Mais, comme le disait Albert Einstein, avant de parler d’une chose, il faut s’assurer que l’on partage, avec ses interlocuteurs, la même compréhension des concepts. Pour ma part, et par simple souci de réalisme, je ne chercherai pas à vous convaincre, vous qui me lisez, à accepter la compréhension que j’ai des termes « ingérence et développement ». Néanmoins, je vous préciserai mes définitions de ces mots afin que nul n’ignore les fondations sur lesquelles je bâtis la théorie exposée dans cet article. Ainsi, par ingérence j’entends la liberté que se donne un état tiers de changer le cours des choses dans un autre état que ce soit sur la demande de celui-ci ou non et par développement la capacité d’un état à produire plus qu’il ne peut consommer de biens matériels ou non matériels.
Je m’efforcerai d’expliquer pourquoi l’ingérence et comment elle se manifeste, ensuite je ferai une comparaison historique pour tirer des leçons que l’histoire des nations dites développées nous a enseigné et enfin, j’esquisserai ce que je crois qu’il faudrait se résoudre à faire.
L’ingérence est aussi ancienne que l’histoire de l’humanité et elle se fait sentir partout où des groupes sociaux interagissent et chaque fois que les conflits ou les rites de quelques uns perturbent la quiétude du plus grand nombre ou des plus forts. Mais l’ingérence est devenue un concept politique moderne quand la révolution française décida de faire la guerre à la Prusse et à toutes les monarchies qu’elle jugeait capable de soutenir ceux qu’elle venait de chasser du pouvoir. Depuis cette date, on a vu l’envahissement des états, dits « sauvages », au nom du devoir de civiliser, de l’exigence de trouver des matières premières et des débouchés à une économie capitaliste en plein essor. Cependant, qu’elle soit fondée sur la morale, sur la politique ou sur l’économie l’ingérence peut être violente ou pacifique. C’est par sa forme violente qu’on la découvre au Vietnam, en Corée ou dans les anciennes colonies françaises et pendant des décennies, les Usa sont intervenus de manière insidieuse et brutale pour installer des dirigeants, de leur choix, dans les pays d’Amérique latine. L’Afrique, elle, continue de faire les frais de l’humeur de certains « Messieurs Afrique » qui peuvent décider de renverser ou de déstabiliser n’importe quel régime qu’ils jugeraient hostiles à leurs intérêts du moment. Pourtant, depuis quelques années, face à la montée des associations de droits de l’homme, l’ingérence change de forme ; elle devient plus sournoise car se faisant, à travers l’aide au développement ou le renforcement des groupes de contestation internes aux états. Plutôt que d’envoyer des mercenaires ou des forces spéciales pour soumettre les récalcitrants à leur logique de fonctionnement, les grandes puissances occidentales financent des syndicats, des organisations de droits de l’homme et des opposants dont elles se servent comme d’une manette de contrôle sur des dirigeants souvent imprévisibles pour leurs intérêts.
Le constat à faire, à cette étape, c’est qu’aucune ingérence ne se fait sans mobiles, sans calculs et c’est toujours pour résoudre des problèmes intérieurs chez les puissances intervenantes, aux antipodes des préoccupations des populations locales.
Or les pays les plus développés du monde n’ont pas bénéficié de tant de « sollicitude » pour s’en sortir, bien au contraire. Les USA n’ont pu devenir ce grand pays que parce qu’ils ont rompu les liens d’avec l’Angleterre, la France n’est devenue ce qu’elle fut qu’au prix de plusieurs massacres de ses propres citoyens par ses propres dirigeants. Il suffit, pour illustrer ce dernier exemple, d’évoquer le génocide vendéen où les pères de la révolution française ont planifié et massacré plus de six cent mille de leurs propres citoyens.
Nietzsche, le philosophe allemand, a écrit que « quiconque veut jubiler jusqu’au ciel doit se préparer à être triste jusqu’à la mort, car plaisir et déplaisir sont les deux faces d’une même réalité ». L’histoire ne cesse de lui donner raison. Le développement a un coût et aucun peuple ne peut y accéder sans payer le prix fort. Or, en intervenant, systématiquement, dans le cours de l’histoire des pays africains, on ne fait que retarder leur développement. Nos états ne bruleront pas les étapes pour parvenir au sommet, nous ne pouvons pas décider de choisir les bienfaits des occidentaux et renoncer aux méfaits qui s’y accrochent de manière indélébile. Le développement des états ne peut être conduit que par leurs propres citoyens. La garantie pour des élections transparentes au Sénégal ne sera pas apportée par l’Union Européenne, ni par les américains mais par les sénégalais, eux-mêmes. La communauté internationale ne réglera pas les problèmes du Congo démocratique, ni ceux de la Cote d’Ivoire, seuls les peuples de ces nations sauront le faire de façon durable.
