Le premier document, qui est intitulé « Contribution à l’étude du mouvement coopératif en Afrique noire », fut publié par Mamadou Dia dans « Présence Africaine » en 1953.
Le second fut publié le 22 Décembre 1962 dans le « Moniteur Africain du Commerce et de l’Industrie » de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Dakar.
Dans le premier document, Mamadou Dia analysait les « forces et faiblesses » des Sociétés Indigènes de Prévoyance » (SIP), qui, « en écartant les intéressés eux-mêmes de la gestion de leurs propres affaires, leur enlevaient la possibilité d’acquérir l’expérience nécessaire au progrès humain, au mépris le plus complet de toute œuvre d’éducation ». En fait, le but réel de ces SIP « n’était pas l’éducation mais le dressage ». (Cf. Présence Africaine 1953 p 22).
Pour Dia, l’indépendance devrait permettre de libérer le monde rural de cette situation d’assujettissement à l’Administration coloniale et au commerce colonial, exercée par le biais des SIP, pour promouvoir un mouvement coopératif, comme stratégie de sa libération économique et sociale et de modernisation de ‘l’agriculture.
Dans ce cadre, ayant été nommé Chef du Gouvernement Autonome du Sénégal, suite aux élections de 1957 prévues par la Loi Cadre Deferre adoptée par le pouvoir colonial Français en 1956, Dia entreprit l’étude d’un Programme économique et social du Sénégal pour l’élaboration du Premier Plan de Développement Economique et Social du pays, afin de matérialiser sa vision de l’évolution du monde rural Sénégalais et de l’édification d’une Economie nationale.
Dans ce plan, la « dialectique du développement du système coopératif a été établie de façon à ce que la structure coopérative exerce l’ensemble des fonctions économiques et sociales du monde rural. Ses domaines d’activités devraient être successivement étendus à la production, l’équipement, la commercialisation des produits agricoles, à la fourniture des denrées de consommation courante, au crédit, au secteur industriel, aux opérations de prévoyance et d’assistance sociale, et enfin à la gestion publique dans le cadre de ‘’ Communautés de Développement’’ »
Un tel programme mettait déjà Dia en conflit, non seulement avec les commerçants de détail et de demis gros dans l’approvisionnement du monde rural en marchandises de première nécessité, mais aussi avec les « traitants » que constituent les intermédiaires entre les paysans et les industriels et autres exportateurs de la production d’arachides. IL le mettait également en conflit avec les autorités coutumières et religieuses qui avaient fait main basse sur les SIP, avec le soutien du pouvoir colonial.
Mais, ces contradictions internes furent exaspérées quand, selon le « Moniteur Africain du Commerce et de l’Industrie » du 22 Décembre 1962, Dia, avec sa fameuse circulaire 32, avait évoqué la « possibilité de l’octroi aux coopératives, d’un monopôle d’importations des marchandises de première nécessité ».
« Une telle option entrait en contradiction avec les efforts entrepris par les Maisons de Commerce Européennes traditionnelles (Françaises dans les faits), pour promouvoir le Commerce Africain jusqu’aux activités import –export ».
Cette situation, selon toujours le « Moniteur Africain.. », amplifiait considérablement le malaise, à tel point, que « jamais, il ne fut viré autant d’argent en Europe (France), jamais les stocks ne furent aussi bas. La bonne réalisation du Plan devenait de plus en plus improbable. Paradoxalement, l’effacement de Mamadou Dia devenait la condition sine qua none du succès de ce plan », qui comptait sur « les investisseurs Européens (Français) pour le financer ».
II s’est, dès lors, révélé nécessaire de sacrifier Mamadou Dia à l’autel des exigences du pouvoir colonial Français qui percevait dans ses options, une menace réelle sur ses intérêts au Sénégal et dans la sous région.
Mamadou Dia, pouvait- il ignorer les enjeux économiques et politiques de son option stratégique de développement économique et social du Sénégal ?
Comment pouvait-il croire, un seul instant, que le pouvoir colonial français, qui protège les intérêts de ses entreprises installées au Sénégal, allait le laisser faire sans coup férir ?
