été correctement
exécutées sur un total de 108, soit 63,88%. Si l’on considère le
niveau d'exécution des recommandations prévues pour les élections de
2012, ce taux de réalisation devient plus satisfaisant avec 66
recommandations appliquées sur 87, soit 75,66%.
Toujours est-il que le Comité de veille, même s’il a eu une durée vie
plus longue (deux ans), n’en bénéficie pas pour autant d’un réel
statut de cadre permanent en dépit des recommandations unanimement
formulées par les acteurs et les observateurs.
N’est-il pas donc convenable de poursuivre cette riche et salutaire
expérience, d’une part, par la prorogation du mandat du Comité de
veille jusqu’aux prochaines élections locales. D’autre part,
l’institutionnalisation et la pérennisation du dialogue et la
concertation entre les différentes parties prenantes du processus
électoral s’impose eu égard au caractère évolutif du système électoral
et à la nécessité constante de s’adapter aux nouvelles exigences
démocratiques.
Telle est la justification de la création d’un Cadre permanent de
Concertation, de Veille et de Suivi du Processus Electoral, dont la
composition, le fonctionnement ainsi que les attributions sont
fortement inspirés du Comité de veille.
II- DE LA CREATION D’UN CADRE PERMANENT DE CONCERTATION :
Il sera créé par décret un cadre permanent de concertation et de
suivi du processus électoral entre les acteurs en vue d’instaurer la
confiance et de parvenir aux consensus devant permettre d’engager des
élections démocratiques et transparentes.
Il sera dénommé : Commission Nationale de Concertation pour la
Régularité Des Elections (CONCORDE) ;
1. Missions
La Commission Nationale de Concertation pour la Régularité Des
Elections (CONCORDE) a pour missions :
i. Engager la concertation et le dialogue en vue d’arriver aux
ententes et consensus nécessaires sur la matière électorale ;
ii. Comprendre les rôles et prérogatives de chaque acteur du processus
électoral ;
iii. Veiller à ce que les organes disposent de moyens adéquats ;
iv. S’assure que les attributions des acteurs en matière électorale
sont pleinement et convenablement assumées;
v. Faciliter la collaboration entre les organes et acteurs du
processus électoral;
vi. Veiller à la formation des acteurs et l’éducation à la citoyenneté ;
vii. Impulser une conscience citoyenne sur la matière électorale ;
viii. Suivre et évaluer les processus électoraux ;
ix. Conduire les travaux de Revue du Code Electoral ;
x. Formuler toutes recommandations visant à renforcer les dispositifs
en place en vue d’élections transparentes et démocratiques.
1. Composition:
La Commission Nationale de Concertation pour la Régularité Des
Elections (CONCORDE est composée de trente et cinq (35) membres.
Le Président (01) :
Il est choisi parmi les personnalités civiles indépendantes,
exclusivement de nationalité sénégalaise et connues pour leur
intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle et leur impartialité.
Il est désigné, de manière consensuelle, par les membres du cadre sur
une liste présentée par les organisations de la société civile.
Les Membres :
Il est composé des représentants des départements ministériels
impliqués dans le processus électoral (Ministère de l’intérieur,
Ministère des Affaires Etrangères, et Ministère de la Justice), des
représentants des Juridictions (Cour d’Appel), du la Commission
Electorale Nationale Autonome (CENA), du Conseil National de la
Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), des partis politiques et
coalitions de partis, des organisations de la société civile, des
professionnels de droit (Universitaire) et de la presse.
• Les représentants des institutions : (04)
• Deux représentants de l’Assemblée nationale (Majorité et Opposition) ;
• Un représentant du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) ;
• Un représentant de la Cour d’Appel ;
• Les représentants de l’Administration: (09)
- Cinq représentants du Ministère de l’intérieur à savoir : le
Directeur Général des Elections (DGE), le Directeur de
l’Automatisation des Fichiers (DAF), le Directeur Générale de
l’Administration Territoriale (DGAT) ; le Directeur des Opérations
Electorales (DOE), le Directeur de la Formation et de la Communication
(DFC)
- Un représentant du Ministère des Affaires Etrangères ;
- Un représentant du Ministère des Sénégalais de l’extérieur ;
- Un représentant du Ministère de la Justice ;
- Un représentant du Ministère de la Promotion de la Bonne Gouvernance ;
• Les partis politiques : (14)
- Sept (07) représentants des partis politiques et coalitions des
partis de la Mouvance présidentielle ;
- Sept (07) représentants des partis politiques et coalitions des
partis de l’Opposition;
• Les organes indépendants: (07)
- Deux représentants de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA);
- Un représentant du Conseil National de la Régulation de
l’Audiovisuel (CNRA) ;
- Deux représentants des organisations de la Société civile ;
- Un représentant des professionnels du droit (Universitaire) ;
- Un représentant des professionnels de la presse.
• Le secrétariat :
Le Secrétariat est assuré par une personne qualifiée nommée par le
président de la commission après avis de l’Assemblée générale.
• Les Partenaires au développement :
Les Représentants des partenaires au développement sont admis en
qualité d’observateurs.
2. Fonctionnement
Le Comité se réunit à son siège tous les deux mois et en tant que de
besoin. Ses décisions sont prises par consensus ou, à défaut, au
scrutin secret à la majorité des membres présents. En cas de partage
des voix, celle du président est prépondérante. Le comité peut mettre
en place les organes nécessaires pour assurer son fonctionnement.
Le Règlement intérieur précisera les conditions et modalités
d’organisation et de fonctionnement du Comité.
3. Moyens :
Les moyens nécessaires au fonctionnement et aux activités du Cadre
sont mis à disposition par l’Etat et/ou les partenaires au
développement sous forme de subventions.
4. Durée du mandat :
Le président du Cadre de Concertation, de Veille et de Suivi du
Processus Electoral nommé par décret pour un mandat quatre (03) ans
renouvelable une seule fois.
La durée du mandat des membres est de trois (03) ans renouvelable.
NB : Une fois institué, ce cadre pourrait être inséré dans le Code
électoral au titre des organes de suivi du processus électoral.
Ndiaga SYLLA, Expert électoral
Ancien Membre du Comité de Veille
Email : diekamsylla@gmail.com