Depuis deux semaines, les parlementaires russes sont engagés dans une course législative effrénée, qui semble poursuivre un seul but: dissuader l'opposition à Vladimir Poutine de se mobiliser. Vendredi, juste avant la clôture de la session d'été, la Douma votera en dernière lecture un projet de loi visant à imposer des contrôles stricts aux «agents de l'étranger» tels que seront désormais définies les ONG «politiques» recevant des subsides de l'étranger.
Le même jour, sera discuté un texte visant à durcir la répression du délit de «diffamation». Ce dernier, dont le président Medvedev avait, en décembre 2011, retiré toute qualification «pénale» pour le considérer comme une simple violation «administrative», refait son apparition dans le Code pénal. Avec un durcissement des amendes à la clé: plusieurs millions de roubles, contre quelques milliers auparavant. Les organes de sécurité seraient eux-mêmes en droit de poursuivre n'importe quel porteur de pancartes proclamant par exemple, à l'instar des slogans de l'hiver dernier, que Russie unie est le «parti des escrocs et des voleurs». Enfin, mercredi soir, les députés ont définitivement voté la loi renforçant le contrôle sur Internet qui, sous prétexte de sanctionner l'apologie du suicide ou de la pédophilie, en viendrait à censurer la Toile. Cette avalanche de textes fait suite à la loi, votée le 5 juin, qui renforce les sanctions contre les participants à des manifestations non autorisées.
Fait inhabituel en Russie, les réactions de la société civile ont été très vives. Les rares journalistes indépendants évoquent «la mort» de leur profession. Le site Wikipédia russe s'est mis en grève pour protester contre la loi sur Internet. Google et le moteur de recherche russe Yandex ont protesté. Plusieurs ONG, comme Transparency International (lutte contre la corruption) ou l'institut Sakharov des droits de l'homme, ont annoncé leur refus de s'enregistrer sous le libellé «d'agents de l'étranger». Presque tous s'offusquent de ces lois écrites «à la va-vite», qui feraient bondir n'importe quel juriste occidental. Mikhaïl Fedotov, le conseiller pour les droits de l'homme auprès du Kremlin, s'est époumoné. Mais, en présence de Vladimir Poutine, cet homme affable a dû manger son chapeau.
Un automne agité
Mardi soir, le chef du Kremlin avait invité les parlementaires à accélérer l'examen des textes, rappelant le fameux dicton russe: «Qui paie, commande la musique». Pour lui, les Américains financeraient des ONG russes dans le but de déstabiliser le gouvernement. Qu'ils émargent à Russie unie ou aux partis d'opposition légaux, les députés ont voté la majorité de ces lois, pratiquement comme un seul homme.
«Le réflexe des parlementaires est logique: ces derniers obéissent, par peur des représailles exercées par Poutine, mais ils sentent également que le pouvoir peut s'écrouler», explique Lilia Chevtsova, politologue à l'institut Carnegie. Selon les experts, le pouvoir se dépêche de serrer les vis en prévision d'un automne agité, au cours duquel sont prévues des augmentations de prix et une détérioration de la situation économique. Cette réaction, selon eux, ne peut conduire qu'à une radicalisation de l'opposition, qui prévoit de se mobiliser à la rentrée. En attendant, un Comité du 6 mai vient de se créer, qui appelle le 26 juillet à une action de soutien aux manifestants poursuivis ce jour-là pour «organisation de troubles massifs».
Par Pierre Avril
Le même jour, sera discuté un texte visant à durcir la répression du délit de «diffamation». Ce dernier, dont le président Medvedev avait, en décembre 2011, retiré toute qualification «pénale» pour le considérer comme une simple violation «administrative», refait son apparition dans le Code pénal. Avec un durcissement des amendes à la clé: plusieurs millions de roubles, contre quelques milliers auparavant. Les organes de sécurité seraient eux-mêmes en droit de poursuivre n'importe quel porteur de pancartes proclamant par exemple, à l'instar des slogans de l'hiver dernier, que Russie unie est le «parti des escrocs et des voleurs». Enfin, mercredi soir, les députés ont définitivement voté la loi renforçant le contrôle sur Internet qui, sous prétexte de sanctionner l'apologie du suicide ou de la pédophilie, en viendrait à censurer la Toile. Cette avalanche de textes fait suite à la loi, votée le 5 juin, qui renforce les sanctions contre les participants à des manifestations non autorisées.
Fait inhabituel en Russie, les réactions de la société civile ont été très vives. Les rares journalistes indépendants évoquent «la mort» de leur profession. Le site Wikipédia russe s'est mis en grève pour protester contre la loi sur Internet. Google et le moteur de recherche russe Yandex ont protesté. Plusieurs ONG, comme Transparency International (lutte contre la corruption) ou l'institut Sakharov des droits de l'homme, ont annoncé leur refus de s'enregistrer sous le libellé «d'agents de l'étranger». Presque tous s'offusquent de ces lois écrites «à la va-vite», qui feraient bondir n'importe quel juriste occidental. Mikhaïl Fedotov, le conseiller pour les droits de l'homme auprès du Kremlin, s'est époumoné. Mais, en présence de Vladimir Poutine, cet homme affable a dû manger son chapeau.
Un automne agité
Mardi soir, le chef du Kremlin avait invité les parlementaires à accélérer l'examen des textes, rappelant le fameux dicton russe: «Qui paie, commande la musique». Pour lui, les Américains financeraient des ONG russes dans le but de déstabiliser le gouvernement. Qu'ils émargent à Russie unie ou aux partis d'opposition légaux, les députés ont voté la majorité de ces lois, pratiquement comme un seul homme.
«Le réflexe des parlementaires est logique: ces derniers obéissent, par peur des représailles exercées par Poutine, mais ils sentent également que le pouvoir peut s'écrouler», explique Lilia Chevtsova, politologue à l'institut Carnegie. Selon les experts, le pouvoir se dépêche de serrer les vis en prévision d'un automne agité, au cours duquel sont prévues des augmentations de prix et une détérioration de la situation économique. Cette réaction, selon eux, ne peut conduire qu'à une radicalisation de l'opposition, qui prévoit de se mobiliser à la rentrée. En attendant, un Comité du 6 mai vient de se créer, qui appelle le 26 juillet à une action de soutien aux manifestants poursuivis ce jour-là pour «organisation de troubles massifs».
Par Pierre Avril