Depuis son indépendance, le Sénégal comme la plupart des pays en développement demeure confronté à des contraintes structurelles et à la lancinante problématique du développement économique et social.
Dr Ibra MBAYE
Économiste
Expert en développement du secteur privé
Source : https://www.lejecos.com/Quel-modele-de-rationalisa...
La croissance économique reste faible et l’économie demeure largement dépendante de l’aide publique au développement du fait d’un secteur privé peu performant et peu compétitif. Le faible niveau de la croissance de l'économie sénégalaise résulte des facteurs suivants : (i) la prépondérance du secteur informel, peu productif, dans la création de richesse et d’emplois ; (ii) les chocs exogènes qui soulignent la fragilité́ des fondements productifs de l’économie sénégalaise et (iii) les impacts relativement limités des politiques publiques sur la croissance économique.
L'économie sénégalaise extravertie et peu industrialisée reste dominée par une production de biens à faible valeur ajoutée et repose sur des schémas de spécialisation basés sur des produits peu dynamiques qui n'ont pas permis une insertion réussie dans l'économie mondiale.
Dans toutes ses stratégies de développement économique et social, le Sénégal a toujours fait le choix stratégique de positionner le secteur privé comme le bras séculier de ses politiques de développement pour atteindre les taux de croissance requis.
Le secteur privé sénégalais est composé majoritairement de Petites et Moyennes Entreprises. Ces PME qui représentent 99,8% du tissu économique d’après le Recensement Général des Entreprises (RGE) de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), jouent un rôle important dans l’économie nationale et apparaissent comme un levier essentiel de création de richesse et de lutte contre le sous-emploi. A ce titre, l’État sénégalais considère les PME comme le moteur de la croissance, mais également comme un levier puissant du secteur privé dont l’impact en termes de développement a été démontré dans nombre de pays.
Toutefois, malgré́ leur importance numérique, les PME ne couvrent au Sénégal, d’après l’Enquête Nationale sur les PME (ENPME) de l’ANSD que 42% des emplois, 26,7% du chiffre d'affaires et 22,4% de la valeur ajoutée nationale du fait de la faiblesse de leur performance et de leur manque de compétitivité́. En effet, même avec l’existence d’une loi d’orientation à la promotion et au développement des PME devenue loi sur la modernisation de l’économie et le développement des PME et d’une Lettre de Politique Sectorielle (LPS), le cadre demeure toujours peu incitatif pour leur développement. A cela s’ajoutent les contraintes d’ordres techniques, structurels, managériaux et financiers. Il s’agit, entre autres, de la faible prise en compte de la dimension « qualité́ » dans la démarche des PME, de l’insuffisance de la main-d’œuvre qualifiée et du coût de la main d’œuvre non qualifiée, de l’accès aux financements, de l’accès limité aux marchés et de l’insuffisance dans la coordination des mesures de soutien.
On peut également parler de la faiblesse de l’assistance technique, du poids des charges sociales et autres obligations, de la faiblesse de la diversification de la production et de la répartition géographique des entreprises avec une forte concentration à Dakar. Dans le même ordre d’idées, on peut enfin noter l’absence d’un système d’information et de veille, l’insuffisance de systèmes de recherche et d’innovation, de l’insuffisance de la compétitivité́ et de la productivité́ des PME, l’insuffisance du contrôle qualité́ des produits et la faiblesse des relations inter-entreprises.
En outre, le développement d’un secteur privé fort, notamment au niveau des PME, se trouve confronter aux contraintes suivantes (i) le taux de mortalité́ précoce des entreprises (environ 60% durant la première année de création); (ii) la prédominance du secteur informel et le manque de professionnalisme; (iii) la difficulté́ d’accès à la commande publique; (iv) la faiblesse dans la production de l’information financière; et (v) la difficulté́ d’accès au financement bancaire adapté aux PME.
A ces contraintes, vient s’ajouter une faiblesse dans la coordination des actions des structures d'encadrement et d'accompagnement des PME.