L’analyse du contexte politique de l’époque peut aider à mieux comprendre la facilité avec laquelle Léopold Sédar Senghor a pu se débarrasser de celui qui exerçait la réalité du pouvoir d’Etat.
En effet, ce fut l’époque où la négation de l’existence de classes sociales antagoniques et de luttes de classe dans le mouvement de libération nationale en Afrique noire, avait pris le dessus dans l’opinion des principaux dirigeants politiques.
Cette négation avait amené Dia et ses partisans à, non seulement se démarquer de notre Parti, le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) qui se réclamait du Marxisme Léninisme, mais aussi, à ne pas prendre en considération notre conception de l’Indépendance, déclinée en termes de rupture avec la domination coloniale, au plan politique, économique, social et culturel.
Dia et son entourage étaient convaincus qu’ils pouvaient réaliser leur Programme, en mettant au pas les organisations politiques, syndicales, de jeunes et de femmes, qui étaient sur nos positions d’indépendance totale vis-à-vis de la France.
C’est ainsi que Dia n’avait pas hésité à radier massivement des syndicalistes de la Fonction publique, pour faits de grève pour l’augmentation de leurs salaires, et avait profité des « incidents violents» qui avaient marqué les élections municipales de St Louis en 1960, pour mettre hors la Loi par Décret, notre Parti, le PARTI AFRICAIN DE L’INDEPENDANCE (PAI), devenu aujourd’hui, le PARTI de l’INDEPENDANCE et du TRAVAIL (PIT/SENEGAL)..
Il venait ainsi de couper la branche sociale sur laquelle était assis son Programme Economique et Social.
Mais, il s’est vite rendu compte du rétrécissement de sa base politique, quand il a voulu, au nom de l’austérité nécessaire pour financer les actions prévues dans son Programme, réduire les salaires des Députés, dans la logique de son refus de l’augmentation des salaires des Fonctionnaires qui était la cause de la grève dans la Fonction publique, et des graves mesures de radiation de grévistes qu’il avait prises..
Senghor profita du voyage de Dia hors du pays, pour convaincre les Députés de refuser cette politique d’austérité et, en même temps, les encourageait à prendre la décision d’augmenter leurs salaires en tant que Pouvoir Législatif, d’où émanent le Président du Conseil et le Gouvernement. Il savait que Dia allait ainsi être victime de la théorie du « Parti dominant » qui était en vogue, théorie à laquelle il tenait comme à la prunelle de ses yeux, et qui soumettait les Institutions aux décisions du Parti.
Les Députés votèrent l’augmentation de leurs salaires, en l’absence du Président du Conseil.
Senghor venait de confectionner un piège à Dia, dans lequel il est tombé, tête baissée, en exigeant, dès son retour au pays, de l’Assemblée nationale, de revenir sur sa décision pour permettre au Bureau politique de leur Parti d’examiner la question.
Les Députés ont rejeté sa requête et ont décidé de voter une motion de Censure contre laquelle Dia a tenté de s’opposer en faisant évacuer l’Assemblée nationale par la « Garde Républicaine ».
Le prétexte légal fut ainsi trouvé par Senghor pour accuser Mamadou Dia de tentatives de « Coup d’Etat » et le faire arrêter et emprisonner de 1963 à 1974.
Senghor prit le pouvoir en s’appuyant sur l’Assemblée nationale pour mettre en place un nouveau Gouvernement sous son Autorité, et fit adopter, par référendum, une Constitution qui instaure un régime présidentiel fort pour soumettre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire sous le contrôle exclusif du Président de la République, élu au suffrage universel direct.
Ainsi, politiquement, en sacrifiant Dia, le pouvoir législatif enterrait son propre pouvoir hérité des circonstances de l’accès à l’Indépendance du pays en 1960, qui lui octroyait un contrôle politique sur le pouvoir exécutif dont il désignait le Chef, pour se contenter du pouvoir de contrôle de sa gestion.
