Dans son édition en ligne, http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20141106151051/, l'hebdomadaire panafricain édité à Paris, en essayant de réparer ce qu'elle présente comme étant une erreur de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) pose, sans en avoir l'air, la problématique de fond de la " francophonie" africaine. Jeune Afrique (JA) écrit textuellement ceci : "Mis à jour le 7/11 à 12h53 : suite à erreur de l'OIF, les chiffres concernant le Sénégal étaient erronés."
De quoi s'agit-il?
Quelques heures plus tôt, un graphique publié par JA, donnant le chiffre de 11% de sénégalais qui parlent le français était repris par plusieurs sites internet notamment au Gabon d'où l'on est fier, statistiquement parlant, de se retrouver à la première place du nombre de locuteurs en Français: http://www.gabonews.com/fr/actus/art-et-culture/article/france-c-est-au-gabon-que-le-francais-est-le-plus
Que s'est-il passé pour qu'en quelques heures le Sénégal saute de 11% à 29%? Quel est le bon chiffre? Il est tout de même inadmissible que l'OIF se soit trompée à ce point!
À ceux qui se demandent, en quoi la question de la réalité "francophone" de notre pays est importante, il faut tout de même préciser qu'au vu de ces chiffres une langue étrangère, de surcroît sérieusement minoritaire, est consacrée officielle par notre Constitution! En conséquence, et du point de vue de la Démocratie (définie comme un régime politique, un système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, c’est-à dire par l'ensemble des citoyens) il va falloir interroger le modèle: l'Etat hérité de la colonisation, fonctionnant avec une langue parlée par moins du 1/3 de la population est-il conforme à cette définition? Si non, l'Etat postcolonial est-il apte au développement de notre pays? Est-il configuré pour apporter le savoir et le bien-être à la majorité de nos populations? Le cas échéant, il va falloir se demander, très franchement, si la francophonie institutionnelle n'est pas, juste une manière de maintenir dans les liens de la servitude des pays devenus pourtant indépendants?
Ce sont des questions de fond que nous ne pouvons plus esquiver! On ne peut en effet comprendre que, du point de vue de la diffusion de la langue française et depuis la première école francophone ouverte par Jean Dard il y'a deux siècles, notre système éducatif francophone n'aie atteint que ces pauvres résultats... À quoi nous auront servi le militantisme francophile de Senghor et la mise à disposition de notre ancien Président, Abdou Diouf, au service de la francophonie et de son rayonnement ? Quelle est, sous ce rapport, la valeur ajoutée pour le Peuple du Sénégal ?
Par ailleurs, la marginalisation de nos langues maternelles est, sur le principe, en porte à faux avec tous les vœux pieux d'indépendance et de défense de nos cultures nationales. (Mais où est donc la gauche de notre jeunesse?) Plus grave: Si nous négligeons le développement et la diffusion de nos idiomes, dans une génération que restera-t-il de l'âme africaine, sa cosmogonie, ses savoirs traditionnels tous supportés, conservés et transportés par nos langues?
À moins de considérer que nous irons au "banquet du donner et du recevoir", si cher au Président Senghor, les bras ballants, il y'a une certaine urgence à se demander : que sommes-nous devenus? Et, par-dessus tout, ou voulons-nous aller?
Amadou Tidiane WONE
Ancien Ministre de la Culture
woneamadoutidiane@gmail.com
De quoi s'agit-il?
Quelques heures plus tôt, un graphique publié par JA, donnant le chiffre de 11% de sénégalais qui parlent le français était repris par plusieurs sites internet notamment au Gabon d'où l'on est fier, statistiquement parlant, de se retrouver à la première place du nombre de locuteurs en Français: http://www.gabonews.com/fr/actus/art-et-culture/article/france-c-est-au-gabon-que-le-francais-est-le-plus
Que s'est-il passé pour qu'en quelques heures le Sénégal saute de 11% à 29%? Quel est le bon chiffre? Il est tout de même inadmissible que l'OIF se soit trompée à ce point!
À ceux qui se demandent, en quoi la question de la réalité "francophone" de notre pays est importante, il faut tout de même préciser qu'au vu de ces chiffres une langue étrangère, de surcroît sérieusement minoritaire, est consacrée officielle par notre Constitution! En conséquence, et du point de vue de la Démocratie (définie comme un régime politique, un système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, c’est-à dire par l'ensemble des citoyens) il va falloir interroger le modèle: l'Etat hérité de la colonisation, fonctionnant avec une langue parlée par moins du 1/3 de la population est-il conforme à cette définition? Si non, l'Etat postcolonial est-il apte au développement de notre pays? Est-il configuré pour apporter le savoir et le bien-être à la majorité de nos populations? Le cas échéant, il va falloir se demander, très franchement, si la francophonie institutionnelle n'est pas, juste une manière de maintenir dans les liens de la servitude des pays devenus pourtant indépendants?
Ce sont des questions de fond que nous ne pouvons plus esquiver! On ne peut en effet comprendre que, du point de vue de la diffusion de la langue française et depuis la première école francophone ouverte par Jean Dard il y'a deux siècles, notre système éducatif francophone n'aie atteint que ces pauvres résultats... À quoi nous auront servi le militantisme francophile de Senghor et la mise à disposition de notre ancien Président, Abdou Diouf, au service de la francophonie et de son rayonnement ? Quelle est, sous ce rapport, la valeur ajoutée pour le Peuple du Sénégal ?
Par ailleurs, la marginalisation de nos langues maternelles est, sur le principe, en porte à faux avec tous les vœux pieux d'indépendance et de défense de nos cultures nationales. (Mais où est donc la gauche de notre jeunesse?) Plus grave: Si nous négligeons le développement et la diffusion de nos idiomes, dans une génération que restera-t-il de l'âme africaine, sa cosmogonie, ses savoirs traditionnels tous supportés, conservés et transportés par nos langues?
À moins de considérer que nous irons au "banquet du donner et du recevoir", si cher au Président Senghor, les bras ballants, il y'a une certaine urgence à se demander : que sommes-nous devenus? Et, par-dessus tout, ou voulons-nous aller?
Amadou Tidiane WONE
Ancien Ministre de la Culture
woneamadoutidiane@gmail.com