La Stratégie de Développement du Secteur Privé (SDSP), adoptée en 1999 et mise à jour en 2004 puis en 2022, constitue le cadre de référence pour stimuler l’initiative et les investissements privés. Le programme qui y est décliné insistait particulièrement sur la nécessité d’une amélioration de l’efficacité de l’intervention de l’État. Par ailleurs, les concertations nationales sur le crédit ou la Lettre de Politique Sectorielle des PME reprenant l’ensemble des rapports produits insistent toujours sur l’absence de structure formelle de coordination des activités menées par le dispositif d’appui.
Pour rappel, la mise en œuvre de cette stratégie s’est traduite par le renforcement sensible du dispositif institutionnel d’appui au secteur privé à travers trois leviers tels que la promotion de l’investissement, le développement des exportations et l’appui aux PME. On assiste ainsi à la naissance de deux structures d’appui non financier à savoir l’Agence de Développement et d’Encadrement des PME (ADEPME) en 2001 et l’Agence nationale chargée de la Promotion des Investissements et des Exportation (APIX) en 2000 devenue Agence de Promotion des Investissements et des grands travaux avec la création de l’Agence Sénégalaise de Promotion des Exportation (ASEPEX) en 2006.
Par la suite, on a assisté à la floraison de nouvelles structures d’appui dont l’Agence Sénégalaise de Normalisation en 2001, l’Agence pour la Promotion et le Développement de l’Artisanat (APDA) et l’Agence pour la Régulation des Marchés (ARM) en 2002, le Bureau de Mise à Niveau des entreprises (BMN) en 2004, la Bourse Nationale de Sous-Traitance et de Partenariat du Sénégal (BNSTP), l’Agence Nationale de la Maison de l’Outil (ANAMO), ...
De même, afin de pallier aux difficultés de l’accès au financement, le Gouvernement, à la suite des échanges avec le secteur privé et notamment des Conseils Présidentiels de l’Investissement (CPI) et des concertations nationales sur le crédit (2003 et 2010), a complété ce dispositif d’appui financier avec notamment la création de la Banque Nationale pour le Développement Economique (BNDE), du Fonds de Garantie des investissements Prioritaires (FONGIP), du Fonds Souverain d'Investissements Stratégiques (FONSIS) ainsi que de la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER /FJ).
Il demeure malgré tout, comme le Recensement Général des Entreprises (RGE, ANSD) en 2017 l’a révélé, une méconnaissance des structures d’appui de l’Etat par les PME et une faible satisfaction par rapport à leurs interventions. Une situation d’autant plus urgente à régler que le secteur privé est le levier principal par lequel les nouvelles stratégies économiques doivent être mises en œuvre.
Aussi, on assiste ainsi à une multiplicité et une dispersion des structures d’appui au secteur privé. Cette situation entraîne un problème d’efficacité de l’intervention publique avec des conflits de compétence entre structures d’appui et une absence de coordination et de concertation, un déficit lisibilité par les PTF et de maillage sur le territoire national et enfin une redondance des missions et dispersion des ressources et un manque de synergie entre départements, directions et agences.
Depuis la Stratégie de Développement du Secteur Privé élaborée en 1999, la question de la rationalisation du dispositif d’appui aux PME revient avec insistance. Cette question qui, a priori, avait déjà été traitée par cette stratégie reste toujours d’actualité. Déjà en 2011 le Conseil présidentiel sur l’Investissement (CPI) avait commandité une étude sur la rationalisation du dispositif dont les conclusions n’ont pas été opérationnalisées. Avec ces mécanismes de services non financiers renforcés par les innovations introduites en 2012 pour améliorer les conditions d’accès des PME au financement ajoutés aux instruments de promotion de la formation professionnelle et de l’emploi, le fonctionnement du dispositif souffre aujourd’hui de la pluralité des acteurs et de l’absence de synergie.
La présente contribution est faite dans le sens de proposer un cadre de rationalisation du dispositif d’appui aux PME sur la base de trois facteurs. D’abord, un benchmark avec les schémas mis en œuvre dans certains pays de référence, ensuite, le panorama des structures d’appui aux PME et de leurs offres de service et enfin, le profil des PME et de leurs besoins suivant leur stade de vie.
Trois pays de référence sont analysés dans le présent article. Ces pays se sont manifestés par leurs capacités à définir un cadre de rationalisation ayant permis une amélioration de la lisibilité de leurs dispositifs d’appui et une optimisation de leurs interventions au profit des PME. Il s’agit de la Malaisie, du Maroc et de l’Ile Maurice.
