Dans un discours prononcé mercredi, Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, le mouvement politique chiite libanais, a réaffirmé son soutien à Bachar el-Assad, peu de temps après l'attentat qui a frappé le cœur du régime à Damas. «La vraie Syrie est celle de Bachar el-Assad, celle des martyrs, celle de Assef Shawkat, Daoud Rajha et Hassan Turkmani (les hauts responsables tués dans l'attentat, NDLR)», a-t-il déclaré. Didier Leroy, chercheur à l'École royale militaire de Belgique, assistant à l'Université libre de Bruxelles et auteur de Hezbollah, la résilience islamique au Liban (L'Harmattan, à paraître), analyse pourquoi le «Parti de Dieu» libanais «n'a pas intérêt à ce que les choses changent» en Syrie.
LE FIGARO. - Pourquoi le Hezbollah soutient-il le régime de Bachar el-Assad?
DIDIER LEROY. - Le soutien du Hezbollah vis-à-vis du régime de Bachar el-Assad est de quatre facteurs. Le premier est géostratégique: quand on regarde une carte du Liban, on se rend compte qu'il partage une grande partie de sa frontière avec la Syrie. Le Hezbollah, lui, est tourné vers le front sud. Son combat est orienté vers Israël. En étant en conflit avec Israël, il a tout intérêt à ce que les choses soient stables sur l'autre partie de la frontière.
Le deuxième facteur est politique: la tutelle syrienne au Liban a été très forte depuis la fin des années 1970, et est toujours très influente depuis le retrait effectif du pays (en avril 2005, NDLR). La plupart des leaders actuels, aux postes clés, ont été nommés soit sous la tutelle syrienne effective, soit après la tutelle, mais avec l'aval du régime syrien.
Le troisième facteur est militaire ou logistique: les armes de la branche armée du Hezbollah sont d'origine iranienne mais transitent par Damas. Hassan Nasrallah a même précisé dans son discours que certaines armes étaient de manufacture syrienne.
Enfin, le quatrième facteur de ce soutien est religieux: Hassan Nasrallah et Bachar el-Assad sont deux acteurs qui ont joué la carte des minorités dans la région. Ils peuvent être vus comme un «rempart» contre l'islamisme sunnite.
Au final, le Hezbollah est plus que satisfait de sa relation avec le régime syrien. Il n'a pas intérêt à ce que les choses changent.
Ce soutien est-il majoritairement rhétorique ou est-il également concret, en termes d'hommes ou de matériel par exemple?
En termes d'hommes, il y a eu des accusations, mais la chose est invérifiable. Je ne pense pas que Bachar el-Assad ait besoin de ce type de renfort. Pour ce qui est du matériel militaire, je ne pense également pas que l'armée syrienne en ait besoin.
Comment Hassan Nasrallah explique-t-il la révolte syrienne?
Depuis le début du printemps arabe, le Hezbollah s'est systématiquement prononcé en faveur du soulèvement populaire. Il a même fait du zèle dans le cadre de la Libye et du Bahreïn, où la majorité chiite s'oppose à la minorité sunnite, au pouvoir. La seule exception est le cas syrien, pour les raisons que nous venons de voir.
Au début de la révolte, Hassan Nasrallah a récupéré le discours baasiste (le parti de Bachar el-Assad, NDLR): il parlait de groupes terroristes, souvent soutenus par des puissances étrangères. Le discours de mercredi est devenu encore plus typique du Hezbollah: on est clairement dans la thèse du «complot américano-sioniste». Pour moi, Hassan Nasrallah a tenté de dépêtrer le nom de Bachar el-Assad des révoltes arabes, pour le réinscrire dans le contexte, plus large, du conflit israélo-arabe.
Par Théo Corbucci
LE FIGARO. - Pourquoi le Hezbollah soutient-il le régime de Bachar el-Assad?
DIDIER LEROY. - Le soutien du Hezbollah vis-à-vis du régime de Bachar el-Assad est de quatre facteurs. Le premier est géostratégique: quand on regarde une carte du Liban, on se rend compte qu'il partage une grande partie de sa frontière avec la Syrie. Le Hezbollah, lui, est tourné vers le front sud. Son combat est orienté vers Israël. En étant en conflit avec Israël, il a tout intérêt à ce que les choses soient stables sur l'autre partie de la frontière.
Le deuxième facteur est politique: la tutelle syrienne au Liban a été très forte depuis la fin des années 1970, et est toujours très influente depuis le retrait effectif du pays (en avril 2005, NDLR). La plupart des leaders actuels, aux postes clés, ont été nommés soit sous la tutelle syrienne effective, soit après la tutelle, mais avec l'aval du régime syrien.
Le troisième facteur est militaire ou logistique: les armes de la branche armée du Hezbollah sont d'origine iranienne mais transitent par Damas. Hassan Nasrallah a même précisé dans son discours que certaines armes étaient de manufacture syrienne.
Enfin, le quatrième facteur de ce soutien est religieux: Hassan Nasrallah et Bachar el-Assad sont deux acteurs qui ont joué la carte des minorités dans la région. Ils peuvent être vus comme un «rempart» contre l'islamisme sunnite.
Au final, le Hezbollah est plus que satisfait de sa relation avec le régime syrien. Il n'a pas intérêt à ce que les choses changent.
Ce soutien est-il majoritairement rhétorique ou est-il également concret, en termes d'hommes ou de matériel par exemple?
En termes d'hommes, il y a eu des accusations, mais la chose est invérifiable. Je ne pense pas que Bachar el-Assad ait besoin de ce type de renfort. Pour ce qui est du matériel militaire, je ne pense également pas que l'armée syrienne en ait besoin.
Comment Hassan Nasrallah explique-t-il la révolte syrienne?
Depuis le début du printemps arabe, le Hezbollah s'est systématiquement prononcé en faveur du soulèvement populaire. Il a même fait du zèle dans le cadre de la Libye et du Bahreïn, où la majorité chiite s'oppose à la minorité sunnite, au pouvoir. La seule exception est le cas syrien, pour les raisons que nous venons de voir.
Au début de la révolte, Hassan Nasrallah a récupéré le discours baasiste (le parti de Bachar el-Assad, NDLR): il parlait de groupes terroristes, souvent soutenus par des puissances étrangères. Le discours de mercredi est devenu encore plus typique du Hezbollah: on est clairement dans la thèse du «complot américano-sioniste». Pour moi, Hassan Nasrallah a tenté de dépêtrer le nom de Bachar el-Assad des révoltes arabes, pour le réinscrire dans le contexte, plus large, du conflit israélo-arabe.
Par Théo Corbucci