Un clin d’oeil “rock” d’Elon Musk, le génie fantasque fondateur de SpaceX, qui avait lancé ce projet en 2011 et dont le rêve ultime est de coloniser la planète Mars.
“Décollage!”, a tweeté à 20H46 GMT SpaceX dans un message accompagné d’une photo de Falcon Heavy, qui est composée de trois fusées Falcon9 de front sur lesquelles SpaceX a juché un deuxième étage et une coiffe pour la charge utile.
Après deux minutes de vol deux des lanceurs se sont détachés comme prévu de la fusée centrale qui a poursuivi sa route dans l’espace.
Huit minutes et 20 secondes après s’être détachés, les deux boosters se sont posés quasiment simultanément sur deux zones d’atterrissage de Cap Canaveral à quelques dizaines de mètres seulement l’une de l’autre.
Des images historiques, répétées en boucle sous forme de Gif ou de vidéo sur les réseaux sociaux.
“C’est tout ce dont on pouvait rêver pour un vol d’essai”, a réagi John Innsbrucker, un commentateur de SpaceX.
Vers 21H30 GMT, on restait en revanche sans nouvelles du troisième premier étage qui devait lui se poser sur une barge dans l’Atlantique.
Elon Musk a pour l’heure réussi son pari. Il avait déjà sensiblement réduit les coûts et révolutionné l’écosystème des lancements spatiaux en faisant revenir ses lanceurs sur terre, et même sur mer. Il veut désormais faire entrer la conquête de l’espace dans une nouvelle ère.
Le décollage mardi à Cap Canaveral était initialement prévu à 13H30 locales, avant d’être retardé à 14H20 puis 15H45, soit 20H45 GMT, en raison du vent à haute altitude.
L’envoi de cette fusée dans l’espace ne ressemble à nul autre. Elon Musk, entrepreneur qui avait été pris de haut par l’industrie aérospatiale aux débuts de SpaceX, a décidé que le Falcon Heavy aurait pour équipage un mannequin en combinaison spatiale au volant d’une voiture électrique rouge Tesla, son autre entreprise phare.
“J’adore l’idée d’une voiture dérivant apparemment à l’infini dans l’espace et qui sera peut-être découverte par une race extraterrestre dans des millions d’années”, avait imaginé l’an dernier M. Musk, qui ne veut ni plus ni moins que coloniser Mars.
Quand les 27 moteurs Merlin de cette super-fusée se sont allumés, pour générer une poussée de plus de 2.500 tonnes, l’équivalent de 18 Boeing 747 à la verticale, l’assemblage des trois lanceurs Falcon 9 ne s’est toutefois pas dirigé directement vers Mars.
La destination de ce vol est l’espace lointain, à une distance à peu près équivalente de celle de Mars par rapport au Soleil, où l’engin sera placé en orbite.
Enjeux colossaux
SpaceX n’avait jusqu’alors effectué que des tests statiques. Et Elon Musk avait martelé lundi que cela serait déjà un succès si la fusée “quittait le pas de tir et ne le pulvérisait pas en mille morceaux”.
Une prudence justifiée par les enjeux colossaux du projet. En termes technologiques, bien sûr, mais aussi au niveau des économies d’échelle qu’une telle réussite peut signifier.
SpaceX affirme que Falcon Heavy peut lancer deux fois plus de charge utile que la plus puissante fusée en opération existante, la Delta IV Heavy, “à un tiers du prix”. Selon United Launch Alliance, qui opère les Delta IV, le coût d’un lancement est de 350 millions de dollars.
A cela s’ajoute une dimension géostratégique non négligeable. Si SpaceX gagne son pari, la Nasa pourra se passer de l’aide des Russes et de leur vaisseau Soyouz pour envoyer des hommes dans l’espace.
Chez SpaceX, “à chaque échec qu’ils ont rencontré, ils ont rebondi immédiatement”, a expliqué à l’AFP Erik Seedhouse, enseignant à l’université américaine Embry-Riddle spécialisée dans l’aérospatiale, insistant sur le fait que l’entreprise a “effectué l’année dernière davantage de lancements que n’importe quel pays”.
Avec sa puissance, seulement surpassée dans l’histoire par la fusée Saturn V de la Nasa qui a emporté des astronautes des missions Apollo vers la Lune, la Falcon Heavy pourra mettre jusqu’à 63,8 tonnes en orbite terrestre basse, soit près de trois fois la charge que peut emporter une Falcon 9.
Contredisant un communiqué de sa propre entreprise, Elon Musk a expliqué lundi que ce ne sera en réalité pas la Falcon Heavy mais un autre de ses projets, la fusée “Big fucking rocket” (littéralement “putain de grosse fusée”) qui permettra de transporter des humains vers la Lune ou Mars.
Le Falcon Heavy doit donc lui ouvrir la voie.