En Malaisie, SME Corp a pris le relais de SMIDEC (Small & Medium Industries Development Corporation) et intègre le NSDC (National SME Development Council). Ce Conseil, présidé chaque année par le Premier Ministre, sert d'organe politique suprême pour définir l'orientation stratégique et la formulation des politiques en vue d'un développement plus complet et coordonné des PME en Malaisie.
Il a ainsi été confié à SME Corp les missions de formulation des politiques en faveur des PME et coordination des programmes destinés aux PME, de conseil et soutien aux PME, de gestion des données et informations relatives aux PME, de secrétariat de la NSDC et enfin de centre de référence pour l’information en direction des PME.
Avec ce dispositif, SME Corp occupe une place centrale non seulement en intégrant l’ensemble des missions de formulation et de mise en œuvre des stratégies publiques d’appui aux PME mais également en assurant la coordination de la mise en œuvre des 117 programmes sectoriels en rapport avec la PME portés par les autres ministères du pays. Cela offre en plus de la cohérence nécessaire au fonctionnement du dispositif, une très bonne visibilité sur les actions d’appui que les acteurs publics offrent aux PME grâce à un système d’information intégré utilisé par l’ensemble des programmes.
En Ile Maurice, à la faveur de la stratégie décennale de développement des PME élaborée, le Gouvernement a décidé en 2018 de mettre en place une nouvelle agence dénommée SME Mauritius. Cette nouvelle agence vient remplacer trois structures à savoir l’agence chargée de l’appui aux entrepreneurs et aux PME (SMEDA), l’agence de promotion du commerce et des exportations (Entreprise Mauritius) et la structure chargée de l’appui aux femmes entrepreneures (National Women Entrepreneur Council).
La nouvelle structure joue ainsi le rôle de guichet unique pour l’agrément au statut de PME, l’information et la formation aux PME, l’appui-conseil et la promotion des exportations. La stratégie de l’Etat en matière d’assistance technique aux PME repose ainsi sur un « one stop shop » assuré par SME Mauritius.
Au Maroc, après une décennie d’accompagnement des PME, l’Agence Nationale pour la Promotion de la Petite et Moyenne Entreprise (ANPME) est devenue Maroc PME. Cette transition obéit au besoin pour le Maroc de renforcer la couverture du territoire et des principaux secteurs d’activité pour renforcer la compétitivité des PME grâce notamment à la mise à niveau des PME, le développement d’un écosystème d’entrepreneurs et de startups et la mise en œuvre de la nouvelle stratégie industrielle du pays.
Par ailleurs, Maroc PME joue un rôle de maîtrise d’ouvrage délégué pour l’exécution des programmes des partenaires techniques et financiers et des Ministères sectoriels en faveur des PME.
Au Sénégal, l’appui au secteur privé est réalisé par un ensemble de structures à savoir entre autres :
L’Agence nationale chargée de la Promotion, de l’Investissement et des grands travaux (APIX) est une agence gouvernementale sénégalaise chargée de promouvoir les investissements nationaux et étrangers et de faciliter la mise en couvre de grands projets d'infrastructures dans le pays.
L’Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises (ADEPME) est le point focal du dispositif d’appui technique aux PME et a pour mission de contribuer à la densification du tissu d’entreprises, au renforcement de la compétitivité des PME et de surveiller les PME bénéficiaires de crédits de la part des entités de l’État.
Le Bureau de Mise à Niveau (BMN) est chargé de mettre en œuvre le programme de mise à niveau des entreprises et a été créé au sein de l’ADEPME et a par la suite bénéficié d’une autonomie de gestion et cible prioritaire les PME dans ses interventions.
L’Agence Sénégalaise de Promotion des Exportations (ASEPEX) a pour mission principale de favoriser le développement continu de même qu’une diversification accrue des exportations sénégalaises.
La Bourse Nationale de Sous-Traitance et de Partenariat (BNSTP) est chargée de la promotion de la sous-traitance.
La Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER :FJ) a pour mission d'impulsion et de promouvoir l’entreprenariat des femmes et des jeunes.
