Ça échappe souvent à la perspicacité des observateurs mais la production musicale demeure un cas d’école dans notre pays. En effet, malgré l’existence de quelques maisons de production, ce secteur baigne toujours dans l’informel comme au temps où, dans les années 80 jusqu’en 2000 à peu près, le commerçant Talla Diagne tenait les rênes de la distribution tout en créant des stars sorties de sa cantine du marché Sandaga. Il exerçait alors un règne sans partage sur la production musicale sénégalaise. On pouvait même parler, sans risque d’être démenti, de monopole.
Se passer de ses services, c’était à la limite se suicider voire creuser sa propre tombe. Son autorité sur la musique sénégalaise était telle que même Youssou Ndour, pourtant déjà sacré Roidu Mbalakh, s’était livré à lui presque mains et pieds liés pour distribuer ses cassettes et autres Cd. La cantine de l’alors sémillant maître de la distribution était prise d’assaut dès que Youssou Ndour ou une autre célébrité mettait un produit sur le marché.
Même quand le Roi du Mbalax avait créé sa propre maison de distribution, il ne pouvait se passer des services de Talla Diagne. Plus tard, le Baol-Baol s’essaya à la production musicale avec des succès incroyables comme lorsqu’il produisit le premier album de Kiné Lam intitulé « Dogo » qui se vendit alors à des dizaines de milliers d’exemplaires. Une cassette qui aurait dû conférer à la diva un disque d’or si ses ventes avaient été enregistrées à l’étranger ou commercialisées par un grand label.
D’autres artistes sont sortis du laboratoire de cet homme au flair musical phénoménal. Outre Kiné Lam, Talla Diagne fut en effet le découvreur de célébrités comme Fatou Guéweul Diouf, mais aussi des groupes de rap comme « Black Mbolo », « Jant Bi » et bien d’autres musiciens. Et c’est à peine si le règne de Talla Diagne était disputé par de rares autres distributeurs comme Oumar Gadiaga ou un certain Moustapha Fall qui, après avoir produit quelques cassettes, fut obligé de fermer boutique et d’aller se refugier à Touba pour échapper au fisc et à ses nombreux créanciers. La production musicale est en effet un métier à risques et qui ne fait pas toujours que des heureux au Sénégal. Cela est d’autant plus vrai que beaucoup de ceux qui évoluaient dans ce secteur ont fait des faillites retentissantes.
El Hadj Ndiaye – Youssou Ndour, frères ennemis jurés
El hadji Ndiaye, alors patron du Studio 2000, a eu aussi à jouer sa partition aussi bien dans la distribution de cassettes (les Cd n’existaient pas alors ou si peu) que dans la production musicale avec la concurrence féroce que le « Studio 2000 », sa structure, livra à la Saprom, propriété de Youssou Ndour, devenue plus tard « Jololi ». Pourtant,malgré les efforts de ces deux structures, leurs pratiques restaient proches de celle de Talla Diagne en ce sens que leur rôle se limitait à produire des artistes et à les laisser se débrouiller seuls pour faire leur propre promotion.
C’est par la suite que « Jololi » s’est professionnalisé, ce qui s’est traduit par une meilleure prise en charge des artistes produits par ce label, en termes de promotion. Et la première à bénéficier de cette professionnalisation, après bien sûr Youssou Ndour, c’est Viviane Chédid alors épouse de Bouba Ndour, frère du premier nommé. Jamais sans doute dans l’histoire de la musique sénégalaise un artiste n’a bénéficié d’une telle promotion pour un album que Viviane avec des posters géants placardés aux quatre coins de la ville de Dakar en plus d’une promotion d’enfer dans les médiats. Et quand plus tard Youssou Ndour étrenna sa radio, son quotidien et sa télé, la structure mit la timbale avec une promotion monstre pour la belle diva si bien que la benjamine de Youssou Ndour, Aby, souffrit de cette part belle réservée à l’épouse de Bouba après son retour des Etats-Unis où elle s’était exilée.
