Symboliquement
Le mouride que nous sommes ne peut manquer d’être choqué par la désinvolture hallucinante et l’aplomb déconcertant avec lesquels le cheikh fait référence à la figure charismatique et unanimement respectée de Serigne Saliou, cet ascète humaniste dont le souvenir ne cessera jamais de planer sur notre pays, pour justifier tous ses accommodements et compromissions politiciennes. Sans nous permettre de préjuger de la réalité ou non du rêve mystique invoqué, ne peut-on sincèrement s’interroger sur sa vraisemblance et sa crédibilité, si l’on sait surtout que Béthio avait depuis longtemps annoncé son intention de soutenir son candidat ? Cet étrange rêve a-t-il été « programmé » au moment des supposées tractations au palais ou est-il inopinément intervenu, par une de ces interventions prophétiques, pour accréditer son intention pré-onirique ? En affirmant avoir reçu cet ordre de Serigne Saliou à la veille du premier tour, ne sous-entend il pas par là, sans même s’en rendre compte, que le souhait du saint homme ne s’est pas réalisé le 26 février, remettant ainsi en cause son charisme ? Surtout si l’on sait que, de son vivant (en 2007), il avait suffit d’une interprétation indirecte du souhait de Cheikh Saliou par les disciples mourides pour assurer la réélection sans bavure et dès le premier tour du président sortant. Ce qui d’ailleurs nous rappelle que la philosophie et l’approche politique ouverte de Serigne Saliou contredit l’esprit unilatéral du ndigeul tel que semble vouloir se l’approprier cheikh Béthio. Et que si Serigne Saliou, de son vivant, malgré toutes les prérogatives et l’ascendant incontestable qu’il exerçait sur tous les mourides et beaucoup de musulmans, n’avait jamais daigné donner de consigne de vote explicite à ces derniers, ce n’est pas après sa disparition qu’il le ferait… Mais les « rêves » politiques ont ceci de particulier, qu’ils ne peuvent être démentis que par la confrontation avec la vie politique…
En rappelant les liens de Wade avec le Saint de Khelcom, Béthio n’aurait-il pas du également évoquer la trahison avérée de Wade envers la confiance de Serigne Saliou ? Ne se souvient-il pas que le khalife avait remis plusieurs milliards de nos francs au président actuel, sur la requête de ce dernier, sous la promesse de l’aider dans l’extension du parc routier de Touba, et que cette proposition ne fut qu’un subterfuge dont seul Gorgui a le secret et qui peina profondément le Saint homme à la fin de sa vie ? Toujours dans cette veine, il s’avère que non seulement la prétendue assistance (ou préférence) de Wade pour les mourides ne fut, en réalité, qu’un artifice utilisé pour tenir en otages ces derniers. En se réclamant de façon intempestive et ostentatoire de leur communauté, Wade n’a en vérité nullement contribué de façon significative au rayonnement du Mouridisme dont les valeurs sont, au contraire, quotidiennement piétinées par la fourberie du Vieux, sa duplicité morale, son fort potentiel de corruption, jetant le discrédit sur toute l’institution religieuse, sa dépréciation des valeurs de « jom », de « kersa », de mouride « sadikh » (véridique) etc. qui nous furent inculqués. Ne serait-ce que pour cette atteinte profonde aux véritables valeurs et principes qu’enseignait Cheikh Ahmadou Bamba, le régime de l’Alternance mérite plus d’une fois d’être sanctionné par les vrais mourides qui n’acceptent plus d’être tenus en otages par des politiciens véreux.
Et même si, selon la perspective onirique de Béthio, Serigne Saliou aurait ordonné un prétendu soutien à Wade (ce qui nous semble loin d’être évident), il convient de se rappeler que, au niveau communautaire, la prérogative de délivrer un ndigeul global auquel tout mouride est tenu de se conformer est exclusivement dévolu au khalife en exercice. En effet, dans le Mouridisme, il est connu que les orientations de ce dernier prennent le pas sur les dispositions antérieures, sans nécessairement les remettre en cause. Comme le montre le fait que Serigne Saliou, malgré le profond respect qu’il nourrissait à l’endroit de son prédécesseur, n’ait pas pour autant reconduit le schéma de soutien de Serigne Abdoul Ahad à Abdou Diouf. Si l’on sait que Cheikh Sidy Mukhtar (que Dieu lui prête longue vie) n’a pas jusqu’ici donné une directive claire en faveur d’aucun candidat (directive que nous aurions suivie sans aucune hésitation), et qu’il a préféré, en cette matière, laisser à chacun le soin de choisir le sien, tout choix exprimé par un quelconque mouride ne saurait qu’être individuel et ne saurait en aucune façon engager la communauté toute entière. D’autant mieux que l’on sait que le principe du ndigeul chez les différents khalifes fut de tout temps sous-tendu par l’intérêt général de la communauté qu’ils dirigeaient (mosquée, infrastructures, assistance des disciples etc.) et non pas par des intérêts pécuniers particuliers dont seul son bénéficiaire va égoïstement profiter.