Senghor accédait ainsi au pouvoir pour décider, en exclusivité, du sort du peuple Sénégalais, pour continuer à restreindre les libertés démocratiques, et à sauvegarder et défendre les intérêts économiques et stratégiques de la France dans notre pays, la sous région, en Afrique et dans le monde.
Ce véritable « coup d’Etat » de Senghor avait la bénédiction de la France ; ce que le « Moniteur Africain … » confirmait en ces termes « Disons sans hésiter que la nouvelle équipe gouvernementale redonne totale et entière confiance aux investisseurs (français) ».
Ainsi, Dia fut ainsi victime de sa croyance en la négation des classes et des luttes de classe dans le mouvement de libération nationale, et de sa croyance en la « Théorie du Parti dominant ».
Ce sont ces deux circonstances qui ont isolé Dia des forces politiques et sociales anti coloniales, et l’ont livré, pieds et poings liés, aux forces politiques, qui, dans son propre Parti, l’UPS devenu PS, sous la houlette de Senghor, ne voulaient pas l’indépendance vis-à-vis de la France, comme ils l’avaient exprimé lors du référendum de 1958 sur l’Indépendance, en mobilisant massivement le peuple pour son rejet, et pour le « oui à la France » !
Cinquante ans après l’accession du pays à la souveraineté internationale, la France continue de dominer les secteurs clef de notre économie. Elle vient de reprendre, sous les dix ans de règne d’Abdoulaye Wade, les secteurs stratégiques qu’elle avait cédés à l’Etat, sous la contrainte du « nationalisme économique africain » des années 70.
En effet, grâce aux privatisations imposées par les Programmes d’ajustement structurel, la France a repris la SODETITEX pour le contrôle de la filière cotonnière, la SONACOS, devenue SUNEOR, pour le contrôle du secteur des huiles alimentaires destinées au marché local et à nos voisins immédiats, en substituant l’huile brute végétale importée à notre production d’arachides, qui a été à l’origine des problèmes de la collecte de cette production, qui accentuée la crise de la filière arachidière, tout le long du règne du régime de WADE..
De même, la France a repris, le biais de TRANS RAIL, le contrôle du transport ferroviaire des marchandises et des voyageurs en direction du MALI, qui est la principale destination de nos exportations dans le monde, très loin devant la France.
Cette reprise a renforcé le poids des entreprises françaises au SENEGAL, qui dominaient déjà le secteur bancaire et des assurances, l’import-export, l’industrie manufacturière, les BTP, etc.…
C’est ainsi que, selon la « Note du ministère Des Affaires étrangères », publiée à l’occasion du 14 Juillet 2010, la France est le premier investisseur au Sénégal avec 532 millions d’Euros d’IDE, avec 300 Entreprises dont 130 filiales , réalisant un chiffre d’affaires de 25% du PIB, produisant des recettes fiscales évaluées à 5,6% du PIB.
Ces entreprises contribuent pour 14% des exportations sénégalaises et représentent 18% de ses importations.
La France continue ainsi de piller allègrement nos ressources (25% du PIB en chiffres d’affaires, contre 5,4 % du PIB de contribution au budget de l’Etat), et d’accroître notre dépendance commerciale (14% des exportations, contre 18% des importations).
Cette dépendance commerciale de la France se traduit par des importations évaluées à 791 millions d’Euros en 2007, contre 83 millions d’Euros d’exportations sénégalaises, en baisse régulière sur ces dix dernières années de 25 %.
Le Sénégal reste donc un territoire porteur pour les Investisseurs et les exportateurs français.
Ainsi, le Sénégal est, cinquante ans après, encore sous domination française, malgré quelques ouvertures vers d’autres investisseurs, surtout d’Asie.
La situation ainsi sommairement décrite, montre bien que la lutte de libération nationale, pour restituer à notre peuple la maîtrise de son destin, est toujours d’actualité.
Dans ce cadre, les causes de la liquidation politique de Mamadou Dia doivent être méditées pour mieux éclairer les stratégies et tactiques d’alliance nécessaires, pour recouvrer la souveraineté économique et alimentaire de notre peuple.