« Jololi », devenue plus tard Prince Arts, conjugue un flair dans la détection des talents comme celui de Talla Diagne naguère, mais avec en plus un professionnalisme indiscutable.En tout cas, « Jololi » a la réputation de transformer tout ce qu’elle touche en or. C’est, ainsi, avec cette structure que Cheikh Lo, le chanteur maigre aux célèbres dreadlocks, avait connu son heure de gloire surtout lorsqu’il avait fait un duo d’enfer avec Youssou Ndour sur le titre « Set ». C’est également avec « Jololi » que le groupe Bidew Bou Bess découvrit la scène internationale jusqu’à taper dans l’œil du rappeur franco-congolais Passi. Le premier album de Fatou Laobé a été également produit par « Jololi » après une longue période de gestation. Un album qui a même permis à l’ex-danseuse aux coups de reins torrides de découvrir la scène de Bercy. Le duo Pape et Cheikh, qui cartonne depuis quelques années, fait aussi partie de l’écurie « Jololi ». De même, la défunte cantatrice Marie Ndiaye Gawlo fut lancée par la même structure.
Prince Arts, seul maître à bord
S’étant muée plus tard en Prince Arts, la structure fit découvrir au public des divas anonymes qu’elle transforma en stars. On peut citer parmi elles Titi, qui vient de casser la baraque au Grand Théâtre qu’elle a ébloui de son talent et de sa classe, Amy Collé Dieng et, tout récemment, Aïda Samb. Pour cette dernière, d’ailleurs, Prince Art a tracé un plan de carrière qu’elle suit scrupuleusement, convaincue que le succès international est au bout. Quant à Titi, elle est entrée en rébellion quand elle a voulu se produire au Grand Théâtre alors que Ngoné Ndour voulait reporter ce grand rendez-vous à de meilleurs moments. S’étant rebiffée,elle s’est fait coacher par Bougane Dany Guèye, le patron du groupe de presse D Média, sous les auspices duquel elle se produisit au Grand Théâtre.
C’est aussi Prince Art qui fit découvrir au public « Abdou Rass » avant qu’il ne sombre dans l’anonymat à l’instar de Abou Thioubalo qui a perdu de sa flamme depuis qu’il a quitté la maison managée de mains de maitresse par Ngoné Ndour, la sœur de la star. Pape Diouf, malgré les bruits qui courent sur sa mésentente avec Prince Arts, a signé un long bail avec la boite de You. L’enfant de Pikine n’ignore certainement pas le professionnalisme de son producteur ainsi que, surtout, ses puissants relais médiatiques que sont sa télé, sa radio et son quotidien.
Ce, en plus du sens de l’anticipation des dirigeants de « Jololi » quand il s’agit de faire d’un produit un chef d’œuvre. Et dans le domaine de la production aussi bien que dans celui de la promotion, Prince Arts n’a assurément pas de concurrent dans le secteur. Les autres structures se distinguent beaucoup plus dans la production que dans la distribution, encore moins dans la promotion. En effet, elles ont la réputation de se limiter à produire l’artiste avant de le laisser à son sort. Des artistes comme Waly Seck, produits par des Sénégalais basés à l’extérieur et qui s’activent dans ce domaine, connaissent souvent ce sort.
Pour le cas du fils de Thione Seck, n’eut été le coup de pouce de son beau-frère Bougane Danny Guèye, il n’allait pas connaître un tel succès. En effet, elles sont nombreuses les maisons de production dont le rôle s’arrête à mettre un produit sur le marché et à s’en arrêter là. Des structures pour la plupart basés en Europe et qui ignorent tout du marché national avec ses réalités comme la piraterie. D’autres, installées au pays, sont beaucoup plus préoccupées à rentabiliser leur investissement qu’à tracer un plan de carrière pour l’artiste qu’elles produisent. Lequel a toutes les chances de sombrer dans l’anonymat sitôt sa cassette mise dans les bacs. C’est ce qui pourrait guetter Titi dont les différents succès portent incontestablement l’empreinte de Prince Arts qui reste, le moins que l’on puisse dire, un faiseur de rois et reines. En effet, la structure porte son professionnalisme en bandoulière à tel point qu’il est difficile de faire mieux qu’elle.