Politiquement
« Cheikh bi moo bari doolé ! », criaient à tue-tête les adeptes de Béthio lors de son « meeting » télévisé, passé en boucle sur la chaîne publique (sur lequel le CNRA n’a pas jugé utile de se prononcer). Attitude symptomatique du « désir de puissance » caractérisant le discours du cheikh dont les ambitions aspirent visiblement être confortée par une victoire politique qui sera interprétée par beaucoup comme un « signe » supplémentaire de sa « puissance ». A propos de cette tendance à utiliser les hommes comme du bétail (électoral), Cheikh Ahmadou Bamba avait pourtant averti : « Si jamais les hommes se dirigent vers toi et que tu te diriges avec eux vers le Seigneur des hommes, Celui-ci vous gratifiera alors tous ensemble du « Paradis promis aux Pieux » (13:35). Mais celui vers qui les hommes se dirigent et qui, à son tour, se dirige avec eux vers sa propre passion ou vers la leur, le Seigneur des hommes les repoussera tous ensemble vers « l'Enfer dont des hommes et des pierres constitueront le combustible» (2:24) » Gourous que Cheikh Ahmadou Bamba décrit de façon très caustique dans Masaalikoul Djinan : «Que de personnes paraissant honorables et valeureux aux yeux des gens, que l’on perçoit tels des Pôles de l'univers (Khutb) partout où ils passent et dont la renommée traverse le monde entier, alors qu'en réalité leur véritable degré spirituel auprès de Dieu ne dépasse guère celui d'un singe ! » Il définira ainsi les véritables bases sous-tendant les relations maître-disciple dans le soufisme « Sache qu'un disciple véridique aspirant obtenir le profit se doit d'être absolument convaincu que son Maître spirituel constitue sa voie d'accès vers son Seigneur. Aussi devra-t-il se conformer à ses ordres et éviter ses interdits, convaincu que son Maître ne lui ordonne ou ne lui interdit une chose qu'avec la Permission de Dieu Très-Haut. Tout disciple dont la conviction est ainsi obtiendra indubitablement des avantages dans ce monde-ci et dans l'Autre. Cependant tout maître spirituel qui donne des ordres et fixe des interdits en dehors de la Permission de Dieu Très-Haut et de Son Prophète – la Paix et le Salut soient sur lui – et qui ordonne et interdit selon son bon plaisir, est un guide égaré qui égarera tous ceux qui le suivront. »
Ainsi l’éventualité d’une victoire du « poulain » de Béthio au second tour consacrerait la perpétuation de son rôle de « courtier électoral » (avec des « millions » de voix en vente) et de leader d’opinion incontournable de la scène sociopolitique auquel il a toujours prétendu. Avec même la possibilité de réclamer un jour, du fait de cette puissance accrue, pourquoi pas, le statut de leader suprême des mourides (en se substituant au khalifat traditionnel). Ambition dont tous ses discours, finement analysé, sont profondément empreints, même si, pour le moment, c’est sous des dehors pseudo-mystiques et rhétoriques. Sous cet angle, cheikh Béthio vient de donner aux vrais mourides, par son ndigeul onirique, une raison supplémentaire de sanctionner le régime sortant. Car en votant contre Wade au second tour, nous ne voterons plus simplement pour donner un nouveau élan et un nouveau souffle au peuple sénégalais. Mais nous aurons également l’occasion de sanctionner un usurpateur dont l’ambition cachée est de déstabiliser et de dénaturer le véritable mouridisme.
Désormais, voter contre Wade et son système revient à voter contre Béthio et tous les autres gourous complices qui aspirent tenir les mourides en otage. C’est aussi simple que ça.