Le Fonds de Garantie des investissements Prioritaires (FONGIP)a été mis sur pied pour agir en complémentarité avec les autres entités publiques de l’écosystème financier afin de mobiliser les ressources financières publiques et privées destinées aux MPME en apportant un meilleur confort aux institutions financières.
Le Fonds Souverain d'Investissements Stratégiques (FONSIS) a pour mission de contribuer à un développement inclusif et durable, en étant le catalyseur des écosystèmes de l’investissement en capital et d’épargne.
L’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (ANPEJ) a pour mission de mettre en œuvre la politique du Gouvernement en matière de promotion de l’emploi des jeunes et est née d’une fusion entre l’ANEJ (Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes) et le FNPJ (Fonds National pour la Promotion de la Jeunesse).
Fonds de Financement de la Formation Professionnelle et Technique (3FPT) a pour mission de financer la formation du personnel des entreprises, des organisations professionnelles, des jeunes en quête de qualification professionnelle et des établissements de formation professionnelle et technique.
Compte tenu des constats qui précèdent, du benchmark et en tenant compte des besoins réels d’appui en fonction du niveau de maturité des entreprises et enfin pour une meilleure efficacité et une optimisation de l’intervention publique en faveur du secteur privé, le dispositif pourrait être rationalisé par un recentrage des structures d’appui à travers quatre pôles :
L'économie sénégalaise extravertie et peu industrialisée reste dominée par une production de biens à faible valeur ajoutée et repose sur des schémas de spécialisation basés sur des produits peu dynamiques qui n'ont pas permis une insertion réussie dans l'économie mondiale.
Dans toutes ses stratégies de développement économique et social, le Sénégal a toujours fait le choix stratégique de positionner le secteur privé comme le bras séculier de ses politiques de développement pour atteindre les taux de croissance requis.
Le secteur privé sénégalais est composé majoritairement de Petites et Moyennes Entreprises. Ces PME qui représentent 99,8% du tissu économique d’après le Recensement Général des Entreprises (RGE) de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), jouent un rôle important dans l’économie nationale et apparaissent comme un levier essentiel de création de richesse et de lutte contre le sous-emploi. A ce titre, l’État sénégalais considère les PME comme le moteur de la croissance, mais également comme un levier puissant du secteur privé dont l’impact en termes de développement a été démontré dans nombre de pays.
Toutefois, malgré́ leur importance numérique, les PME ne couvrent au Sénégal, d’après l’Enquête Nationale sur les PME (ENPME) de l’ANSD que 42% des emplois, 26,7% du chiffre d'affaires et 22,4% de la valeur ajoutée nationale du fait de la faiblesse de leur performance et de leur manque de compétitivité́. En effet, même avec l’existence d’une loi d’orientation à la promotion et au développement des PME devenue loi sur la modernisation de l’économie et le développement des PME et d’une Lettre de Politique Sectorielle (LPS), le cadre demeure toujours peu incitatif pour leur développement. A cela s’ajoutent les contraintes d’ordres techniques, structurels, managériaux et financiers. Il s’agit, entre autres, de la faible prise en compte de la dimension « qualité́ » dans la démarche des PME, de l’insuffisance de la main-d’œuvre qualifiée et du coût de la main d’œuvre non qualifiée, de l’accès aux financements, de l’accès limité aux marchés et de l’insuffisance dans la coordination des mesures de soutien.
On peut également parler de la faiblesse de l’assistance technique, du poids des charges sociales et autres obligations, de la faiblesse de la diversification de la production et de la répartition géographique des entreprises avec une forte concentration à Dakar. Dans le même ordre d’idées, on peut enfin noter l’absence d’un système d’information et de veille, l’insuffisance de systèmes de recherche et d’innovation, de l’insuffisance de la compétitivité́ et de la productivité́ des PME, l’insuffisance du contrôle qualité́ des produits et la faiblesse des relations inter-entreprises.
En outre, le développement d’un secteur privé fort, notamment au niveau des PME, se trouve confronter aux contraintes suivantes (i) le taux de mortalité́ précoce des entreprises (environ 60% durant la première année de création); (ii) la prédominance du secteur informel et le manque de professionnalisme; (iii) la difficulté́ d’accès à la commande publique; (iv) la faiblesse dans la production de l’information financière; et (v) la difficulté́ d’accès au financement bancaire adapté aux PME.