ALASSANE SECK GUEYE
Article paru dans « Le Témoin » N° 1157 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2014)
Se passer de ses services, c’était à la limite se suicider voire creuser sa propre tombe. Son autorité sur la musique sénégalaise était telle que même Youssou Ndour, pourtant déjà sacré Roidu Mbalakh, s’était livré à lui presque mains et pieds liés pour distribuer ses cassettes et autres Cd. La cantine de l’alors sémillant maître de la distribution était prise d’assaut dès que Youssou Ndour ou une autre célébrité mettait un produit sur le marché.
Même quand le Roi du Mbalax avait créé sa propre maison de distribution, il ne pouvait se passer des services de Talla Diagne. Plus tard, le Baol-Baol s’essaya à la production musicale avec des succès incroyables comme lorsqu’il produisit le premier album de Kiné Lam intitulé « Dogo » qui se vendit alors à des dizaines de milliers d’exemplaires. Une cassette qui aurait dû conférer à la diva un disque d’or si ses ventes avaient été enregistrées à l’étranger ou commercialisées par un grand label.
D’autres artistes sont sortis du laboratoire de cet homme au flair musical phénoménal. Outre Kiné Lam, Talla Diagne fut en effet le découvreur de célébrités comme Fatou Guéweul Diouf, mais aussi des groupes de rap comme « Black Mbolo », « Jant Bi » et bien d’autres musiciens. Et c’est à peine si le règne de Talla Diagne était disputé par de rares autres distributeurs comme Oumar Gadiaga ou un certain Moustapha Fall qui, après avoir produit quelques cassettes, fut obligé de fermer boutique et d’aller se refugier à Touba pour échapper au fisc et à ses nombreux créanciers. La production musicale est en effet un métier à risques et qui ne fait pas toujours que des heureux au Sénégal. Cela est d’autant plus vrai que beaucoup de ceux qui évoluaient dans ce secteur ont fait des faillites retentissantes.
El Hadj Ndiaye – Youssou Ndour, frères ennemis jurés
El hadji Ndiaye, alors patron du Studio 2000, a eu aussi à jouer sa partition aussi bien dans la distribution de cassettes (les Cd n’existaient pas alors ou si peu) que dans la production musicale avec la concurrence féroce que le « Studio 2000 », sa structure, livra à la Saprom, propriété de Youssou Ndour, devenue plus tard « Jololi ». Pourtant,malgré les efforts de ces deux structures, leurs pratiques restaient proches de celle de Talla Diagne en ce sens que leur rôle se limitait à produire des artistes et à les laisser se débrouiller seuls pour faire leur propre promotion.
C’est par la suite que « Jololi » s’est professionnalisé, ce qui s’est traduit par une meilleure prise en charge des artistes produits par ce label, en termes de promotion. Et la première à bénéficier de cette professionnalisation, après bien sûr Youssou Ndour, c’est Viviane Chédid alors épouse de Bouba Ndour, frère du premier nommé. Jamais sans doute dans l’histoire de la musique sénégalaise un artiste n’a bénéficié d’une telle promotion pour un album que Viviane avec des posters géants placardés aux quatre coins de la ville de Dakar en plus d’une promotion d’enfer dans les médiats. Et quand plus tard Youssou Ndour étrenna sa radio, son quotidien et sa télé, la structure mit la timbale avec une promotion monstre pour la belle diva si bien que la benjamine de Youssou Ndour, Aby, souffrit de cette part belle réservée à l’épouse de Bouba après son retour des Etats-Unis où elle s’était exilée.