Cheikh Ahmadou Mbacké
mbackcheikhahmadou@yahoo.fr
Norvège
Le mouride que nous sommes ne peut manquer d’être choqué par la désinvolture hallucinante et l’aplomb déconcertant avec lesquels le cheikh fait référence à la figure charismatique et unanimement respectée de Serigne Saliou, cet ascète humaniste dont le souvenir ne cessera jamais de planer sur notre pays, pour justifier tous ses accommodements et compromissions politiciennes. Sans nous permettre de préjuger de la réalité ou non du rêve mystique invoqué, ne peut-on sincèrement s’interroger sur sa vraisemblance et sa crédibilité, si l’on sait surtout que Béthio avait depuis longtemps annoncé son intention de soutenir son candidat ? Cet étrange rêve a-t-il été « programmé » au moment des supposées tractations au palais ou est-il inopinément intervenu, par une de ces interventions prophétiques, pour accréditer son intention pré-onirique ? En affirmant avoir reçu cet ordre de Serigne Saliou à la veille du premier tour, ne sous-entend il pas par là, sans même s’en rendre compte, que le souhait du saint homme ne s’est pas réalisé le 26 février, remettant ainsi en cause son charisme ? Surtout si l’on sait que, de son vivant (en 2007), il avait suffit d’une interprétation indirecte du souhait de Cheikh Saliou par les disciples mourides pour assurer la réélection sans bavure et dès le premier tour du président sortant. Ce qui d’ailleurs nous rappelle que la philosophie et l’approche politique ouverte de Serigne Saliou contredit l’esprit unilatéral du ndigeul tel que semble vouloir se l’approprier cheikh Béthio. Et que si Serigne Saliou, de son vivant, malgré toutes les prérogatives et l’ascendant incontestable qu’il exerçait sur tous les mourides et beaucoup de musulmans, n’avait jamais daigné donner de consigne de vote explicite à ces derniers, ce n’est pas après sa disparition qu’il le ferait… Mais les « rêves » politiques ont ceci de particulier, qu’ils ne peuvent être démentis que par la confrontation avec la vie politique…
En rappelant les liens de Wade avec le Saint de Khelcom, Béthio n’aurait-il pas du également évoquer la trahison avérée de Wade envers la confiance de Serigne Saliou ? Ne se souvient-il pas que le khalife avait remis plusieurs milliards de nos francs au président actuel, sur la requête de ce dernier, sous la promesse de l’aider dans l’extension du parc routier de Touba, et que cette proposition ne fut qu’un subterfuge dont seul Gorgui a le secret et qui peina profondément le Saint homme à la fin de sa vie ? Toujours dans cette veine, il s’avère que non seulement la prétendue assistance (ou préférence) de Wade pour les mourides ne fut, en réalité, qu’un artifice utilisé pour tenir en otages ces derniers. En se réclamant de façon intempestive et ostentatoire de leur communauté, Wade n’a en vérité nullement contribué de façon significative au rayonnement du Mouridisme dont les valeurs sont, au contraire, quotidiennement piétinées par la fourberie du Vieux, sa duplicité morale, son fort potentiel de corruption, jetant le discrédit sur toute l’institution religieuse, sa dépréciation des valeurs de « jom », de « kersa », de mouride « sadikh » (véridique) etc. qui nous furent inculqués. Ne serait-ce que pour cette atteinte profonde aux véritables valeurs et principes qu’enseignait Cheikh Ahmadou Bamba, le régime de l’Alternance mérite plus d’une fois d’être sanctionné par les vrais mourides qui n’acceptent plus d’être tenus en otages par des politiciens véreux.
Et même si, selon la perspective onirique de Béthio, Serigne Saliou aurait ordonné un prétendu soutien à Wade (ce qui nous semble loin d’être évident), il convient de se rappeler que, au niveau communautaire, la prérogative de délivrer un ndigeul global auquel tout mouride est tenu de se conformer est exclusivement dévolu au khalife en exercice. En effet, dans le Mouridisme, il est connu que les orientations de ce dernier prennent le pas sur les dispositions antérieures, sans nécessairement les remettre en cause. Comme le montre le fait que Serigne Saliou, malgré le profond respect qu’il nourrissait à l’endroit de son prédécesseur, n’ait pas pour autant reconduit le schéma de soutien de Serigne Abdoul Ahad à Abdou Diouf. Si l’on sait que Cheikh Sidy Mukhtar (que Dieu lui prête longue vie) n’a pas jusqu’ici donné une directive claire en faveur d’aucun candidat (directive que nous aurions suivie sans aucune hésitation), et qu’il a préféré, en cette matière, laisser à chacun le soin de choisir le sien, tout choix exprimé par un quelconque mouride ne saurait qu’être individuel et ne saurait en aucune façon engager la communauté toute entière. D’autant mieux que l’on sait que le principe du ndigeul chez les différents khalifes fut de tout temps sous-tendu par l’intérêt général de la communauté qu’ils dirigeaient (mosquée, infrastructures, assistance des disciples etc.) et non pas par des intérêts pécuniers particuliers dont seul son bénéficiaire va égoïstement profiter.