A ces contraintes, vient s’ajouter une faiblesse dans la coordination des actions des structures d'encadrement et d'accompagnement des PME.
La Stratégie de Développement du Secteur Privé (SDSP), adoptée en 1999 et mise à jour en 2004 puis en 2022, constitue le cadre de référence pour stimuler l’initiative et les investissements privés. Le programme qui y est décliné insistait particulièrement sur la nécessité d’une amélioration de l’efficacité de l’intervention de l’État. Par ailleurs, les concertations nationales sur le crédit ou la Lettre de Politique Sectorielle des PME reprenant l’ensemble des rapports produits insistent toujours sur l’absence de structure formelle de coordination des activités menées par le dispositif d’appui.
Pour rappel, la mise en œuvre de cette stratégie s’est traduite par le renforcement sensible du dispositif institutionnel d’appui au secteur privé à travers trois leviers tels que la promotion de l’investissement, le développement des exportations et l’appui aux PME. On assiste ainsi à la naissance de deux structures d’appui non financier à savoir l’Agence de Développement et d’Encadrement des PME (ADEPME) en 2001 et l’Agence nationale chargée de la Promotion des Investissements et des Exportation (APIX) en 2000 devenue Agence de Promotion des Investissements et des grands travaux avec la création de l’Agence Sénégalaise de Promotion des Exportation (ASEPEX) en 2006.
Par la suite, on a assisté à la floraison de nouvelles structures d’appui dont l’Agence Sénégalaise de Normalisation en 2001, l’Agence pour la Promotion et le Développement de l’Artisanat (APDA) et l’Agence pour la Régulation des Marchés (ARM) en 2002, le Bureau de Mise à Niveau des entreprises (BMN) en 2004, la Bourse Nationale de Sous-Traitance et de Partenariat du Sénégal (BNSTP), l’Agence Nationale de la Maison de l’Outil (ANAMO), ...
De même, afin de pallier aux difficultés de l’accès au financement, le Gouvernement, à la suite des échanges avec le secteur privé et notamment des Conseils Présidentiels de l’Investissement (CPI) et des concertations nationales sur le crédit (2003 et 2010), a complété ce dispositif d’appui financier avec notamment la création de la Banque Nationale pour le Développement Economique (BNDE), du Fonds de Garantie des investissements Prioritaires (FONGIP), du Fonds Souverain d'Investissements Stratégiques (FONSIS) ainsi que de la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER /FJ).
Il demeure malgré tout, comme le Recensement Général des Entreprises (RGE, ANSD) en 2017 l’a révélé, une méconnaissance des structures d’appui de l’Etat par les PME et une faible satisfaction par rapport à leurs interventions. Une situation d’autant plus urgente à régler que le secteur privé est le levier principal par lequel les nouvelles stratégies économiques doivent être mises en œuvre.
Aussi, on assiste ainsi à une multiplicité et une dispersion des structures d’appui au secteur privé. Cette situation entraîne un problème d’efficacité de l’intervention publique avec des conflits de compétence entre structures d’appui et une absence de coordination et de concertation, un déficit lisibilité par les PTF et de maillage sur le territoire national et enfin une redondance des missions et dispersion des ressources et un manque de synergie entre départements, directions et agences.
Depuis la Stratégie de Développement du Secteur Privé élaborée en 1999, la question de la rationalisation du dispositif d’appui aux PME revient avec insistance. Cette question qui, a priori, avait déjà été traitée par cette stratégie reste toujours d’actualité. Déjà en 2011 le Conseil présidentiel sur l’Investissement (CPI) avait commandité une étude sur la rationalisation du dispositif dont les conclusions n’ont pas été opérationnalisées. Avec ces mécanismes de services non financiers renforcés par les innovations introduites en 2012 pour améliorer les conditions d’accès des PME au financement ajoutés aux instruments de promotion de la formation professionnelle et de l’emploi, le fonctionnement du dispositif souffre aujourd’hui de la pluralité des acteurs et de l’absence de synergie.
La présente contribution est faite dans le sens de proposer un cadre de rationalisation du dispositif d’appui aux PME sur la base de trois facteurs. D’abord, un benchmark avec les schémas mis en œuvre dans certains pays de référence, ensuite, le panorama des structures d’appui aux PME et de leurs offres de service et enfin, le profil des PME et de leurs besoins suivant leur stade de vie.
