L’affaire Segura n’a pas encore fini de dévoiler tous ses secrets. En effet, le scandale qui a valu au Sénégal, d’être pointé du doigt partout dans le monde, vient de révéler des incohérences véhiculées dans le communiqué rendu public par le Fonds. Pour cause, à la suite du scandale, le Fmi a révélé que le chef de l’Etat lui a bel et bien offert un dîner et qu’« à la suite du dîner et en route vers l’aéroport, M. Segura a fait un bref arrêt à la résidence officielle du Représentant-résident pour prendre ses bagages. C’est seulement à la résidence qu’il a découvert que le cadeau consistait en une forte somme d’argent ». Toujours dans ce communiqué, il est indiqué que « pendant qu’il était à la résidence, M. Segura a informé la nouvelle Représentante-résidente qu’il avait reçu une somme d’argent. Ils se sont accordés sur la nécessité d’en informer le Bureau d’éthique du Fmi. Etant donné que la somme paraissait importante, ils ont décidé que pour des raisons de sécurité, l’argent ne devait pas rester dans la résidence ». Avec le recul, il apparaît que tout ce schéma a été concocté par le Fmi pour sauvegarder l’image de l’institution et faire bloc autour de son ancien représentant à Dakar. Tentative de corruption ou pas, « le cadeau substantiel » a bien été donné par le Président Wade. Ce qui a placé le Sénégal sur le plan mondial dans une position inconfortable. La nouveauté se trouve dans le fait que la nouvelle représentante du Fmi au Sénégal était loin d’être informée de cette affaire comme veut le faire croire le communiqué. Quand l’affaire a commencé à bruire dans la presse, certains fonctionnaires appartenant à d’autres organismes internationaux se sont approchés de la nouvelle représentante du Fonds, qui leur a juré n’être informée de rien et qui, elle-même, cherchait de plus amples informations. C’est ainsi, d’ailleurs, que certains de ses collègues de Washington, qui l’ont appelée pour savoir ce qui se passait réellement, n’ont pu obtenir grand-chose. Par la suite, si on se réfère toujours au communiqué du Fonds, « par peur de rater son vol et craignant qu’il n’y ait pas d’endroit sûr où laisser l’argent au Sénégal, M. Segura décida de monter à bord de l’avion avec l’argent ». Ceci a également été monté de toutes pièces car des sources avancent qu’avant de partir, Segura a même contacté certaines connaissances sénégalaises et ces dernières lui ont déconseillé de partir avec l’argent, de peur que tout cela ne vienne un jour se retourner contre lui et entacher sa carrière. Mais Alex Segura est passé outre, et a embarqué avec la mallette. D’ailleurs ce jour-là, l’ancien représentant du Fonds monétaire international a même voyagé avec un ancien ministre d’Etat. En revanche, ce qui reste constant dans les déclarations du Fmi, c’est qu’à son arrivée à Paris, Alex Segura n’a pas été arrêté par les autorités françaises. Mais à cette étape, la peur, ou le doute d’avoir été découvert par les autorités aéroportuaires, ou tout simplement une stratégie bien huilée par le fonctionnaire international a fait qu’une fois arrivé à Barcelone, il avertit le siège à Washington du « cadeau substantiel » de Wade. Aussi dans les déclarations du Fonds, il est mentionné qu’« à son arrivée à sa destination à Barcelone, le 26 septembre, M. Segura a compté l’argent, et a déterminé que le montant était de 100 000 euros et de 50 000 dollars américains ». Cela reste encore à prouver, parce que Alex Segura, avant de quitter Dakar, savait exactement quel montant contenait la mallette, c’est lui-même qui a compté l’argent, assurent nos sources. D’ailleurs, ces mêmes interlocuteurs soutiennent que l’ancien représentant de l’institution de Breton Woods « a reçu plus que la somme déclarée ». Interpellée hier par téléphone sur ces nouveaux développements, Valéria Fichera a répondu : « En tant que représentante du Fonds monétaire international, je m’en tiens uniquement à ce que l’Institution a dit dans son communiqué, je ne peux rien ajouter de plus. » Ce qui veut tout dire. De leur côté, de nombreux observateurs sont convaincus que cette affaire ne manquera pas d’avoir des répercussions dans la gouvernance interne et externe du Fonds. La haute hiérarchie de cette institution s’est trop engagée, et a menti sciemment, pour couvrir un fonctionnaire pris en défaut. Segura a commis une série d’infractions au code d’éthique du Fonds en acceptant, et en emportant avec lui le « cadeau » hors du Sénégal. Et l’on a tenu à le couvrir. Si l’on ajoute que Dominique Strauss-Kahn lui-même a été quelque peu affaibli par son aventure avec l’un de ses agents, on doit considérer que cette histoire tombe mal, et va finir par achever la crédibilité de l’institution. On peut se convaincre que, de l’intérieur de la maison, des voix s’élèveront pour démasquer la manœuvre, et en ce moment, les masques tomberont. Strauss-Kahn sera bien heureux si ce moment le trouve loin du 1900 Pennsylvania Avenue, au siège du Fonds, à Washington DC.
lequotidien.sn
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