Politiquement
« Cheikh bi moo bari doolé ! », criaient à tue-tête les adeptes de Béthio lors de son « meeting » télévisé, passé en boucle sur la chaîne publique (sur lequel le CNRA n’a pas jugé utile de se prononcer). Attitude symptomatique du « désir de puissance » caractérisant le discours du cheikh dont les ambitions aspirent visiblement être confortée par une victoire politique qui sera interprétée par beaucoup comme un « signe » supplémentaire de sa « puissance ». A propos de cette tendance à utiliser les hommes comme du bétail (électoral), Cheikh Ahmadou Bamba avait pourtant averti : « Si jamais les hommes se dirigent vers toi et que tu te diriges avec eux vers le Seigneur des hommes, Celui-ci vous gratifiera alors tous ensemble du « Paradis promis aux Pieux » (13:35). Mais celui vers qui les hommes se dirigent et qui, à son tour, se dirige avec eux vers sa propre passion ou vers la leur, le Seigneur des hommes les repoussera tous ensemble vers « l'Enfer dont des hommes et des pierres constitueront le combustible» (2:24) » Gourous que Cheikh Ahmadou Bamba décrit de façon très caustique dans Masaalikoul Djinan : «Que de personnes paraissant honorables et valeureux aux yeux des gens, que l’on perçoit tels des Pôles de l'univers (Khutb) partout où ils passent et dont la renommée traverse le monde entier, alors qu'en réalité leur véritable degré spirituel auprès de Dieu ne dépasse guère celui d'un singe ! » Il définira ainsi les véritables bases sous-tendant les relations maître-disciple dans le soufisme « Sache qu'un disciple véridique aspirant obtenir le profit se doit d'être absolument convaincu que son Maître spirituel constitue sa voie d'accès vers son Seigneur. Aussi devra-t-il se conformer à ses ordres et éviter ses interdits, convaincu que son Maître ne lui ordonne ou ne lui interdit une chose qu'avec la Permission de Dieu Très-Haut. Tout disciple dont la conviction est ainsi obtiendra indubitablement des avantages dans ce monde-ci et dans l'Autre. Cependant tout maître spirituel qui donne des ordres et fixe des interdits en dehors de la Permission de Dieu Très-Haut et de Son Prophète – la Paix et le Salut soient sur lui – et qui ordonne et interdit selon son bon plaisir, est un guide égaré qui égarera tous ceux qui le suivront. »
Ainsi l’éventualité d’une victoire du « poulain » de Béthio au second tour consacrerait la perpétuation de son rôle de « courtier électoral » (avec des « millions » de voix en vente) et de leader d’opinion incontournable de la scène sociopolitique auquel il a toujours prétendu. Avec même la possibilité de réclamer un jour, du fait de cette puissance accrue, pourquoi pas, le statut de leader suprême des mourides (en se substituant au khalifat traditionnel). Ambition dont tous ses discours, finement analysé, sont profondément empreints, même si, pour le moment, c’est sous des dehors pseudo-mystiques et rhétoriques. Sous cet angle, cheikh Béthio vient de donner aux vrais mourides, par son ndigeul onirique, une raison supplémentaire de sanctionner le régime sortant. Car en votant contre Wade au second tour, nous ne voterons plus simplement pour donner un nouveau élan et un nouveau souffle au peuple sénégalais. Mais nous aurons également l’occasion de sanctionner un usurpateur dont l’ambition cachée est de déstabiliser et de dénaturer le véritable mouridisme.
Désormais, voter contre Wade et son système revient à voter contre Béthio et tous les autres gourous complices qui aspirent tenir les mourides en otage. C’est aussi simple que ça.
Cheikh Ahmadou Mbacké
mbackcheikhahmadou@yahoo.fr
Norvège