Trois pays de référence sont analysés dans le présent article. Ces pays se sont manifestés par leurs capacités à définir un cadre de rationalisation ayant permis une amélioration de la lisibilité de leurs dispositifs d’appui et une optimisation de leurs interventions au profit des PME. Il s’agit de la Malaisie, du Maroc et de l’Ile Maurice.
En Malaisie, SME Corp a pris le relais de SMIDEC (Small & Medium Industries Development Corporation) et intègre le NSDC (National SME Development Council). Ce Conseil, présidé chaque année par le Premier Ministre, sert d'organe politique suprême pour définir l'orientation stratégique et la formulation des politiques en vue d'un développement plus complet et coordonné des PME en Malaisie.
Il a ainsi été confié à SME Corp les missions de formulation des politiques en faveur des PME et coordination des programmes destinés aux PME, de conseil et soutien aux PME, de gestion des données et informations relatives aux PME, de secrétariat de la NSDC et enfin de centre de référence pour l’information en direction des PME.
Avec ce dispositif, SME Corp occupe une place centrale non seulement en intégrant l’ensemble des missions de formulation et de mise en œuvre des stratégies publiques d’appui aux PME mais également en assurant la coordination de la mise en œuvre des 117 programmes sectoriels en rapport avec la PME portés par les autres ministères du pays. Cela offre en plus de la cohérence nécessaire au fonctionnement du dispositif, une très bonne visibilité sur les actions d’appui que les acteurs publics offrent aux PME grâce à un système d’information intégré utilisé par l’ensemble des programmes.
En Ile Maurice, à la faveur de la stratégie décennale de développement des PME élaborée, le Gouvernement a décidé en 2018 de mettre en place une nouvelle agence dénommée SME Mauritius. Cette nouvelle agence vient remplacer trois structures à savoir l’agence chargée de l’appui aux entrepreneurs et aux PME (SMEDA), l’agence de promotion du commerce et des exportations (Entreprise Mauritius) et la structure chargée de l’appui aux femmes entrepreneures (National Women Entrepreneur Council).
La nouvelle structure joue ainsi le rôle de guichet unique pour l’agrément au statut de PME, l’information et la formation aux PME, l’appui-conseil et la promotion des exportations. La stratégie de l’Etat en matière d’assistance technique aux PME repose ainsi sur un « one stop shop » assuré par SME Mauritius.
Au Maroc, après une décennie d’accompagnement des PME, l’Agence Nationale pour la Promotion de la Petite et Moyenne Entreprise (ANPME) est devenue Maroc PME. Cette transition obéit au besoin pour le Maroc de renforcer la couverture du territoire et des principaux secteurs d’activité pour renforcer la compétitivité des PME grâce notamment à la mise à niveau des PME, le développement d’un écosystème d’entrepreneurs et de startups et la mise en œuvre de la nouvelle stratégie industrielle du pays.
Par ailleurs, Maroc PME joue un rôle de maîtrise d’ouvrage délégué pour l’exécution des programmes des partenaires techniques et financiers et des Ministères sectoriels en faveur des PME.
Au Sénégal, l’appui au secteur privé est réalisé par un ensemble de structures à savoir entre autres :
L’Agence nationale chargée de la Promotion, de l’Investissement et des grands travaux (APIX) est une agence gouvernementale sénégalaise chargée de promouvoir les investissements nationaux et étrangers et de faciliter la mise en couvre de grands projets d'infrastructures dans le pays.
L’Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises (ADEPME) est le point focal du dispositif d’appui technique aux PME et a pour mission de contribuer à la densification du tissu d’entreprises, au renforcement de la compétitivité des PME et de surveiller les PME bénéficiaires de crédits de la part des entités de l’État.
Le Bureau de Mise à Niveau (BMN) est chargé de mettre en œuvre le programme de mise à niveau des entreprises et a été créé au sein de l’ADEPME et a par la suite bénéficié d’une autonomie de gestion et cible prioritaire les PME dans ses interventions.
L’Agence Sénégalaise de Promotion des Exportations (ASEPEX) a pour mission principale de favoriser le développement continu de même qu’une diversification accrue des exportations sénégalaises.