« Jololi », devenue plus tard Prince Arts, conjugue un flair dans la détection des talents comme celui de Talla Diagne naguère, mais avec en plus un professionnalisme indiscutable.En tout cas, « Jololi » a la réputation de transformer tout ce qu’elle touche en or. C’est, ainsi, avec cette structure que Cheikh Lo, le chanteur maigre aux célèbres dreadlocks, avait connu son heure de gloire surtout lorsqu’il avait fait un duo d’enfer avec Youssou Ndour sur le titre « Set ». C’est également avec « Jololi » que le groupe Bidew Bou Bess découvrit la scène internationale jusqu’à taper dans l’œil du rappeur franco-congolais Passi. Le premier album de Fatou Laobé a été également produit par « Jololi » après une longue période de gestation. Un album qui a même permis à l’ex-danseuse aux coups de reins torrides de découvrir la scène de Bercy. Le duo Pape et Cheikh, qui cartonne depuis quelques années, fait aussi partie de l’écurie « Jololi ». De même, la défunte cantatrice Marie Ndiaye Gawlo fut lancée par la même structure.
Prince Arts, seul maître à bord
S’étant muée plus tard en Prince Arts, la structure fit découvrir au public des divas anonymes qu’elle transforma en stars. On peut citer parmi elles Titi, qui vient de casser la baraque au Grand Théâtre qu’elle a ébloui de son talent et de sa classe, Amy Collé Dieng et, tout récemment, Aïda Samb. Pour cette dernière, d’ailleurs, Prince Art a tracé un plan de carrière qu’elle suit scrupuleusement, convaincue que le succès international est au bout. Quant à Titi, elle est entrée en rébellion quand elle a voulu se produire au Grand Théâtre alors que Ngoné Ndour voulait reporter ce grand rendez-vous à de meilleurs moments. S’étant rebiffée,elle s’est fait coacher par Bougane Dany Guèye, le patron du groupe de presse D Média, sous les auspices duquel elle se produisit au Grand Théâtre.
C’est aussi Prince Art qui fit découvrir au public « Abdou Rass » avant qu’il ne sombre dans l’anonymat à l’instar de Abou Thioubalo qui a perdu de sa flamme depuis qu’il a quitté la maison managée de mains de maitresse par Ngoné Ndour, la sœur de la star. Pape Diouf, malgré les bruits qui courent sur sa mésentente avec Prince Arts, a signé un long bail avec la boite de You. L’enfant de Pikine n’ignore certainement pas le professionnalisme de son producteur ainsi que, surtout, ses puissants relais médiatiques que sont sa télé, sa radio et son quotidien.
Ce, en plus du sens de l’anticipation des dirigeants de « Jololi » quand il s’agit de faire d’un produit un chef d’œuvre. Et dans le domaine de la production aussi bien que dans celui de la promotion, Prince Arts n’a assurément pas de concurrent dans le secteur. Les autres structures se distinguent beaucoup plus dans la production que dans la distribution, encore moins dans la promotion. En effet, elles ont la réputation de se limiter à produire l’artiste avant de le laisser à son sort. Des artistes comme Waly Seck, produits par des Sénégalais basés à l’extérieur et qui s’activent dans ce domaine, connaissent souvent ce sort.
Pour le cas du fils de Thione Seck, n’eut été le coup de pouce de son beau-frère Bougane Danny Guèye, il n’allait pas connaître un tel succès. En effet, elles sont nombreuses les maisons de production dont le rôle s’arrête à mettre un produit sur le marché et à s’en arrêter là. Des structures pour la plupart basés en Europe et qui ignorent tout du marché national avec ses réalités comme la piraterie. D’autres, installées au pays, sont beaucoup plus préoccupées à rentabiliser leur investissement qu’à tracer un plan de carrière pour l’artiste qu’elles produisent. Lequel a toutes les chances de sombrer dans l’anonymat sitôt sa cassette mise dans les bacs. C’est ce qui pourrait guetter Titi dont les différents succès portent incontestablement l’empreinte de Prince Arts qui reste, le moins que l’on puisse dire, un faiseur de rois et reines. En effet, la structure porte son professionnalisme en bandoulière à tel point qu’il est difficile de faire mieux qu’elle.
ALASSANE SECK GUEYE
Article paru dans « Le Témoin » N° 1157 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2014)