L’invité aurait bien tenté d’ouvrir immédiatement la mallette, mais un cadenas à code l’en aurait empêché. Sur la route de l’aéroport, nouvelle tentative, mais couronnée de succès cette fois, en composant quatre zéros. Surprise : la petite valise était remplie d’"un cadeau monétaire" d’une "valeur substantielle", selon le FMI. Car le fonctionnaire international, arrivé à sa destination finale, Barcelone, "s’est mis en contact avec le bureau d’éthique du FMI" et "le cadeau monétaire a été rendu aux autorités sénégalaises", indique l’organisme financier.
Si la réalité du cadeau - un "excédent de bagages", ironise-t-on à Dakar - n’est niée par personne, le scénario de sa remise, impliquant un officiel et rapporté au Monde par une source digne de foi, est démenti par le gouvernement sénégalais, qui assure n’être "impliqué ni de près ni de loin dans cette affaire".
Le dossier s’est encore corsé lorsque la presse sénégalaise a annoncé que M. Segura avait été interpellé par la police française lors de son transit à Paris. Ce que l’ambassadeur de France à Dakar, Jean-Christophe Rufin, a "catégoriquement démenti", le 12 octobre.
Qui en veut à Alex Segura ? Les réponses renvoient à la rare liberté de ton dont il a usé pendant son séjour au Sénégal. S’exprimant régulièrement dans les médias, le fonctionnaire international y dénonçait les errements dans la gestion budgétaire du pays et le risque de voir le pays basculer. Visé par des menaces et par un mystérieux cambriolage, M. Segura avait même été "retiré" du Sénégal en août 2008 pour sa sécurité.
L’autre piste conduit à la guerre de succession sans merci qui fait rage autour du président Wade, âgé de 83 ans, et dont son fils Karim, homme d’affaires entré en politique, est l’un des acteurs centraux. A travers Alex Segura aurait été visé le protégé de ce dernier, le ministre des finances Abdoulaye Diop, rival du fils du chef de l’Etat.
Complexe, l’affaire embarrasse le FMI, qui a reporté une mission au Sénégal qui devait débuter mercredi 14 octobre. Elle ternit aussi la réputation d’un pays pauvre connu non seulement pour sa dépendance à l’égard de l’aide internationale, mais aussi pour sa terenga ("accueil de l’étranger", en langue wolof). "Ce que je retiendrai du Sénégal (...), ce ne sont pas les difficultés de trésorerie, c’est plutôt l’amitié des Sénégalais", avait déclaré M. Segura lors de son toast d’adieu. Juste avant de découvrir tout le prix de cette amitié.
source : lemonde.fr / Xalimasn.com