En conclusion, je lancerai un appel aux acteurs politiques et aux citoyens de mon pays pour qu’ils acceptent de se parler et de se faire des concessions mutuelles, qu’ils refusent d’être utilisés les uns contre les autres, de s’allier à l’étranger pour triompher. Car toute victoire obtenue, grâce à l’étranger est une fausse victoire, tôt ou tard, il faudra en payer le prix au détriment de notre pays. Je refuse de croire que l’on peut pardonner à des anciens colonisateurs, à des anciens esclavagistes et que l’on ne peut pardonner ou tolérer ses propres frères et sœurs.
Le développement exige des acteurs responsables, selon le bel propos de Madame Bernicat Garcia, Ambassadeur des Etats Unis dans notre pays, l’ingérence tue la responsabilité chez les acteurs en leur donnant l’illusion qu’ils peuvent toujours crier au secours et être entendu. La responsabilité n’est-elle pas, justement, la croyance que l’on ne peut compter que sur soi ? Le Sénégal, ce pays qui m’est si cher, me donne, aujourd’hui, l’image d’un avion, en plein vol, où les passagers cherchent à tuer leur unique pilote. Pourront-nous survivre alors en cas de succès de cette entreprise funeste et stupide tout à la fois ? Pour ma part, je refuse de croire que je sois plus patriote que les tenants actuels de ce régime ou ceux de l’ancien régime PS, je refuse de penser que j’aime ce pays plus que tous mes autres concitoyens. Ce faisant, je sais que nos oppositions actuelles ne peuvent qu’être conjoncturelles car elles ne sont basées que sur des hypothèses (des vérités non démontrées) et puisqu’il en ainsi je demeure convaincu que partageant, tous, l’amour de ce pays avec une égale intensité, nous devons nous refuser de traverser des lignes rouges, des points de non retour dans nos rapports les uns avec les autres. Soutenir un gouvernement étranger, quelque soit les raisons invoquées, contre son propre gouvernement c’est de la haute trahison. Or quand on trahit son pays, quelle légitimité peut-on avoir à le servir ?
Tamba Danfakha
Secrétaire général de l’UNP
talantamba@yahoo.fr
Je m’efforcerai d’expliquer pourquoi l’ingérence et comment elle se manifeste, ensuite je ferai une comparaison historique pour tirer des leçons que l’histoire des nations dites développées nous a enseigné et enfin, j’esquisserai ce que je crois qu’il faudrait se résoudre à faire.
L’ingérence est aussi ancienne que l’histoire de l’humanité et elle se fait sentir partout où des groupes sociaux interagissent et chaque fois que les conflits ou les rites de quelques uns perturbent la quiétude du plus grand nombre ou des plus forts. Mais l’ingérence est devenue un concept politique moderne quand la révolution française décida de faire la guerre à la Prusse et à toutes les monarchies qu’elle jugeait capable de soutenir ceux qu’elle venait de chasser du pouvoir. Depuis cette date, on a vu l’envahissement des états, dits « sauvages », au nom du devoir de civiliser, de l’exigence de trouver des matières premières et des débouchés à une économie capitaliste en plein essor. Cependant, qu’elle soit fondée sur la morale, sur la politique ou sur l’économie l’ingérence peut être violente ou pacifique. C’est par sa forme violente qu’on la découvre au Vietnam, en Corée ou dans les anciennes colonies françaises et pendant des décennies, les Usa sont intervenus de manière insidieuse et brutale pour installer des dirigeants, de leur choix, dans les pays d’Amérique latine. L’Afrique, elle, continue de faire les frais de l’humeur de certains « Messieurs Afrique » qui peuvent décider de renverser ou de déstabiliser n’importe quel régime qu’ils jugeraient hostiles à leurs intérêts du moment. Pourtant, depuis quelques années, face à la montée des associations de droits de l’homme, l’ingérence change de forme ; elle devient plus sournoise car se faisant, à travers l’aide au développement ou le renforcement des groupes de contestation internes aux états. Plutôt que d’envoyer des mercenaires ou des forces spéciales pour soumettre les récalcitrants à leur logique de fonctionnement, les grandes puissances occidentales financent des syndicats, des organisations de droits de l’homme et des opposants dont elles se servent comme d’une manette de contrôle sur des dirigeants souvent imprévisibles pour leurs intérêts.