Ibrahima Sène, Secrétaire du Comité central, membre du Bureau politique du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT/SENEGAL)
Dakar le 19 Décembre 2012
Le second fut publié le 22 Décembre 1962 dans le « Moniteur Africain du Commerce et de l’Industrie » de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Dakar.
Dans le premier document, Mamadou Dia analysait les « forces et faiblesses » des Sociétés Indigènes de Prévoyance » (SIP), qui, « en écartant les intéressés eux-mêmes de la gestion de leurs propres affaires, leur enlevaient la possibilité d’acquérir l’expérience nécessaire au progrès humain, au mépris le plus complet de toute œuvre d’éducation ». En fait, le but réel de ces SIP « n’était pas l’éducation mais le dressage ». (Cf. Présence Africaine 1953 p 22).
Pour Dia, l’indépendance devrait permettre de libérer le monde rural de cette situation d’assujettissement à l’Administration coloniale et au commerce colonial, exercée par le biais des SIP, pour promouvoir un mouvement coopératif, comme stratégie de sa libération économique et sociale et de modernisation de ‘l’agriculture.
Dans ce cadre, ayant été nommé Chef du Gouvernement Autonome du Sénégal, suite aux élections de 1957 prévues par la Loi Cadre Deferre adoptée par le pouvoir colonial Français en 1956, Dia entreprit l’étude d’un Programme économique et social du Sénégal pour l’élaboration du Premier Plan de Développement Economique et Social du pays, afin de matérialiser sa vision de l’évolution du monde rural Sénégalais et de l’édification d’une Economie nationale.
Dans ce plan, la « dialectique du développement du système coopératif a été établie de façon à ce que la structure coopérative exerce l’ensemble des fonctions économiques et sociales du monde rural. Ses domaines d’activités devraient être successivement étendus à la production, l’équipement, la commercialisation des produits agricoles, à la fourniture des denrées de consommation courante, au crédit, au secteur industriel, aux opérations de prévoyance et d’assistance sociale, et enfin à la gestion publique dans le cadre de ‘’ Communautés de Développement’’ »
Un tel programme mettait déjà Dia en conflit, non seulement avec les commerçants de détail et de demis gros dans l’approvisionnement du monde rural en marchandises de première nécessité, mais aussi avec les « traitants » que constituent les intermédiaires entre les paysans et les industriels et autres exportateurs de la production d’arachides. IL le mettait également en conflit avec les autorités coutumières et religieuses qui avaient fait main basse sur les SIP, avec le soutien du pouvoir colonial.
Mais, ces contradictions internes furent exaspérées quand, selon le « Moniteur Africain du Commerce et de l’Industrie » du 22 Décembre 1962, Dia, avec sa fameuse circulaire 32, avait évoqué la « possibilité de l’octroi aux coopératives, d’un monopôle d’importations des marchandises de première nécessité ».
« Une telle option entrait en contradiction avec les efforts entrepris par les Maisons de Commerce Européennes traditionnelles (Françaises dans les faits), pour promouvoir le Commerce Africain jusqu’aux activités import –export ».
Cette situation, selon toujours le « Moniteur Africain.. », amplifiait considérablement le malaise, à tel point, que « jamais, il ne fut viré autant d’argent en Europe (France), jamais les stocks ne furent aussi bas. La bonne réalisation du Plan devenait de plus en plus improbable. Paradoxalement, l’effacement de Mamadou Dia devenait la condition sine qua none du succès de ce plan », qui comptait sur « les investisseurs Européens (Français) pour le financer ».
II s’est, dès lors, révélé nécessaire de sacrifier Mamadou Dia à l’autel des exigences du pouvoir colonial Français qui percevait dans ses options, une menace réelle sur ses intérêts au Sénégal et dans la sous région.
Mamadou Dia, pouvait- il ignorer les enjeux économiques et politiques de son option stratégique de développement économique et social du Sénégal ?
Comment pouvait-il croire, un seul instant, que le pouvoir colonial français, qui protège les intérêts de ses entreprises installées au Sénégal, allait le laisser faire sans coup férir ?
