Abandonnant pour une fois le ton aigre-doux qu'il affectionne en présence de ses partenaires européens, et bien que les sujets de friction ne manquent pas, Vladimir Poutine s'est efforcé de montrer un visage conciliant lors du sommet UE-Russie organisé hier à Saint-Pétersbourg. Recevant pour la première fois en tant que nouveau chef du Kremlin les dirigeants bruxellois, il a souhaité l'instauration d'une «relation pragmatique, efficace, sans idéologie ou autres stéréotypes».
Sur la Syrie, loin de la confrontation verbale engagée vendredi à Paris avec François Hollande, le président russe s'est efforcé d'aplanir ses divergences avec les Vingt-Sept. «Évidemment, nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout, mais la discussion d'aujourd'hui a été fructueuse», s'est-il félicité.
Diplomatie en trompe-l'œil
Lorsque le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, a appelé à un «processus de transition politique» dans le pays, autrement dit à un départ du président Bachar el-Assad, Vladimir Poutine, pourtant considéré comme le meilleur allié du régime de Damas, s'est abstenu de répliquer.
Quand bien même la mission de Kofi Annan est, depuis le massacre de Houla, artificiellement prolongée, «nous sommes pleinement d'accord pour considérer que celle-ci offre la meilleure chance de stopper le cycle de la violence en Syrie, d'éviter la guerre civile et de trouver une solution pacifique et durable», a résumé Herman Van Rompuy, sans crainte d'être contredit par son hôte russe. Les deux hommes préfèrent s'abstenir d'évoquer les alternatives possibles au plan de l'ancien secrétaire général de l'ONU. La question rituelle des droits de l'homme, soulevée par le président de l'UE, n'a provoqué aucun incident public.
Vladimir Poutine s'est vanté de s'inspirer «des standards démocratiques» européens pour justifier la nouvelle législation russe visant à réprimer les manifestations illégales. Mieux, il a salué la gestion, par Bruxelles, de la crise économique qui menace de plonger la crise de l'euro dans la récession et contribue depuis quelques jours à la chute du rouble. «L'approche de mes collègues est très professionnelle et nous sommes convaincus que leurs promesses ne sont pas vides», s'est félicité le président russe. Selon les diplomates européens, la retenue adoptée par Poutine à l'égard de ses partenaires illustre l'interdépendance croissante des économies russe et européenne. La première exporte son gaz et son pétrole chez son voisin occidental tandis que ce dernier exporte en masse ses produits finis et ses services. Avec 394 milliards de dollars d'échange en 2011, le commerce bilatéral a retrouvé son niveau d'avant la crise financière de 2008.
«Même s'il fait des efforts pour se contrôler, Vladimir Poutine s'est abstenu de remarques désagréables. On sent chez lui une volonté de s'engager», remarquait hier un haut diplomate européen. Les dirigeants de Bruxelles ne sont pas mécontents d'avoir troqué l'hésitant Medvedev contre un président russe soucieux de mettre fin à une diplomatie en trompe-l'œil.
Par Pierre Avril