La Bourse Nationale de Sous-Traitance et de Partenariat (BNSTP) est chargée de la promotion de la sous-traitance.
La Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER :FJ) a pour mission d'impulsion et de promouvoir l’entreprenariat des femmes et des jeunes.
Le Fonds de Garantie des investissements Prioritaires (FONGIP)a été mis sur pied pour agir en complémentarité avec les autres entités publiques de l’écosystème financier afin de mobiliser les ressources financières publiques et privées destinées aux MPME en apportant un meilleur confort aux institutions financières.
Le Fonds Souverain d'Investissements Stratégiques (FONSIS) a pour mission de contribuer à un développement inclusif et durable, en étant le catalyseur des écosystèmes de l’investissement en capital et d’épargne.
L’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (ANPEJ) a pour mission de mettre en œuvre la politique du Gouvernement en matière de promotion de l’emploi des jeunes et est née d’une fusion entre l’ANEJ (Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes) et le FNPJ (Fonds National pour la Promotion de la Jeunesse).
Fonds de Financement de la Formation Professionnelle et Technique (3FPT) a pour mission de financer la formation du personnel des entreprises, des organisations professionnelles, des jeunes en quête de qualification professionnelle et des établissements de formation professionnelle et technique.
Compte tenu des constats qui précèdent, du benchmark et en tenant compte des besoins réels d’appui en fonction du niveau de maturité des entreprises et enfin pour une meilleure efficacité et une optimisation de l’intervention publique en faveur du secteur privé, le dispositif pourrait être rationalisé par un recentrage des structures d’appui à travers quatre pôles :
- La promotion de l’investissement et des exportations au tour de l’APIX qui assurera en plus des missions de promotion des investissements et des grands travaux, celles de développement des exportations des entreprises championnes à l’instar du modèle marocain avec l’Agence Marocaine de Développement des Investissement et des Exportations (AMDIE).
- L’accompagnement et le développement des PME avec une grande Agence nationale de la PME qui regroupe l’ensemble des structures d’appui technique et sectoriel autour de l’ADEPME à l’instar des dispositifs des pays de référence eu égard à son positionnement stratégique d’agence d’exécution et de maitrise d’ouvrage délégué, à la confiance renouvelée des partenaires techniques et financiers et des résultats probants et impacts notamment en termes de performance des PME et de création d’emplois.
- Le financement et la garantie avec le regroupement de toutes les structures et fonds de financement et de garantie dont le FONGIP et le FONSIS pour assurer la synergie d’actions afin de garantir l’efficacité et l’efficience de l’intervention.
- La promotion de l’entreprenariat, de la formation et de l’emploi qui regrouperait la DER/FJ, le 3FPT l’ANPEJ pour une bonne mutualisation holistique de l’orientation, l’accompagnement et le financement de l’entreprenariat, de la formation et de l’emploi.
Enfin, pour une bonne opérationnalisation systémique et performante du schéma de rationalisation, un certain nombre de mesures d’accompagnement est nécessaire. Il s’agit de :
- la mise en place d’un observatoire unique de la PME sénégalaise avec un système performant d’intelligence économique pour assurer la veille et faciliter l’aide à la décision et renforcer la compétitivité des entreprises sénégalaises ;
- la création d’un guichet unique et d’une plateforme électronique avec un système de scoring systématique permettant aux PME d’accéder de façon facilitée aux services financiers et non financiers du dispositif ;
- la systématisation des contrats de performance pour suivre le niveau d’atteinte des résultats escomptés et assurer la redevabilité et la culture de résultats dans un contexte de gestion axée sur les résultats ;
- la poursuite de l’amélioration de l’environnement des affaires de la PME en identifiant de nouvelles réformes pertinentes notamment dans l’accès aux services financiers et non financiers, la fiscalité, l’énergie, le foncier et les procédures administratives et assurer leur mise en œuvre pour renforcer la performance, la compétitivité et la croissance de nos entreprises ;
- la mise en place d’un cadre harmonisé de coordination et de suivi-évaluation du dispositif assurant la mesure systématique de la performance et de l’impact de la politique de l’État en matière de promotion des PME.
Économiste
Expert en développement du secteur privé
Source : https://www.lejecos.com/Quel-modele-de-rationalisa...