L’analyse du contexte politique de l’époque peut aider à mieux comprendre la facilité avec laquelle Léopold Sédar Senghor a pu se débarrasser de celui qui exerçait la réalité du pouvoir d’Etat.
En effet, ce fut l’époque où la négation de l’existence de classes sociales antagoniques et de luttes de classe dans le mouvement de libération nationale en Afrique noire, avait pris le dessus dans l’opinion des principaux dirigeants politiques.
Cette négation avait amené Dia et ses partisans à, non seulement se démarquer de notre Parti, le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) qui se réclamait du Marxisme Léninisme, mais aussi, à ne pas prendre en considération notre conception de l’Indépendance, déclinée en termes de rupture avec la domination coloniale, au plan politique, économique, social et culturel.
Dia et son entourage étaient convaincus qu’ils pouvaient réaliser leur Programme, en mettant au pas les organisations politiques, syndicales, de jeunes et de femmes, qui étaient sur nos positions d’indépendance totale vis-à-vis de la France.
C’est ainsi que Dia n’avait pas hésité à radier massivement des syndicalistes de la Fonction publique, pour faits de grève pour l’augmentation de leurs salaires, et avait profité des « incidents violents» qui avaient marqué les élections municipales de St Louis en 1960, pour mettre hors la Loi par Décret, notre Parti, le PARTI AFRICAIN DE L’INDEPENDANCE (PAI), devenu aujourd’hui, le PARTI de l’INDEPENDANCE et du TRAVAIL (PIT/SENEGAL)..
Il venait ainsi de couper la branche sociale sur laquelle était assis son Programme Economique et Social.
Mais, il s’est vite rendu compte du rétrécissement de sa base politique, quand il a voulu, au nom de l’austérité nécessaire pour financer les actions prévues dans son Programme, réduire les salaires des Députés, dans la logique de son refus de l’augmentation des salaires des Fonctionnaires qui était la cause de la grève dans la Fonction publique, et des graves mesures de radiation de grévistes qu’il avait prises..
Senghor profita du voyage de Dia hors du pays, pour convaincre les Députés de refuser cette politique d’austérité et, en même temps, les encourageait à prendre la décision d’augmenter leurs salaires en tant que Pouvoir Législatif, d’où émanent le Président du Conseil et le Gouvernement. Il savait que Dia allait ainsi être victime de la théorie du « Parti dominant » qui était en vogue, théorie à laquelle il tenait comme à la prunelle de ses yeux, et qui soumettait les Institutions aux décisions du Parti.
Les Députés votèrent l’augmentation de leurs salaires, en l’absence du Président du Conseil.
Senghor venait de confectionner un piège à Dia, dans lequel il est tombé, tête baissée, en exigeant, dès son retour au pays, de l’Assemblée nationale, de revenir sur sa décision pour permettre au Bureau politique de leur Parti d’examiner la question.
Les Députés ont rejeté sa requête et ont décidé de voter une motion de Censure contre laquelle Dia a tenté de s’opposer en faisant évacuer l’Assemblée nationale par la « Garde Républicaine ».
Le prétexte légal fut ainsi trouvé par Senghor pour accuser Mamadou Dia de tentatives de « Coup d’Etat » et le faire arrêter et emprisonner de 1963 à 1974.
Senghor prit le pouvoir en s’appuyant sur l’Assemblée nationale pour mettre en place un nouveau Gouvernement sous son Autorité, et fit adopter, par référendum, une Constitution qui instaure un régime présidentiel fort pour soumettre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire sous le contrôle exclusif du Président de la République, élu au suffrage universel direct.
Ainsi, politiquement, en sacrifiant Dia, le pouvoir législatif enterrait son propre pouvoir hérité des circonstances de l’accès à l’Indépendance du pays en 1960, qui lui octroyait un contrôle politique sur le pouvoir exécutif dont il désignait le Chef, pour se contenter du pouvoir de contrôle de sa gestion.
Senghor accédait ainsi au pouvoir pour décider, en exclusivité, du sort du peuple Sénégalais, pour continuer à restreindre les libertés démocratiques, et à sauvegarder et défendre les intérêts économiques et stratégiques de la France dans notre pays, la sous région, en Afrique et dans le monde.