Le constat à faire, à cette étape, c’est qu’aucune ingérence ne se fait sans mobiles, sans calculs et c’est toujours pour résoudre des problèmes intérieurs chez les puissances intervenantes, aux antipodes des préoccupations des populations locales.
Or les pays les plus développés du monde n’ont pas bénéficié de tant de « sollicitude » pour s’en sortir, bien au contraire. Les USA n’ont pu devenir ce grand pays que parce qu’ils ont rompu les liens d’avec l’Angleterre, la France n’est devenue ce qu’elle fut qu’au prix de plusieurs massacres de ses propres citoyens par ses propres dirigeants. Il suffit, pour illustrer ce dernier exemple, d’évoquer le génocide vendéen où les pères de la révolution française ont planifié et massacré plus de six cent mille de leurs propres citoyens.
Nietzsche, le philosophe allemand, a écrit que « quiconque veut jubiler jusqu’au ciel doit se préparer à être triste jusqu’à la mort, car plaisir et déplaisir sont les deux faces d’une même réalité ». L’histoire ne cesse de lui donner raison. Le développement a un coût et aucun peuple ne peut y accéder sans payer le prix fort. Or, en intervenant, systématiquement, dans le cours de l’histoire des pays africains, on ne fait que retarder leur développement. Nos états ne bruleront pas les étapes pour parvenir au sommet, nous ne pouvons pas décider de choisir les bienfaits des occidentaux et renoncer aux méfaits qui s’y accrochent de manière indélébile. Le développement des états ne peut être conduit que par leurs propres citoyens. La garantie pour des élections transparentes au Sénégal ne sera pas apportée par l’Union Européenne, ni par les américains mais par les sénégalais, eux-mêmes. La communauté internationale ne réglera pas les problèmes du Congo démocratique, ni ceux de la Cote d’Ivoire, seuls les peuples de ces nations sauront le faire de façon durable.
En conclusion, je lancerai un appel aux acteurs politiques et aux citoyens de mon pays pour qu’ils acceptent de se parler et de se faire des concessions mutuelles, qu’ils refusent d’être utilisés les uns contre les autres, de s’allier à l’étranger pour triompher. Car toute victoire obtenue, grâce à l’étranger est une fausse victoire, tôt ou tard, il faudra en payer le prix au détriment de notre pays. Je refuse de croire que l’on peut pardonner à des anciens colonisateurs, à des anciens esclavagistes et que l’on ne peut pardonner ou tolérer ses propres frères et sœurs.
Le développement exige des acteurs responsables, selon le bel propos de Madame Bernicat Garcia, Ambassadeur des Etats Unis dans notre pays, l’ingérence tue la responsabilité chez les acteurs en leur donnant l’illusion qu’ils peuvent toujours crier au secours et être entendu. La responsabilité n’est-elle pas, justement, la croyance que l’on ne peut compter que sur soi ? Le Sénégal, ce pays qui m’est si cher, me donne, aujourd’hui, l’image d’un avion, en plein vol, où les passagers cherchent à tuer leur unique pilote. Pourront-nous survivre alors en cas de succès de cette entreprise funeste et stupide tout à la fois ? Pour ma part, je refuse de croire que je sois plus patriote que les tenants actuels de ce régime ou ceux de l’ancien régime PS, je refuse de penser que j’aime ce pays plus que tous mes autres concitoyens. Ce faisant, je sais que nos oppositions actuelles ne peuvent qu’être conjoncturelles car elles ne sont basées que sur des hypothèses (des vérités non démontrées) et puisqu’il en ainsi je demeure convaincu que partageant, tous, l’amour de ce pays avec une égale intensité, nous devons nous refuser de traverser des lignes rouges, des points de non retour dans nos rapports les uns avec les autres. Soutenir un gouvernement étranger, quelque soit les raisons invoquées, contre son propre gouvernement c’est de la haute trahison. Or quand on trahit son pays, quelle légitimité peut-on avoir à le servir ?
Tamba Danfakha
Secrétaire général de l’UNP
talantamba@yahoo.fr