Ce véritable « coup d’Etat » de Senghor avait la bénédiction de la France ; ce que le « Moniteur Africain … » confirmait en ces termes « Disons sans hésiter que la nouvelle équipe gouvernementale redonne totale et entière confiance aux investisseurs (français) ».
Ainsi, Dia fut ainsi victime de sa croyance en la négation des classes et des luttes de classe dans le mouvement de libération nationale, et de sa croyance en la « Théorie du Parti dominant ».
Ce sont ces deux circonstances qui ont isolé Dia des forces politiques et sociales anti coloniales, et l’ont livré, pieds et poings liés, aux forces politiques, qui, dans son propre Parti, l’UPS devenu PS, sous la houlette de Senghor, ne voulaient pas l’indépendance vis-à-vis de la France, comme ils l’avaient exprimé lors du référendum de 1958 sur l’Indépendance, en mobilisant massivement le peuple pour son rejet, et pour le « oui à la France » !
Cinquante ans après l’accession du pays à la souveraineté internationale, la France continue de dominer les secteurs clef de notre économie. Elle vient de reprendre, sous les dix ans de règne d’Abdoulaye Wade, les secteurs stratégiques qu’elle avait cédés à l’Etat, sous la contrainte du « nationalisme économique africain » des années 70.
En effet, grâce aux privatisations imposées par les Programmes d’ajustement structurel, la France a repris la SODETITEX pour le contrôle de la filière cotonnière, la SONACOS, devenue SUNEOR, pour le contrôle du secteur des huiles alimentaires destinées au marché local et à nos voisins immédiats, en substituant l’huile brute végétale importée à notre production d’arachides, qui a été à l’origine des problèmes de la collecte de cette production, qui accentuée la crise de la filière arachidière, tout le long du règne du régime de WADE..
De même, la France a repris, le biais de TRANS RAIL, le contrôle du transport ferroviaire des marchandises et des voyageurs en direction du MALI, qui est la principale destination de nos exportations dans le monde, très loin devant la France.
Cette reprise a renforcé le poids des entreprises françaises au SENEGAL, qui dominaient déjà le secteur bancaire et des assurances, l’import-export, l’industrie manufacturière, les BTP, etc.…
C’est ainsi que, selon la « Note du ministère Des Affaires étrangères », publiée à l’occasion du 14 Juillet 2010, la France est le premier investisseur au Sénégal avec 532 millions d’Euros d’IDE, avec 300 Entreprises dont 130 filiales , réalisant un chiffre d’affaires de 25% du PIB, produisant des recettes fiscales évaluées à 5,6% du PIB.
Ces entreprises contribuent pour 14% des exportations sénégalaises et représentent 18% de ses importations.
La France continue ainsi de piller allègrement nos ressources (25% du PIB en chiffres d’affaires, contre 5,4 % du PIB de contribution au budget de l’Etat), et d’accroître notre dépendance commerciale (14% des exportations, contre 18% des importations).
Cette dépendance commerciale de la France se traduit par des importations évaluées à 791 millions d’Euros en 2007, contre 83 millions d’Euros d’exportations sénégalaises, en baisse régulière sur ces dix dernières années de 25 %.
Le Sénégal reste donc un territoire porteur pour les Investisseurs et les exportateurs français.
Ainsi, le Sénégal est, cinquante ans après, encore sous domination française, malgré quelques ouvertures vers d’autres investisseurs, surtout d’Asie.
La situation ainsi sommairement décrite, montre bien que la lutte de libération nationale, pour restituer à notre peuple la maîtrise de son destin, est toujours d’actualité.
Dans ce cadre, les causes de la liquidation politique de Mamadou Dia doivent être méditées pour mieux éclairer les stratégies et tactiques d’alliance nécessaires, pour recouvrer la souveraineté économique et alimentaire de notre peuple.
Ibrahima Sène, Secrétaire du Comité central, membre du Bureau politique du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT/SENEGAL)
Dakar le 19 Décembre 2012